Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Fictions ou réalités?

CHAPITRE VI
Le Christ est-il vraiment ressuscité ?

 Dans notre précédent chapitre, nous avons parlé de l'entrée de Jésus-Christ dans le monde et nous avons cru pouvoir affirmer que le caractère miraculeux de cette naissance était aussi acceptable que la personnalité extraordinaire du Christ. Aujourd'hui nous voulons examiner ce que les Évangiles nous racontent de la fin de sa carrière terrestre, ou plutôt de ce qui suivit immédiatement sa mort, en cherchant à répondre à cette question : Le Christ est-il vraiment ressuscité ? Si la naissance miraculeuse a pu être admise de quelques-uns de nos lecteurs, nous pensons que le fait de la résurrection du Christ rencontrera moins d'opposition.

Cependant, comme cette question présente de grandes difficultés et qu'elle est une pierre d'achoppement pour plus d'un esprit, il nous semble qu'il ne sera pas inutile de l'examiner de très près, comme les précédentes. Je me hâte d'ajouter que le sujet que nous abordons aujourd'hui est, selon nous, d'une importance capitale, et que les conséquences de la négation de la résurrection du Sauveur sont incalculables pour tout esprit sérieux.

Abordons ce sujet en rappelant un fait scientifique bien connu, qui n'est pas sans analogie avec cette question.
En 1846, un astronome français, Le Verrier, observant certaines perturbations régulières de la planète Uranus, en conclut qu'il devait y avoir quelque part dans le ciel une autre planète, cause de ces perturbations. Non seulement il affirma l'existence de cette autre planète que personne n'avait vue, mais encore il en détermina la place exacte et, au moyen de calculs très longs et très compliqués, il put indiquer le volume de la dite planète. Six mois plus tard, un astronome allemand, M. Galle, de Berlin, braquait sa lunette dans la direction indiquée et découvrait la planète Neptune à la place même fixée par Le Verrier. Or cette nouvelle planète est trente fois plus éloignée du soleil que la terre ! Voilà donc un astronome qui, par la seule constatation d'un fait considérable, réussit, au moyen du calcul, à en déterminer la cause.

N'y a-t-il pas là quelque analogie avec la résurrection du Christ ? Nous pouvons, en effet, observer dans le ciel de l'histoire, je n'oserais pas dire des perturbations, mais, du moins, des modifications profondes, des effets considérables : nous sommes obligés de rechercher à ces effets une cause proportionnée. Suivons la même marche que Le Verrier et nous en conclurons qu'un phénomène extraordinaire a dû se passer il y a dix-neuf siècles.
Voici ces effets, j'en prends quatre, ce sont les principaux.

Tout d'abord, l'apparition, à un moment précis de l'histoire, du jour du repos, adopté maintenant dans tous les pays christianisés et que l'on appelle le dimanche, c'est-à-dire le jour du Seigneur. Nous sommes tellement habitués à cette institution qu'elle nous paraît toute naturelle. Ce n'en est pas moins un fait très frappant. Dans l'antiquité païenne, le dimanche n'existait pas ; de temps à autre, un jour ou une série de jours de fêtes, appelées saturnales, étaient mis à part, mais ce n'était pas là un jour de repos hebdomadaire offert à tous. Les Juifs, eux, avaient bien le sabbat, mais ce jour, dont l'institution remontait, d'après les traditions bibliques, jusqu'au commencement de l'humanité, était le samedi, c'est-à-dire le dernier jour de la semaine et non point du tout le premier.

Et voici que tout à coup, à un moment donné, le monde païen converti adopte l'institution nouvelle du dimanche, et les chrétiens, anciens Juifs, en font autant en renonçant, non sans peine, il est vrai, au sabbat, auquel ils tenaient fermement puisqu'ils l'avaient reçu de Moïse et de Dieu ! Depuis lors, l'institution est tellement entrée dans les coutumes de l'humanité civilisée qu'elle est maintenue et défendue déjà au seul point de vue hygiénique et social, même par des hommes qui rejettent le christianisme ; bien plus, à mesure que les missions chrétiennes conquièrent le monde, ce jour est accepté par tous et finira par devenir une règle pour la terre tout entière.
Un effet aussi considérable et aussi indiscutable doit avoir une cause, et une cause proportionnée : quelle peut-elle bien être ?

Second effet indiscutable, lui aussi, et plus considérable encore : la fondation, il y a dix-neuf siècles, de l'Église chrétienne. On sait qu'au moment où cette église naquit, le paganisme régnait en maître sur toute la terre, avec ses moeurs, ses cérémonies religieuses, sa civilisation ; on sait, d'autre part, que la religion juive était représentée par des hommes ardents, passionnés, qui n'auraient jamais consenti à renoncer à un culte qui, pensaient-ils, devait leur assurer l'empire du monde.

Et voici que, tout à coup, la religion chrétienne paraît, humble et sans apparence, comme le Christ lui-même, « semblable à un rejeton qui sort d'une terre desséchée, » ainsi que s'exprime le prophète en parlant du Messie ; bien plus, Jésus, le fondateur de cette religion nouvelle, après avoir remporté certains succès auprès du peuple, est à peu près abandonné de la foule, il soulève contre lui la colère et la haine, et il termine sa carrière terrestre par une condamnation infamante et une exécution capitale plus infamante encore. Jésus est un vaincu, il a fait banqueroute, sa cause semble une cause perdue, preuve en soit l'abandon de ses disciples, le reniement de l'un et la trahison de l'autre. Malgré cela, l'Eglise du Christ s'établit sur la terre ; fondée à Jérusalem, elle ne tarde pas à s'étendre dans le reste de la Palestine, puis elle en franchit les frontières, pour couvrir peu à peu une grande partie de l'Asie, l'Europe et enfin le Nouveau-Monde ; elle entre en lutte violente avec les coutumes barbares du temps et les métamorphose ; elle renverse le paganisme et ses forteresses ; elle résiste, victorieuse, à l'invasion des barbares où succombe l'empire romain, elle conquiert ces barbares eux-mêmes et en fait des hommes nouveaux, elle gagne une multitude de ces mêmes Juifs si acharnés contre son fondateur et si tenaces dans leurs convictions religieuses, et, aujourd'hui encore, elle continue la conquête du monde, que dis-je ? ces dernières années, elle est devenue plus conséquente et plus agressive que jamais ! Et à la tête de cette armée envahissante, qui prétend gagner un jour le monde entier, nous trouvons un obscur charpentier, qui, avant de mourir condamné, entendit comme dernières paroles de la foule en fureur : Crucifie ! Crucifie !
Un effet aussi considérable et aussi indiscutable doit avoir une cause et une cause proportionnée : quelle peut-elle bien être ?

