Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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PAUL RABAUT

Apôtre du Désert


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PIÈCES JUSTIFICATIVES

FRAGMENT (1) DU DISCOURS AU SYNODE

du 4 au 10 Mai 1756

(Date établie par Alb. MONOD, Thèse, p. 59-65)


 « ... À peine une main parricide eut tranché les jours de ce héros (2), qu'on prit des mesures pour saper l'Edith de Nantes et détruire nos libertés. Sous le règne de Louis XIII, le fameux cardinal de Richelieu fit servir à ce funeste dessein sa profonde politique. On y travailla avec plus d'ardeur sous le règne de Louis XIV ; environ trente ans furent employés à miner peu à peu ce grand édifice, tantôt en nous enlevant un privilège et tantôt un autre. Ce n'était que ruses, que chicanes, que vexations. Mais ce n'était pas assez pour satisfaire le zèle barbare du destructeur du clergé et des Jésuites.

Au mépris de la religion du serment, sans égard aux services que nos pères avaient rendus, même tout récemment à nos rois, comptant pour peu les désolations de l'État qu'on allait mettre à deux doigts de sa ruine, l'Édit de Nantes est révoqué ; et, dès lors, le Royaume devient une vaste prison, ou plutôt une grande boucherie où nos pères sont impitoyablement égorgés.

« Je ne trouve pas de termes assez énergiques pour exprimer toutes les horreurs de cette persécution. la plus cruelle dont on ait jamais entendu parler. L'imagination se bouleverse et on ne pourrait longtemps supporter l'idée des scènes tragiques dont la France fut le théâtre, et les réformés les victimes. Représentez-vous une armée de dragons, dignesmissionnaires du nouvel Évangile de Rome qui, comme des essaims de sauterelles, se répandent dans toutes les provinces, consument les biens, tourmentent les corps et les âmes de nos infortunés pères, portent partout la terreur et la désolation.

La mort ou la messe, s'écrient ces barbares.
Ce sont là leurs arguments et leurs démonstrations. Quiconque respecte assez sa conscience, pour ne pas vouloir en trahir les lumières, éprouve aussitôt leur brutalité et leur fureur de plus d'une manière.
Les uns sont assommés de coups et laissés presque morts sur le carreau. Les autres sont traînés dans des cachots noirs et infects, où la puanteur et l'humidité les réduit aux dernières extrémités.
Les uns sont pendus à la cheminée sous laquelle on fait brûler du foin mouillé afin que la fumée les étouffe et on les descend avant qu'ils aient perdu la respiration pour leur faire éprouver de nouveaux tourments. On fait avaler aux autres plusieurs bouteilles d'eau jusqu'à ce qu'ils n'en peuvent plus.
Aux uns, on enfonce des épingles dans les parties les plus délicates et les plus sensibles du corps ; aux autres on fait tenir des charbons brûlants sur la main pendant un espace de temps considérable.
Ici, les femmes et les filles sont violées et les enfants sont arrachés d'entre les bras de ceux qui leur ont donné le jour. Ailleurs, les maris sont séparés de leurs femmes.
Partout, on pille les biens ; on tourmente les personnes ; les prisons sont pleines ; les galères regorgent de nos confesseurs ; les déserts même retentissent des cris, que poussent vers le ciel ceux qui y cherchent des asiles. Ce ne sont là que quelques traits de l'affreux tableau des malheurs dont nos pères furent accablés, lors de la révocation de l'Édit de Nantes : pour les rapporter tous, il faudrait copier de gros volumes ».

Après le tableau des maux passés, Paul Rabaut fait celui des misères présentes. Il en déduit le devoir d'union et la nécessité d'avoir un appui à la Cour. « La Providence, ajoute-t-il, nous a suscité un grand homme pour être l'avocat de notre cause ». Il s'agit du prince de Conti. Les négociations avec lui ne réussirent pas.


