Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Fictions ou réalités?

CHAPITRE Il
La Bible est-elle inspirée ?

Quelle que soit l'idée que l'on se fait de la Bible, le souvenir des souffrances au prix desquelles elle nous a été transmise à travers les siècles, nous défend de traiter légèrement la question de son inspiration. Pour nous la transmettre, nos glorieux ancêtres, les Huguenots, ne reculèrent pas devant les plus grands sacrifices ; ils acceptèrent l'exil, les galères, le cachot, la mort. N'est-elle pas, indépendamment même de toute croyance à l'inspiration, l'un des plus vénérables monuments du passé ? Son histoire, qui remonte aux premiers jours de l'humanité, n'est-elle pas l'une des plus saisissantes qui existent ? Comment refuser tout au moins notre vénération à un livre qui a consolé tant d'affligés, fortifié dans leur foi tant de malades, aidé tant de mourants à traverser la sombre vallée, procuré de la joie à tant de malheureux, étanché la soif de tant d'âmes altérées ? Nous savons tous que certains lieux sont devenus sacrés par les souvenirs glorieux de notre histoire, et le patriote qui les visite, instinctivement se découvre en signe de respect.

Au moment d'aborder l'étude sur l'inspiration de la Bible, nous nous sentons pressé de réclamer cette attitude de nos lecteurs ; même si, après un examen impartial, nous nous trouvions obligé d'abandonner certains points de vue anciens, dépassés par la critique, l'antique livre dont nous allons parler n'en mériterait pas moins toute notre vénération à cause du rôle qu'il a joué et qu'il joue encore au sein de l'humanité.

Lorsque le célèbre romancier écossais Walter Scott fut sur son lit de mort, un ami lui demanda quelle lecture il devait lui faire : « Il n'y qu'un livre pour un mourant, dit-il, lis-moi un chapitre de la Bible. »

On raconte que Christian Baur, l'un des théologiens les plus critiques du siècle passé, atteint lui aussi par la maladie qui devait l'emmener, ne voulut plus qu'une lecture, celle du quatrième Évangile, que naguères il avait attaqué de la façon la plus hardie.

Dans le conseil scolaire de Londres, Huxley se prononça contre l'enseignement religieux confessionnel, mais pour le maintien de la lecture de la Bible, « la grande charte des pauvres et des opprimés et un instrument d'éducation sans pareil. L'histoire biblique, dit-il, présente aux enfants des personnages supérieurs à tous ceux que l'antiquité classique peut leur offrir, et s'il y a dans le monde un être plus déraisonnable que le bibliolâtre orthodoxe, c'est ce philistin hétérodoxe qui, dans une littérature sans pareille à certains égards, ne sait découvrir qu'un texte à de sottes plaisanteries et une occasion de montrer sa suffisance et son ignorance de tout ce qu'il doit aux générations antérieures. »

Un autre grand esprit de notre siècle, C. Secrétan, écrivait il y a une cinquantaine d'années : « Sans préjuger aucune question d'inspiration et d'authenticité, nous sommes amenés à voir dans la Bible le canal d'une révélation divine et nous devons nous interdire les entreprises sur le texte qui menaceraient l'intégrité de cette révélation, telle que la chrétienté l'a reçue et l'a comprise. »

Reconnaissons-le cependant, la crise très sérieuse par laquelle passe actuellement cette question, a ôté à la Bible, aux yeux de beaucoup de personnes, son ancienne autorité. S'ils deviennent rares ceux qui aujourd'hui la lisent encore avec une respectueuse attention, c'est que leur confiance a été ébranlée par les travaux de la critique moderne ; la Bible leur apparaît comme un livre rempli d'erreurs qui mérite à peine qu'on le lise d'un bout à ]'autre. Les résultats les plus négatifs d'une certaine école théologique ont passé des milieux cultivés au peuple. Aussi un homme qui possède même un minimum de culture ne peut plus admettre l'inspiration de l'Écriture : « Cette inspiration doit être mise de côté comme tant d'autres légendes inventées par l'imagination humaine. » Et comme tous veulent être des hommes cultivés, le nombre va chaque jour grandissant de ceux qui n'ont plus foi au livre qui a fait la joie et la force de nos ancêtres. Les uns s'en réjouissent, car ils ont au moins un prétexte valable pour ne plus se mettre à une école dont les exigences pourraient les gêner. Les autres au contraire en sont profondément affligés ; quelquefois même, en doutant de l'Écriture, ils arrivent à douter aussi du christianisme et à le rejeter comme une imposture. Mon but, dans les pages qui suivent, est de m'adresser aux uns comme aux autres, pour produire si possible un trouble salutaire chez ceux qui s'endorment dans une fausse sécurité, et ramener la paix et la confiance chez les autres.

On avait autrefois dans bien des milieux croyants une idée des plus simplistes de l'inspiration : on se représentait la Bible en quelque sorte tombée du ciel toute faite, avec ses soixante-six livres classés comme ils le sont aujourd'hui. Dieu, par son Esprit, n'aurait eu qu'à dicter aux écrivains sacrés les enseignements et les faits qu'Il voulait transmettre aux hommes ; tout par conséquent dans l'Écriture devait être considéré comme revêtu d'une autorité divine ; établir des distinctions, reconnaître des différences d'inspiration d'un livre à l'autre eût été un sacrilège. L'inspiration littérale, - c'est-à-dire l'inspiration dans la lettre comme dans l'esprit, dans les mots comme dans les idées, et même dans la ponctuation et dans les points-voyelles hébreux ou les accents grecs, - pouvait seule être acceptée par les disciples du Christ. Enlever quoi que ce soit à cette inspiration, toucher, fût-ce de loin, au volume sacré, c'était profaner l'arche sainte, c'était encourir les foudres de la colère divine. Évidemment pour ceux qui acceptaient une théorie semblable, la critique apparaissait comme la Bête de l'Apocalypse, les théologiens qui en faisaient usage étaient des gens dangereux, des ennemis de Dieu, dont il fallait s'éloigner avec horreur. Ce qui était pire encore, c'est qu'on donnait beaucoup trop d'importance à cette croyance toute intellectuelle : pour être orthodoxe, c'est-à-dire bien pensant, il fallait admettre ce dogme, dont dépendait le salut. Campé sur ce roc inaccessible à beaucoup, on se croyait le droit d'anathématiser quiconque se permettait de mettre en doute l'inspiration littérale. L'orthodoxie de l'intelligence, autrement dit, semblait beaucoup plus importante que celle du coeur et de la vie,

