PAUL RABAUT
Apôtre du Désert
.
PIÈCES JUSTIFICATIVES
FRAGMENT
(1) DU
DISCOURS AU SYNODE
du 4 au 10 Mai 1756
(Date établie par Alb. MONOD,
Thèse, p. 59-65)
« ... À peine une main
parricide eut tranché les jours de ce
héros (2),
qu'on prit des mesures pour saper l'Edith de Nantes
et détruire nos libertés. Sous le
règne de Louis XIII, le fameux cardinal de
Richelieu fit servir à ce funeste dessein sa
profonde politique. On y travailla avec plus
d'ardeur sous le règne de Louis XIV ;
environ trente ans furent employés à
miner peu à peu ce grand édifice,
tantôt en nous enlevant un privilège
et tantôt un autre. Ce n'était que
ruses, que chicanes, que vexations. Mais ce
n'était pas assez pour satisfaire le
zèle barbare du destructeur du clergé
et des Jésuites.
Au mépris de la religion du
serment, sans égard aux services que nos
pères avaient rendus, même tout
récemment à nos rois, comptant pour
peu les désolations de l'État qu'on
allait mettre à deux doigts de sa ruine,
l'Édit de Nantes est
révoqué ; et, dès lors,
le Royaume devient une vaste prison, ou
plutôt une grande boucherie où nos
pères sont impitoyablement
égorgés.
« Je ne trouve pas de termes
assez énergiques pour exprimer toutes les
horreurs de cette persécution. la plus
cruelle dont on ait jamais entendu parler.
L'imagination se bouleverse et on ne pourrait
longtemps supporter l'idée des scènes
tragiques dont la France fut le
théâtre, et les réformés
les victimes. Représentez-vous une
armée de dragons,
dignesmissionnaires du nouvel
Évangile de Rome qui, comme des essaims de
sauterelles, se répandent dans toutes les
provinces, consument les biens, tourmentent les
corps et les âmes de nos infortunés
pères, portent partout la terreur et la
désolation.
La mort ou la messe, s'écrient
ces barbares.
Ce sont là leurs arguments et
leurs démonstrations. Quiconque respecte
assez sa conscience, pour ne pas vouloir en trahir
les lumières, éprouve aussitôt
leur brutalité et leur fureur de plus d'une
manière.
Les uns sont assommés de coups et
laissés presque morts sur le carreau. Les
autres sont traînés dans des cachots
noirs et infects, où la puanteur et
l'humidité les réduit aux
dernières extrémités.
Les uns sont pendus à la
cheminée sous laquelle on fait brûler
du foin mouillé afin que la fumée les
étouffe et on les descend avant qu'ils aient
perdu la respiration pour leur faire
éprouver de nouveaux tourments. On fait
avaler aux autres plusieurs bouteilles d'eau
jusqu'à ce qu'ils n'en peuvent plus.
Aux uns, on enfonce des épingles
dans les parties les plus délicates et les
plus sensibles du corps ; aux autres on fait
tenir des charbons brûlants sur la main
pendant un espace de temps considérable.
Ici, les femmes et les filles sont
violées et les enfants sont arrachés
d'entre les bras de ceux qui leur ont donné
le jour. Ailleurs, les maris sont
séparés de leurs femmes.
Partout, on pille les biens ; on
tourmente les personnes ; les prisons sont
pleines ; les galères regorgent de nos
confesseurs ; les déserts même
retentissent des cris, que poussent vers le ciel
ceux qui y cherchent des asiles. Ce ne sont
là que quelques traits de l'affreux tableau
des malheurs dont nos pères furent
accablés, lors de la révocation de
l'Édit de Nantes : pour les
rapporter tous, il faudrait
copier de gros volumes ».
Après le tableau des maux
passés, Paul Rabaut fait celui des
misères présentes. Il en
déduit le devoir d'union et la
nécessité d'avoir un appui à
la Cour. « La Providence, ajoute-t-il,
nous a suscité un grand homme pour
être l'avocat de notre cause ». Il
s'agit du prince de Conti. Les négociations
avec lui ne réussirent pas.
.
