Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Les vacances au vieux verger

CHAPITRE V
Rancoeur

 Revenons maintenant en arrière, et voyons ce qu'a fait Gilles depuis que Marie la consolatrice est entrée auprès de son frère que nous avons laissé de fort mauvaise humeur.
- Voilà une étrange façon de témoigner sa reconnaissance aux gens ! s'écria Gilles en jetant sur sa table les tristes restes de sa toque. J'avais dépensé tout ce qui me restait d'argent pour acheter le fil de fer de ce treillage, et elle ne m'a même pas dit merci pour toute la peine que je me suis donnée.
- Mais elle était sincèrement affligée, je t'assure, elle a pleuré toute la soirée, dit Marie, plaidant la cause de sa soeur.
- Ses larmes nous font grand bien, à ma toque et à moi ! reprit Gilles. Ne peut-elle donc une fois en sa vie se montrer satisfaite de quelque chose et reconnaissante envers quelqu'un ! Mais une phrase gracieuse lui écorcherait la bouche !... À propos, ma petite Marie, va vite me chercher ma boîte à outils que j'ai laissée sur le perron, et viens m'aider à terminer mon planeur. Il sera superbe, et nous irons l'essayer en le lançant depuis le balcon du second étage.

Marie, ravie, partit en courant et revint avec la boîte.
- Maintenant, lui dit Gilles, il faut que je cloue cette dernière planchette, mais c'est très difficile ; il faut que tu me la tiennes solidement pendant que, par-dessous j'enfoncerai les clous.

Marie suivit les instructions de son frère, toute fière et heureuse d'avoir été choisie par lui pour cet important travail. Mais à ce moment la porte s'ouvrit et Florence entra en disant brusquement :
- Marie, descends tout de suite, maman a besoin de toi.
- Mais non, dit alors Gilles, Marie ne peut descendre à présent, ou tout sera à recommencer. Pourquoi maman a-t-elle besoin d'elle ? Va, je t'en prie, demander à maman si elle peut attendre Marie cinq minutes seulement.
- Non, répondit Florence, Marie doit aller immédiatement pour arranger toutes les affaires qu'elle a laissées en désordre.
Il n'y a pas un coin de la chambre où l'on ne trouve quelque chose que Marie a laissé traîner.
- En tous cas il y a un angle dans la maison qui est bien pénible et contre lequel on se heurte toujours, grommela Gilles en reprenant des mains de Marie les planchettes qu'elle maintenait à leur place.
- Insupportable garçon, maugréa Florence, je dirai à maman que tu me donnes un sobriquet et que tu te moques de moi.

Et la petite fille sortit en colère, suivie de Marie qui disait à Gilles :
- Je reviendrai aussi vite que possible, attends-moi.

Lorsque ses soeurs se furent éloignées, le jeune garçon resta seul, et pendant un moment on aurait pu l'entendre grommeler contre Florence. Mais soudain il se souvint de ce que sa mère lui avait dit bien souvent, combien c'est mal de se laisser aller à la colère et, tout honteux des mauvais sentiments qu'il avait eus envers sa soeur, il s'agenouilla pour demander à Dieu de lui aider à maîtriser sa colère et à être doux et obéissant, se souvenant qu'il est écrit : « Qui est lent à la colère vaut mieux que l'homme fort, et qui gouverne son esprit vaut mieux que celui qui prend une ville » (Prov. 16, 32).


.
CHAPITRE Vl
L'échelle de Lucie

 Nous n'avons pas encore parlé de Lucie, une petite rêveuse qui se tenait à part des causeries bruyantes et des querelles des autres enfants. Bobby était son fidèle compagnon et son confident. Elle lui lisait ses histoires préférées, lui chantait des cantiques, l'emmenait sous les charmilles, et là, à l'ombre des arbres, lui montrait l'endroit où les oiseaux avaient bâti leurs nids et reposaient paisiblement, les ailes étendues sur leurs oeufs ; elle apprenait à Bobby à respecter ces nids, à ne pas effrayer les pauvres mères, « car ce serait bien méchant, et », ajoutait Lucie avec une emphase enfantine, « quand on est méchant, on ne peut pas aller au ciel ».
Elle emmenait Bobby dans de longues promenades, et, tout en marchant, elle lui disait que c'est Dieu qui a fait les marguerites, les primevères et les jolis narcisses blancs, et que c'est Lui aussi qui apprend aux oiseaux à faire leurs nids. Elle lui racontait les récits du Nouveau Testament, les miracles accomplis par le Seigneur Jésus, et, avec émotion, lui parlait de Sa mort sur la croix ; elle lui disait que Dieu qui est pourtant si bon, et qui veille sur Lucie et Bobby quand ils sont la nuit dans leurs lits, avait laissé son Fils souffrir ainsi, parce qu'Il voulait nous sauver de l'enfer.
Elle lui racontait aussi les histoires de l'Ancien Testament qu'elle mettait en action pour ainsi dire dans son esprit, à tel point que dans sa pensée elle les mêlait aux événements de sa vie de chaque jour.