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CONCLUSION D'UN SERMON INÉDIT Du 7 MAI 1766

prononcé le 8 pour la consécration

de MM. BRUGUIER et FROMENTAL

Et tu feras une lame de pur or, sur laquelle tu graveras ces mots de gravure de cachets : La Sainteté de l'Éternel, etc... Exode XXVIII, 36, 37, 38.

« Cette récompense vous est offerte, chrétiens mes très chers frères ; Jésus-Christ est votre Sauveur comme le nôtre ; si vous nous surpassez en piété et en vertu, vous nous surpasserez en gloire et en félicité. Le point capital pour vous et pour nous est donc de vivre dans la sainteté. Sans cela, non seulement nous n'avons rien à espérer, mais nous avons tous à craindre, Croyons en notre commun maître, qui sera aussi notre juge. « Ceux-là qui me disent : Seigneur, Seigneur ! n'entreront pas tous au royaume du ciel, mais ceux-là seulement qui font la volonté de mon père qui est au ciel. » Saint Paul n'est pas moins formel : Sans la Sanctification, dit-il, personne ne verra le Seigneur.

Voilà donc la voie royale où nous devons tous marcher. Mais nous, ministres du Seigneur, nous devons y marcher d'un pas plus ferme et plus rapide. Plus notre emploi est auguste et respectable, plus il nous approche du plus grand et du plus saint des maîtres, et plus nous devons lui ressembler par la noblesse de nos sentiments et par la pureté de notre vie. Chargés de contribuer de tout notre pouvoir au salut des âmes, nous ne saurions le faire plus efficacement qu'en leur donnant l'exemple de toutes les vertus. Assaillis par une foule de tentations, nous devons veiller sans cesse pour les prévenir ou pour leur résister et, dans le sentiment de notre faiblesse, recourir à notre bon maître qui s'est chargé de nous secourir et de nous protéger. Que sont les peines, que sont les périls, lorsqu'on espère des couronnes immarcescibles de gloire ?

Je vous adresse la même exhortation, à vous, mes chers frères, qui allez devenir nos compagnons d'oeuvre dans le ministère évangélique. Je vous conjure devant Dieu et devant notre Seigneur Jésus-Christ qui doit juger les vivants et les morts quand il reparaîtra dans son règne, prêchez sa parole, insistez soit que l'occasion se présente, soit qu'elle ne se présente pas, reprenez, censurez, exhortez, avec toute sorte de douceur et de patience, sans vous lasser jamais d'instruire. Mais ne vous contentez pas de bien parler, l'essentiel est de bien faire, de servir d'exemple aux fidèles par la sainteté de votre vie. C'est par là surtout que vous amènerez des âmes à Dieu. Le témoignage d'une bonne conscience vous soutiendra dans les jours fâcheux et vous assurera la protection et le secours de votre grand maître. Il sera votre asile, votre refuge, votre consolation pendant ce pèlerinage terrestre et un jour il vous couronnera d'une gloire immortelle. Amen ! »


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EXORDE, ANALYSE, FRAGMENTS ET CONCLUSION D'UN SERMON INÉDIT

Du 24 Décembre 1773 sur ce texte de P. Rabaut aux Philippiens 1, 21 : Car si je vis, c'est pour J.-C. et la mort me sera un gain (3)

EXORDE

« Mes biens aimés frères en Notre-Seigneur-Jésus-Christ, le grand but de la Religion est de conduire les hommes au bonheur par la route de la Sanctification ; c'est surtout le but de la religion chrétienne. Dieu s'y manifeste avec toute sa bonté, il y ouvre aux hommes toutes les sources de sa grâce, mais c'est afin de les enchaîner par l'amour, de les former à l'obéissance et de les préparer aussi à la possession et à la jouissance de l'immortelle félicité qu'il a daigné leur promettre. Tel est le tableau succinct et magnifique que saint Paul fait de cette dernière religion dans son Épître à Tite.

