Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



CHRIST EN CHINE
LA VIE ET LE MESSAGE d'ANDRÉ GIH DE CHANGHAÏ


PREMIÈRE PARTIE

CHAPITRE III
UNE ANNÉE DE TUMULTE

 Peu après ma conversion, je compris que mon devoir immédiat était de chercher du travail afin de pouvoir aider ma mère. Je connaissais maintenant le secret du succès : la prière. Je me mis donc à prier mon Dieu d'ouvrir Lui-même le chemin. La Poste de Changhaï cherchait justement de nouveaux employés. Mais il fallait être soumis à l'épreuve d'un concours en anglais et en chinois, et ma connaissance de l'anglais était encore limitée. Je craignais de ne pouvoir passer le concours. Cependant j'avais un urgent besoin de gagner ma vie. Je demandai au Seigneur de me permettre de le passer avec succès si c'était Sa volonté.
J'avais pour concurrents des étudiants bien plus savants moi, ayant déjà fait un séjour à l'étranger ; et comme il s'en présentait mille pour cent places disponibles, la distance était bien minime. Mais si eux avaient pour bagage, leur brillante éducation, moi j'avais MON DIEU pour ressource suprême et c'est sur Lui seul que je comptais. Je me rendis donc, le coeur en paix, à la salle d'examen et je fus le premier à terminer les épreuves écrites sur les quatre sujets donnés. Je m'en allai tranquillement, laissant à Dieu le résultat. Et quelle ne fut pas ma joie en recevant, quelques jours plus tard, ma lettre d'admission de la Compagnie des Postes. « Béni soit le Seigneur ! m'écriai-je, Il a répondu à ma prière ! »

Il y avait encore la grave question de l'examen médical qui se dressait devant moi avant de pouvoir commencer mon travail. J'étais excessivement maigre et mon poids hors de proportion avec ma haute taille. Avant de me rendre chez le docteur, je priai ardemment à ce sujet. Il y avait tant de monde qu'il a dû me faire revenir un autre jour. Enfin, après m'avoir dûment pesé et examiné, il me dit simplement : « Tu aurais bien besoin de prendre des fortifiants », et il fallut encore attendre son rapport. J'avais confiance en mon Père céleste qui, après m'avoir fait passer ce concours, inclinerait aussi les coeurs à m'accepter malgré mon faible état de santé. Et bientôt la réponse arriva, me permettant de me mettre enfin au travail.. Nous avions sept heures de travail par jour, au service des paquets et colis, semaine anglaise et le dimanche libre. C'était une place idéale, bien salariée, avec l'espoir d'une promotion éventuelle. J'étais débordant de reconnaissance envers mon Dieu et ce fut le coeur plein de joie que je me rendis auprès de ma mère au bout du premier mois, pour lui remettre tout mon salaire. Elle se mit à pleurer de joie et de surprise, la pauvre maman, car depuis la mort de mon père elle n'avait jamais eu pareille somme entre les mains. Je la consolai en lui assurant que je tenais maintenant une position stable et que je continuerais à pourvoir à tous ses besoins.

Cependant, malgré ma bonne place et mes espérances de faire mon chemin dans ce monde, je me sentis bientôt mécontent et une vague nostalgie envahit mon âme. Ce n'est que le dimanche que je me sentais vraiment heureux, quand je pouvais assister au culte et me joindre au peuple de Dieu dans la louange et dans l'adoration. Je ne manquais pas d'amener avec moi mes camarades de la Poste à toutes les réunions. J'avais faim et soif de la Parole de Dieu et désirais vivement prendre part aux études bibliques le soir, bien que la salle fût éloignée de plusieurs kilomètres de chez moi. Un certain soir, je m'y rendis donc, malgré la pluie torrentielle, mais ni professeur ni élèves n'étaient venus à cause de l'orage, et je m'en retournai, triste et désappointé, privé du bon repas spirituel sur lequel j'avais compté.