Troisième effet considérable et indiscutable, lui aussi : la transformation psychologique des apôtres, trois jours après la mort de leur Maître. Depuis l'heure de l'arrestation de Jésus, ces apôtres sont complètement affolés et déroutés : le Messie condamné et mis à mort, ils perdent tout courage et se laissent entraîner au plus sombre pessimisme, toutes leurs espérances messianiques se sont évanouies, leurs beaux rêves, se sont envolés, ils n'y comprennent plus rien. Jésus les aurait-il trompés ? Ils n'osent pas le croire. Se serait-il trompé lui-même ? C'est plus que probable, c'est certain. Que faire alors ? Retourner désillusionnés, déçus, navrés à la tâche quotidienne, au risque de subir les quolibets et les sanglantes moqueries des parents ou des amis d'autrefois ; on bien, comme Judas, s'ôter la vie : ce serait plus logique et plus court.

Et voici que, tout à coup, ces mêmes hommes abattus se relèvent, comme mus par un ressort puissant ; ces découragés reprennent courage, et un courage extraordinaire ; ces hommes tristes deviennent joyeux, débordants de joie ; ces hommes timides deviennent de vaillants héros, ce sont de vrais lions. Ils se cachaient, maintenant ils se montrent au grand jour, partout et devant tous ; devant la foule, devant le sanhédrin, ils osent proclamer bien haut, avec une sainte hardiesse leur foi absolue, inébranlable au Maître qu'on a tenté d'enlever en le crucifiant. Comme un seul homme, leur petite troupe se lève à la face du monde et désormais ne recule devant rien, ils affirment ce qu'ils croient avec une foi triomphante, quand bien même ils pressentent que leur témoignage, exaspérant leurs ennemis, risque de les conduire à la prison et à la mort.
Un effet aussi considérable et aussi indiscutable doit avoir une cause, et une cause proportionnée : quelle peut-elle bien être ?

Le dernier effet, de toute importance, qu'il me reste à signaler, c'est la conversion du pharisien Saul de Tarse, devenu l'apôtre Paul, on se souvient dans quelles circonstances. Saul était un ardent ennemi de Jésus-Christ ; peut-être, comme membre du sanhédrin, avait-il assisté au jugement et sanctionné la condamnation du charpentier de Nazareth ; observateur zélé de la loi de Moïse, il considérait comme un ennemi de la nation et de Jéhovah tout homme qui osait soutenir le parti du blasphémateur Jésus ; aussi, rempli de fureur, avait-il approuvé la mort du diacre Étienne ; pendant qu'on le lapidait, il gardait les vêtements des bourreaux, applaudissant ainsi à l'exécution. Il n'avait alors qu'une pensée : faire disparaître de la face de la terre tous les disciples du crucifié. Voilà pourquoi il partit pour Damas dans le but d'arrêter et de mettre à mort tous les chrétiens qu'il pourrait découvrir dans cette ville.

Tout à coup, sans que personne ait pu s'attendre à la chose, une force toute-puissante le terrasse sur le chemin et le transforme entièrement ; à partir de cette heure solennelle, il devient un partisan passionné du Christ, il quitte tout pour s'attacher à lui, il ne craint pas de se compromettre, de rompre avec ses parents, ses anciens amis, son parti, sa nation, la synagogue, pour se mettre, corps et âme, au service de son nouveau Maître. Et pourtant il aime sa nation, il l'aime tant qu'il pleure sur elle, et il serait prêt à être maudit de Dieu, si, par cette malédiction, il pouvait la sauver. Désormais, l'Église chrétienne compte un apôtre de plus, et un apôtre si puissant que, par lui, elle s'étend, en quelques années, dans la plus grande partie de l'empire romain. Sans Paul, de pareilles conquêtes n'auraient jamais pu se produire en aussi peu de temps.

Mais ce n'est pas sans peine qu'il a pu accomplir cette grande oeuvre : « Souvent en danger de mort, écrit-il aux Corinthiens, cinq fois j'ai reçu des Juifs, quarante coups moins un, trois fois j'ai été battu de verges, une fois j'ai été lapidé, trois fois j'ai fait naufrage, j'ai passé un jour et une nuit dans l'abîme. Fréquemment, en voyage, j'ai été en péril sur les fleuves, en péril de la part des brigands, en péril de la part de ceux de ma nation, en péril de la part des païens, en péril dans les villes, en péril dans les déserts, en péril sur la mer, en péril parmi les faux frères. J'ai été dans le travail et dans la peine, exposé à de nombreuses veilles, à la faim et à la soif, à des jeûnes multipliés, au froid et à la nudité (2 Cor. XI, 24 à 29). » Il devait encore endurer quatre années de prison, finir lui aussi par le martyre, tout cela pour le nouveau Maître qu'il avait rencontré sur le chemin de Damas.

Certes voilà un effet considérable, une perturbation dans le monde juif, une transformation dans le monde antique, qui doit avoir une cause, et une cause proportionnée : nous demandons encore une fois, quelle fut-elle ? Théoriquement, cette cause est nécessaire : même, sans rien savoir de l'histoire, comme Le Verrier, nous pouvons l'affirmer et en entrevoir la puissance, d'après les effets que nous venons de signaler et qui ne sont rien moins que la transformation du monde antique et moderne. Or l'histoire est là qui nous permet d'indiquer cette cause, comme le télescope de M. Galle lui a permis de découvrir la nouvelle planète. Cette histoire nous affirme, de la façon la plus catégorique, que le crucifié, après avoir été déposé, le vendredi soir, dans un sépulcre bien scellé, en sortit vivant le dimanche matin, malgré les efforts de ses ennemis, malgré la pierre énorme qui fermait la tombe, malgré les soldats romains chargés de bien garder le cadavre du condamné, en d'autres termes, l'histoire est là pour nous affirmer de la façon la plus catégorique que Jésus-Christ ressuscita le troisième jour.

