Fictions ou
réalités?
CHAPITRE VI
Le Christ est-il vraiment
ressuscité ?
Dans notre précédent
chapitre, nous avons parlé de
l'entrée de Jésus-Christ dans le
monde et nous avons cru pouvoir affirmer que le
caractère miraculeux de cette naissance
était aussi acceptable que la
personnalité extraordinaire du Christ.
Aujourd'hui nous voulons examiner ce que les
Évangiles nous racontent de la fin de sa
carrière terrestre, ou plutôt de ce
qui suivit immédiatement sa mort, en
cherchant à répondre à cette
question : Le Christ est-il vraiment
ressuscité ? Si la naissance
miraculeuse a pu être admise de quelques-uns
de nos lecteurs, nous pensons que le fait de la
résurrection du Christ rencontrera moins
d'opposition.
Cependant, comme cette question
présente de grandes difficultés et
qu'elle est une pierre d'achoppement pour plus d'un
esprit, il nous semble qu'il ne sera pas inutile de
l'examiner de très près, comme les
précédentes. Je me hâte
d'ajouter que le sujet que nous abordons
aujourd'hui est, selon nous, d'une
importance capitale, et que les
conséquences de la négation de la
résurrection du Sauveur sont incalculables
pour tout esprit sérieux.
Abordons ce sujet en rappelant un
fait scientifique bien connu, qui n'est pas sans
analogie avec cette question.
En 1846, un astronome
français, Le Verrier, observant certaines
perturbations régulières de la
planète Uranus, en conclut qu'il devait y
avoir quelque part dans le ciel une autre
planète, cause de ces perturbations. Non
seulement il affirma l'existence de cette autre
planète que personne n'avait vue, mais
encore il en détermina la place exacte et,
au moyen de calculs très longs et
très compliqués, il put indiquer le
volume de la dite planète. Six mois plus
tard, un astronome allemand, M. Galle, de Berlin,
braquait sa lunette dans la direction
indiquée et découvrait la
planète Neptune à la place même
fixée par Le Verrier. Or cette nouvelle
planète est trente fois plus
éloignée du soleil que la
terre ! Voilà donc un astronome qui,
par la seule constatation d'un fait
considérable, réussit, au moyen du
calcul, à en déterminer la
cause.
N'y a-t-il pas là quelque
analogie avec la résurrection du
Christ ? Nous pouvons, en effet, observer dans
le ciel de l'histoire, je n'oserais pas dire des
perturbations, mais, du moins, des modifications
profondes, des effets considérables :
nous sommes obligés de rechercher à
ces effets une cause proportionnée. Suivons
la même marche que Le Verrier et nous en
conclurons qu'un
phénomène extraordinaire a dû
se passer il y a dix-neuf
siècles.
Voici ces effets, j'en prends
quatre, ce sont les principaux.
Tout d'abord, l'apparition,
à un moment précis de l'histoire, du
jour du repos, adopté maintenant dans
tous les pays christianisés et que l'on
appelle le dimanche, c'est-à-dire le jour du
Seigneur. Nous sommes tellement habitués
à cette institution qu'elle nous
paraît toute naturelle. Ce n'en est pas moins
un fait très frappant. Dans
l'antiquité païenne, le dimanche
n'existait pas ; de temps à autre, un
jour ou une série de jours de fêtes,
appelées saturnales, étaient mis
à part, mais ce n'était pas là
un jour de repos hebdomadaire offert à tous.
Les Juifs, eux, avaient bien le sabbat, mais ce
jour, dont l'institution remontait, d'après
les traditions bibliques, jusqu'au commencement de
l'humanité, était le samedi,
c'est-à-dire le dernier jour de la semaine
et non point du tout le premier.
Et voici que tout à coup,
à un moment donné, le monde
païen converti adopte l'institution nouvelle
du dimanche, et les chrétiens, anciens
Juifs, en font autant en renonçant, non sans
peine, il est vrai, au sabbat, auquel ils tenaient
fermement puisqu'ils l'avaient reçu de
Moïse et de Dieu ! Depuis lors,
l'institution est tellement entrée dans les
coutumes de l'humanité civilisée
qu'elle est maintenue et défendue
déjà au seul point de vue
hygiénique et social, même par des
hommes qui rejettent le christianisme ; bien
plus, à mesure que les missions
chrétiennes conquièrent le
monde, ce jour est
accepté par tous et finira par devenir une
règle pour la terre tout
entière.
Un effet aussi considérable
et aussi indiscutable doit avoir une cause, et une
cause proportionnée : quelle peut-elle
bien être ?
Second effet indiscutable, lui
aussi, et plus considérable encore : la
fondation, il y a dix-neuf siècles, de
l'Église chrétienne. On sait
qu'au moment où cette église naquit,
le paganisme régnait en maître sur
toute la terre, avec ses moeurs, ses
cérémonies religieuses, sa
civilisation ; on sait, d'autre part, que la
religion juive était
représentée par des hommes ardents,
passionnés, qui n'auraient jamais consenti
à renoncer à un culte qui,
pensaient-ils, devait leur assurer l'empire du
monde.
Et voici que, tout à coup, la
religion chrétienne paraît, humble et
sans apparence, comme le Christ lui-même,
« semblable à un rejeton qui sort
d'une terre desséchée, »
ainsi que s'exprime le prophète en parlant
du Messie ; bien plus, Jésus, le
fondateur de cette religion nouvelle, après
avoir remporté certains succès
auprès du peuple, est à peu
près abandonné de la foule, il
soulève contre lui la colère et la
haine, et il termine sa carrière terrestre
par une condamnation infamante et une
exécution capitale plus infamante encore.
Jésus est un vaincu, il a fait banqueroute,
sa cause semble une cause perdue, preuve en soit
l'abandon de ses disciples, le reniement de l'un et
la trahison de l'autre. Malgré cela,
l'Eglise du Christ s'établit sur la
terre ; fondée
à Jérusalem, elle
ne tarde pas à s'étendre dans le
reste de la Palestine, puis elle en franchit les
frontières, pour couvrir peu à peu
une grande partie de l'Asie, l'Europe et enfin le
Nouveau-Monde ; elle entre en lutte violente
avec les coutumes barbares du temps et les
métamorphose ; elle renverse le
paganisme et ses forteresses ; elle
résiste, victorieuse, à l'invasion
des barbares où succombe l'empire romain,
elle conquiert ces barbares eux-mêmes et en
fait des hommes nouveaux, elle gagne une multitude
de ces mêmes Juifs si acharnés contre
son fondateur et si tenaces dans leurs convictions
religieuses, et, aujourd'hui encore, elle continue
la conquête du monde, que dis-je ? ces
dernières années, elle est devenue
plus conséquente et plus agressive que
jamais ! Et à la tête de cette
armée envahissante, qui prétend
gagner un jour le monde entier, nous trouvons un
obscur charpentier, qui, avant de mourir
condamné, entendit comme dernières
paroles de la foule en fureur :
Crucifie ! Crucifie !