Un jour, tout en faisant mon travail à la Poste, une vision se présenta à mes yeux avec une clarté irrésistible. Les deux routes étaient là, devant moi, l'une étroite et l'autre bien large. Je cheminais tout seul le long de ce chemin étroit que j'avais choisi, tandis que sur la route large des multitudes s'en allaient joyeusement, tout en plaisantant les uns avec les autres.
Cette vision me laissa une impression de tristesse et j'en fis part dans une lettre à mon professeur de l'École Biblique. Sa réponse m'apporta des paroles d'encouragement et d'exhortation, en même temps que la conclusion suivante : « Et si Dieu vous demandait, de Le faire connaître à cette foule de la route large qui court vers la destruction ? » Cette pensée me laissa songeur.

Quelque temps après, ce fut un rêve qui attira mon attention. Non pas que nous devions donner à nos rêves une trop grande importance ; cependant Dieu s'en sert aussi parfois pour nous parler. Si nous avons le coeur ouvert pour Lui, Il peut nous enseigner de plusieurs manières.
Dans ce rêve, je me trouvais dans une demeure splendide. À l'ouïe d'un bruit inusité, je sortis dans la cour où je vis un vieillard au corps frêle qui sonnait une cloche, tandis qu'à quelques mètres de lui, un lion énorme, vêtu comme un homme, rugissait, la gueule béante. Je contemplai cette scène étrange, mais n'en compris pas de suite le sens. M'éloignant de là, je me mis à gravir un grand escalier de marbre, mais tout en montant les degrés, je méditais sur ce que je venais de voir. Ce vieillard si faible, là-bas, ne pourrait pas toujours rester à son poste pour avertir le monde, et le lion rugissant était prêt à dévorer sa proie. Qui viendrait remplacer la sentinelle vigilante ?... Sur ce, je m'éveillai et cette question continua à retentir à mes oreilles.

Il semblait tout à fait hors de question que je devinsse jamais un prédicateur. Je n'étais qu'un nouveau converti, issu d'une famille païenne, n'ayant aucune préparation théologique. De plus, j'étais excessivement timide et peu sociable par nature. Quand je rencontrais de nouvelles personnes, je ne savais plus quoi dire après les salutations d'usage, et j'étais parfois bien embarrassé. Mon coeur était plein d'amour mais il me manquait les paroles pour le dire.

Un jour je fus invité à la noce d'un cousin dont je devais être le garçon d'honneur. Selon la coutume chinoise, chacun devait faire son petit discours, puis le garçon d'honneur devait remercier la compagnie au nom de l'époux. Il s'agissait seulement de trois courtes phrases que j'avais eu soin de bien apprendre par coeur avant la cérémonie. Néanmoins, quand vint mon tour de me lever pour parler, je devins écarlate, ma gorge se serra d'émotion, et après avoir essayé en vain de balbutier : « Aujourd'hui... aujourd'hui », je fus incapable de sortir la suite du discours ! Quelqu'un me tira par la manche en me conseillant de me rasseoir, ce que je fis, en effet, en proie à la plus extrême confusion.
Si je n'avais pas été capable de prononcer, en famille, ces quelques paroles banales, comment pourrais-je affronter un grand auditoire et me mettre à prêcher ? Cela était hors de question. Jamais Dieu ne pourrait se servir d'un garçon de mon espèce pour annoncer Sa Parole aux milliers de Chinois qui périssent dans les ténèbres.

À cette époque, c'était en 1925, il s'éleva une violente manifestation connue sous le nom de « l'Incident de la rue de Nankin ». Un Japonais avait tué un employé chinois dans une filature et justice ne lui avait pas été faite. Les étudiants chinois s'étaient soulevés pour crier vengeance et créèrent de l'agitation. Le soulèvement prit une telle envergure que la police dut s'en mêler et plusieurs étudiants furent fusillés. Il en résulta un antagonisme extrême contre les Japonais et contre les Anglais.