Voilà la cause extraordinaire des effets que nous connaissons : l'institution du dimanche, la fondation de l'Eglise, la métamorphose des apôtres, la conversion et la vocation de Saul de Tarse. Si nous acceptons ce fait tel qu'il nous est raconté dans les quatre Évangiles, tout s'arrange, tout s'explique. Si nous le rejetons, tout devient mystérieux, incompréhensible. L'hypothèse de la résurrection du Sauveur est donc nécessaire pour des esprits, je ne dis pas mystiques ou rêveurs, mais tout simplement logiques.

Mais ici il faut que nous nous entendions bien sur ce que nous appelons la résurrection du Christ. Dire que Jésus-Christ est ressuscité, c'est dire que son corps lui même a repris vie, et que c'est son corps qui est sorti du sépulcre, après que la pierre en eut été roulée. Ce corps pouvait être déjà en voie de transformation spirituelle, cela n'empêche pas que c'était son corps, ses mains, ses pieds, sa tête, etc., et pour préciser encore davantage, on peut affirmer, avec les Évangiles, qu'après cette résurrection le tombeau fut trouvé vide, et qu'il y eut plusieurs témoins pour constater ce fait.

Il est bon de préciser, car il existe bon nombre de théologiens, laïques ou pasteurs qui, tout en niant la résurrection, telle que nous venons de la décrire, n'en emploient pas moins ce terme en lui donnant un tout autre sens. Dans leurs livres, dans leurs conversations on dans leurs prédications, ils parlent bien de la résurrection de Jésus-Christ, mais, mentalement, ils savent fort bien qu'ils n'admettent pas ce que croient les simples et les naïfs. Jésus n'est ressuscité, pour eux, qu'en esprit, en ce sens que son âme, étant immortelle comme la leur, a continué à vivre après sa mort. Mais il va sans dire que son corps est resté dans la tombe et qu'il a dû subir le sort commun à tous les cadavres, il a dû se décomposer et tomber en poussière.

Chacun est libre naturellement de nier, sur sa propre responsabilité, le fait de la résurrection de Christ ; nous devons respecter l'opinion d'autrui, quelle, qu'elle soit, si toutefois elle est sincère, mais nous nous élevons énergiquement contre ce stratagème déloyal, qui consiste à tromper son prochain, en lui laissant croire que l'on admet une chose, quand, au fond, on la rejette : malgré ce que prétend un ordre religieux, tristement célèbre, dire une chose et penser le contraire, c'est bel et bien dire un mensonge, et la morale chrétienne la plus élémentaire défend absolument le mensonge, même quand par ce dernier on pourrait éviter de scandaliser son prochain.

Mais comment donc, demandera quelqu'un, pouvez-vous affirmer aussi catégoriquement, la résurrection du Christ ? En lisant avec attention et en contrôlant scrupuleusement le récit des neuf apparitions successives qui eurent lieu à partir du dimanche matin : les, voici du reste dans l'ordre probable.

I.
La première eut lieu de bonne heure le dimanche matin, dans le jardin de Joseph d'Arimathée, et c'est Marie-Madeleine qui en fut témoin. Elle était venue avec d'autres femmes pour embaumer le corps du Maître, et ayant trouvé le tombeau vide, elle et ses compagnes s'en étaient allées immédiatement à la ville pour avertir les apôtres. Jean, puis Pierre arrivèrent alors et, comme les femmes, ils constatèrent que le sépulcre était vide ; puis, eux aussi, ils retournèrent à la ville. C'est alors que Marie revint, et qu'elle vit, pour la première fois, Jésus ressuscité. Mais, détail typique qui inspire confiance, elle, pas plus que les, autres témoins, ne le reconnut, elle le prit même pour le jardinier.
Avouons qu'un faussaire eût été maladroit d'inventer pareil détail, ce n'était certes pas le moyen de faire croire à l'historicité de son récit. De même, je doute qu'il eût choisi une femme comme premier témoin, on sait dans quelle petite estime la femme était tenue autrefois, surtout en Orient. De plus, ne s'agissait-il pas d'une femme méprisée, possédée jadis par sept démons, ce qui indique un état moral pour le moins aussi grave que son état physique ? Non, décidément, un témoin pareil est mal choisi, à moins que le récit soit vrai, ce qui est d'autant plus probable qu'il est plus difficile à concevoir sans une réalité objective. J'en pourrais dire autant de ce qui suit, en particulier de cette parole de Jésus : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu (Jean XX, 17). » Cette parole, elle aussi, est trop obscure pour ne pas être vraie ; ce n'est pas ainsi que l'on invente.

Il.
D'après Luc XXIV, verset 34, le témoin de la seconde apparition fut Simon-Pierre. Nous n'avons aucun détail à ce sujet. On comprend qu'une telle faveur ait été accordée à l'apôtre qui avait renié son Maître, ce qui nous étonne, c'est la sobriété du récit : une simple indication, et tout est dit. Mais ce laconisme même redouble notre confiance.

III. Ce même jour, vers le soir, le ressuscité se montra à deux disciples se rendant à Emmaüs. Il fit route avec eux, de nouveau sans être reconnu ; il chercha à les consoler en leur montrant, d'après les Écritures, que le Messie devait souffrir et même mourir, avant d'entrer dans sa gloire ; mais eux ne voyaient toujours en lui qu'un étranger, jusqu'au moment de leur arrivée à Emmaüs.
Pourquoi donc apparaître, en dehors de la capitale, à deux hommes sans importance dans le cercle des disciples ? Inventer un tel récit, ne serait-ce pas accumuler à plaisir les difficultés ?

IV.
Quelques heures plus tard, le Christ apparut encore, cette fois à Jérusalem où tous les apôtres étaient réunis, moins Judas, qui s'était pendu, et Thomas, qui se tenait à l'écart, sans doute découragé. Les apôtres, à leur tour, malgré le témoignage des deux disciples d'Emmaüs, malgré le témoignage de Pierre lui-même, et voyant Jésus entrer dans la chambre fermée, ne peuvent pas croire que c'est lui ; ils sont saisis d'épouvante, et le prennent pour un fantôme ; même quand Jésus s'est laissé toucher par eux, ils ne croient pas encore, jusqu'au moment où il mange devant eux du poisson rôti et du miel. Nouveau détail, insignifiant si l'on veut, de toute importance pourtant, puisqu'il trahit le témoin oculaire, et qu'il prouve la résurrection corporelle de Jésus-Christ.