Un effet aussi considérable
et aussi indiscutable doit avoir une cause et une
cause proportionnée : quelle peut-elle
bien être ?
Troisième effet
considérable et indiscutable, lui
aussi : la transformation psychologique des
apôtres, trois jours après la mort
de leur Maître. Depuis l'heure de
l'arrestation de Jésus, ces apôtres
sont complètement affolés et
déroutés : le Messie
condamné et mis à mort, ils perdent
tout courage et se laissent entraîner au plus
sombre pessimisme, toutes leurs
espérances messianiques se sont
évanouies, leurs beaux rêves, se sont
envolés, ils n'y comprennent plus rien.
Jésus les aurait-il trompés ?
Ils n'osent pas le croire. Se serait-il
trompé lui-même ? C'est plus que
probable, c'est certain. Que faire alors ?
Retourner désillusionnés,
déçus, navrés à la
tâche quotidienne, au risque de subir les
quolibets et les sanglantes moqueries des parents
ou des amis d'autrefois ; on bien, comme
Judas, s'ôter la vie : ce serait plus
logique et plus court.
Et voici que, tout à coup,
ces mêmes hommes abattus se relèvent,
comme mus par un ressort puissant ; ces
découragés reprennent courage, et un
courage extraordinaire ; ces hommes tristes
deviennent joyeux, débordants de joie ;
ces hommes timides deviennent de vaillants
héros, ce sont de vrais lions. Ils se
cachaient, maintenant ils se montrent au grand
jour, partout et devant tous ; devant la
foule, devant le sanhédrin, ils osent
proclamer bien haut, avec une sainte hardiesse leur
foi absolue, inébranlable au Maître
qu'on a tenté d'enlever en le crucifiant.
Comme un seul homme, leur petite troupe se
lève à la face du monde et
désormais ne recule devant rien, ils
affirment ce qu'ils croient avec une foi
triomphante, quand bien même ils pressentent
que leur témoignage, exaspérant leurs
ennemis, risque de les conduire à la prison
et à la mort.
Un effet aussi considérable
et aussi indiscutable doit avoir une cause, et une
cause proportionnée : quelle peut-elle
bien être ?
Le dernier effet, de toute
importance, qu'il me reste à signaler, c'est
la conversion du pharisien Saul de Tarse, devenu
l'apôtre Paul, on se souvient dans
quelles circonstances. Saul était un ardent
ennemi de Jésus-Christ ;
peut-être, comme membre du sanhédrin,
avait-il assisté au jugement et
sanctionné la condamnation du charpentier de
Nazareth ; observateur zélé de
la loi de Moïse, il considérait comme
un ennemi de la nation et de Jéhovah tout
homme qui osait soutenir le parti du
blasphémateur Jésus ; aussi,
rempli de fureur, avait-il approuvé la mort
du diacre Étienne ; pendant qu'on le
lapidait, il gardait les vêtements des
bourreaux, applaudissant ainsi à
l'exécution. Il n'avait alors qu'une
pensée : faire disparaître de la
face de la terre tous les disciples du
crucifié. Voilà pourquoi il partit
pour Damas dans le but d'arrêter et de mettre
à mort tous les chrétiens qu'il
pourrait découvrir dans cette
ville.
Tout à coup, sans que
personne ait pu s'attendre à la chose, une
force toute-puissante le terrasse sur le chemin et
le transforme entièrement ; à
partir de cette heure solennelle, il devient un
partisan passionné du Christ, il quitte tout
pour s'attacher à lui, il ne craint pas de
se compromettre, de rompre avec ses parents, ses
anciens amis, son parti, sa nation, la synagogue,
pour se mettre, corps et âme, au service de
son nouveau Maître. Et pourtant il aime sa
nation, il l'aime tant qu'il pleure sur elle, et il
serait prêt à être maudit de
Dieu, si, par cette malédiction, il pouvait
la sauver. Désormais, l'Église
chrétienne compte un apôtre
de plus, et un apôtre si
puissant que, par lui, elle s'étend, en
quelques années, dans la plus grande partie
de l'empire romain. Sans Paul, de pareilles
conquêtes n'auraient jamais pu se produire en
aussi peu de temps.
Mais ce n'est pas sans peine qu'il a
pu accomplir cette grande oeuvre :
« Souvent en danger de mort,
écrit-il aux Corinthiens, cinq fois j'ai
reçu des Juifs, quarante coups moins un,
trois fois j'ai été battu de verges,
une fois j'ai été lapidé,
trois fois j'ai fait naufrage, j'ai passé un
jour et une nuit dans l'abîme.
Fréquemment, en voyage, j'ai
été en péril sur les fleuves,
en péril de la part des brigands, en
péril de la part de ceux de ma nation, en
péril de la part des païens, en
péril dans les villes, en péril dans
les déserts, en péril sur la mer, en
péril parmi les faux frères. J'ai
été dans le travail et dans la peine,
exposé à de nombreuses veilles,
à la faim et à la soif, à des
jeûnes multipliés, au froid et
à la nudité
(2 Cor. XI, 24 à
29). » Il devait encore endurer
quatre années de prison, finir lui aussi par
le martyre, tout cela pour le nouveau Maître
qu'il avait rencontré sur le chemin de
Damas.
Certes voilà un effet
considérable, une perturbation dans le monde
juif, une transformation dans le monde antique, qui
doit avoir une cause, et une cause
proportionnée : nous demandons encore
une fois, quelle fut-elle ?
Théoriquement, cette cause est
nécessaire :
même, sans rien savoir de l'histoire, comme
Le Verrier, nous pouvons l'affirmer et en entrevoir
la puissance, d'après les effets que nous
venons de signaler et qui ne sont rien moins que la
transformation du monde antique et moderne. Or
l'histoire est là qui nous permet d'indiquer
cette cause, comme le télescope de M. Galle
lui a permis de découvrir la nouvelle
planète. Cette histoire nous affirme, de la
façon la plus catégorique, que le
crucifié, après avoir
été déposé, le vendredi
soir, dans un sépulcre bien scellé,
en sortit vivant le dimanche matin, malgré
les efforts de ses ennemis, malgré la pierre
énorme qui fermait la tombe, malgré
les soldats romains chargés de bien garder
le cadavre du condamné, en d'autres termes,
l'histoire est là pour nous affirmer de la
façon la plus catégorique que
Jésus-Christ ressuscita le troisième
jour.
Voilà la cause extraordinaire
des effets que nous connaissons :
l'institution du dimanche, la fondation de
l'Eglise, la métamorphose des apôtres,
la conversion et la vocation de Saul de Tarse. Si
nous acceptons ce fait tel qu'il nous est
raconté dans les quatre Évangiles,
tout s'arrange, tout s'explique. Si nous le
rejetons, tout devient mystérieux,
incompréhensible. L'hypothèse de la
résurrection du Sauveur est donc
nécessaire pour des esprits, je ne dis pas
mystiques ou rêveurs, mais tout simplement
logiques.