Tout juste après cette affaire, voici M. Paget-Wilkes, un missionnaire anglais qui arrive en Chine pour y tenir des réunions de réveil ! Cela semblait autant dire impossible dans l'état actuel des choses. Cependant, M. Wilkes poursuivit tranquillement son ministère, tout d'abord parmi les croyants parlant l'anglais, et les réunions allèrent en augmentant, par la puissance du Saint-Esprit, sous la bénédiction du Seigneur, malgré tout le tumulte du dehors. Puis on suggéra d'ouvrir les portes toutes grandes au public chinois. Ainsi, avec l'aide d'un interprète, les réunions continuèrent et les auditoires devinrent de plus en plus nombreux, jusqu'à combler la plus grande chapelle, de sorte que d'autres prédicateurs furent appelés au secours pour s'adresser aux foules qui ne pouvaient pénétrer dans l'édifice.
Il y eut de nombreuses conversions, des vies consacrées au service du Seigneur.. Bien des ouvriers de Dieu à Changhaï doivent leur ministère spirituel à ces journées inoubliables. Moi aussi j'étais présent à toutes les réunions, jouissant intensément, des messages si riches en vérité biblique dont je buvais littéralement chaque parole et m'occupais activement à relever les points principaux dans mon carnet de notes.

Un jour le prédicateur s'écria avec une voix toute vibrante d'amour : « Rien ne peut sauver la Chine, mes amis, rien d'autre que Jésus-Christ ! Et aucun missionnaire étranger ne pourra toucher le coeur de ce peuple aussi bien que les Chinois eux-mêmes. Dieu veut sauver la Chine. Il attend pour cela les instruments consacrés dont Il pourra se servir. Qui se lèvera en ce jour pour se livrer à Lui, pour prêcher à son peuple la Bonne Nouvelle du Salut ? »
Je sentis immédiatement que cet appel était pour MOI. Je me sentis contraint de prendre position ce jour même. L'un après l'autre, les frères se dirigeaient vers l'estrade et allaient s'agenouiller dans un acte de consécration totale. Je sentis que ma place était aussi parmi eux, mais une lutte s'engagea dans mon coeur. Si je quittais ma place pour aller prêcher, qui prendrait soin de ma pauvre mère ?

Alors toutes les scènes de mon enfance me revinrent soudain à la mémoire. Je vis ma pauvre mère, dans les premiers jours de son veuvage, travaillant comme une esclave tout le jour et jusque tard dans la nuit pour élever ses enfants. Quand nous étions depuis longtemps couchés, mes trois petites soeurs et moi (la dernière n'avait alors que quelques mois à peine) nous entendions encore tourner le rouet infatigable qui devait nous assurer le pain quotidien. Mais elle gagnait si peu que son travail n'y suffisait pas et elle dut se résigner à placer ma petite soeur. Je ne l'ai plus revue jusqu'à l'âge de vingt ans, et ce fut pour moi une vive émotion quand on me dit que cette belle jeune fille était ma propre soeur ! Je la serrai dans mes bras avec effusion, ne pouvant retenir mes larmes.
Je me souviens en particulier d'un certain jour où, rentrant de l'école à midi, nous avons trouvé la table vide et notre mère désolée, n'ayant pu se procurer aucune nourriture pour nous ce jour-là. Elle nous dit d'une voix tremblante que ses mains ne suffisaient plus à faire face aux frais de notre éducation et de nos vêtements, et nous encourageait à tenir ferme malgré tout, à bien travailler à l'école sans laisser voir à personne notre misère. Nous sommes repartis, l'estomac vide, essuyant nos larmes avant d'entrer en classe... Oh ! je sais ce que cela veut dire d'être orphelin, d'être pauvre et affamé, ce sont des choses dont j'ai fait l'expérience dans ma vie ! Aussi ai-je pris la résolution solennelle, dans mon coeur d'enfant, de pourvoir autant que je le pourrai aux besoins de ma fidèle et noble mère, car je ne pourrai jamais oublier ce qu'elle a fait pour moi.
J'avais alors un oncle très riche qui avait, lui aussi, une grande famille. Je me rendis chez lui un jour et le trouvai entouré de sa femme et de ses enfants, en train de distribuer à chacun d'eux de succulents gâteaux. Moi je me tenais là à côté, mais il ne m'en offrit pas un seul. Je ne dis rien, mais je les regardai manger et plaisanter ensemble joyeusement, puis je repartis, le coeur bien lourd. Ils avaient méprisé le pauvre orphelin. De retour à la maison je confiai à ma mère ce qui m'avait blessé, non pas tellement le fait d'avoir été frustré d'un bon gâteau, mais d'avoir été traité avec un tel mépris. Et ma mère s'efforça de me consoler.