Cette conception de la Bible allait être en butte à de nombreuses attaques : des théologiens en grand nombre, aussi pieux que consciencieux, s'appuyant sur de savantes études, avaient de tout temps déclaré cette notion inacceptable. Semblables aux éclaireurs d'une armée, ils annoncèrent à la foule des croyants les découvertes qu'ils avaient faites. Beaucoup de fidèles en furent troublés, scandalisés même. D'autres pour le moins aussi pieux en furent presque soulagés, car leurs propres études, bien moins approfondies, les avaient amenés au même résultat. Ils étaient heureux de penser qu'on allait enfin mettre d'accord la théorie avec l'expérience, la science avec la conscience. La crise s'étendit et s'approfondit, elle put causer des naufrages, il faut, hélas ! le reconnaître, mais elle eut le bon côté de forcer les croyants à changer le fondement de leur foi, à ne plus mettre l'accent sur l'importance d'un livre, si respectable soit-il, mais bien sur la personne vivante de Jésus-Christ, « le seul nom, dit saint Pierre, donné aux hommes par lequel ils puissent être sauvés. » (Actes, IV. 12) La crise mit au jour la vraie foi et la différencia de la foi aveugle : elle opéra le triage entre la balle et le bon grain, et le triage est loin d'être terminé.

Quelles furent les découvertes qui provoquèrent cette crise ? Avouons-le, rien de bien nouveau, rien que ne sache tout homme un peu instruit qui se donne la peine de réfléchir. Malheureusement ce que l'on savait, ce que l'on admettait quand il s'agissait d'un livre quelconque, on l'ignorait ou l'on feignait de l'ignorer dès qu'il était question de l'Écriture Sainte. Ainsi pour ce qui concerne les traductions : tout le monde sait que la Bible telle que nous la lisons est la traduction d'un original hébreu pour l'Ancien Testament, grec pour le Nouveau. Ce travail a été fait par des hommes consciencieux et savants ; malgré leur conscience et leur érudition, leurs versions diffèrent parfois beaucoup les unes des autres. Toutes renferment des erreurs ; de là, la nécessité de révisions successives. Laquelle est la vraie ? C'est ce qu'il est impossible aux profanes de décider, les savants eux-mêmes l'ignorent souvent ; ils ne réussissent pas à se mettre d'accord sur tous les points. Cela va parfois si loin que telle parole magnifique qui se trouvait dans une traduction manque, dans une autre ou bien est exprimée différemment ailleurs. Il est arrivé plus d'une fois, par exemple, qu'un pasteur préparant sa prédication dans son cabinet de travail, avait découvert une parole de l'Écriture admirablement appropriée au sujet qu'il voulait traiter ; une fois son sermon fait, il vient à l'église tout rempli de son sujet, et voici qu'au moment où il ouvre la Bible déposée en chaire il s'aperçoit, ô horreur ! que son beau texte n'y est pas ! ce qu'il lit n'a qu'un rapport lointain avec le sens de sa première traduction. On peut deviner sans peine son cruel embarras !

Lequel des traducteurs avait raison ? C'est ce que, seul, un fort hébraïsant ou un helléniste distingué peut décider. Et ici se pose une autre question : Quand vous avez en présence deux traducteurs qui se contredisent, l'un pieux, mais peu versé dans la langue originale, l'autre très érudit mais sans piété réelle, auquel des deux faut-il donner la préférence ? Évidemment au second, si du moins c'est un homme consciencieux, mais alors où se trouve l'inspiration ? Comment concilier cela avec la théorie de l'inspiration littérale ?

L'Ancien Testament fut traduit de l'hébreu en grec, de la fin du IVme siècle au milieu du IIme avant Jésus-Christ. C'est la traduction dite des Septante. Là légende raconte que cette traduction fut faite par 72 savants enfermés dans autant de cellules et travaillant indépendamment les uns des autres ; au bout de 70 jours ils avaient terminé leur travail et leurs traductions étaient toutes semblables ! Cela prouve l'autorité que l'on donnait dans l'antiquité à cette oeuvre pourtant toute humaine. Or il se trouve que plusieurs passages de l'hébreu sont inexactement traduits, et quand les auteurs du Nouveau les citent, ils les citent plusieurs fois d'après les Septante, en maintenant l'erreur primitive. Qui donc est inspiré ? Le texte primitif mal compris ? ou le texte grec fautif devenu texte du Nouveau Testament ?

Autre difficulté plus grave encore : les divergences entre les manuscrits. Avant l'invention de l'imprimerie, personne n'ignore que l'on copiait à la main les livres que l'on voulait publier. La Bible subit ce même sort, malheureusement les plus anciens manuscrits du Nouveau Testament ne remontent pas au delà du commencement du IVme siècle, ceux de l'Ancien Testament au commencement du Xme. Or quand on compare entre eux les 1770 manuscrits du Nouveau Testament ou ceux de l'Ancien, on constate qu'il existe entre eux de nombreuses divergences. Le plus ancien manuscrit de l'Ancien Testament, par exemple, qui remonte à l'an 916, ne contient qu'Esaïe, Jérémie, Ezéchiel et les douze petits prophètes. Le premier manuscrit qui renferme l'Ancien Testament tout entier est du commencement du XIme siècle. De même pour les livres du Nouveau que l'on ne trouve guère au complet dans les manuscrits primitifs. Les variantes sont innombrables entre les vrais documents ; d'ordinaire, il est vrai qu'elles portent sur des points d'importance secondaire. Parfois les manuscrits eux-mêmes sont en contradiction directe les uns avec les autres. Ainsi : dans Romains IV, verset 19, le texte reçu renferme une négation, de sorte que l'on doit traduire : « Sans faiblir dans la foi, Abraham ne considéra point que son corps était déjà usé, » etc. Tandis que d'autres manuscrits, les Alexandrins, n'ont pas la négation, de sorte qu'il faut traduire : « Sans faiblir dans la foi, il considéra bien en face l'usure de son corps, » etc. Cette seconde leçon doit être la vraie, parce qu'elle est la plus difficile. un copiste n'aurait pas eu l'idée de retrancher la négation, tandis qu'on peut bien comprendre qu'il l'ait glissée dans le texte pour le rendre plus clair. Ajoutons que pour le fond de l'idée, il importe peu que la négation y soit ou n'y soit pas. Mais au point de vue de l'inspiration littérale, comment s'expliquer ces variantes ? lequel des deux textes est inspiré ? Ils ne peuvent pourtant pas l'être tous deux en même temps. Auquel donner la préférence ? Il faut, pour trancher la question, une science, un tact surtout qui n'appartient qu'à de rares mortels et la foule, que fera-t-elle pour reconnaître la parole inspirée et la distinguer de celle qui ne l'est pas ?