La grâce de Dieu dit-il, salutaire à tous les hommes, a été clairement manifestée et elle nous enseigne qu'en renonçant à l'impiété et aux convoitises mondaines, nous vivions dans le siècle présent selon la tempérance, la justice et la piété, dans l'attente du bonheur que nous espérons et de la manifestation de la gloire de notre grand Dieu Sauveur Jésus-Christ, La religion chrétienne a donc pour but d'arracher du coeur dès hommes et l'impiété et les passions mondaines et de les former à une vertu solide, à la pratique de tous leurs différents devoirs, non pendant quelque temps ou pendant des circonstances seulement, mais pendant tout le cours de la vie. En vivant ainsi, lorsque la mort vient terminer notre carrière, nous entrons dans un monde de félicité, où nous trouverons un ample dédommagement de nos travaux et de nos sacrifices.

« Tels sont les objets intéressants que nous venons vous présenter aujourd'hui, mes chers frères, appelés à célébrer dans ce temps-ci la mémoire de la venue du fils de Dieu dans le monde ; nous ne saurions la célébrer plus dignement qu'en apprenant à vivre pour lui, puisque par là nous sommes certains de régner éternellement avec lui, invités à sa table, qui nous met sous les yeux toute la grandeur de Sa charité et où nous allons lui jurer une fidélité inviolable. Il nous importe sans doute de nous affermir dans la résolution de remplir nos engagements et de lui rendre amour pour amour. La rapidité avec laquelle nos années s'envolent, la fragilité de notre vie, les ravages que fait perpétuellement la mort nous avertissent de penser à notre fin et de nous y préparer de bonne heure.

Vous donc, Chrétiens, méditez avec nous sur le grand art de bien vivre et de bien mourir. C'est saint Paul que nous allons vous proposer pour modèle. Il espérait une heureuse mort, parce qu'il employait dignement et utilement sa vie. Si je vis, dit il, c'est pour Jésus-Christ et la mort me sera un gain. Le but de la vie du chrétien, les avantages de sa mort seront donc les deux parties de notre discours. Puisse-t-il nous inspirer la résolution de vivre de la vie des justes, afin que notre mort soit semblable à leur mort. »

PREMIÈRE PARTIE

Des vues humaines gâtent les notions les plus belles en apparence. Tous les actes de piété doivent avoir pour but de plaire à Dieu.
Exemple de saint Paul, comme apôtre et comme fidèle : il ne vivait que pour Jésus-Christ.
Ainsi doivent vivre tous les chrétiens, car nul ne vit ni ne meurt pour soi-même.

Si tant de chrétiens vivent mal, c'est qu'ils n'aiment que faiblement Jésus-Christ. « L'amour est un principe actif et plein de force ; non seulement il agit, mais il agit avec empressement et avec plaisir . . . . . .

Quand on aime ardemment quelqu'un, ou évite avec soin ce qui lui déplaît et l'on s'empresse à faire ce qui lui est agréable et voilà précisément ce que fait le vrai chrétien par rapport à son Sauveur », d'où tempérance, modération, détachement des choses du monde, amour du prochain, pardon des offenses, esprit de support, de charité, d'humilité. « N'est-ce pas là le moyen d'être aussi heureux qu'on peut l'être sur la terre ? » Salutaires effets de ces vertus. Donc bonheur de celui qui vit pour Jésus-Christ.

DEUXIÈME PARTIE

La mort lui sera un gain. « Le bonheur ici-bas est incomplet, trop mêlé d'amertumes, de trop courte durée, pour répondre aux espérances que donnent ces adorables perfections » (de l'être suprême). On ne le trouvera que « dans une autre économie », après la mort. C'est la promesse de Jésus-Christ.

« Rien de plus triste, rien de plus désespérant que la mort pour ceux qui ont vécu dans le crime, dans la négligence de leurs devoirs, dans l'indifférence pour Dieu et pour leur salut. Ils se voient arracher pour toujours ce qu'ils ont le plus aimé . . . . . . . .
Des remords éternels, du désespoir éternel, une éternelle séparation du Dieu bienheureux, tel sera le malheureux sort des mauvais chrétiens. Les fidèles, ceux qui vivent pour Jésus-Christ, ont un sort tout opposé.