En repensant à toutes ces choses, j'avais résolu d'obtenir à tout prix mon indépendance et de pourvoir moi-même aux besoins des miens, afin de gagner le respect et la considération de mon entourage. Et voilà, maintenant Dieu me demandait d'abandonner tout ce beau programme de travail pour répondre à Son appel. Ce fut une lutte intense qui se livra en moi. Oui, je savais bien que Dieu m'aimait, que Jésus-Christ était mort pour moi, qu'Il s'était donné tout entier pour me sauver. Moi aussi je l'aimais en retour et je savais bien qu'il me voulait tout entier à Son service. Il me semblait que je pouvais bien Lui donner tout, excepté ma mère. Et tandis que le combat se livrait dans mon coeur, les précieuses promesses du Seigneur retentirent à mon oreille : « Je ne te laisserai point et je ne t'abandonnerai point. Roule ton fardeau sur MOI. » Et Il m'a donné la victoire. J'ai pu alors m'abandonner à Lui sans réserve, Dieu soit béni, et je n'ai jamais eu lieu de regretter un seul instant la décision prise ce jour-là.
Quand je racontai à ma mère cette expérience, je vis tout de suite le désappointement et le chagrin que lui causa ma décision. Elle était toujours bienveillante et ne proféra aucune parole d'irritation, mais me laissa achever toute mon histoire en silence. Puis elle se retira dans sa chambre. Je l'y suivis quelques instants après et la trouvai sanglotant sur son lit.
- Oh ! Maman, lui dis-je, pourquoi pleurer ainsi ?
- Que veux-tu, je pensais qu'il me faudrait de nouveau travailler à mon rouet jusqu'à minuit comme avant !

Cette douleur me brisa le coeur. Pauvre mère veuve, si vaillante, qui avait tout sacrifié pour moi ! Je ne pouvais supporter de voir la souffrance qui lui déchirait le coeur. Il s'en fallut de peu que je ne sois tenté de revenir sur mon acte de consécration. Mais les paroles du Seigneur Jésus me revinrent à la mémoire : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi... celui qui ne prend pas sa croix, et ne me suit pas, n'est pas digne de moi... » (Matt. 10, 37-38.)
À l'heure de la prière, ce soir-là, le Seigneur me montra quelle était la solution de ce douloureux problème. Je me vis étendu mort sur le lit. Mon esprit libéré de son enveloppe, terrestre se tenait devant ce lit, jetant un dernier coup d'oeil au cadavre glacé qui gisait là. Je sortis de la chambre et revins quelques moments après. Entrant dans la salle à manger je vis un cercueil dans lequel j'étais courbé. Ma mère était là, pleurant et se lamentant amèrement. Je la regardai, puis je regardai le corps mort, mais sans en ressentir la moindre émotion, comme si la capacité de souffrir m'avait été enlevée. C'était la leçon que j'avais à apprendre, l'attitude que Dieu attendait de moi. Me reconnaître comme MORT à moi-même et vivant pour DIEU seul désormais.

Je me rendis auprès de la directrice de l'École de la Mission Béthel pour lui annoncer ma décision de quitter mon poste pour me consacrer au service de Dieu. Elle me demanda de revenir à l'École pour apprendre à prêcher l'Évangile, me promettant en outre de m'aider au point de vue pécuniaire, et je bénis Dieu de tout mon coeur pour Sa fidélité.
Je me mis de suite à prêcher, avec un minimum de connaissances bibliques, mais un immense désir de voir les âmes sauvées, une passion intense pour les pécheurs. J'allais et venais le long des rues avec une bannière portant des versets de la Parole de Dieu et criant à tous les passants pour les engager à se repentir et à croire au Seigneur Jésus-Christ.
« Vous pouvez recevoir le pardon de vos péchés et la vie éternelle. Vous pouvez passer l'éternité dans la gloire du Ciel. Mais si vous refusez d'abandonner vos péchés et de croire au Sauveur, sachez que votre péché vous trouvera certainement. » Telle était la substance de mon message.