Mais ici il faut que nous nous
entendions bien sur ce que nous appelons la
résurrection du Christ. Dire que
Jésus-Christ est ressuscité, c'est
dire que son corps lui
même a repris vie, et que
c'est son corps qui est sorti du sépulcre,
après que la pierre en eut été
roulée. Ce corps pouvait être
déjà en voie de transformation
spirituelle, cela n'empêche pas que
c'était son corps, ses mains, ses pieds, sa
tête, etc., et pour préciser encore
davantage, on peut affirmer, avec les
Évangiles, qu'après cette
résurrection le tombeau fut trouvé
vide, et qu'il y eut plusieurs témoins pour
constater ce fait.
Il est bon de préciser, car
il existe bon nombre de théologiens,
laïques ou pasteurs qui, tout en niant la
résurrection, telle que nous venons de la
décrire, n'en emploient pas moins ce terme
en lui donnant un tout autre sens. Dans leurs
livres, dans leurs conversations on dans leurs
prédications, ils parlent bien de la
résurrection de Jésus-Christ, mais,
mentalement, ils savent fort bien qu'ils
n'admettent pas ce que croient les simples et les
naïfs. Jésus n'est ressuscité,
pour eux, qu'en esprit, en ce sens que son
âme, étant immortelle comme la leur, a
continué à vivre après sa
mort. Mais il va sans dire que son corps est
resté dans la tombe et qu'il a dû
subir le sort commun à tous les cadavres, il
a dû se décomposer et tomber en
poussière.
Chacun est libre naturellement de
nier, sur sa propre responsabilité, le fait
de la résurrection de Christ ; nous
devons respecter l'opinion d'autrui, quelle,
qu'elle soit, si toutefois elle est sincère,
mais nous nous élevons énergiquement
contre ce stratagème déloyal, qui
consiste à tromper son
prochain, en lui laissant croire
que l'on admet une chose, quand, au fond, on la
rejette : malgré ce que prétend
un ordre religieux, tristement
célèbre, dire une chose et penser le
contraire, c'est bel et bien dire un mensonge, et
la morale chrétienne la plus
élémentaire défend absolument
le mensonge, même quand par ce dernier on
pourrait éviter de scandaliser son
prochain.
Mais comment donc, demandera
quelqu'un, pouvez-vous affirmer aussi
catégoriquement, la résurrection du
Christ ? En lisant avec attention et en
contrôlant scrupuleusement le récit
des neuf apparitions successives qui eurent lieu
à partir du dimanche matin : les, voici
du reste dans l'ordre probable.
I. La première eut lieu de
bonne heure le dimanche matin, dans le jardin de
Joseph d'Arimathée, et c'est Marie-Madeleine
qui en fut témoin. Elle était
venue avec d'autres femmes pour embaumer le corps
du Maître, et ayant trouvé le tombeau
vide, elle et ses compagnes s'en étaient
allées immédiatement à la
ville pour avertir les apôtres. Jean, puis
Pierre arrivèrent alors et, comme les
femmes, ils constatèrent que le
sépulcre était vide ; puis, eux
aussi, ils retournèrent à la ville.
C'est alors que Marie revint, et qu'elle vit, pour
la première fois, Jésus
ressuscité. Mais, détail typique qui
inspire confiance, elle, pas plus que les, autres
témoins, ne le reconnut, elle le prit
même pour le jardinier.
Avouons qu'un faussaire eût
été maladroit d'inventer pareil
détail, ce n'était certes pas le
moyen de faire croire à
l'historicité de son récit. De
même, je doute qu'il eût choisi une
femme comme premier témoin, on sait dans
quelle petite estime la femme était tenue
autrefois, surtout en Orient. De plus, ne
s'agissait-il pas d'une femme
méprisée, possédée
jadis par sept démons, ce qui indique un
état moral pour le moins aussi grave que son
état physique ? Non,
décidément, un témoin pareil
est mal choisi, à moins que le récit
soit vrai, ce qui est d'autant plus probable qu'il
est plus difficile à concevoir sans une
réalité objective. J'en pourrais dire
autant de ce qui suit, en particulier de cette
parole de Jésus : « Ne me
touche pas, car je ne suis pas encore monté
vers mon Père et votre Père, vers mon
Dieu et votre Dieu
(Jean XX, 17). » Cette
parole, elle aussi, est trop obscure pour ne pas
être vraie ; ce n'est pas ainsi que l'on
invente.
Il. D'après
Luc XXIV, verset 34, le
témoin de la seconde apparition fut
Simon-Pierre. Nous n'avons aucun détail
à ce sujet. On comprend qu'une telle faveur
ait été accordée à
l'apôtre qui avait renié son
Maître, ce qui nous étonne, c'est la
sobriété du récit : une
simple indication, et tout est dit. Mais ce
laconisme même redouble notre
confiance.
III. Ce même jour,
vers le soir, le ressuscité se montra
à deux disciples se rendant à
Emmaüs. Il fit route avec eux, de nouveau
sans être reconnu ; il chercha à
les consoler en leur montrant, d'après les
Écritures, que le Messie
devait souffrir et même mourir, avant
d'entrer dans sa gloire ; mais eux ne voyaient
toujours en lui qu'un étranger, jusqu'au
moment de leur arrivée à
Emmaüs.
Pourquoi donc apparaître, en
dehors de la capitale, à deux hommes sans
importance dans le cercle des disciples ?
Inventer un tel récit, ne serait-ce pas
accumuler à plaisir les
difficultés ?
IV. Quelques heures plus tard, le
Christ apparut encore, cette fois à
Jérusalem où tous les
apôtres étaient réunis, moins
Judas, qui s'était pendu, et Thomas, qui se
tenait à l'écart, sans doute
découragé. Les apôtres,
à leur tour, malgré le
témoignage des deux disciples d'Emmaüs,
malgré le témoignage de Pierre
lui-même, et voyant Jésus entrer dans
la chambre fermée, ne peuvent pas croire que
c'est lui ; ils sont saisis
d'épouvante, et le prennent pour un
fantôme ; même quand Jésus
s'est laissé toucher par eux, ils ne croient
pas encore, jusqu'au moment où il mange
devant eux du poisson rôti et du miel.
Nouveau détail, insignifiant si l'on veut,
de toute importance pourtant, puisqu'il trahit le
témoin oculaire, et qu'il prouve la
résurrection corporelle de
Jésus-Christ.
V. Huit jours après,
probablement, a lieu la cinquième
apparition, destinée à ramener
à la foi l'apôtre Thomas. Celui-ci
avait déclaré qu'il ne croirait que
s'il constatait dans les mains du Maître la
marque des clous, s'il pouvait mettre son doigt
dans la marque des clous, et sa main dans son
côté.