V.
Huit jours après, probablement, a lieu la cinquième apparition, destinée à ramener à la foi l'apôtre Thomas. Celui-ci avait déclaré qu'il ne croirait que s'il constatait dans les mains du Maître la marque des clous, s'il pouvait mettre son doigt dans la marque des clous, et sa main dans son côté.
En voilà un que les récits de quelques femmes ou de disciples enthousiastes ne convaincront jamais ! Le Sauveur répond pleinement au désir de Thomas : « Avance ici ton doigt, lui dit-il, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois (Jean XX, v. 27). » Et l'apôtre se déclare vaincu. On a souvent blâmé sévèrement le disciple douteur ; je ne comprends pas ce blâme, quant à moi je suis personnellement très reconnaissant à l'apôtre, son doute a affermi et même amené à la foi plus d'un lecteur, qui, sans lui, n'aurait jamais pu accepter le récit de la résurrection du Christ.

VI.
Dans les jours qui suivirent, Jésus se montra encore à son frère Jacques, celui qui, par la suite, joua un rôle si important dans l'Eglise de Jérusalem, dont il devint l'évêque. Jacques, pas plus que les autres frères du Sauveur, ne croyait en Christ auparavant. Il est probable que cette apparition fut décisive dans sa vie et qu'elle fit de lui l'ardent croyant que l'on sait.

VII.
La septième apparition eut lieu en Galilée, au bord du lac de Génézareth, de bonne heure le matin. Quelques apôtres, dont Pierre, Thomas, Nathanaël, les fils de Zébédée et deux autres disciples avaient essayé de pêcher ; ils n'avaient rien pris et le jour étant venu, ils allaient débarquer, quand ils aperçurent le Sauveur. Jean ne le reconnut qu'après la pêche miraculeuse, qui, forcément, dut rappeler à Pierre le début de sa vocation d'apôtre dans des circonstances tout analogues. Cette septième apparition du ressuscité avait pour but de réintégrer Pierre dans son apostolat.

VIII.
Il y eut encore une autre apparition en Galilée, celle à cinq cents frères réunis, mentionnée par Paul, dans l'épître aux Corinthiens : « La plupart d'entre eux étaient encore vivants à ce moment, dit-il. » Nous n'avons aucun détail sur cette apparition, mais nous pouvons nous représenter son importance, vu le très grand nombre de témoins.

IX
. Enfin Jésus apparut aux onze une dernière fois, le jour de l'Ascension, sur la montagne des Oliviers, au moment où il prit congé d'eux avant de retourner au ciel. Il s'entretint avec eux pendant quelques instants, leur fit ses dernières recommandations, leur ordonna en particulier d'attendre à Jérusalem le don du Saint-Esprit avant de lui servir de témoins, puis disparut à leurs yeux.

Je ne parle pas de la vision que Saul de Tarse eut du Christ sur le chemin de Damas, attendu que ce ne fut pas une apparition proprement dite, Saul ne vit qu'une lumière éblouissante, il entendit la voix du Seigneur ; rien ne nous dit qu'il le vit réellement revêtu de son corps ressuscité. Cela n'empêche pas que Saul eut tellement l'impression qu'il était en face d'un être vivant revêtu de l'autorité souveraine, qu'il abdiqua immédiatement devant lui et se mit résolument à son service.

En tout cas, pour l'apôtre Paul, la résurrection du Christ était un fait réel et tellement certain qu'il en faisait dépendre toute sa foi et qu'il alla jusqu'à écrire ces mots : « Si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vaine et votre foi est vaine. Il se trouve même que nous sommes de faux témoins, à l'égard de Dieu, puisque nous avons témoigné contre Dieu qu'Il a ressuscité Christ, tandis qu'Il ne l'aurait pas ressuscité. Si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine et vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ aussi sont perdus (1 Cor. XV, v. 14 à 18). »

Tel est le témoignage des contemporains, suffisamment clair, me semble-t-il, pour que nous puissions affirmer que la résurrection de Jésus-Christ est un des faits les mieux documentés de l'histoire ancienne. Car les Évangiles sont là qui nous racontent tous quatre le même fait, et les apparitions du Sauveur sont là aussi, qu'il n'est pas aisé d'éliminer quand on les relit. Il n'est pas jusqu'aux contradictions dans les détails qui ne viennent corroborer encore la véracité des récits ; car si ces derniers étaient le produit de l'invention, s'ils avaient été imaginés au second ou au troisième siècle, pour grandir le héros dont l'histoire nous est racontée, il eût été très facile de mettre d'accord les différentes narrations : en faisant disparaître les contradictions, les auteurs eussent mieux réussi à faire accepter leurs légendes. Ces contradictions nous semblent être la preuve indiscutable que les témoins ont raconté comme ils avaient vu et comme ils avaient entendu, sans se préoccuper d'être toujours en parfait accord les uns avec les autres.

Qu'il y ait eu quelque chose d'extraordinaire après la mort de Jésus et à partir du premier jour de la semaine, personne n'oserait aujourd'hui le contester. Mais comme un bon nombre de critiques ne veulent pas admettre le fait de la résurrection du Sauveur, ils s'efforcent d'expliquer ces apparitions par des causes naturelles ; et, incapables de surmonter la difficulté, ils cherchent à la tourner en donnant au phénomène une interprétation différente.

C'est ainsi qu'une des explications les plus à la mode autrefois parmi les incrédules a été celle de la léthargie ou de la mort apparente. Christ ne serait pas mort réellement sur la croix, il se serait seulement évanoui sous le coup de l'intense douleur ressentie. Une fois déposé dans le sépulcre, le repos, la fraîcheur du tombeau, l'aurait petit à petit fait revenir à lui, jusqu'à ce qu'il eut la force de soulever la pierre et de sortir victorieux. Évidemment, il faut, dans ce cas, supposer que les disciples ont menti ou, tout au moins, se sont foncièrement trompés, en racontant, comme ils l'ont fait, la résurrection de leur Maître, et ce dernier se serait prêté à cette comédie ou aurait commis la même erreur. Le quatrième Évangile aurait même renchéri sur les autres en prétendant que le coup de lance du soldat avait fait jaillir de l'eau et du sang, preuve indiscutable de la mort du Christ.