Tandis que je me livrais avec enthousiasme à ce service des premiers jours, les gens bien pensants se lamentaient sur mon sort. « Ce pauvre jeune homme est par trop religieux. Il faut bien qu'il ait perdu la tête pour lâcher son travail comme ça et courir les rues pour prêcher la doctrine des étrangers. » Certaines personnes me connaissaient depuis ma petite enfance et éprouvaient pour moi une sympathie sincère. « C'est trop dommage, disaient-ils entre eux, qu'il soit devenu fou, ce pauvre garçon ! »
Mais non certes, je n'avais pas perdu la tête, je l'avais plutôt trouvée, et j'ai continué jusqu'à ce jour, en marchant avec mon Seigneur, béni soit Son Nom !



CHAPITRE IV
À TRAVERS LA TEMPÊTE

 Ma mère n'était pas encore au Seigneur à cette époque, je désirais ardemment la voir venir à Lui. Mais elle n'était pas encore prête à se repentir, aussi j'avais à coeur de lui montrer d'une manière tangible que notre Dieu est le Dieu vivant et qu'Il est sur le Trône, toutes Ses promesses étant « Oui, et Amen ! » en Jésus-Christ. Je ne voulais ni faire voir la fidélité de Dieu afin qu'elle se laisse gagner par Son amour. C'est pourquoi je partageais généreusement avec elle tous les secours reçus pour mon propre entretien. Ainsi j'en vins à me négliger considérablement. J'étais maigre et faible de santé, mais je n'avais pas les moyens de me payer la nourriture fortifiante dont j'avais le plus grand besoin. Je travaillais ferme tout le jour à mes études et revenais tous les soirs bien tard des réunions. Parfois tout le monde était couché quand j'arrivais et la maison était plongée dans l'obscurité. Je me glissais alors dans ma chambre, allumant ma chandelle pour faire ma toilette et me couchais heureux d'avoir fait ce qui était mon devoir de chrétien.

Un soir je me rendis à un village pour y prêcher, à quelques kilomètres de la ville. À mi-chemin je fus surpris par une pluie torrentielle, et n'y étant pas préparé, je fus trempé jusqu'aux os. Ce n'était qu'une petite salle d'évangélisation avec un modeste auditoire. Je prêchai néanmoins, avec mes vêtements ruisselants, et luttai pour reprendre le chemin du retour, ayant de l'eau parfois jusqu'aux genoux, car je n'avais pas les moyens de me payer le luxe d'un « pousse-pousse » (petite carriole chinoise). Je quittai donc mes chaussures et cheminai pieds nus le long des chemins pierreux transformés en torrents. Je fus envahi par un sentiment de désolation pendant cette course solitaire dans la nuit glacée, les pieds meurtris par les pierres du chemin, et le tentateur en profita pour m'assaillir d'un ton moqueur : « Tu es un insensé ! me dit-il. Si tu étais resté bien tranquille à ton bureau, tu vivrais heureux et tu serais dans ton lit à cette heure-ci ! Et que diront tes amis quand ils te verront dans cet état ? »

J'étais cruellement tenté et dans ma détresse, je fondis en larmes et criai au Seigneur. Immédiatement il vint à moi et murmura dans mon esprit Sa précieuse Parole : « Quand tu passeras par les eaux, je serai avec toi. Quand tu passeras par les fleuves, ils ne te submergeront point... » C'en était assez. Je repris courage et, rassemblant mes forces défaillantes je poursuivis ma route. Arrivé à la maison, tout le monde était couché et je n'avais pas même une goutte d'eau chaude pour me baigner. Je m'endormis bientôt, mais j'avais pris un sérieux refroidissement et je me mis à tousser. Mais mon ardent désir de gagner des âmes à Christ ne me permettait pas de prendre aucun repos, et je continuai à prêcher tous les soirs. J'étais souvent interrompu dans mon discours par une quinte de toux, mais je continuais quand même tant bien que mal. Le plus terrible, c'était quand nous étions en prière avec les âmes cherchant le salut. Je faisais alors un effort inouï pour réprimer cette malheureuse toux et j'en ressentais une vive douleur dans la poitrine. Mais le salut éternel de ces précieuses âmes importait plus pour moi que tout le reste.