CONCLUSION D'UN SERMON INÉDIT
Du 7 MAI 1766
prononcé le 8 pour la
consécration
de MM. BRUGUIER et FROMENTAL
Et tu feras une lame de pur or, sur laquelle tu
graveras ces mots de gravure de cachets : La
Sainteté de l'Éternel, etc...
Exode XXVIII, 36, 37, 38.
« Cette récompense vous
est offerte, chrétiens mes très chers
frères ; Jésus-Christ est votre
Sauveur comme le nôtre ; si vous nous
surpassez en piété et en vertu, vous
nous surpasserez en gloire et en
félicité. Le point capital pour vous
et pour nous est donc de vivre dans la
sainteté. Sans cela, non seulement nous
n'avons rien à espérer, mais nous
avons tous à craindre, Croyons en notre
commun maître, qui sera aussi notre juge.
« Ceux-là qui me disent :
Seigneur, Seigneur ! n'entreront pas tous au
royaume du ciel, mais ceux-là seulement qui
font la volonté de mon père qui est
au ciel. » Saint Paul n'est pas moins
formel : Sans la Sanctification, dit-il,
personne ne verra le Seigneur.
Voilà donc la voie royale
où nous devons tous marcher. Mais nous,
ministres du Seigneur, nous devons
y marcher d'un pas plus ferme et
plus rapide. Plus notre emploi est auguste et
respectable, plus il nous approche du plus grand et
du plus saint des maîtres, et plus nous
devons lui ressembler par la noblesse de nos
sentiments et par la pureté de notre vie.
Chargés de contribuer de tout notre pouvoir
au salut des âmes, nous ne saurions le faire
plus efficacement qu'en leur donnant l'exemple de
toutes les vertus. Assaillis par une foule de
tentations, nous devons veiller sans cesse pour les
prévenir ou pour leur résister et,
dans le sentiment de notre faiblesse, recourir
à notre bon maître qui s'est
chargé de nous secourir et de nous
protéger. Que sont les peines, que sont les
périls, lorsqu'on espère des
couronnes immarcescibles de gloire ?
Je vous adresse la même
exhortation, à vous, mes chers
frères, qui allez devenir nos compagnons
d'oeuvre dans le ministère
évangélique. Je vous conjure devant
Dieu et devant notre Seigneur Jésus-Christ
qui doit juger les vivants et les morts quand il
reparaîtra dans son règne,
prêchez sa parole, insistez soit que
l'occasion se présente, soit qu'elle ne se
présente pas, reprenez, censurez, exhortez,
avec toute sorte de douceur et de patience, sans
vous lasser jamais d'instruire. Mais ne vous
contentez pas de bien parler, l'essentiel est de
bien faire, de servir d'exemple aux fidèles
par la sainteté de votre vie. C'est par
là surtout que vous amènerez des
âmes à Dieu. Le témoignage
d'une bonne conscience vous soutiendra dans les
jours fâcheux et vous assurera la protection
et le secours de votre grand maître. Il sera
votre asile, votre refuge, votre consolation
pendant ce pèlerinage terrestre et un jour
il vous couronnera d'une gloire immortelle.
Amen ! »
.
EXORDE, ANALYSE, FRAGMENTS ET
CONCLUSION D'UN SERMON INÉDIT
Du 24 Décembre 1773 sur ce texte
de P. Rabaut aux
Philippiens 1, 21 : Car si je
vis, c'est pour J.-C. et la mort me sera un gain
(3)
EXORDE
« Mes biens aimés
frères en
Notre-Seigneur-Jésus-Christ, le grand but de
la Religion est de conduire les hommes au bonheur
par la route de la Sanctification ; c'est
surtout le but de la religion chrétienne.
Dieu s'y manifeste avec toute sa bonté, il y
ouvre aux hommes toutes les sources de sa
grâce, mais c'est afin de les enchaîner
par l'amour, de les former à
l'obéissance et de les préparer aussi
à la possession et à la jouissance de
l'immortelle félicité qu'il a
daigné leur promettre. Tel est le tableau
succinct et magnifique que saint Paul fait de cette
dernière religion dans son
Épître à Tite.