En voilà un que les
récits de quelques femmes ou de disciples
enthousiastes ne convaincront jamais ! Le
Sauveur répond pleinement au désir de
Thomas : « Avance ici ton doigt, lui
dit-il, et regarde mes mains ; avance aussi ta
main, et mets-la dans mon côté ;
et ne sois pas incrédule, mais crois
(Jean XX, v. 27). » Et
l'apôtre se déclare vaincu. On a
souvent blâmé sévèrement
le disciple douteur ; je ne comprends pas ce
blâme, quant à moi je suis
personnellement très reconnaissant à
l'apôtre, son doute a affermi et même
amené à la foi plus d'un lecteur,
qui, sans lui, n'aurait jamais pu accepter le
récit de la résurrection du
Christ.
VI. Dans les jours qui suivirent,
Jésus se montra encore à son
frère Jacques, celui qui, par la suite,
joua un rôle si important dans l'Eglise de
Jérusalem, dont il devint
l'évêque. Jacques, pas plus que les
autres frères du Sauveur, ne croyait en
Christ auparavant. Il est probable que cette
apparition fut décisive dans sa vie et
qu'elle fit de lui l'ardent croyant que l'on
sait.
VII. La septième
apparition eut lieu en Galilée, au bord du
lac de Génézareth, de bonne heure le
matin. Quelques apôtres, dont Pierre,
Thomas, Nathanaël, les fils de
Zébédée et deux autres
disciples avaient essayé de
pêcher ; ils n'avaient rien pris et le
jour étant venu, ils allaient
débarquer, quand ils aperçurent le
Sauveur. Jean ne le reconnut qu'après la
pêche miraculeuse, qui,
forcément, dut rappeler à Pierre le
début de sa vocation d'apôtre dans des
circonstances tout analogues. Cette septième
apparition du ressuscité avait pour but de
réintégrer Pierre dans son
apostolat.
VIII. Il y eut encore une autre
apparition en Galilée, celle à cinq
cents frères réunis,
mentionnée par Paul, dans
l'épître aux Corinthiens :
« La plupart d'entre eux étaient
encore vivants à ce moment,
dit-il. » Nous n'avons aucun
détail sur cette apparition, mais nous
pouvons nous représenter son importance, vu
le très grand nombre de
témoins.
IX. Enfin Jésus apparut
aux onze une dernière fois, le jour de
l'Ascension, sur la montagne des Oliviers, au
moment où il prit congé d'eux avant
de retourner au ciel. Il s'entretint avec eux
pendant quelques instants, leur fit ses
dernières recommandations, leur ordonna en
particulier d'attendre à Jérusalem le
don du Saint-Esprit avant de lui servir de
témoins, puis disparut à leurs
yeux.
Je ne parle pas de la vision que
Saul de Tarse eut du Christ sur le chemin de Damas,
attendu que ce ne fut pas une apparition proprement
dite, Saul ne vit qu'une lumière
éblouissante, il entendit la voix du
Seigneur ; rien ne nous dit qu'il le vit
réellement revêtu de son corps
ressuscité. Cela n'empêche pas que
Saul eut tellement l'impression qu'il était
en face d'un être vivant revêtu de
l'autorité souveraine, qu'il abdiqua
immédiatement devant lui et se mit
résolument à son service.
En tout cas, pour l'apôtre
Paul, la résurrection du Christ était
un fait réel et tellement certain qu'il en
faisait dépendre toute sa foi et qu'il alla
jusqu'à écrire ces mots :
« Si Christ n'est pas ressuscité,
notre prédication est vaine et votre foi est
vaine. Il se trouve même que nous sommes de
faux témoins, à l'égard de
Dieu, puisque nous avons témoigné
contre Dieu qu'Il a ressuscité Christ,
tandis qu'Il ne l'aurait pas ressuscité. Si
Christ n'est pas ressuscité, votre foi est
vaine et vous êtes encore dans vos
péchés, et par conséquent
aussi ceux qui sont morts en Christ aussi sont
perdus
(1 Cor. XV, v. 14 à
18). »
Tel est le témoignage des
contemporains, suffisamment clair, me semble-t-il,
pour que nous puissions affirmer que la
résurrection de Jésus-Christ est un
des faits les mieux documentés de l'histoire
ancienne. Car les Évangiles sont là
qui nous racontent tous quatre le même fait,
et les apparitions du Sauveur sont là aussi,
qu'il n'est pas aisé d'éliminer quand
on les relit. Il n'est pas jusqu'aux contradictions
dans les détails qui ne viennent corroborer
encore la véracité des
récits ; car si ces derniers
étaient le produit de l'invention, s'ils
avaient été imaginés au second
ou au troisième siècle, pour grandir
le héros dont l'histoire nous est
racontée, il eût été
très facile de mettre d'accord les
différentes narrations : en faisant
disparaître les contradictions, les auteurs
eussent mieux réussi à faire accepter
leurs légendes. Ces
contradictions nous semblent
être la preuve indiscutable que les
témoins ont raconté comme ils avaient
vu et comme ils avaient entendu, sans se
préoccuper d'être toujours en parfait
accord les uns avec les autres.
Qu'il y ait eu quelque chose
d'extraordinaire après la mort de
Jésus et à partir du premier jour de
la semaine, personne n'oserait aujourd'hui le
contester. Mais comme un bon nombre de critiques ne
veulent pas admettre le fait de la
résurrection du Sauveur, ils s'efforcent
d'expliquer ces apparitions par des causes
naturelles ; et, incapables de surmonter la
difficulté, ils cherchent à la
tourner en donnant au phénomène une
interprétation différente.
C'est ainsi qu'une des explications
les plus à la mode autrefois parmi les
incrédules a été celle de la
léthargie ou de la mort apparente. Christ ne
serait pas mort réellement sur la croix, il
se serait seulement évanoui sous le coup de
l'intense douleur ressentie. Une fois
déposé dans le sépulcre, le
repos, la fraîcheur du tombeau, l'aurait
petit à petit fait revenir à lui,
jusqu'à ce qu'il eut la force de soulever la
pierre et de sortir victorieux. Évidemment,
il faut, dans ce cas, supposer que les disciples
ont menti ou, tout au moins, se sont
foncièrement trompés, en racontant,
comme ils l'ont fait, la résurrection de
leur Maître, et ce dernier se serait
prêté à cette comédie ou
aurait commis la même erreur. Le
quatrième Évangile aurait même
renchéri sur les autres en prétendant
que le coup de lance du soldat avait fait
jaillir de l'eau et du sang,
preuve indiscutable de la mort du
Christ.