Je partis alors avec un frère de Béthel pour le sud de la Chine pour une tournée d'évangélisation. Le jour de notre arrivée, je toussais tellement que mon mouchoir fut taché de sang et mon compagnon s'en alarma. « Tu ne peux pas prêcher dans cet état, me dit-il, il te faut rentrer chez toi. » Mais dans mon coeur j'avais l'assurance que Dieu ne me laisserait pas tomber malade si loin de mon foyer ; c'était pour Le servir que j'avais entrepris ce long voyage et Il me voulait au travail. Sur l'insistance de mon ami, il me fallut cependant me résigner à me coucher ce soir-là car j'avais une forte température.
Les réunions commençaient le lendemain et on voulut me remplacer pour la prédication afin que je puisse me poser. Ma chambre était tout près de la chapelle. Quand j'entendis les gens circuler, puis chanter de joyeux cantiques je ne pus y tenir. M'habillant en hâte, je me glissai par une porte de derrière et vins prendre ma place, pendant qu'on était en prière, à côté du prédicateur. Quand vint le moment de prendre la parole, je montai sur l'estrade et me mis à prêcher. Notre tournée a duré trois mois et c'est en prêchant la Parole de Vie que j'ai été guéri de ma tuberculose ! Au retour je me sentais plus fort qu'en partant. Toutefois je ne me permettrai jamais de conseiller à qui que ce soit de suivre mon exemple. Je comprends maintenant, avec le recul des années, que j'ai de sagesse en cette occasion. Notre corps est le temple du Saint-Esprit et nous devons en prendre soin alors si débordant d'enthousiasme, - si ardent dans mes convictions que j'en venais à négliger totalement mon corps. C'est bien par la grâce de Dieu que mon état ne s'est pas empiré. II a pardonné mon ignorance et m'a secouru dans Son amour.

Les Chinois observent toujours rigoureusement la fête du jour de l'An, selon l'année lunaire. C'est le jour des visites de circonstance aux parents et aux amis pour renouveler les liens d'amitié. Quand je suis devenu chrétien, mes proches en ont eu un vif désappointement. Maintenant je désirais ardemment les reconquérir, non pour moi-même mais pour Christ, de sorte que j'avais à coeur de leur rendre visite pour leur apporter mon témoignage. Seulement voilà, tout Chinois qui se respecte est sensé porter des habits neufs ce jour-là, sinon il se fera mettre à l'index. Il m'importait peu d'être un objet de mépris pour mes parents et amis, mais je craignais qu'en me présentant chez eux avec mes habits râpés sans même une paire de souliers convenables, je ne fis rejaillir la honte sur le Témoignage que je représentais. Mais je n'avais pas d'argent pour remplacer ma garde-robe, et tout était bien usé ! Je confiai la chose à mon Père céleste, le suppliant de pourvoir à mes besoins pour me permettre de faire honorablement les visites en question.
J'eus alors la visite d'un ami qui ignorait totalement mes besoins, avec qui j'ai causé de tous les sujets sauf de celui qui me tenait au coeur. Avant de partir, il me glissa dans la main un don de deux dollars. Combien mon coeur était ému en présence de cette nouvelle preuve de la fidélité de mon Dieu ! Quelle grâce de pouvoir compter sur Son amour en toute occasion !.