La grâce de Dieu dit-il, salutaire
à tous les hommes, a été
clairement manifestée et elle nous enseigne
qu'en renonçant à
l'impiété et aux convoitises
mondaines, nous vivions dans le siècle
présent selon la tempérance, la
justice et la piété, dans l'attente
du bonheur que nous espérons et de la
manifestation de la gloire de notre grand Dieu
Sauveur Jésus-Christ, La religion
chrétienne a donc pour but d'arracher du
coeur dès hommes et
l'impiété et les passions mondaines
et de les former à une vertu solide,
à la pratique de tous leurs
différents devoirs, non pendant quelque
temps ou pendant des circonstances seulement, mais
pendant tout le cours de la vie. En vivant ainsi,
lorsque la mort vient terminer notre
carrière, nous entrons dans un monde de
félicité, où nous trouverons
un ample dédommagement de nos travaux et de
nos sacrifices.
« Tels sont les objets
intéressants que nous venons vous
présenter aujourd'hui, mes chers
frères, appelés à
célébrer dans ce temps-ci la
mémoire de la venue du fils de Dieu dans le
monde ; nous ne saurions la
célébrer plus dignement qu'en
apprenant à vivre pour lui, puisque par
là nous sommes certains de régner
éternellement avec lui, invités
à sa table, qui nous met sous les yeux toute
la grandeur de Sa charité et où nous
allons lui jurer une fidélité
inviolable. Il nous importe sans doute de nous
affermir dans la résolution de remplir nos
engagements et de lui rendre amour pour amour. La
rapidité avec laquelle nos années
s'envolent, la fragilité de notre vie, les
ravages que fait perpétuellement la mort
nous avertissent de penser à notre fin et de
nous y préparer de bonne heure.
Vous donc, Chrétiens,
méditez avec nous sur le grand art de bien
vivre et de bien mourir. C'est saint Paul que nous
allons vous proposer pour modèle. Il
espérait une heureuse mort, parce qu'il
employait dignement et utilement sa vie. Si je vis,
dit il, c'est pour Jésus-Christ et la mort
me sera un gain. Le but de la vie du
chrétien, les avantages de sa mort seront
donc les deux parties de notre discours.
Puisse-t-il nous inspirer la résolution de
vivre de la vie des justes, afin que notre mort
soit semblable à leur mort. »
PREMIÈRE PARTIE
Des vues humaines gâtent les
notions les plus belles en apparence. Tous les
actes de piété doivent avoir pour but
de plaire à Dieu.
Exemple de saint Paul, comme
apôtre et comme fidèle : il ne
vivait que pour Jésus-Christ.
Ainsi doivent vivre tous les
chrétiens, car nul ne vit ni ne meurt pour
soi-même.
Si tant de chrétiens vivent mal,
c'est qu'ils n'aiment que faiblement
Jésus-Christ. « L'amour est un
principe actif et plein de force ; non
seulement il agit, mais il agit avec empressement
et avec plaisir . . . . . .
Quand on aime ardemment quelqu'un, ou
évite avec soin ce qui lui
déplaît et l'on s'empresse à
faire ce qui lui est agréable et
voilà précisément ce que fait
le vrai chrétien par rapport à son
Sauveur », d'où tempérance,
modération, détachement des choses du
monde, amour du prochain, pardon des offenses,
esprit de support, de charité,
d'humilité. « N'est-ce pas
là le moyen d'être aussi heureux qu'on
peut l'être sur la terre ? »
Salutaires effets de ces vertus. Donc bonheur de
celui qui vit pour Jésus-Christ.
DEUXIÈME PARTIE
La mort lui sera un gain. « Le
bonheur ici-bas est incomplet, trop
mêlé d'amertumes, de trop courte
durée, pour répondre aux
espérances que donnent ces adorables
perfections » (de l'être
suprême). On ne le trouvera que
« dans une autre
économie », après la mort.
C'est la promesse de Jésus-Christ.