... Nulle comparaison à faire entre ce qu'ils perdent et ce qu'ils gagnent. Ils quittent un monde de ténèbres pour entrer dans un monde de lumière. La bonté divine nous fournit des lumières suffisantes pour nous guider et nous diriger pendant les jours de notre pèlerinage, mais que de mystères, que d'énigmes, que d'obscurités, soit dans l'économie de la nature, soit dans l'économie de la grâce ! Que de choses qui nous passent et dont nous ne saurions rendre raison ; nous marchons par la foi et non par la vue. Cependant nous sommes avides de connaissances, nous voudrions tout comprendre, tout expliquer et nous sentons que notre esprit peut faire des progrès à l'infini, mais nous n'en avons ni le temps, ni les moyens. Courage, fidèles, le temps approche où le voile qui couvre tant de sublimes mystères sera déchiré. »

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« En mourant, le fidèle quitte un monde de corruption, pour entrer dans le séjour de la pureté. ». . .

La mort sépare le fidèle de ses parents, de ses amis, de personnes qui lui furent chères, mais les meilleurs d'entre eux ont leurs défauts et les douceurs de leur commerce sont mêlées d'amertumes : il n'en sera pas ainsi de la Société des bienheureux dans le ciel ; tableau de cette société. Il est donc bien vrai que la mort est un gain pour le fidèle.

CONCLUSION

« D'où vient donc, mes chers frères, qu'il y a si peu de personnes qui voient approcher la mort avec joie, car puisqu'elle procure de si grands avantages, on devrait la regarder comme un messager de bonnes nouvelles, on devrait dire avec David, je me suis réjoui parce que l'on m'a dit : nous irons à la maison de l'Éternel, comme le cerf brame après le courant des eaux, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu, mon âme a soif de Dieu, du Dieu fort et vivant ! Ô quand entrerai-je et me présenterai-je devant sa face, et cependant la plupart des chrétiens regardent la mort comme le plus grand de tous les maux. Ils tremblent, ils frissonnent à son approche, ils donneraient tout ce qu'ils ont pour l'éviter.

La principale cause de ces frayeurs n'est pas tant le défaut de persuasion que le manque de piété. Des chrétiens, pour peu qu'ils soient instruits ne peuvent pas ignorer que Dieu rendra à chacun selon ses oeuvres. Je conçois bien que lorsque les passions sont dans leur force, pour les satisfaire avec plus de sécurité, on peut se faire là dessus des illusions, le coeur séduit aisément l'esprit et lui persuade ce qu'il désire, mais lorsque les passions se taisent et que la raison prend le dessus, lors surtout qu'on est dans un lit de mort, on ne doute guère que le juge de toute la terre ne fasse justice, qu'il ne récompense les gens de bien et qu'il ne punisse les méchants. Ce qui fait donc principalement qu'on redoute la mort, c'est qu'on a mal employé sa vie. On n'espère pas d'être avec Jésus-Christ, parce qu'on n'a pas vécu pour lui.

Quelle est en effet la vie de la plupart des chrétiens ? Une vie toute mondaine, toute charnelle. L'un ne vise qu'à s'enrichir, qu'à faire une grande fortune, qu'à laisser de grands biens à ses enfants, et c'est à cela qu'il consacre ses veilles, ses travaux, les soins les plus empressés, tandis qu'il néglige les devoirs les plus essentiels de la religion. L'autre a pour but de passer ses jours dans les plaisirs et dans la joie, et pourvu qu'il se satisfasse il compte pour rien de ravir l'honneur à la femme ou à la fille de son prochain et de porter la désolation et le désespoir dans sa famille. Quand on a ainsi vécu, est-il étonnant qu'on regarde la mort comme le roi des épouvantements ? Ah ! sans doute on a sujet de trembler, puisqu'on a si mal répondu aux vues qu'avait l'être suprême en nous plaçant sur cette terre.