De retour dans ma chambre, je me jetai à genoux pour Le louer et invoquer Son Nom dans la prière, le coeur brisé par le sentiment de Sa grâce envers moi. Je pleurai à Ses pieds comme un enfant et Le suppliai d'accomplir en moi toute Sa sainte volonté.
Soudain je fus interrompu dans ma prière par un coup à la porte. Me levant vivement je reçus mon visiteur. C'était un nouveau converti qui avait été autrefois un vaurien de la pire espèce. Ayant renoncé à sa vie de rapine et de vol, il se trouvait maintenant exposé à une réelle épreuve de foi. Il n'avait trouvé aucun travail et son argent était entièrement épuisé. Il en avait même été réduit à vendre de ses vêtements pour se procurer de la nourriture. Et voilà qu'il venait me confier sa peine, me disant qu'il n'avait rien eu à manger depuis deux jours. Il me demandait de prier avec lui pour qu'il soit fortifié dans la foi à l'heure de l'épreuve.
Et nous avons prié le Seigneur ensemble. J'ai demandé à Dieu de le soutenir, de pourvoir à ses besoins et de l'affermir dans la foi, et il en fut très encouragé. Mais en me relevant, il me semblait entendre mes deux dollars s'agiter dans ma poche et faire entendre leur voix : « Tu as demandé à Dieu de le secourir, mais ne pourrais-tu pas toi donner à ce pauvre garçon ? Toi, tu as des amis chez qui tu peux aller, mais lui, n'a personne et il a faim, il est plus malheureux encore que toi ! » Et après un court instant d'hésitation, je lui ai donné mes deux dollars. Dieu veut parfois nous mettre à l'épreuve quant à la réalité de notre consécration. Est-ce que nous sommes bien décidés à aller jusqu'au bout avec Lui ? Quelques jours après, je recevais une somme de 30 dollars ! N'est-il pas vrai que celui qui prête à l'Éternel fait un bon placement ?

Partout où je prêchais, je ne manquais pas de dénoncer le péché. Je prêchais la repentance, l'Évangile de la purification, suppliant les gens de venir au pied de la Croix pour accepter le pardon de Dieu par les mérites du Seigneur Jésus et par la puissance de Son sang rédempteur.
Quand nous annonçons cet Évangile-là, ou les âmes sont touchées et se convertissent, ou bien elles s'endurcissent et deviennent les antagonistes du messager de Dieu. Ce fut là ma propre expérience.

Un soir, la réunion terminée, je restai seul dans la salle de réunion, suppliant le Seigneur de donner efficace à la Parole annoncée pour le salut de plusieurs. J'entendis alors une terrible commotion au dehors, le bruit de pas qui approchaient et de clameurs irritées d'une foule en démence : « A bas le prédicateur ! À bas le prédicateur ! » Cette populace arrivait dans l'intention de me rouer de coups, des gourdins à la main. Mais quelques-unes de nos fidèles soeurs, en voyant l'attroupement, eurent la noble idée de revenir sur leurs pas. Malgré la terreur que leur inspirait cette meute menaçante, sachant bien qu'elles n'auraient pas la force de me porter secours par elles-mêmes, elles firent la seule chose qu'elles pouvaient faire : se mettre à genoux à mes côtés et prier avec moi.

Conscients de notre impuissance, nous étions là ensemble prosternés devant notre Dieu, comptant uniquement sur Son secours divin. Si Son heure avait sonné pour que mon faible corps passât par l'épreuve d'une rouée de coups et même par la mort, Il me donnerait la grâce nécessaire. Je Lui demandais seulement, au cas où je devrais partir, de prendre soin de ma pauvre mère.
Tandis que nous luttions dans la prière contre les forces infernales, nous entendîmes la foule pénétrer dans l'édifice et s'approcher de nous. Ils nous regardèrent les uns après les autres, agenouillés et parlant avec notre Dieu. Nous ne disions rien contre eux, mais demandions au Seigneur de nous délivrer de leurs mains et de sauver ces pauvres âmes aveuglées par le diable mais précieuses à Ses yeux. Alors ils restèrent là immobiles pendant quelques instants, puis se retirèrent l'un après l'autre sans nous faire aucun mal. Une fois de plus notre Dieu avait répondu à la prière et donné la victoire à Ses faibles enfants. Béni soit Son Nom !


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