Mais indépendamment de ce mensonge ou de cette illusion, il faut reconnaître que ceux qui se contentent d'une telle explication méritent un diplôme de foi naïve qui tient du miracle. Comment donc, voilà un condamné à mort qui passe par une agonie terrible au jardin de Gethsémané, si terrible que des grumeaux de sang sortent de sa peau, le voilà cloué à la croix pendant plusieurs heures, expirant en poussant un grand cri que tous les témoins ont pu entendre, le voilà enfin qui reçoit un coup de lance en plein coeur, il sort de la blessure du sang et de l'eau, il est si bien mort, que les soldats romains ne se donnent pas la peine de l'achever, comme ils le font des deux brigands, et quand le corps de ce crucifié est mis au sépulcre, il reprend vie peu à peu, et même il est à tel point robuste qu'il petit soulever une lourde pierre scellée par les Romains, il peut tenir en respect la troupe de soldats qui montait la garde auprès du tombeau ; puis, dans la même journée, apparaître à Jérusalem, sur le chemin d'Emmaüs et, de nouveau, le même soir, à Jérusalem !! Mais nos négateurs ne comprennent-ils donc pas que la foi des orthodoxes est infiniment plus simple et moins prodigieuse ? En les écoutant, on ne sait vraiment pas ce qu'il convient le plus d'admirer, ou du corps de Jésus-Christ tombé en léthargie et soulevant la pierre de son tombeau, on de la crédulité de ces incrédules qui réussit à enlever comme par enchantement tous les obstacles accumulés sur leur chemin. Tant il est vrai que la foi est affaire de volonté beaucoup plus que d'intelligence et qu'elle peut toujours transporter des montagnes !

Plus tard, on remplace cette explication par l'hypothèse des hallucinations qui eut un moment de grande vogue et qui, paraît-il, continue à suffire à quelques esprits. D'après elle, les disciples ont cru voir le corps de Jésus-Christ, mais ce n'était qu'un rêve, de leur imagination. Il a dû se passer alors quelque chose d'analogue aux visions de Jeanne d'Arc ou aux apparitions de la vierge Marie à tel ou tel croyant naïf : on sait le succès qu'elles ont rencontré auprès du public ; on sait comment la localité favorisée est devenue un lieu de pèlerinage, attirant, chaque année, des pèlerins de toutes les parties du monde. Les disciples n'ont, au fond, rien vu ni rien entendu, ils ont seulement cru voir et cru entendre, ils ont pris des ombres pour des réalités, des apparences, pour des choses objectives.

Mais, dans les faits d'hallucination que l'on compare au récit biblique pour l'expliquer, l'apparition n'a qu'un témoin et ne se produit guère qu'en un seul endroit. Taudis que le ressuscité apparut à un grand nombre de personnes, des hommes, des femmes, des individus isolés, des groupes plus ou moins nombreux, et ces personnes se trouvaient toutes dans des états d'âme différents et surtout dans des localités différentes. En outre, l'hallucination ne se produit que lorsque le témoin s'attend absolument à la chose, il voit ce qu'il espère voir ; il se fait un tel travail d'imagination dans le cerveau, que celui-ci donne en quelque sorte une forme concrète et matérielle à son rêve, il en est comme le créateur ou l'évocateur. Tandis que le Christ ressuscité, apparut à des individus ou à des groupes qui, non seulement ne s'attendaient pas à le voir sortir du tombeau, mais qui se refusaient à le croire vivant ; plusieurs d'entre eux allèrent même au sépulcre pour embaumer le corps du Maître aimé.

Enfin, d'ordinaire, l'hallucination pour se produire, exige un état nerveux particulier, ce sont des rêveurs, des mystiques, quelque peu névrosés, jamais des hommes positifs, pratiques, disons le mot, aussi terre à terre que les apôtres. Celui qui passe pour le plus mystique de tous, n'a-t-il pas écrit ces lignes : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie... nous vous l'annonçons (1 Jean 1, v. 1 et 2). »

Allons, que le lecteur sincère le reconnaisse et le confesse : Le fait tout simple de la résurrection du Christ demande un effort de foi bien moins considérable que l'hypothèse de l'hallucination.

Il n'y a pas bien longtemps, j'entendais émettre l'explication d'un de nos professeurs en théologie de la Suisse romande au sujet de la résurrection. Pour lui, la difficulté de la résurrection n'existe pas ; à ses yeux, rien n'est plus simple. Jésus était bien mort le vendredi, mort en réalité, et mort dans l'esprit de ses disciples. Mais voici qu'au bout de trois jours, à force de pleurer et de réfléchir sur le coup qui venait de les frapper, ils eurent la lumineuse idée de dire : Non, décidément, il ne doit pas être mort, il doit être vivant ! - Et alors par un phénomène d'autosuggestion, ils se persuadèrent à eux-mêmes que le crucifié vivait... et voici Jésus était ressuscité... dans l'esprit des apôtres !
Vaut-il la peine de répondre à de pareilles sottises ? Moi qui me plaisais à croire que la science moderne, dont nos négateurs se réclament constamment, avait relégué parmi les théories surannées et anti-scientifiques, celle de la génération spontanée ? Or l'explication proposée n'est pas autre chose qu'un phénomène de génération spontanée, à laquelle on ne croit plus quand on a fait ses classes et que l'on s'est mis au courant des expériences magnifiques du savant Pasteur.

Enfin, je vois paraître à l'horizon une nouvelle explication de la résurrection de Jésus-Christ, celle du spiritisme, qui devient à la mode chaque jour davantage. Pour les spirites, les apparitions de Jésus s'expliquent très naturellement, ils observent constamment des phénomènes semblables. Des esprits de trépassés, bien morts, des morts dont le corps se décompose au fond de la terre, ont le pouvoir, à un moment donné, de se réincarner, ou plutôt de prendre de nouveau une forme matérielle, qu'ils déposent dès qu'ils le veulent. Ils font usage d'une matière fluidique, qui leur permet de se montrer sous la forme de leur choix. Jésus-Christ a dû posséder ce pouvoir, tout autant que d'autres et même davantage. Cela ne veut pas dire qu'il soit matériellement ressuscité, mais tout simplement que soit esprit a survécu à sa mort.

Malheureusement, pour cette théorie, qui, tôt ou tard, sera elle aussi à la mode comme le spiritisme, on ne nous explique pas comment il se fait que le tombeau du Christ ait été reconnu vide : qu'est donc devenu le corps de Jésus ? On ne peut pas nous le dire ; si vraiment il était resté couché dans le sépulcre, il eût été bien facile de l'exhumer et de confondre, au moyen d'une preuve authentique et indiscutable, les prétentions des apôtres sur la soi-disante résurrection du crucifié. Or rien de semblable ne nous est raconté.