Voulez-vous donc, chrétiens, non seulement ne point redouter la mort, mais la désirer, l'envisager comme le plus grand de tous les biens, que votre vie soit consacrée à Jésus-Christ.
Il ne s'agit point de se retirer dans un désert, mais de vivre dans le monde sans participer à ses dérèglements. Il s'agit de régler sa conduite sur les maximes de l'Évangile et non pas sur les maximes du monde, il s'agit d'être pénétré d'amour et de respect pour Dieu, d'éviter de nuire au prochain et de faire pour les autres ce que nous serions fondés à désirer qu'ils fissent pour nous ; il s'agit d'être sobres, chastes, détachés du monde, contents de notre état, voilà la voie royale, dans laquelle nous devons marcher pendant tout le temps de notre séjour sur la terre. C'est par là que nous nous légitimerons vrais disciples de Jésus-Christ. C'est par là que nous répondrons à ses vues. Il est venu pour éclairer ceux qui étaient dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort et pour conduire nos pas au chemin de la paix ; mais il n'y a point de paix pour le, méchant, il n'y en a que pour l'homme de bien qui aime la vertu et qui la met en pratique. C'est pour lui que la mort est un gain.

Réjouissez-vous donc, fidèles, à la vue des grandes et glorieuses espérances que l'Évangile vous donne. Pourquoi regretteriez-vous un monde où vous êtes étrangers et voyageurs ? Tournez plutôt vos regards vers votre céleste patrie. C'est là que vous trouverez un repos que vous cherchiez vainement sur la terre, c'est là que vos larmes seront essuyées, que votre tristesse sera changée en joie avec Jésus-Christ. Que pourrait-il manquer à votre bonheur ?

Unissez-vous de plus en plus à lui sur la terre, en attendant que vous alliez le contempler et le posséder dans le ciel. Prêtez l'oreille au langage qu'il vous adresse aujourd'hui par les sacrés symboles de son corps et de son sang : je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu'un entend ma voix et m'ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi. Ah ! Seigneur, ouvre toi-même la porte de nos coeurs, renverse tout ce qui pourrait s'opposer à ton entrée, fais-nous goûter les douceurs de la communion, demeure avec nous à présent et dans toute l'Éternité, Amen ».


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NOUVELLE PIÈCE JUSTIFICATIVE

Fragment d'article d'Auguste Sabatier.

« L'Apôtre du désert n'a pas la hauteur, la science, la fière allure du XVIIe siècle, des Claude, des Basnage, des Jurieu ; il soutiendra la même cause, mais non de la même manière.
Ceux-ci luttaient face à face avec leurs adversaires, rendaient coup pour coup dans la polémique, jetaient au ciel leurs protestations éloquentes. Lui marche dans la soumission, dans la patience, dans la fidélité pratique, n'attendant plus rien que de Dieu. . . .

... La sagesse dans la fermeté, le bon sens dans la ferveur, un équilibre admirable entre les facultés de l'âme, la possession de soi en des circonstances où tout semblait devoir jeter les esprits les plus calmes hors d'eux-mêmes, une vie tout extraordinaire menée dans la résignation, ordonnée avec l'esprit pratique, remplie avec les vertus quotidiennes d'une destinée paisible et commune, voilà le trait dominant, me semble-t-il, de la carrière de cet apôtre.

... Ce que l'on appelait dans ce temps-là « l'esprit du désert », fut l'esprit même de Paul Rabaut. Antoine Court l'a défini dans une de ses lettres : ... un esprit de mortification, un esprit de réflexion, de grande sagesse et surtout de martyre qui, nous apprenant tous les jours à mourir à nous-mêmes, nous prépare et nous dispose à perdre courageusement la vie dans les tourments et sur un gibet, si la Providence nous y appelle.