Mais nous ne sommes pas au bout des difficultés, le texte ancien tel que nous l'ont conservé les manuscrits n'a pas de ponctuation, les phrases se suivent sans interruption, et chacun est libre de les arranger comme il l'entend ; mais tous ne l'entendent pas de la même manière ; là où s'arrête un théologien, un autre estime qu'il faut continuer, qui a raison ? qui a tort ? Dans certains cas, la réponse à cette question peut entraîner les conséquences dogmatiques les plus graves, ainsi dans Romains IX, v. 5, les théologiens se divisent en deux camps bien tranchés : les uns estiment que le dernier membre de phrase doit être séparé du précédent, les autres au contraire le relient à ce dernier, et il faut avouer que les uns ont aussi raison que les autres, précisément parce que la ponctuation manque. Mais suivant le point de vue auquel on se place, la signification sera toute autre : dans le premier cas nous aurons : « A qui appartiennent les pères et desquels provient le Messie. Que celui qui gouverne toutes choses, Dieu, en soit éternellement béni ! Amen. » (Oltramare.) Dans le second cas nous lisons : « A qui appartiennent les pères et desquels provient le Messie, lui qui est Dieu au-dessus de toutes choses béni éternellement. Amen. » (Segond.) Évidemment chacun traduit suivant ses idées dogmatiques ; ceux qui admettent la divinité du Christ se serviront de ce passage pour appuyer leur conviction et ils auront raison, les autres leur refuseront ce droit, et ils n'auront pas tort. Mais tout cela prouve l'embarras des théologiens lorsqu'ils veulent rester fidèles à leur conscience sans contredire la science.

Ces difficultés ne sont guère diminuées si nous nous rappelons que la division en chapitres et en versets est relativement récente : elle remonte au XVIe siècle et a pour auteur Robert Estienne qui, parait-il, l'aurait établie au cours d'un voyage à cheval qu'il faisait, et les malins prétendent que l'on peut reconnaître aux alinéas et aux chapitres les moments où il arrivait le soir à l'hôtellerie et où il terminait son travail de la journée ! Qui oserait affirmer après cela que cette division est inspirée de Dieu ?

Un dernier fait important : le texte hébreu des manuscrits ne renferme aucun point-voyelle, c'est-à-dire aucune indication nette de voyelles. Ces points ont été ajoutés plus tard dans des écoles de rabbins ; mais encore ici les divergences se sont sans doute multipliées, car chacun est libre de placer ces points où bon lui semble et d'après cela de changer le sens d'un mot ou même d'une phrase.

Il nous reste à examiner une difficulté plus grande encore et qui rend absolument inadmissible l'ancienne doctrine de l'inspiration littérale. Peut-être nos lecteurs en ressentiront-ils de la fatigue, ce n'est pas un mal, cette fatigue les aidera à comprendre quelques-unes des difficultés que rencontrent nos théologiens, et les rendra peut-être moins sévères dans leurs critiques.

Si réellement la Bible avait été inspirée dans sa lettre, autant que dans son esprit, en d'autres termes, si la théorie de la dictée était fondée, nous devrions, quand un récit est répété deux, trois et même quatre fois, retrouver, sinon l'identité, du moins l'harmonie complète dans la suite des événements. Or, tel n'est point le cas : s'il y a une harmonie générale incontestable qui fait que sur aucun point essentiel ne règne le désaccord, il existe, et en assez grand nombre, des contradictions de détails qui ne sont point à négliger. Que l'on compare par exemple les deux récits de la création qui nous sont donnés l'un au chapitre 1, l'autre au chapitre Il de la Genèse : nul ne peut nier que nous ayons là deux auteurs qui se sont placés à deux points de vue différents. On a dit, je le sais, que le second répétait le premier pour le compléter : c'est vrai d'une manière générale, pas absolument quand on regarde les choses de plus près ; les deux récits diffèrent plus qu'ils ne se complètent. De même quand nous lisons l'histoire du déluge, nous ne pouvons pas nous défaire de la pensée que nous avons de nouveau affaire à deux narrations quelque peu différentes. Dans la première, chap. VI, il s'agit d'un couple d'animaux, dans la seconde, chap. VII, de sept couples.

Quand on compare les Chroniques aux livres de Samuel et des Rois, certains faits répétés ne le sont certainement pas de la même façon. Ainsi dans 2 Samuel XXIV, 1, c'est la colère de l'Éternel s'enflammant contre Israël qui excite David à faire le dénombrement, tandis que dans I Chroniques XXI, 1, c'est Satan qui inspire cet acte à David ! Je crois bien qu'il existe une harmonie, possible entre les deux interprétations ; on peut dire par exemple que Dieu a permis la chute de David, précisément parce qu'il avait reconnu dans son serviteur la pensée orgueilleuse qui allait le pousser à sa faute : Dieu aurait en quelque sorte lâché la bride à Satan, parce que David avait intérieurement succombé, c'était un moyen de lui ouvrir les yeux sur l'état de son coeur. Cela n'empêche que nous avons là deux manières d'introduire le dénombrement qui, par leur opposition absolue, excluent l'idée d'une dictée divine.