Mais indépendamment de ce
mensonge ou de cette illusion, il faut
reconnaître que ceux qui se contentent d'une
telle explication méritent un diplôme
de foi naïve qui tient du miracle. Comment
donc, voilà un condamné à mort
qui passe par une agonie terrible au jardin de
Gethsémané, si terrible que des
grumeaux de sang sortent de sa peau, le
voilà cloué à la croix pendant
plusieurs heures, expirant en poussant un grand cri
que tous les témoins ont pu entendre, le
voilà enfin qui reçoit un coup de
lance en plein coeur, il sort de la blessure du
sang et de l'eau, il est si bien mort, que les
soldats romains ne se donnent pas la peine de
l'achever, comme ils le font des deux brigands, et
quand le corps de ce crucifié est mis au
sépulcre, il reprend vie peu à peu,
et même il est à tel point robuste
qu'il petit soulever une lourde pierre
scellée par les Romains, il peut tenir en
respect la troupe de soldats qui montait la garde
auprès du tombeau ; puis, dans la
même journée, apparaître
à Jérusalem, sur le chemin
d'Emmaüs et, de nouveau, le même soir,
à Jérusalem !! Mais nos
négateurs ne comprennent-ils donc pas que la
foi des orthodoxes est infiniment plus simple et
moins prodigieuse ? En les écoutant, on
ne sait vraiment pas ce qu'il convient le plus
d'admirer, ou du corps de Jésus-Christ
tombé en léthargie et soulevant la
pierre de son tombeau, on de la
crédulité de ces incrédules
qui réussit à enlever comme par
enchantement tous les obstacles
accumulés sur leur chemin. Tant il est vrai
que la foi est affaire de volonté beaucoup
plus que d'intelligence et qu'elle peut toujours
transporter des montagnes !
Plus tard, on remplace cette
explication par l'hypothèse des
hallucinations qui eut un moment de grande vogue et
qui, paraît-il, continue à suffire
à quelques esprits. D'après elle, les
disciples ont cru voir le corps de
Jésus-Christ, mais ce n'était qu'un
rêve, de leur imagination. Il a dû se
passer alors quelque chose d'analogue aux visions
de Jeanne d'Arc ou aux apparitions de la vierge
Marie à tel ou tel croyant naïf :
on sait le succès qu'elles ont
rencontré auprès du public ; on
sait comment la localité favorisée
est devenue un lieu de pèlerinage, attirant,
chaque année, des pèlerins de toutes
les parties du monde. Les disciples n'ont, au fond,
rien vu ni rien entendu, ils ont seulement cru voir
et cru entendre, ils ont pris des ombres pour des
réalités, des apparences, pour des
choses objectives.
Mais, dans les faits d'hallucination
que l'on compare au récit biblique pour
l'expliquer, l'apparition n'a qu'un témoin
et ne se produit guère qu'en un seul
endroit. Taudis que le ressuscité apparut
à un grand nombre de personnes, des hommes,
des femmes, des individus isolés, des
groupes plus ou moins nombreux, et ces personnes se
trouvaient toutes dans des états d'âme
différents et surtout dans des
localités différentes. En outre,
l'hallucination ne se produit que lorsque le
témoin s'attend absolument à la
chose, il voit ce qu'il
espère voir ; il se
fait un tel travail d'imagination dans le cerveau,
que celui-ci donne en quelque sorte une forme
concrète et matérielle à son
rêve, il en est comme le créateur ou
l'évocateur. Tandis que le Christ
ressuscité, apparut à des individus
ou à des groupes qui, non seulement ne
s'attendaient pas à le voir sortir du
tombeau, mais qui se refusaient à le croire
vivant ; plusieurs d'entre eux allèrent
même au sépulcre pour embaumer le
corps du Maître aimé.
Enfin, d'ordinaire, l'hallucination
pour se produire, exige un état nerveux
particulier, ce sont des rêveurs, des
mystiques, quelque peu névrosés,
jamais des hommes positifs, pratiques, disons le
mot, aussi terre à terre que les
apôtres. Celui qui passe pour le plus
mystique de tous, n'a-t-il pas écrit ces
lignes : « Ce que nous avons
entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que
nous avons contemplé et que nos mains ont
touché, concernant la parole de vie... nous
vous l'annonçons
(1 Jean 1, v. 1 et
2). »
Allons, que le lecteur
sincère le reconnaisse et le confesse :
Le fait tout simple de la résurrection du
Christ demande un effort de foi bien moins
considérable que l'hypothèse de
l'hallucination.
Il n'y a pas bien longtemps,
j'entendais émettre l'explication d'un de
nos professeurs en théologie de la Suisse
romande au sujet de la résurrection. Pour
lui, la difficulté de la résurrection
n'existe pas ; à ses
yeux, rien n'est plus simple. Jésus
était bien mort le vendredi, mort en
réalité, et mort dans l'esprit de ses
disciples. Mais voici qu'au bout de trois jours,
à force de pleurer et de
réfléchir sur le coup qui venait de
les frapper, ils eurent la lumineuse idée de
dire : Non, décidément, il ne
doit pas être mort, il doit être
vivant ! - Et alors par un
phénomène d'autosuggestion, ils se
persuadèrent à eux-mêmes que le
crucifié vivait... et voici Jésus
était ressuscité... dans l'esprit des
apôtres !
Vaut-il la peine de répondre
à de pareilles sottises ? Moi qui me
plaisais à croire que la science moderne,
dont nos négateurs se réclament
constamment, avait relégué parmi les
théories surannées et
anti-scientifiques, celle de la
génération spontanée ? Or
l'explication proposée n'est pas autre chose
qu'un phénomène de
génération spontanée, à
laquelle on ne croit plus quand on a fait ses
classes et que l'on s'est mis au courant des
expériences magnifiques du savant
Pasteur.
Enfin, je vois paraître
à l'horizon une nouvelle explication de la
résurrection de Jésus-Christ, celle
du spiritisme, qui devient à la mode chaque
jour davantage. Pour les spirites, les apparitions
de Jésus s'expliquent très
naturellement, ils observent constamment des
phénomènes semblables. Des esprits de
trépassés, bien morts, des morts dont
le corps se décompose au fond de la terre,
ont le pouvoir, à un moment donné, de
se réincarner, ou plutôt de prendre de
nouveau une forme matérielle, qu'ils
déposent dès
qu'ils le veulent. Ils font
usage d'une matière fluidique, qui leur
permet de se montrer sous la forme de leur choix.
Jésus-Christ a dû posséder ce
pouvoir, tout autant que d'autres et même
davantage. Cela ne veut pas dire qu'il soit
matériellement ressuscité, mais tout
simplement que soit esprit a survécu
à sa mort.
Malheureusement, pour cette
théorie, qui, tôt ou tard, sera elle
aussi à la mode comme le spiritisme, on ne
nous explique pas comment il se fait que le tombeau
du Christ ait été reconnu vide :
qu'est donc devenu le corps de Jésus ?