En outre, on ne nous dit pas comment ce corps fluidique, qui n'avait de matériel que la forme, a pu marcher et surtout manger, et cela à plusieurs reprises. Il me semble même que Jésus ait voulu prévenir cette explication simpliste, quand il a dit à ses apôtres, qui le prenaient pour un esprit : « Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi ; touchez-moi et croyez : un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai. Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds (Luc XXIV, v. 39 et 40). » Était-ce une illusion ou un mensonge de sa part ? Les spirites devraient bien nous le dire ; en tout cas, c'est à cette conclusion qu'ils sont amenés s'ils se contentent de leur hypothèse en face du ressuscité.

Toutes ces hypothèses nous font l'effet d'être les derniers efforts d'une critique aux abois, qui se refuse à admettre ce qui a fait la force des fidèles de tous les temps et de tous les pays ; on s'imagine tourner la difficulté par des efforts d'imagination ; mais les croyants peuvent se rassurer : chaque nouvel effort est une preuve de plus de la véracité des témoins évangéliques et de l'authenticité du fait de la résurrection. On ne se donne pas tant de peine pour détruire une pure légende : on ne se démène pas à ce point pour renverser des moulins à vent, à moins que l'on ne soit Don Quichotte. Comme il serait plus simple et plus loyal, que dis-je ? comme il serait plus scientifique de s'incliner devant le témoignage des premiers chrétiens et de croire que, n'ayant aucun motif sérieux pour nous tromper sur ce point, pas plus que sur les autres, ils nous ont franchement raconté ce qu'ils avaient vu de leurs yeux et entendu de leurs oreilles.

Au reste la résurrection du Christ est non seulement appuyée par les documents du Nouveau Testament, elle l'est tout autant, peut-être même davantage, par l'ensemble des faits de la rédemption ; ce n'est pas un accessoire qui s'ajoute, on ne sait trop pourquoi, à ces faits, c'est une partie intégrante, comme l'une des pierres fondamentales de l'édifice. C'est ce qu'il nous reste à démontrer. Pour le faire, nous nous placerons successivement aux quatre points de vue :

a) De Christ lui-même ;
b) des apôtres ;
c) des chrétiens de tous les temps ;
d) du monde.

 

a) CE QUE FUT LA RÉSURRECTION DE CHRIST POUR LE CHRIST LUI-MÊME.

Elle prouve, de la façon la plus claire, la véracité du Sauveur. À plusieurs reprises, le Sauveur annonça catégoriquement sa propre résurrection : ainsi peu de temps avant la transfiguration, il est dit qu' « Il commença à apprendre à ses disciples qu'il fallait que le fils de l'homme souffrit beaucoup, qu'il fût rejeté par les anciens, par les chefs des prêtres et par les scribes, qu'il fût mis à mort et qu'il ressuscitât trois jours après (Marc VIII, v. 31). » Une autre fois, comme on lui demandait un miracle, il répondit, se servant d'une image si étrange, qu'elle ne peut avoir été inventée : « Une génération méchante et adultère demande un miracle - il ne lui sera donné d'autre miracle que celui de Jonas. Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, de même le Fils de l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (Matth. XII, V. 39 et 40). »

Supposons que la pierre du tombeau fût restée en place, supposons que le corps du Christ fût demeuré dans le sépulcre et se fût décomposé, c'était un démenti éclatant donné à Jésus, et s'il s'était trompé ou s'il nous avait trompé sur un point de cette importance, quelle confiance eussions-nous pu avoir en lui sur d'autres questions ? Jésus apparaissait dès lors comme un faux témoin, il n'était plus la vérité. Comment pourrait-il être encore l'objet de notre foi et de notre adoration ?

La résurrection de Christ prouve ensuite son absolue sainteté. Dieu avait dit autrefois à nos premiers parents que, s'ils mangeaient du fruit défendu, ils mourraient ; n'en pas manger, obéir, en d'autres termes, c'était échapper à la mort, la mort étant le salaire du péché. Si, depuis lors, tous les hommes meurent, c'est que tous ont péché, car « l'âme qui pèche, c'est celle qui mourra (Ezéchiel XVIII, 4), » dit l'Écriture. Jésus-Christ avait bien laissé entendre, nous l'avons vu plus haut, qu'il était sans péché ; nous étions disposés à le croire, mais il nous en manquait une preuve décisive et indiscutable, cette preuve allait être fournie par sa résurrection. Il venait de mourir sur la croix : confondu, lui le Saint, avec des malfaiteurs, on pouvait croire que cette mort était méritée, et ses amis, ses ennemis, le monde entier, étaient comme en suspens devant la tombe fermée. Quel moment solennel ! Je doute qu'il y en ait eu beaucoup de semblables dans l'histoire ; cette pierre va-t-elle se mouvoir ? Restera-t-elle à sa place, retenant en prison celui que la Justice humaine a condamné trois fois ? Si la pierre reste immobile, c'est le signe certain que Jésus a péché, sa sainteté est une illusion, il est impossible de le prendre comme modèle parfait ; encore moins de voir en lui un Sauveur ! Le péché est donc fatal, l'humanité a beau faire, elle ne pourra jamais secouer son joug odieux ; toutes les aspirations vers le bien sont des tromperies ; l'homme est condamné, sans espoir, à faire toujours le mal et à mourir sous son étreinte.