Et si nous ouvrons les Évangiles, nous remarquons une admirable harmonie entre les quatre, surtout entre les trois premiers ; cette harmonie va même si loin qu'on a pu, à juste titre, appeler ceux-ci les Évangiles Synoptiques ou parallèles. Mais dès que l'on examine de plus près leurs récits, on ne tarde pas à découvrir des divergences de détails. Je ne parle pas ici du fait que souvent les Évangiles se complètent mutuellement : la naissance miraculeuse par exemple ne se trouve que dans Matthieu et dans Luc ; l'institution de la Cène, seulement dans les Synoptiques ; les voyages successifs de Jésus à Jérusalem ne sont racontés en détails que par Jean. Ce qui est plus important, ce sont les contradictions proprement dites : ainsi Matthieu, dans XX, v. 29, parle de deux aveugles guéris à Jéricho ; Marc X, v. 46, et Luc XVIII, v. 35, seulement d'un, Bartimée, et pourtant il s'agit du même fait. Dans Jean, les vendeurs du temple sont chassés par Jésus au commencement de son ministère ; dans les Synoptiques, à la fin, juste avant la semaine de la passion. Je pense que la solution de la difficulté se trouve dans le fait qu'il y a eu deux purifications du temple à deux moments différents : encore est-il qu'au premier abord le lecteur impartial est étonné de cette découverte. De même les trois premiers Évangiles nous laissent entendre que Jésus est mort le vendredi 15 nisan et que la veille, le 14, il a institué la Sainte-Cène pendant le repas pascal ; rien n'aurait été changé au cours ordinaire des événements. D'après Jean, au contraire, la mort eut lieu le 14, jour officiel du repas, et le repas pascal que Jésus présida la veille, le 13 au soir, n'eut pas lieu à la date ordinaire, mais fut avancé par lui de vingt-quatre heures, sans doute pour pouvoir y prendre part. De là de longues, d'interminables discussions entre théologiens, les uns donnant raison aux Synoptiques, les autres à Jean, et cette question ne peut guère être traitée d'oiseuse, puisqu'elle nous aide à déterminer exactement l'année de la mort de Jésus, et par elle celle de sa naissance, commencement de l'ère chrétienne. On peut en effet savoir astronomiquement l'année où la fête de Pâques était célébrée le 13, et celle où elle avait lieu le 14 nisan. Il paraît que l'année 1903 à laquelle nous sommes parvenus n'est probablement pas l'année exacte du calendrier.

Quant à la résurrection du Sauveur qui nous est racontée par tous les Évangiles, nous trouvons d'assez grandes divergences entre les Synoptiques et le quatrième. Dans les premiers Marie-Madelaine se rend au tombeau avec les autres femmes et Jésus apparaît à toutes, d'après le quatrième, elle est seule, au moment où elle le voit, bien que, en se rendant au sépulcre, elle semble avoir été accompagnée.

Je n'allonge pas ces exemples, très suffisants pour nous faire comprendre l'impossibilité pour quiconque réfléchit, d'en rester à l'ancien point de vue. Indépendamment même de l'inspiration, en nous plaçant sur le terrain purement historique, n'avons-nous pas précisément dans les contradictions de détails que nous venons de signaler, une preuve éclatante de l'authenticité du récit ? Ces contradictions ne nous inspirent-elles pas confiance dans le témoignage d'hommes assez loyaux et assez sincères pour raconter ce qu'ils savent sans chercher à se mettre d'accord ? Ils disent ce qu'ils ont vu et entendu tout simplement et chacun le fait à sa manière. S'ils étaient en parfaite harmonie, si leurs récits coïncidaient jusque dans les moindres détails, c'est alors que nous aurions lieu de nous étonner et même de nous défier : la théorie de l'inspiration littérale y trouverait un argument péremptoire, mais du même coup la Bible perdrait de son autorité aux yeux de tous ceux qui n'ont pas mis de côté systématiquement la critique historique, c'est-à-dire de l'immense majorité de nos contemporains. Au point de vue scientifique, nous ne pouvons que bénir Dieu de ce qu'Il ne nous a pas donné un livre dicté par Lui, pur de toute erreur et de toute contradiction. De grâce ! ne prétendons pas être plus sages que Dieu.

Les lignes qui précèdent me semblent parfaitement d'accord avec le gros bon sens, qui n'est certes point à dédaigner dans le domaine religieux, pas plus que dans aucun domaine. Un exemple illustrera encolle plus clairement ma pensée. Je suppose que dix de mes lecteurs soient témoins en même temps d'un incendie ; je les suppose parfaitement honnêtes et véridiques. Et pourtant je suis absolument certain que si nous leur demandons de nous raconter ce qu'ils ont vu, nous aurons non pas un récit, mais dix, renfermant des différences de détails assez nombreuses et peut-être importantes. Tous ne voient pas et n'entendent pas de la même manière ; il y en a qui ont de meilleurs yeux, de plus fines oreilles que d'autres ; les uns ont beaucoup d'imagination, les autres peu ; tel d'entre eux est infiniment plus nerveux et plus impressionnable que ses compagnons ; leur état d'esprit et de corps varie aussi suivant les circonstances. Enfin ils ne contempleront pas tous l'incendie du même endroit, les uns seront mieux placés que les autres. Un premier témoin verra vingt pompiers, un autre trente, un troisième quarante, et chacun racontera la chose à sa manière. L'idée ne viendra cependant à personne de les accuser de faux témoignage, parce que leurs récits ne coïncident pas absolument. Que dis-je ? Tout homme d'expérience verra sa confiance augmenter en constatant les divergences de détails, et le doute au contraire naîtrait dans son esprit, si les dix récits n'en formaient qu'un : il verrait dans cette unité absolue la preuve d'une entente préalable.