On ne peut pas nous le dire ; si vraiment il
était resté couché dans le
sépulcre, il eût été
bien facile de l'exhumer et de confondre, au moyen
d'une preuve authentique et indiscutable, les
prétentions des apôtres sur la
soi-disante résurrection du crucifié.
Or rien de semblable ne nous est
raconté.
En outre, on ne nous dit pas comment
ce corps fluidique, qui n'avait de matériel
que la forme, a pu marcher et surtout manger, et
cela à plusieurs reprises. Il me semble
même que Jésus ait voulu
prévenir cette explication simpliste, quand
il a dit à ses apôtres, qui le
prenaient pour un esprit : « Voyez
mes mains et mes pieds, c'est bien moi ;
touchez-moi et croyez : un esprit n'a ni chair
ni os, comme vous voyez que j'ai. Et en disant
cela, il leur montra ses mains et ses pieds
(Luc XXIV, v. 39 et 40). »
Était-ce une illusion ou un
mensonge de sa part ? Les
spirites devraient bien nous le dire ; en tout
cas, c'est à cette conclusion qu'ils sont
amenés s'ils se contentent de leur
hypothèse en face du
ressuscité.
Toutes ces hypothèses nous
font l'effet d'être les derniers efforts
d'une critique aux abois, qui se refuse à
admettre ce qui a fait la force des fidèles
de tous les temps et de tous les pays ; on
s'imagine tourner la difficulté par des
efforts d'imagination ; mais les croyants
peuvent se rassurer : chaque nouvel effort est
une preuve de plus de la véracité des
témoins évangéliques et de
l'authenticité du fait de la
résurrection. On ne se donne pas tant de
peine pour détruire une pure
légende : on ne se démène
pas à ce point pour renverser des moulins
à vent, à moins que l'on ne soit Don
Quichotte. Comme il serait plus simple et plus
loyal, que dis-je ? comme il serait plus
scientifique de s'incliner devant le
témoignage des premiers chrétiens et
de croire que, n'ayant aucun motif sérieux
pour nous tromper sur ce point, pas plus que sur
les autres, ils nous ont franchement raconté
ce qu'ils avaient vu de leurs yeux et entendu de
leurs oreilles.
Au reste la résurrection du
Christ est non seulement appuyée par les
documents du Nouveau Testament, elle l'est tout
autant, peut-être même davantage, par
l'ensemble des faits de la rédemption ;
ce n'est pas un accessoire qui s'ajoute, on ne sait
trop pourquoi, à ces faits, c'est une partie
intégrante, comme l'une
des pierres fondamentales de l'édifice.
C'est ce qu'il nous reste à
démontrer. Pour le faire, nous nous
placerons successivement aux quatre points de
vue :
- a) De Christ lui-même ;
- b) des apôtres ;
- c) des chrétiens de tous les
temps ;
- d) du monde.
a) CE QUE FUT LA RÉSURRECTION
DE CHRIST POUR LE CHRIST
LUI-MÊME.
Elle prouve, de la façon la
plus claire, la véracité du Sauveur.
À plusieurs reprises, le Sauveur
annonça catégoriquement sa propre
résurrection : ainsi peu de temps avant
la transfiguration, il est dit qu' « Il
commença à apprendre à ses
disciples qu'il fallait que le fils de l'homme
souffrit beaucoup, qu'il fût rejeté
par les anciens, par les chefs des prêtres et
par les scribes, qu'il fût mis à mort
et qu'il ressuscitât trois jours après
(Marc VIII, v. 31). » Une
autre fois, comme on lui demandait un miracle, il
répondit, se servant d'une image si
étrange, qu'elle ne peut avoir
été inventée :
« Une génération
méchante et adultère demande un
miracle - il ne lui sera donné d'autre
miracle que celui de Jonas. Car, de même que
Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre
d'un grand poisson, de même le Fils de
l'homme sera trois jours et trois nuits dans le
sein de la terre
(Matth. XII, V. 39 et
40). »
Supposons que la pierre du tombeau
fût restée en place, supposons que le
corps du Christ fût demeuré dans le
sépulcre et se fût
décomposé, c'était un
démenti éclatant donné
à Jésus, et s'il s'était
trompé ou s'il nous avait trompé sur
un point de cette importance, quelle confiance
eussions-nous pu avoir en lui sur d'autres
questions ? Jésus apparaissait
dès lors comme un faux témoin, il
n'était plus la vérité.
Comment pourrait-il être encore l'objet de
notre foi et de notre adoration ?
La résurrection de Christ
prouve ensuite son absolue sainteté. Dieu
avait dit autrefois à nos premiers parents
que, s'ils mangeaient du fruit défendu, ils
mourraient ; n'en pas manger, obéir, en
d'autres termes, c'était échapper
à la mort, la mort étant le salaire
du péché. Si, depuis lors, tous les
hommes meurent, c'est que tous ont
péché, car « l'âme
qui pèche, c'est celle qui mourra
(Ezéchiel XVIII,
4), » dit l'Écriture.
Jésus-Christ avait bien laissé
entendre, nous l'avons vu plus haut, qu'il
était sans péché ; nous
étions disposés à le croire,
mais il nous en manquait une preuve décisive
et indiscutable, cette preuve allait être
fournie par sa résurrection. Il venait de
mourir sur la croix : confondu, lui le Saint,
avec des malfaiteurs, on pouvait croire que cette
mort était méritée, et ses
amis, ses ennemis, le monde entier, étaient
comme en suspens devant la tombe fermée.
Quel moment solennel ! Je doute qu'il y en ait
eu beaucoup de semblables dans
l'histoire ; cette pierre va-t-elle se
mouvoir ? Restera-t-elle à sa place,
retenant en prison celui que la Justice humaine a
condamné trois fois ? Si la pierre
reste immobile, c'est le signe certain que
Jésus a péché, sa
sainteté est une illusion, il est impossible
de le prendre comme modèle parfait ;
encore moins de voir en lui un Sauveur ! Le
péché est donc fatal,
l'humanité a beau faire, elle ne pourra
jamais secouer son joug odieux ; toutes les
aspirations vers le bien sont des tromperies ;
l'homme est condamné, sans espoir, à
faire toujours le mal et à mourir sous son
étreinte.
Si, au contraire, la pierre est
roulée, si Christ sort victorieux du
tombeau, nous pouvons chanter le cantique joyeux de
la victoire, car le mal a trouvé son
destructeur, l'homme peut et doit être libre
du péché il en sera tôt ou tard
affranchi, puisque son représentant le plus
authentique ne l'a pas connu par
expérience ; la mort, elle aussi, sera
vaincue, car Jésus-Christ l'a
détrônée en « mettant
en évidence la vie et
l'immortalité. »
Mais il y a plus, bien plus encore,
dans le fait de la résurrection de
Jésus-Christ. Si elle est un fait
réel, la divinité de Christ est, elle
aussi, chose certaine. L'apôtre Paul le dit
nettement au début de son
épître aux Romains : Jésus
a été
« déclaré Fils de Dieu
d'une manière puissante, selon l'Esprit de
sainteté, par sa résurrection d'entre
les morts
(Rom. I, v. 4). » D'autre
part, Jésus-Christ avait affirmé de
son côté qu'il
avait la vie en lui-même
et que personne ne pouvait la lui ôter.