Si, au contraire, la pierre est roulée, si Christ sort victorieux du tombeau, nous pouvons chanter le cantique joyeux de la victoire, car le mal a trouvé son destructeur, l'homme peut et doit être libre du péché il en sera tôt ou tard affranchi, puisque son représentant le plus authentique ne l'a pas connu par expérience ; la mort, elle aussi, sera vaincue, car Jésus-Christ l'a détrônée en « mettant en évidence la vie et l'immortalité. »

Mais il y a plus, bien plus encore, dans le fait de la résurrection de Jésus-Christ. Si elle est un fait réel, la divinité de Christ est, elle aussi, chose certaine. L'apôtre Paul le dit nettement au début de son épître aux Romains : Jésus a été « déclaré Fils de Dieu d'une manière puissante, selon l'Esprit de sainteté, par sa résurrection d'entre les morts (Rom. I, v. 4). » D'autre part, Jésus-Christ avait affirmé de son côté qu'il avait la vie en lui-même et que personne ne pouvait la lui ôter. Pourquoi cela ? Précisément parce que, en sa qualité d'être divin, il était la source de la vie, et non pas son dépositaire passager. De là cette autre parole, que seul un Dieu a le droit de prononcer : « Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi ne mourra jamais (Jean XI, 25). » Un Dieu ne peut pas mourir : si donc Jésus-Christ était resté couché dans le sépulcre, retenu par les liens de la mort, c'était la preuve qu'il n'avait pas la vie en lui-même, il n'était donc pas divin dans son essence, il n'était pas Dieu. Comment, plus tard, aurait-il pu rassurer son apôtre bien-aimé, en lui disant qu' « il était vivant aux siècles des siècles et qu'il tenait dans sa main les clefs de la mort et du séjour des morts (Apoc, I. 18) ? »

Tout se tient dans l'histoire de la rédemption : enlever une pierre, c'est préparer l'écroulement de tout l'édifice. Nier la divinité de Christ, c'est par là même nier sa résurrection ; accepter celle-ci, c'est se mettre dans les conditions voulues pour croire à celle-là. N'avais-je pas raison de dire tout à l'heure que l'événement du matin de Pâques faisait, en quelque sorte, partie intégrante de l'histoire de la rédemption ?

 

b) CE QUE FUT LA RÉSURRECTION DE CHRIST POUR LES APÔTRES.

Un stimulant, un moteur tout puissant, qui les poussera triomphants à la conquête du monde. Jamais des hommes découragés, abattus, manquant de foi, comme ils l'étaient au soir du vendredi, n'auraient pu entreprendre cette conquête : la tenter, ç'eût été s'exposer à une déroute certaine. On n'entreprend pas un voyage missionnaire, ou n'expose pas sa vie, on ne renonce pas à tout, pour annoncer au monde un Sauveur condamné à mort et vaincu par ses ennemis. Une telle proclamation ne vaut vraiment pas la peine. S'ils l'avaient faite, ils auraient sans doute entendu au dedans d'eux une voix leur disant : « Tout cela est beau, cette vie d'amour est splendide ; cela n'empêche pas qu'elle s'est terminée par une formidable banqueroute et que le méchant l'a emporté sur le Saint et le Juste. »
Il n'est, du reste, pas nécessaire de faire des suppositions à cet égard, il n'y a qu'à voir quels sont les missionnaires les plus ardents et les plus zélés ; sauf de très rares exceptions, ce sont tous des hommes convaincus de la résurrection corporelle du Sauveur : persuadés qu'ils sont que leur Roi a vaincu la mort, ils ne craignent pas de s'avancer an centre de l'Afrique ou au coeur de l'Asie, pour apporter à tous la bonne nouvelle de l'Évangile.

C'est ainsi que le fait de la résurrection, bien loin d'être du domaine métaphysique, revêt, au contraire. la plus grande importance au point de vue tout pratique des missions évangéliques. On a dit de l'argent, qu'il était le nerf de la guerre : ne pourrait-on pas dire tout autant de la résurrection de Christ, qu'elle est le nerf de la guerre pour la conquête du monde à l'Évangile ?

 

c) CE QU'EST LA RÉSURRECTION DE CHRIST AU POINT DE VUE DES CHRÉTIENS DE TOUS LES TEMPS.

Une question de vie ou de mort, pour ceux, du moins, qui admettent la réalité tragique du péché et de ses conséquences. Quiconque a souffert de son péché, quiconque a entendu sa conscience lui reprocher sa culpabilité devant Dieu, a saisi avec bonheur la nouvelle que Jésus-Christ est ressuscité, car il y a vu la preuve que le sacrifice de son Sauveur, ayant été agréé, son péché est bien réellement expié et peut être pardonné. Christ, sur la croix, a répondu pour nous ; si la mort l'avait retenu dans ses liens, sa tentative d'amour échouait et le pécheur restait sous le coup de la condamnation.

Je suppose que j'aie une forte dette à payer et que je me trouve dans l'incapacité de le faire. Un ami se présente pour moi et il accepte d'être emprisonné à ma place. Tant que je ne le vois plus, ma dette pèse encore sur moi de tout son poids. Mais voici qu'au bout de quelques jours, je rencontre mon ami dans la rue, allant librement à ses affaires. Mon coeur, aussitôt, tressaille de joie, car cette rencontre est la preuve que ma dette est acquittée et je me trouve, par là même, libre comme mon garant.

Le pardon de nos péchés dépend donc directement de la résurrection de Christ ; il en est de même de notre réconciliation avec Dieu et de notre adoption comme enfants de Dieu. Car je ne puis être assuré de rencontrer le regard bienveillant de mon Père céleste, que si j'ai tout d'abord retrouvé celui de mon frère bien-aimé. Il en est de même de la délivrance après laquelle je soupire, vis-à-vis de l'esclavage du péché. Pour que je ressuscite spirituellement, c'est-à-dire pour que je commence une vie nouvelle de victoire et d'affranchissement à l'égard de mon ancien tyran, il faut nécessairement que le Christ lui-même me communique cette vie. Il m'avait entraîné avec lui dans sa mort, j'étais mort à moi-même en renonçant à mon moi révolté et coupable, il faut maintenant que, uni à lui dans sa résurrection, je tourne le dos à ma vie passée, pour commencer avec lui une vie nouvelle de sainteté et d'amour. Comment cette vie serait-elle possible si je suis seul et que mon Sauveur soit retenu dans les liens de la mort ?