Ne l'oublions pas, nous sommes ici dans le domaine moral et sur le terrain de la liberté, que Dieu respecte en nous. Or si l'inspiration de l'Écriture pouvait se démontrer mathématiquement comme un théorème de géométrie, les hommes seraient forcés d'y croire, et Dieu s'imposerait à eux bon gré mal gré. Les imperfections, les erreurs, les contradictions mêmes que la Bible peut renfermer sont voulues de Dieu. « Il y a assez de lumière dans l'Évangile, disait Pascal, pour que ceux qui veulent croire le puissent, et assez d'obscurité d'autre part pour que nul ne soit forcé de croire. » Les paraboles que Jésus emploie si souvent sont une clef qui sert à ouvrir sûrement la porte du coeur droit et à fermer tout aussi sûrement celle du coeur qui manque d'honnêteté. N'en est-il pas ainsi de la personne même de Jésus-Christ ? Si par Christ, Dieu se révèle à nous, Il se voile assez cependant en se révélant, pour que nul ne soit obligé de par une autorité extérieure à croire en lui. Le Christ fils de l'homme, homme comme nous, humble, faible, infirme comme nous, peut tout aussi bien nous voiler Dieu que nous le faire voir, aussi longtemps que ce n'est pas par la conscience et par le coeur que nous le cherchons, aussi longtemps que nous ne nous sommes pas placés sur le terrain spirituel et moral qui est le seul véritable. N'ayons donc pas peur de l'élément humain de la Bible, il est voulu de Dieu, car, si d'un côté il nous est une garantie d'authenticité. de l'autre il sauvegarde notre liberté morale.

Les innombrables études qui ont été faites de la Parole de Dieu ont donc amené une transformation profonde dans la manière dont on considère son inspiration. La Bible apparaît aujourd'hui comme un livre beaucoup plus humain, elle est l'histoire d'une lente évolution dont elle a été l'un des facteurs; les hommes qui l'ont écrite, comme ceux dont elle nous parle, ses auteurs comme ses héros ont passé eux aussi par ce développement inhérent à la nature humaine ; ils ont traversé des luttes, des crises, ils ont remporté des victoires souvent à la suite de terribles combats ; ils ont eu leurs heures de joie et d'enthousiasme et leurs heures de tristesse et de découragement. Ils sont hommes comme nous, et cela même nous les rend plus intéressants. Ils appartiennent à une certaine époque, ils ont reçu une certaine éducation, fait certaines expériences, ils ont connu et compris la vérité religieuse d'une manière qui leur est propre. Nous retrouvons tout cela dans leurs récits, et la Bible en devenant plus humaine n'en devient que plus claire et plus digne d'être étudiée.

Est-ce à dire pour cela qu'il soit impossible aujourd'hui de croire à l'inspiration de l'Écriture sainte ? Faut-il par réaction tomber dans l'extrême opposé et dire comme beaucoup le font que la Bible n'est pas plus inspirée qu'un autre livre de génie, tels que les drames de Shakespeare ou les oeuvres de V. Hugo par exemple ? Ne s'est-il rien passé de particulier au moment de la composition du volume sacré ? Cette solution simpliste est évidemment la plus facile à admettre, mais avouons qu'elle est aussi beaucoup moins scientifique qu'une autre, car elle supprime l'un des deux termes du problème ; c'est couper le noeud que l'on ne réussit pas à dénouer. Il y a des faits positifs dont il faut à tout prix tenir compte lorsque l'on traite ce sujet. Ces faits constituent des preuves de grande valeur, du moins pour celui qui s'est placé au point de vue moral, plutôt qu'au point de vue intellectuel. Avant de rappeler ces faits, qu'il me soit permis d'ajouter encore une remarque qui me paraît capitale.

On a eu tort, me semble-t-il, de parler si longtemps de livres inspirés. Un livre, à vrai dire, ne peut pas être inspiré. Ce qui est inspiré c'est plutôt son auteur. Disons donc que nous croyons à l'inspiration d'un Moïse, d'un Esaïe, d'un saint Paul, et que cette inspiration a varié d'intensité, d'éclat intérieur, suivant les expériences faites.

Cela dit, j'aborde les faits dont je parlais tout à l'heure : il y a des faits secondaires et il y a un fait essentiel. C'est à ce dernier qu'il faut donner le plus d'importance, car les autres dépendent de lui. Citons parmi les faits secondaires, le phénomène unique dans l'histoire d'un livre qui, après avoir été en butte. à plus de critiques, d'attaques et de calomnies qu'aucun autre, n'en demeure pas moins plus qu'aucun autre respecté, lu et admiré. À travers les siècles la Bible a dû subir des assauts formidables, il semblerait vraiment qu'une conjuration ait été organisée contre elle. Après avoir été ensevelie, même enchaînée dans les couvents pendant tout le moyen âge, des milliers d'exemplaires furent brûlés par les tribunaux de l'Inquisition, et depuis lors la critique négative s'est acharnée sur elle, après l'avoir examinée à la loupe, espérant y découvrir des points faibles pour ruiner son autorité. Rien n'y a fait; elle a disparu, il est vrai, de certaines contrées; plus d'un esprit, grâce à la critique, a perdu en elle sa confiance d'autrefois, un trop grand nombre de croyants se contentent de l'admirer de loin sans la lire : rien n'a pu pourtant la faire disparaître. Que dis-je ? C'est aujourd'hui le livre du monde le plus répandu.

Grâce aux nombreuses Sociétés bibliques (on en compte aujourd'hui 73), 280 millions d'exemplaires ou de portions de l'Écriture ont été mis en circulation au cours du XIX, siècle ! Cela fait près de 8000 par jour pendant ces cent dernières années ! Ce livre est partout, dans la maison du riche comme dans celle du pauvre, chez le savant comme chez l'ignorant ; où que ce soit que nous allions, du Nord au Sud ou de l'Est à l'Ouest, sous toutes les latitudes, elle est partout ; partout elle rencontre à côté d'ennemis implacables d'ardents défenseurs. Elle est traduite aujourd'hui dans plus de 300 langues, et même l'on sait que plus d'un idiome rudimentaire a été consacré langue écrite grâce à la traduction de la Bible entreprise par un missionnaire.
Et si l'on nous objecte que cette diffusion provient d'un parti pris d'un certain nombre de fanatiques, nous demandons d'où leur vient ce zèle qui ne leur rapporte rien, sinon bien souvent des moqueries et d'amères critiques.