Pourquoi cela ? Précisément
parce que, en sa qualité d'être divin,
il était la source de la vie, et non pas son
dépositaire passager. De là cette
autre parole, que seul un Dieu a le droit de
prononcer : « Je suis la
résurrection et la vie. Celui qui croit en
moi ne mourra jamais
(Jean XI, 25). » Un Dieu ne
peut pas mourir : si donc Jésus-Christ
était resté couché dans le
sépulcre, retenu par les liens de la mort,
c'était la preuve qu'il n'avait pas la vie
en lui-même, il n'était donc pas divin
dans son essence, il n'était pas Dieu.
Comment, plus tard, aurait-il pu rassurer son
apôtre bien-aimé, en lui disant qu'
« il était vivant aux
siècles des siècles et qu'il tenait
dans sa main les clefs de la mort et du
séjour des morts
(Apoc, I.
18) ? »
Tout se tient dans l'histoire de la
rédemption : enlever une pierre, c'est
préparer l'écroulement de tout
l'édifice. Nier la divinité de
Christ, c'est par là même nier sa
résurrection ; accepter celle-ci, c'est
se mettre dans les conditions voulues pour croire
à celle-là. N'avais-je pas raison de
dire tout à l'heure que
l'événement du matin de Pâques
faisait, en quelque sorte, partie intégrante
de l'histoire de la rédemption ?
b) CE QUE FUT LA RÉSURRECTION
DE CHRIST POUR LES APÔTRES.
Un stimulant, un moteur tout
puissant, qui les poussera triomphants à la
conquête du monde. Jamais des hommes
découragés, abattus, manquant de
foi, comme ils l'étaient
au soir du vendredi, n'auraient pu entreprendre
cette conquête : la tenter,
ç'eût été s'exposer
à une déroute certaine. On
n'entreprend pas un voyage missionnaire, ou
n'expose pas sa vie, on ne renonce pas à
tout, pour annoncer au monde un Sauveur
condamné à mort et vaincu par ses
ennemis. Une telle proclamation ne vaut vraiment
pas la peine. S'ils l'avaient faite, ils auraient
sans doute entendu au dedans d'eux une voix leur
disant : « Tout cela est beau, cette
vie d'amour est splendide ; cela
n'empêche pas qu'elle s'est terminée
par une formidable banqueroute et que le
méchant l'a emporté sur le Saint et
le Juste. »
Il n'est, du reste, pas
nécessaire de faire des suppositions
à cet égard, il n'y a qu'à
voir quels sont les missionnaires les plus ardents
et les plus zélés ; sauf de
très rares exceptions, ce sont tous des
hommes convaincus de la résurrection
corporelle du Sauveur : persuadés
qu'ils sont que leur Roi a vaincu la mort, ils ne
craignent pas de s'avancer an centre de l'Afrique
ou au coeur de l'Asie, pour apporter à tous
la bonne nouvelle de l'Évangile.
C'est ainsi que le fait de la
résurrection, bien loin d'être du
domaine métaphysique, revêt, au
contraire. la plus grande importance au point de
vue tout pratique des missions
évangéliques. On a dit de l'argent,
qu'il était le nerf de la guerre : ne
pourrait-on pas dire tout autant de la
résurrection de Christ, qu'elle est le nerf
de la guerre pour la conquête du monde
à l'Évangile ?
c) CE QU'EST LA RÉSURRECTION DE
CHRIST AU POINT DE VUE DES CHRÉTIENS DE TOUS
LES TEMPS.
Une question de vie ou de mort, pour
ceux, du moins, qui admettent la
réalité tragique du
péché et de ses conséquences.
Quiconque a souffert de son péché,
quiconque a entendu sa conscience lui reprocher sa
culpabilité devant Dieu, a saisi avec
bonheur la nouvelle que Jésus-Christ est
ressuscité, car il y a vu la preuve que le
sacrifice de son Sauveur, ayant été
agréé, son péché est
bien réellement expié et peut
être pardonné. Christ, sur la croix, a
répondu pour nous ; si la mort l'avait
retenu dans ses liens, sa tentative d'amour
échouait et le pécheur restait sous
le coup de la condamnation.
Je suppose que j'aie une forte dette
à payer et que je me trouve dans
l'incapacité de le faire. Un ami se
présente pour moi et il accepte d'être
emprisonné à ma place. Tant que je ne
le vois plus, ma dette pèse encore sur moi
de tout son poids. Mais voici qu'au bout de
quelques jours, je rencontre mon ami dans la rue,
allant librement à ses affaires. Mon coeur,
aussitôt, tressaille de joie, car cette
rencontre est la preuve que ma dette est
acquittée et je me trouve, par là
même, libre comme mon garant.
Le pardon de nos
péchés dépend donc directement
de la résurrection de Christ ; il en
est de même de notre réconciliation
avec Dieu et de notre adoption comme enfants de
Dieu. Car je ne puis être assuré de
rencontrer le regard
bienveillant de mon Père céleste, que
si j'ai tout d'abord retrouvé celui de mon
frère bien-aimé. Il en est de
même de la délivrance après
laquelle je soupire, vis-à-vis de
l'esclavage du péché. Pour que je
ressuscite spirituellement, c'est-à-dire
pour que je commence une vie nouvelle de victoire
et d'affranchissement à l'égard de
mon ancien tyran, il faut nécessairement que
le Christ lui-même me communique cette vie.
Il m'avait entraîné avec lui dans sa
mort, j'étais mort à moi-même
en renonçant à mon moi
révolté et coupable, il faut
maintenant que, uni à lui dans sa
résurrection, je tourne le dos à ma
vie passée, pour commencer avec lui une vie
nouvelle de sainteté et d'amour. Comment
cette vie serait-elle possible si je suis seul et
que mon Sauveur soit retenu dans les liens de la
mort ?