L'esprit du désert, ainsi compris, excluait toute espèce de fanatisme, d'emportement, de zèle inconsidéré. Ce n'est qu'à cette condition qu'on pouvait faire oeuvre durable, saine et forte. Jusqu'à quel point cette vocation ainsi comprise se conciliait avec les habitudes régulières de l'existence et permettait de partager la vie ordinaire de ses semblables, c'est ce que montrent très bien les lettres de Paul Rabaut. Il était d'une santé débile ; peut-être n'aurait-il pas supporté longtemps les fatigues des pasteurs itinérants; mais il avait eu en partage l'Église très ramassée de Nîmes et de ses environs ; il se dépense sans compter, mais il se ménage des heures de repos; il économise ses forces, il soigne sa santé; il va assez régulièrement se refaire aux bains d'Euzet, très fréquentés alors. Jamais la peur du péril ne l'empêchera de convoquer une assemblée ou de s'y rendre, mais jamais aussi il ne négligera aucune précaution pour échapper aux émissaires qui le poursuivent. ... À cette clarté d'esprit, à cet héroïsme pacifique, Paul Rabaut joignait une grande tendresse de coeur, une vive sensibilité morale. De là lui vinrent ses joies les plus douces et ses souffrances les plus grandes. Cet apôtre constamment voué à la mort était époux et père. Aux époques de persécution, c'était pour sa femme et ses enfants qu'il tremblait le plus . . . . . . . . . .

Cette tendresse de coeur qui lui faisait goûter si vivement les joies de la famille et de l'amitié, qui lui rendait insupportable toute discussion ou toute brouille avec ses collègues, a mis dans sa piété personnelle et dans sa prédication une veine de mysticisme très particulière et très neuve. (Voir le sermon sur la « soif spirituelle » en appendice des Lettres publiées par Picheral Dardier).

Ce n'est plus la note de l'Ancien Testament et des Prophètes qui domine, c'est le sentiment pathétique de toutes les misères de l'homme et de toute la miséricorde de Dieu ; c'est la piété du réveil avec son caractère intime et profond, mais sans ses intolérances, sans ses raisonnements juridiques et son air étranger. L'éclat et la grandeur manquaient à cette éloquence du désert ; elle ne s'élève guère au dessus de la correction des formes ; elle a le ton familier et sans prétention. Mais quelle ardeur de sympathie ! Quelle pénétration de coeur ! quel sentiment des besoins de tous et comme l'on comprend bien que cette parole toute vibrante d'émotion ait eu la vertu de découvrir et de faire jaillir habituellement la source des larmes. (Journal de Genève, 11 et 18 janvier 1885).


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LES ÉTAPES DE LA TOLÉRANCE À LA FIN DU XVIIIe SIÈCLE

En 1770, un consul protestant ayant été nommé à Saint-Quentin, le ministre de la maison du roi le fait révoquer.

En 1777 et 1778, le ministre ferme les yeux sur l'élection de plusieurs consuls protestants.

Enfin en 1784, le ministre avoue officiellement que les lois contre les protestants sont déjà tombées en désuétude et officiellement aussi il réclame la tolérance de ses subordonnés.

Les idées de tolérance marchaient vite : ces trois faits en montrent les étapes. De là à l'édit de 1787, il n'y a plus qu'un pas.

(P. Schmidt, Bulletin juillet-septembre 1919, p. 215).

 


Table des matières


(1) Cité d'après Albert Monod, mais avec l'orthographe moderne.

(2) Henri IV.

(3) Ce sermon qui porte la date du 24 Décembre 1773 est celui qu'entendit au désert le pasteur suisse B. SCHNIZ (v. sa relation), le « Dimanche, jour après Noël ». Dimanche où « on distribua la Cène ». La Noël, cette année, tombait un samedi. Ce n'est pas ce jour-là que, tout absorbé par la fête religieuse, P. R. pouvait préparer son discours pour le lendemain. Il avait d'ailleurs coutume d'achever le vendredi la rédaction de ses sermons. (V. Albert Monod, Thèse, p. 43).

 

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