Comment s'expliquer cette diffusion qui tient du prodige ? Par une volonté supérieure à laquelle l'homme obéit, par une impulsion providentielle ? Je le crois ; mais aussi, mais tout autant par des expériences bénies que ce livre étonnant a provoquées. Des hommes, des peuples entiers ont été métamorphosés entièrement sous son influence. Des moqueurs sont devenus croyants, des esclaves du péché ont été rendus libres, des incrédules ont été transformés en ardents apôtres, tout simplement par la lecture impartiale et attentive des Écritures ; ils ne l'avaient jamais lue autrefois, ils en parlaient et ils s'en moquaient absolument comme si elles leur étaient familières. Tout a changé depuis que, sincèrement, ils ont entrepris cette lecture, qui a été pour eux une révélation.

Et les peuples régénérés par la Bible ? Il suffit de comparer les peuples protestants fidèles à l'Écriture aux nations catholiques romaines qui en sont privées. La comparaison, toute à l'avantage des premiers, est devenue banale tant elle justifie l'opinion que la Bible est encore aujourd'hui l'un des plus puissants instruments de moralisation et de développement mis à la portée des peuples comme des individus.

Mais si, laissant les faits extérieurs, nous concentrons notre attention sur les faits intérieurs, nous, somme frappés en examinant la Bible de l'unité incontestable, dans les grandes ligne, du moins, qui règne entre ses soixante-six livres. Qu'on y réfléchisse, voici un recueil de documents qui a été élaboré dans un intervalle de temps d'au moins quinze siècles et par une trentaine d'auteurs au minimum ; ces auteurs appartiennent à des époques, et des civilisations, à des cultures souvent très différentes, ils ont tous des personnalités très distinctes, la plupart ne se sont jamais connus, ils ont écrit chacun de son côté, sans s'être entendus, et malgré cela il règne entre leurs livres une admirable harmonie. Ils ont de Dieu, de l'homme, de sa destinée éternelle des idées qui concordent. À l'envi ils élèvent Dieu au-dessus de tout ce qui existe, pour lui donner à Lui, le Dieu unique, la première place, ils ne voient en Lui aucune faute, aucune tache morale, tandis que les dieux de leurs contemporains étaient la proie des passions de l'homme. Tous d'autre part sont d'accord pour dévoiler à l'homme le triste état de son coeur naturel et le besoin profond qu'il a d'un Sauveur. La Bible, de la première à la dernière de ses pages, est à la fois le livre le plus pessimiste et le plus optimiste qui existe ; car cette race déchue, tombée si bas, n'en est pas moins une fille de Dieu, appelée aux plus glorieuses, destinées. Qui donc a pu tisser les fils de cette admirable broderie si harmonieuse en même temps que si variée dans ses couleurs ? Je doute que l'on puisse répondre à cette question autrement qu'en invoquant l'action même de l'Esprit de Dieu s'exerçant d'âge en âge sur les nombreux auteurs qui travaillaient à la composition du saint volume. Celui-ci me fait l'effet d'une cathédrale construite lentement par plusieurs générations : si les innombrables ouvriers qui y ont apporté leurs peines et leurs talents ont réussi à donner à l'édifice l'unité des lignes, c'est que tous suivaient un plan établi d'avance par un architecte de génie, c'est que tous étaient en quelque sorte animés de son esprit et remplis de sa pensée.

Au reste, si nous nous replaçons sur le terrain moral qui est le plus important, nul n'oserait contester la supériorité de la Bible, malgré ce que prétendent certains esprits fâcheux qui l'accusent d'être un livre immoral, dangereux à mettre entre les mains des enfants. Je n'ai jamais vu, quant à moi, de jeunes gens qui aient été entraînés à l'immoralité par la Bible, mais j'en connais qui, déjà impurs dans leur coeur ou dans leur vie, connaissaient parfaitement et recherchaient de préférence les pages où le mal est décrit et appelé par son nom.

Ce que beaucoup ne remarquent pas et qui a pourtant son importance, c'est la supériorité de la Bible au point de vue purement esthétique : il y a des pages de toute beauté, tant de fond que de forme, que connaissent bien ceux qui ont l'habitude de la lire : tels, par exemple, les chapitres I et Il de la Genèse, certains Psaumes, Job, la seconde partie d'Esaïe, le chapitre VIII de l'épître aux Romains, etc,

Beaucoup aussi ne se doutent pas de la portée de la Bible au point de vue scientifique : il va sans dire qu'elle n'est pas un traité de science, elle n'en a pas la prétention ; son autorité est avant tout une autorité morale et religieuse et nous ne devons nullement nous laisser troubler si nous rencontrons, en la lisant, des erreurs historiques, géographiques ou proprement scientifiques. Notre confiance n'en sera pas le moins du monde ébranlée en ce qui concerne la question essentielle, le salut de l'humanité. Et cependant, il se produit aussi dans le monde des savants, médecins, orientalistes et autres, un phénomène des plus curieux : ce sont ceux qui aujourd'hui disent aux théologiens portés à mépriser l'autorité de l'Écriture dans le domaine scientifique : « Prenez garde ; nous faisons chaque jour des découvertes qui confirment étonnamment les données bibliques ; les résultats des sciences naturelles, le déchiffrement des anciennes inscriptions égyptiennes ou babyloniennes se trouvent beaucoup plus d'accord que vous ne le croyez et que nous ne le pensions nous-mêmes avec les vieux documents de l'Écriture. »

Qui oserait se moquer encore du récit « évolutionnisme » de la création que nous trouvons au chapitre 1er de la genèse? Qui oserait tourner en ridicule les préceptes hygiéniques du Pentateuque, aujourd'hui que le docteur Suchard et d'autres ont prouvé par des arguments de toute force que l'hygiène de Moïse se trouve être d'accord avec la théorie toute moderne des microbes, du moins dans ses grandes lignes ? Qui oserait mettre systématiquement de côté comme autant de légendes les premières données concernant l'origine des principales races humaines, ou les récits que l'Ancien Testament renferme au sujet des rapports d'Israël avec les autres nations de l'antiquité, quand les inscriptions cunéiformes se trouvent concorder d'une manière tout à fait inattendue avec le récit biblique ?