« Rien de plus triste, rien de
plus désespérant que la mort pour
ceux qui ont vécu dans le crime, dans la
négligence de leurs devoirs, dans
l'indifférence pour Dieu
et pour leur salut. Ils se voient arracher pour
toujours ce qu'ils ont le plus aimé . . . .
. . . .
Des remords éternels, du
désespoir éternel, une
éternelle séparation du Dieu
bienheureux, tel sera le malheureux sort des
mauvais chrétiens. Les fidèles, ceux
qui vivent pour Jésus-Christ, ont un sort
tout opposé.
... Nulle comparaison à faire
entre ce qu'ils perdent et ce qu'ils gagnent. Ils
quittent un monde de ténèbres pour
entrer dans un monde de lumière. La
bonté divine nous fournit des
lumières suffisantes pour nous guider et
nous diriger pendant les jours de notre
pèlerinage, mais que de mystères, que
d'énigmes, que d'obscurités, soit
dans l'économie de la nature, soit dans
l'économie de la grâce ! Que de
choses qui nous passent et dont nous ne saurions
rendre raison ; nous marchons par la foi et
non par la vue. Cependant nous sommes avides de
connaissances, nous voudrions tout comprendre, tout
expliquer et nous sentons que notre esprit peut
faire des progrès à l'infini, mais
nous n'en avons ni le temps, ni les moyens.
Courage, fidèles, le temps approche
où le voile qui couvre tant de sublimes
mystères sera
déchiré. »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« En mourant, le fidèle quitte
un monde de corruption, pour entrer dans le
séjour de la pureté. ». .
.
La mort sépare le fidèle
de ses parents, de ses amis, de personnes qui lui
furent chères, mais les meilleurs d'entre
eux ont leurs défauts et les douceurs de
leur commerce sont mêlées
d'amertumes : il n'en sera pas ainsi de la
Société des bienheureux dans le
ciel ; tableau de cette société.
Il est donc bien vrai que la mort est un gain pour
le fidèle.
CONCLUSION
« D'où vient donc, mes
chers frères, qu'il y a si peu de personnes
qui voient approcher la mort avec joie, car
puisqu'elle procure de si grands avantages, on
devrait la regarder comme un messager de bonnes
nouvelles, on devrait dire avec David, je me suis
réjoui parce que l'on m'a dit : nous
irons à la maison de l'Éternel, comme
le cerf brame après le courant des eaux,
ainsi mon âme soupire après toi,
ô Dieu, mon âme a soif de Dieu, du Dieu
fort et vivant ! Ô quand entrerai-je et
me présenterai-je devant sa face, et
cependant la plupart des chrétiens regardent
la mort comme le plus grand de tous les maux. Ils
tremblent, ils frissonnent à son approche,
ils donneraient tout ce qu'ils ont pour
l'éviter.
La principale cause de ces frayeurs
n'est pas tant le défaut de persuasion que
le manque de piété. Des
chrétiens, pour peu qu'ils soient instruits
ne peuvent pas ignorer que Dieu rendra à
chacun selon ses oeuvres. Je conçois bien
que lorsque les passions sont dans leur force, pour
les satisfaire avec plus de sécurité,
on peut se faire là dessus des illusions, le
coeur séduit aisément l'esprit et lui
persuade ce qu'il désire, mais lorsque les
passions se taisent et que la raison prend le
dessus, lors surtout qu'on est dans un lit de mort,
on ne doute guère que le juge de toute la
terre ne fasse justice, qu'il ne récompense
les gens de bien et qu'il ne punisse les
méchants. Ce qui fait donc principalement
qu'on redoute la mort, c'est qu'on a mal
employé sa vie. On n'espère pas
d'être avec Jésus-Christ, parce qu'on
n'a pas vécu pour lui.