Enfin, sa résurrection corporelle me garantit ma propre résurrection. Saint Paul l'a écrit de la façon la plus catégorique : « S'il n'y a pas de résurrection des morts, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et la foi des fidèles est vaine aussi (1 Cor. XV, v. 14). » En d'autres termes, la résurrection de Jésus-Christ est en corrélation directe et intime avec notre propre résurrection. Supposer l'une, c'est supposer l'autre. Rejeter l'une, c'est du même coup rejeter l'autre. En effet, comment oserions-nous prétendre que nous ressusciterons, nous, pauvres coupables, rongés par la lèpre du péché. si Christ, le Saint et le Juste, n'est pas ressuscité ? Comment nous serait-il accordé à nous condamnés, ce qui lui aurait été refusé, à lui, innocent ? Que nos affligés le sachent donc : ils n'ont aucune joyeuse certitude en ce qui concerne leurs bien-aimés morts. Ils ne les retrouveront jamais, puisque, sans la résurrection de Christ ils en sont encore à la situation du croyant de l'ancienne alliance, qui a écrit ces tristes paroles : « Ce ne sont pas les morts qui célèbrent l'Éternel, ce n'est aucun de ceux qui descendent dans le lieu du silence (Ps. CXV, v. 17). Celui qui meurt n'a plus ton souvenir ; qui te louera dans le séjour des morts (Ps. VI, v. 6) ? » Valait-il bien la peine que Jésus vînt dans ce monde pour nous apporter la bonne nouvelle du salut ? Ce saint est-il encore la bonne nouvelle, si Christ n'est pas ressuscité ?

 

d) CE QU'EST LA RÉSURRECTION DE CHRIST AU POINT DE VUE DU MONDE.

La preuve éclatante que le mal ayant été vaincu, ce n'est pas à lui, mais au Vainqueur que sera le dernier mot. En Golgotha, c'est le monde qui triompha, auprès du tombeau vide il a trouvé un plus puissant que lui. Le pessimisme qui résulterait certainement de la mort définitive du Christ n'est plus admissible. Si l'humanité traverse des temps difficiles et obscurs, si, par moment, son histoire semble être une histoire de larmes et de sang, la contemplation du Sauveur ressuscité fait briller sans cesse devant l'homme une lumière que rien ne peut éteindre. Il en serait tout autrement si la croix avait été le dernier mot de l'Évangile : car ce serait le signe, et un signe infaillible, que la poursuite du bien et de la justice est, ici-bas, une illusion, puisque la vie la plus pure qui ait paru sur la terre aurait été détruite par une odieuse condamnation, et une condamnation sans appel.
Voilà pourquoi je me sens pressé de dire à ceux de mes lecteurs qui, sans être croyants, sans croire en particulier à la résurrection de Jésus-Christ, ont pourtant des principes moraux et désirent ardemment la victoire du bien sur le mal, de la moralité sur l'immoralité, je me sens pressé, dis-je, de les rendre attentifs à ce fait : c'est que la résurrection du prophète de Nazareth est, pour la cause qu'ils défendent, une question d'être ou de ne pas être, un élément de victoire dont ils ne peuvent se passer.

Lorsque le prisonnier de l'île du Diable était retenu captif par suite d'une odieuse condamnation, votre conscience était mal à l'aise, votre coeur se sentait oppressé. Supposez qu'il soit resté dans les fers, supposez qu'il y soit mort des conséquences des mauvais traitements ? Que deviendraient votre conscience et votre coeur ? Ne seraient-ils pas plus offensés que jamais ? Pourraient-ils encore espérer avec certitude une justice sur la terre ? J'en doute, quant à moi. La preuve, c'est qu'intérieurement vous protestez chaque fois qu'une injustice se produit sans être suivie d'une réparation. Eh bien ! cet autre Israélite, que ses contemporains appelaient le prophète de Nazareth, est une victime de l'injustice humaine, autrement plus intéressante que le capitaine français : c'était un juste, un homme parfaitement juste, il n'avait fait que du bien à tous, même à ses ennemis, et le supplice qu'on lui a infligé fut le plus odieux et le plus cruel. Supposez que ce Jésus soit resté retenu par les liens de la mort, c'est-à-dire par Satan, et que rien ne soit survenu pour rétablir la justice bouleversée, supposez qu'une fois mort, son corps se soit décomposé dans le sépulcre et que ses bourreaux aient été de la sorte justifiés à la face du monde, ne serait-ce pas la preuve, et une preuve définitive, qu'ici-bas c'est l'injustice qui triomphe, que notre terre est destinée à devenir un enfer, quand les hommes qui l'habitent seront tous devenus des démons ? Ne sentez-vous pas quel contre-coup immédiat cette pensée aurait sur la lutte entreprise par tous les hommes de coeur et de conscience contre toutes les iniquités sociales et individuelles ?

Avant donc de mettre définitivement de côté un fait que votre raison rejette a priori, que peut-être vous ne vous êtes pas donné la peine d'examiner tant il vous paraissait irrationnel, reprenez la question de très près, elle en vaut la peine, examinez avec soin les pièces du procès : je suis alors certain que vous ne tarderez pas à reconnaître l'importance capitale de ce fait au point de vue moral.

Et si, malgré cela, votre doute subsiste, demandez-vous si ce n'est pas par votre faute que vous êtes arrêtés ; demandez-vous si la cause morale n'est pas en vous, et si, voulant conserver quelque interdit au fond de votre coeur, vous n'avez pas intérêt à nier la résurrection de Jésus-Christ, à l'empêcher en quelque sorte de ressusciter. Les ennemis du crucifié avaient de sérieux motifs de nier sa résurrection, car elle les gênait. Aussi firent-ils tout leur possible pour l'empêcher, et quand elle eut lieu, ils persistèrent à en nier la réalité. Tant il est vrai, qu'en fin de compte, on ne croit guère que ce que l'on veut croire. « Si quelqu'un veut faire la volonté de mon Père, il connaîtra si ma doctrine vient de Dieu ou si je parle de mon propre chef (Jean VII, 17). » -

La résurrection corporelle de Jésus-Christ n'est facilement acceptée que de ceux qui ont passé par la résurrection spirituelle, ou qui sont décidés à y passer.

Un mot encore à ceux qui croient à la résurrection de Jésus-Christ : il est bon d'admettre ce fait par la raison, il est mieux d'y croire par le coeur et par la conscience ; il est infiniment mieux encore d'en être à tel point convaincu que l'on vive de ce fait et que le Ressuscité devienne vivant en nous. Vivre, si j'ose m'exprimer ainsi, la résurrection du Sauveur, c'est la meilleure manière d'être croyant, car c'est la seule qui réussisse à convaincre ceux qui ne croient pas encore. Quand le monde verra dans l'Eglise une multitude innombrable d'hommes arrachés au tombeau de l'égoïsme et participant à la vie d'amour du ressuscité, convaincu enfin de la résurrection de Christ, il passera lui-même de la mort à la vie en ressuscitant avec celui qu'elle adoptera pour son Roi.


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