Et d'ailleurs comment douter du témoignage d'hommes tels que les auteurs de la Bible qui nous apparaissent tous, ceux que nous connaissons du moins, comme des hommes d'une parfaite loyauté ? Ce que nous savons de leur caractère est bien de nature à nous inspirer confiance, surtout quand nous nous rappelons que leur témoignage a souvent été rendu au péril de leur vie. Quand un saint Jean écrivait : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, nous vous l'annonçons (1 Jean I, 1-3) » ; quand un saint Paul s'écriait : « Nous ne falsifions pas la parole de Dieu, comme font plusieurs ; mais c'est avec sincérité, mais c'est de la part de Dieu, que nous parlons en Christ, devant Dieu (2 Cor. II, 17) » ; lorsqu'un saint Luc, ancien païen, disait au commencement de son Évangile : « Plusieurs avant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole, il m'a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer, afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus (Luc I. 1 à 4) », ces témoins proclamaient la vérité en bravant la persécution et la mort. Or le simple bon sens nous dit que d'ordinaire on ne meurt pas pour une rêverie ou un mensonge. Le sang d'un Esaïe, d'un saint Paul, d'un saint-Pierre, morts martyrs, est le sceau mis sur leur témoignage.

Nous aurions des doutes à cet égard qu'un autre fait suffirait à les dissiper. La Bible renferme des récits, qui, psychologiquement, ne peuvent pas avoir été inventés. Les héros dont elle raconte l'histoire apparaissent tous, à l'exception du Christ, il est vrai, comme des pécheurs, tous ont failli plus ou moins gravement. Aucun n'est idéalisé : Abraham ne dit pas toujours la vérité et il porte atteinte à plusieurs reprises à l'institution du mariage monogame. Moïse est un meurtrier et un homme colère. David est un orgueilleux assassin et un adultère. L'apôtre Jean, par son emportement, s'attire le surnom de fils du tonnerre. L'apôtre Pierre est un lâche, un renégat et, dans une certaine occasion, un hypocrite. Paul a sur la conscience le meurtre d'Étienne, il reconnaît lui-même qu'il était « un blasphémateur, un persécuteur, un homme violent (1 Tim. I. 13) ». Quelle touchante sincérité ! Ne donne-t-elle pas confiance au témoignage d'hommes pareils ?

Et le portrait qui nous est donné du peuple d'Israël, il n'est certes pas flatté ! Ses défauts, son endurcissement, ses révoltes, son idolâtrie, sa sensualité, son orgueil, tout cela nous est décrit sans ménagement par des auteurs qui étaient pourtant israélites et qui aimaient passionnément leurs compatriotes. Il y a un petit livre plus intéressant qu'aucun autre à cet égard, c'est celui de Jonas, dans lequel nous voyons le prophète, représentant ici sans doute le peuple élu lui-même, à la fois révolté contre Dieu et enfant gâté, et, ce qui est pire, s'affligeant à la pensée que Dieu pouvait faire grâce aux habitants idolâtres de Ninive. Dans ces quelques pages, tandis que les païens, les animaux, les plantes et jusqu'au vent et à la mer, apparaissent comme soumis à la voix du Créateur, le prophète israélite au contraire lui tient tête de la façon la plus impudente. Ce n'est pas ainsi qu'on invente. Aussi je comprends ce mot d'un théologien : « Ce qui m'étonne, ce n'est pas que le ventre d'un poisson ait pu contenir Jonas, mais que l'Ancien Testament puisse contenir son livre. »

Je m'arrête dans l'énumération de ces faits que j'ai appelés secondaires pour arriver à celui qui donne à tous les autres leur valeur décisive. C'est toujours à ce fait essentiel qu'il faut en revenir, c'est sur lui qu'il faut mettre l'accent ; quiconque l'a compris, a quitté le sable mouvant, et mis le pied sur le rocher ; peu lui importent les questions de texte et de critique, l'authenticité ou l'inauthenticité des livres ; les contradictions, les erreurs le laissent indifférent, il peut s'écrier comme saint Paul : « Je sais en qui j'ai cru ! »

Voici ce fait : La Bible n'a toute sa valeur, la Bible n'a toute son autorité morale que parce qu'elle nous donne Christ, le Sauveur du monde.

La Parole écrite ne vaut quelque chose que parce qu'elle est le canal de la Parole vivante ; c'est elle qui nous la fait connaître, c'est elle qui nous met en rapport personnel avec Jésus-Christ. Ôtez par impossible Christ de la Bible et celle-ci n'a plus de valeur ; c'est comme si vous éteigniez la flamme d'un phare ou que d'un corps vous ôtiez l'âme. On a dit que la Bible était un écrin renfermant un précieux joyau : Le joyau est tout, l'écrin rien. Or, on aura beau faire et beau dire, on ne pourra jamais séparer Christ de la Bible, attendu qu'elle est toute remplie de lui. Christ s'y rencontre presque à chaque page.

L'Ancien Testament retentit du cri : Il vient.
Les Évangiles nous disent : Il est venu.
Les épîtres et l'Apocalypse nous annoncent qu'il revient.

Christ est tout dans la Bible ; aucun livre ne nous le communique comme elle. Aussi les adversaires peuvent bien s'acharner après le Livre saint pour nous prouver qu'il n'est pas inspiré, qu'il est un livre comme un autre, ils réussiront peut-être à convaincre une âme qui n'ayant pas Christ est sans Dieu, sans espérance, et marche vers la mort, ils ne réussiront jamais à persuader celle qui, ayant trouvé Christ, a trouvé Dieu et marche triomphante vers la vie.