Quelle est en effet la vie de la plupart
des chrétiens ? Une vie toute mondaine,
toute charnelle. L'un ne vise
qu'à s'enrichir,
qu'à faire une grande fortune, qu'à
laisser de grands biens à ses enfants, et
c'est à cela qu'il consacre ses veilles, ses
travaux, les soins les plus empressés,
tandis qu'il néglige les devoirs les plus
essentiels de la religion. L'autre a pour but de
passer ses jours dans les plaisirs et dans la joie,
et pourvu qu'il se satisfasse il compte pour rien
de ravir l'honneur à la femme ou à la
fille de son prochain et de porter la
désolation et le désespoir dans sa
famille. Quand on a ainsi vécu, est-il
étonnant qu'on regarde la mort comme le roi
des épouvantements ? Ah ! sans
doute on a sujet de trembler, puisqu'on a si mal
répondu aux vues qu'avait l'être
suprême en nous plaçant sur cette
terre.
Voulez-vous donc, chrétiens, non
seulement ne point redouter la mort, mais la
désirer, l'envisager comme le plus grand de
tous les biens, que votre vie soit consacrée
à Jésus-Christ.
Il ne s'agit point de se retirer dans un
désert, mais de vivre dans le monde sans
participer à ses dérèglements.
Il s'agit de régler sa conduite sur les
maximes de l'Évangile et non pas sur les
maximes du monde, il s'agit d'être
pénétré d'amour et de respect
pour Dieu, d'éviter de nuire au prochain et
de faire pour les autres ce que nous serions
fondés à désirer qu'ils
fissent pour nous ; il s'agit d'être
sobres, chastes, détachés du monde,
contents de notre état, voilà la voie
royale, dans laquelle nous devons marcher pendant
tout le temps de notre séjour sur la terre.
C'est par là que nous nous
légitimerons vrais disciples de
Jésus-Christ. C'est par là que nous
répondrons à ses vues. Il est venu
pour éclairer ceux qui étaient dans
les ténèbres et dans l'ombre de la
mort et pour conduire nos pas au chemin de la
paix ; mais il n'y a point de paix pour le,
méchant, il n'y en a que pour
l'homme de bien qui aime la
vertu et qui la met en pratique. C'est pour lui que
la mort est un gain.
Réjouissez-vous donc,
fidèles, à la vue des grandes et
glorieuses espérances que l'Évangile
vous donne. Pourquoi regretteriez-vous un monde
où vous êtes étrangers et
voyageurs ? Tournez plutôt vos regards
vers votre céleste patrie. C'est là
que vous trouverez un repos que vous cherchiez
vainement sur la terre, c'est là que vos
larmes seront essuyées, que votre tristesse
sera changée en joie avec
Jésus-Christ. Que pourrait-il manquer
à votre bonheur ?
Unissez-vous de plus en plus à
lui sur la terre, en attendant que vous alliez le
contempler et le posséder dans le ciel.
Prêtez l'oreille au langage qu'il vous
adresse aujourd'hui par les sacrés symboles
de son corps et de son sang : je me tiens
à la porte et je frappe, si quelqu'un entend
ma voix et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui,
je souperai avec lui et lui avec moi. Ah !
Seigneur, ouvre toi-même la porte de nos
coeurs, renverse tout ce qui pourrait s'opposer
à ton entrée, fais-nous goûter
les douceurs de la communion, demeure avec nous
à présent et dans toute
l'Éternité, Amen ».
.
NOUVELLE PIÈCE
JUSTIFICATIVE
Fragment d'article d'Auguste Sabatier.
« L'Apôtre du désert n'a
pas la hauteur, la science, la fière allure
du XVIIe siècle, des Claude, des Basnage,
des Jurieu ; il soutiendra la même
cause, mais non de la même
manière.
Ceux-ci luttaient face à face
avec leurs adversaires, rendaient coup pour coup
dans la polémique, jetaient au ciel leurs
protestations éloquentes. Lui marche
dans la soumission, dans la
patience, dans la fidélité pratique,
n'attendant plus rien que de Dieu. . . .
... La sagesse dans la fermeté,
le bon sens dans la ferveur, un équilibre
admirable entre les facultés de l'âme,
la possession de soi en des circonstances où
tout semblait devoir jeter les esprits les plus
calmes hors d'eux-mêmes, une vie tout
extraordinaire menée dans la
résignation, ordonnée avec l'esprit
pratique, remplie avec les vertus quotidiennes
d'une destinée paisible et commune,
voilà le trait dominant, me semble-t-il, de
la carrière de cet apôtre.