Enfin, sa résurrection
corporelle me garantit ma propre
résurrection. Saint Paul l'a écrit de
la façon la plus catégorique :
« S'il n'y a pas de résurrection
des morts, Christ non plus n'est pas
ressuscité. Et si Christ n'est pas
ressuscité, notre prédication est
donc vaine, et la foi des fidèles est vaine
aussi
(1 Cor. XV, v. 14). » En
d'autres termes, la résurrection de
Jésus-Christ est en corrélation
directe et intime avec notre propre
résurrection. Supposer l'une, c'est supposer
l'autre. Rejeter l'une, c'est du même coup
rejeter l'autre. En effet, comment oserions-nous
prétendre que nous ressusciterons, nous,
pauvres coupables, rongés par la
lèpre du
péché. si Christ, le Saint et le
Juste, n'est pas ressuscité ? Comment
nous serait-il accordé à nous
condamnés, ce qui lui aurait
été refusé, à lui,
innocent ? Que nos affligés le sachent
donc : ils n'ont aucune joyeuse certitude en
ce qui concerne leurs bien-aimés morts. Ils
ne les retrouveront jamais, puisque, sans la
résurrection de Christ ils en sont encore
à la situation du croyant de l'ancienne
alliance, qui a écrit ces tristes
paroles : « Ce ne sont pas les morts
qui célèbrent l'Éternel, ce
n'est aucun de ceux qui descendent dans le lieu du
silence
(Ps. CXV, v. 17). Celui qui meurt n'a
plus ton souvenir ; qui te louera dans le
séjour des morts
(Ps. VI, v. 6) ? »
Valait-il bien la peine que Jésus vînt
dans ce monde pour nous apporter la bonne nouvelle
du salut ? Ce saint est-il encore la bonne
nouvelle, si Christ n'est pas
ressuscité ?
d) CE QU'EST LA RÉSURRECTION DE
CHRIST AU POINT DE VUE DU MONDE.
La preuve éclatante que le
mal ayant été vaincu, ce n'est pas
à lui, mais au Vainqueur que sera le dernier
mot. En Golgotha, c'est le monde qui triompha,
auprès du tombeau vide il a trouvé un
plus puissant que lui. Le pessimisme qui
résulterait certainement de la mort
définitive du Christ n'est plus admissible.
Si l'humanité traverse des temps difficiles
et obscurs, si, par moment, son histoire semble
être une histoire de
larmes et de sang, la contemplation du Sauveur
ressuscité fait briller sans cesse devant
l'homme une lumière que rien ne peut
éteindre. Il en serait tout autrement si la
croix avait été le dernier mot de
l'Évangile : car ce serait le signe, et
un signe infaillible, que la poursuite du bien et
de la justice est, ici-bas, une illusion, puisque
la vie la plus pure qui ait paru sur la terre
aurait été détruite par une
odieuse condamnation, et une condamnation sans
appel.
Voilà pourquoi je me sens
pressé de dire à ceux de mes lecteurs
qui, sans être croyants, sans croire en
particulier à la résurrection de
Jésus-Christ, ont pourtant des principes
moraux et désirent ardemment la victoire du
bien sur le mal, de la moralité sur
l'immoralité, je me sens pressé,
dis-je, de les rendre attentifs à ce
fait : c'est que la résurrection du
prophète de Nazareth est, pour la cause
qu'ils défendent, une question d'être
ou de ne pas être, un élément
de victoire dont ils ne peuvent se
passer.
Lorsque le prisonnier de l'île
du Diable était retenu captif par suite
d'une odieuse condamnation, votre conscience
était mal à l'aise, votre coeur se
sentait oppressé. Supposez qu'il soit
resté dans les fers, supposez qu'il y soit
mort des conséquences des mauvais
traitements ? Que deviendraient votre
conscience et votre coeur ? Ne seraient-ils
pas plus offensés que jamais ?
Pourraient-ils encore espérer avec certitude
une justice sur la terre ? J'en doute, quant
à moi. La preuve, c'est
qu'intérieurement vous protestez chaque
fois qu'une injustice se produit
sans être suivie d'une réparation. Eh
bien ! cet autre Israélite, que ses
contemporains appelaient le prophète de
Nazareth, est une victime de l'injustice humaine,
autrement plus intéressante que le capitaine
français : c'était un juste, un
homme parfaitement juste, il n'avait fait que du
bien à tous, même à ses
ennemis, et le supplice qu'on lui a infligé
fut le plus odieux et le plus cruel. Supposez que
ce Jésus soit resté retenu par les
liens de la mort, c'est-à-dire par Satan, et
que rien ne soit survenu pour rétablir la
justice bouleversée, supposez qu'une fois
mort, son corps se soit décomposé
dans le sépulcre et que ses bourreaux aient
été de la sorte justifiés
à la face du monde, ne serait-ce pas la
preuve, et une preuve définitive, qu'ici-bas
c'est l'injustice qui triomphe, que notre terre est
destinée à devenir un enfer, quand
les hommes qui l'habitent seront tous devenus des
démons ? Ne sentez-vous pas quel
contre-coup immédiat cette pensée
aurait sur la lutte entreprise par tous les hommes
de coeur et de conscience contre toutes les
iniquités sociales et
individuelles ?
Avant donc de mettre
définitivement de côté un fait
que votre raison rejette a priori, que
peut-être vous ne vous êtes pas
donné la peine d'examiner tant il vous
paraissait irrationnel, reprenez la question de
très près, elle en vaut la peine,
examinez avec soin les pièces du
procès : je suis alors certain que vous
ne tarderez pas à reconnaître
l'importance capitale de ce fait au point de vue
moral.
Et si, malgré cela, votre
doute subsiste, demandez-vous si ce n'est pas par
votre faute que vous êtes
arrêtés ; demandez-vous si la
cause morale n'est pas en vous, et si, voulant
conserver quelque interdit au fond de votre coeur,
vous n'avez pas intérêt à nier
la résurrection de Jésus-Christ,
à l'empêcher en quelque sorte de
ressusciter. Les ennemis du crucifié avaient
de sérieux motifs de nier sa
résurrection, car elle les gênait.
Aussi firent-ils tout leur possible pour
l'empêcher, et quand elle eut lieu, ils
persistèrent à en nier la
réalité. Tant il est vrai, qu'en fin
de compte, on ne croit guère que ce que l'on
veut croire. « Si quelqu'un veut faire la
volonté de mon Père, il
connaîtra si ma doctrine vient de Dieu ou si
je parle de mon propre chef
(Jean VII, 17). »
-
La résurrection corporelle de
Jésus-Christ n'est facilement
acceptée que de ceux qui ont passé
par la résurrection spirituelle, ou qui sont
décidés à y passer.
Un mot encore à ceux qui
croient à la résurrection de
Jésus-Christ : il est bon d'admettre ce
fait par la raison, il est mieux d'y croire par le
coeur et par la conscience ; il est infiniment
mieux encore d'en être à tel point
convaincu que l'on vive de ce fait et que le
Ressuscité devienne vivant en nous. Vivre,
si j'ose m'exprimer ainsi, la résurrection
du Sauveur, c'est la meilleure manière
d'être croyant, car c'est la seule qui
réussisse à convaincre ceux qui ne
croient pas encore. Quand le
monde verra dans l'Eglise une multitude innombrable
d'hommes arrachés au tombeau de
l'égoïsme et participant à la
vie d'amour du ressuscité, convaincu enfin
de la résurrection de Christ, il passera
lui-même de la mort à la vie en
ressuscitant avec celui qu'elle adoptera pour son
Roi.
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