Notre foi à l'inspiration dépend donc directement de notre foi en Jésus-Christ.
C'est dire que nous ne pourrons jamais démontrer l'inspiration à un homme qui rejette Christ ou qui ne veut pas se soumettre à son autorité, tandis que celui qui l'aime et le reconnaît pour son maître n'a aucune peine à voir dans l''Écriture un livre inspiré. L'Ancien Testament déjà est tellement rempli de Christ, que le Sauveur était tout étonné et profondément attristé de voir l'incrédulité des Pharisiens en face de sa personne - « Vous sondez les Écritures et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie » (Jean V, 39 et 40).

Je comprends fort bien qu'un homme aborde la Bible comme un livre ordinaire, qu'il se mette à la lire sans croire encore à son inspiration, ce n'est pas par là qu'il faut commencer. Mais si, dans cette lecture, il rencontre Christ et devient son disciple, il est impossible qu'une seconde lecture ne soit pas faite dans un tout autre esprit ; ce livre qui n'était rien pour lui aura désormais une valeur unique à ses yeux, car, par lui, il entrera en relations toujours plus intimes et personnelles avec son Sauveur. S'il en est ainsi, je crois que nous arriverons à dire de la Bible qu'elle est inspirée dans la mesure même où elle nous révèle Christ.

Jésus-Christ étant le soleil qui brille dans l'Écriture, plus nous serons près du soleil, plus nous aurons de lumière et de chaleur ; plus, au contraire, nous nous en éloignerons, moins son rayonnement se fera sentir à nous.
De là de grandes différences d'inspirations d'un livre à l'autre : évidemment nous ne pouvons pas mettre l'Ancien Testament sur le même pied que le Nouveau, à l'exception de certaines pages, comme Genèse 1, la seconde partie d'Esaïe et d'autres qui rappellent tellement le Nouveau, qu'on a pu dire par exemple que le second Esaïe était le cinquième Évangile. En tournant les feuillets de la Bible dont se sert tous les jours le disciple de Christ, nous rencontrons certaines pages absolument usées, d'autres presque neuves : ne serait-ce pas la preuve qu'instinctivement l'âme chrétienne cherche sa nourriture là où elle la trouve en plus grande abondance ? et cette nourriture n'est autre que celui qui se donne à nous comme le pain de vie.

Mais ne l'oublions pas, le Christ que la Bible nous révèle est un Christ couronné d'épines, c'est la Parole divine faite chair, acceptant par conséquent d'entrer dans les douleurs, les humiliations, les infirmités, de la vie humaine. Quand le Fils de Dieu condescendit à devenir le Fils de l'homme, il poussa l'amour rédempteur jusqu'à se soumettre aux chances de l'histoire et de la critique historique ; il devint alors un objet d'étude au même degré qu'un autre personnage. Or le document qui nous le fait connaître ne peut échapper aux lois auxquelles il s'est lui-même volontairement soumis.

Si donc nous ne sommes nullement ébranlés en voyant le Roi de gloire humilié, abaissé, couvert de crachats et couronné d'épines, ne le soyons pas davantage en voyant la Parole écrite, qui nous relate son incarnation, passer par les mêmes humiliations. Notre admiration grandit pour le Christ quand nous le voyous abaissé : pourquoi ne grandit-elle pas de même pour la Bible quand nous, lui voyons subir le même sort, quand nous voyons Dieu nous aimer assez pour consentir à ce que sa Parole sainte passe par ce même abaissement ?

Pour une âme qui n'a pas été saisie par la grâce de Dieu qui est en Christ, la Bible peut apparaître comme une musique composée de notes en désaccords. Pour celle au contraire qui a entendu la voix de Christ et dans laquelle cette voix a rétabli l'harmonie et la paix, la Bible est une symphonie admirable exécutée sur de belles orgues par un artiste de génie : les tuyaux de l'instrument peuvent varier, c'est pourtant le même souffle qui les remplit tous, c'est le même artiste qui les fait vibrer : la mélodie est d'autant plus belle que les harmonies en sont plus variées.

Il est temps de conclure. Si ce que nous venons de dire de l'inspiration est vrai, notre confiance en la Bible ne doit pas être ébranlée, bien au contraire; différente de la confiance aveugle que l'on avait autrefois, elle sera plus intelligente, plus juste et par conséquent plus grande. Et si cette confiance est réelle, nous la montrerons avant tout en nous efforçant de mieux comprendre, de nous mieux approprier les enseignements que renferme l'Écriture ; nous ne nous laisserons ni arrêter, ni rebuter par les difficultés ou les obscurités. La mine d'or peut être recouverte extérieurement de cailloux et de ronces, mais quand l'ouvrier a su enlever ces cailloux et ces ronces pour descendre tout au fond de la terre jusqu'au filon caché, il découvre des trésors dont il ne soupçonnait jusqu'ici pas l'existence.

D'autre part cette confiance en la Bible nous poussera à la faire connaître à d'autres. Beaucoup de gens aujourd'hui ne la lisent plus et ne peuvent plus croire à son autorité. Faut-il nous en affliger outre mesure ? Je ne le pense pas, car si les points d'appui peu solides ont été supprimés, on sera forcé d'en chercher d'autres. Il en résulte pour les chrétiens une tâche nouvelle de toute importance : les foules ne lisent plus la Bible, que les chrétiens deviennent en quelque sorte, pour les autres des Bibles vivantes, ouvertes aux yeux de tous, et dans lesquelles tous puissent lire clairement la pensée de Dieu. Si une nouvelle conception de l'inspiration de la Bible s'impose à l'esprit de nos contemporains et substitue à l'autorité extérieure, une autorité toute intérieure, rendant nécessaire une sorte de réincarnation de la Parole dans chaque disciple de Christ, devons-nous nous en affliger ? Ne devons-nous pas bien plutôt en bénir Dieu et tout faire pour prouver que la Bible est inspirée puisqu'elle nous a nous-mêmes inspirés en transformant nos vies ?


Table des matières

 

- haut de page -