... Ce que l'on appelait dans ce
temps-là « l'esprit du
désert », fut l'esprit même
de Paul Rabaut. Antoine Court l'a défini
dans une de ses lettres : ... un esprit de
mortification, un esprit de réflexion, de
grande sagesse et surtout de martyre qui, nous
apprenant tous les jours à mourir à
nous-mêmes, nous prépare et nous
dispose à perdre courageusement la vie dans
les tourments et sur un gibet, si la Providence
nous y appelle.
L'esprit du désert, ainsi
compris, excluait toute espèce de fanatisme,
d'emportement, de zèle
inconsidéré. Ce n'est qu'à
cette condition qu'on pouvait faire oeuvre durable,
saine et forte. Jusqu'à quel point cette
vocation ainsi comprise se conciliait avec les
habitudes régulières de l'existence
et permettait de partager la vie ordinaire de ses
semblables, c'est ce que montrent très bien
les lettres de Paul Rabaut. Il était d'une
santé débile ; peut-être
n'aurait-il pas supporté longtemps les
fatigues des pasteurs itinérants; mais il
avait eu en partage l'Église très
ramassée de Nîmes et de ses environs ;
il se dépense sans compter, mais il se
ménage des heures de repos; il
économise ses forces, il soigne sa
santé; il va assez
régulièrement se refaire aux bains
d'Euzet, très
fréquentés alors.
Jamais la peur du péril ne l'empêchera
de convoquer une assemblée ou de s'y rendre,
mais jamais aussi il ne négligera aucune
précaution pour échapper aux
émissaires qui le poursuivent. ... À
cette clarté d'esprit, à cet
héroïsme pacifique, Paul Rabaut
joignait une grande tendresse de coeur, une vive
sensibilité morale. De là lui vinrent
ses joies les plus douces et ses souffrances les
plus grandes. Cet apôtre constamment
voué à la mort était
époux et père. Aux époques de
persécution, c'était pour sa femme et
ses enfants qu'il tremblait le plus . . . . . . . .
. .
Cette tendresse de coeur qui lui faisait
goûter si vivement les joies de la famille et
de l'amitié, qui lui rendait insupportable
toute discussion ou toute brouille avec ses
collègues, a mis dans sa piété
personnelle et dans sa prédication une veine
de mysticisme très particulière et
très neuve. (Voir le sermon sur la
« soif spirituelle » en
appendice des Lettres publiées par Picheral
Dardier).
Ce n'est plus la note de l'Ancien
Testament et des Prophètes qui domine, c'est
le sentiment pathétique de toutes les
misères de l'homme et de toute la
miséricorde de Dieu ; c'est la
piété du réveil avec son
caractère intime et profond, mais sans ses
intolérances, sans ses raisonnements
juridiques et son air étranger.
L'éclat et la grandeur manquaient à
cette éloquence du désert ; elle
ne s'élève guère au dessus de
la correction des formes ; elle a le ton
familier et sans prétention. Mais quelle
ardeur de sympathie ! Quelle
pénétration de coeur ! quel
sentiment des besoins de tous et comme l'on
comprend bien que cette parole toute vibrante
d'émotion ait eu la vertu de
découvrir et de faire jaillir habituellement
la source des larmes. (Journal de Genève, 11
et 18 janvier 1885).
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LES ÉTAPES DE LA
TOLÉRANCE À LA FIN DU XVIIIe
SIÈCLE
En 1770, un consul protestant ayant
été nommé à
Saint-Quentin, le ministre de la maison du roi le
fait révoquer.
En 1777 et 1778, le ministre ferme les
yeux sur l'élection de plusieurs consuls
protestants.
Enfin en 1784, le ministre avoue
officiellement que les lois contre les protestants
sont déjà tombées en
désuétude et officiellement aussi il
réclame la tolérance de ses
subordonnés.
Les idées de tolérance
marchaient vite : ces trois faits en montrent
les étapes. De là à
l'édit de 1787, il n'y a plus qu'un
pas.
(P. Schmidt, Bulletin juillet-septembre
1919, p. 215).
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