Parfois, lorsqu'elle se trouvait seule, assise dans le bois de sapins, et qu'elle regardait les corbeaux voler à travers les arbres, elle se figurait qu'ils allaient lui apporter à manger, comme jadis à Elie. Mais, parmi tout les récits de la Bible, il en était un qui s'emparait spécialement de l'esprit de la petite Lucie. C'était l'histoire de l'échelle mystérieuse que Jacob contempla dans une vision, cette échelle dont le pied était posé sur la terre et dont le sommet atteignait le ciel, et sur laquelle les anges de Dieu montaient et descendaient.

Construire une immense échelle qui pût atteindre jusqu'au ciel était le plan favori de Lucie. Bien des essais mystérieux furent tentés par la petite fille pour cette construction, et elle versa souvent des larmes sur ces tentatives infructueuses. À Bobby seul elle confia ce grand projet ; Bobby devint le témoin de ses efforts ; c'était le seul être qui sympathisât avec son chagrin de son peu de succès.

Un jour, une lueur d'espérance brilla sur son projet abandonné et l'excita à le reprendre avec une ardeur nouvelle. Son père, en causant un soir au coin du feu, vint à parler d'un grand vaisseau qu'il avait visité et fit la description des échelles de corde auxquelles les matelots grimpent avec tant de hardiesse. À partir de ce moment, la résolution de Lucie fut prise : elle ferait une échelle de corde semblable à celle dont son père avait parlé. Que la tâche fût longue, pénible, peu importe, elle l'accomplirait. L'échelle terminée, Lucie y monterait hardiment ; elle l'attacherait au sommet d'un des hauts peupliers qui croissent sur la colline ; elle avait vu souvent les nuages se poser sur leurs branches, et, une fois arrivée au-dessus des nuages, quelle vue merveilleuse elle aurait ! elle verrait sans doute les rues d'or, les portes de perles dont il est parlé dans l'Apocalypse ; peut-être les anges passeraient-ils devant elle, et elle entendrait les accords mélodieux des harpes.

Pauvre petite Lucie ! Quel rêve ! Ce n'est pas étonnant qu'elle n'osât le dévoiler à personne, - surtout à Florence qui se serait tant moquée de la pauvre petite ! Ce fut donc dans le plus grand secret, et sans autre secours que celui du fidèle Bobby, que Lucie rassembla en les mettant de côté jour par jour, dans une boîte cachée sous le foin de la grange, une quantité de bouts de corde et de ficelle.

Le jour où se passèrent les événements que nous allons raconter était un beau jour du mois de septembre, où Lucie se préparait à célébrer la fête de sa poupée chérie, Charlotte. Un goûter devait avoir lieu en son honneur ; Lucie avait confectionné elle-même un gâteau aux raisins secs, et la boisson consistait en tisane de menthe récoltée par les deux enfants.

Le petit garçon du jardinier, Marcel, qui s'amusait souvent avec Bobby, avait été convié à la fête qui eut lieu dans la remise. On rangea des chaises autour d'une table improvisée et couverte d'une nappe, et on y plaça le service à thé de poupée. Les murs étaient garnis de guirlandes de chèvrefeuille et la poupée, dans ses plus beaux atours, trônait à la place d'honneur.
Mais, au moment où la fête était à son apogée, où le visage de Lucie rayonnait de joie, un phénomène soudain et imprévu se produisit.

La fenêtre de la remise s'ouvrit violemment ; un léger bruit se fit entendre dans la haie de lauriers, puis un torrent d'eau se précipita avec impétuosité à travers la fenêtre ouverte dans la salle du festin.
La poupée fut renversée de son siège:
Marcel, assis à côté d'elle, se trouva inondé, le pauvre Bobby aveuglé, tandis que Lucie, recevant sur la tête une pluie torrentielle, restait muette de stupéfaction.


.
CHAPITRE VlI
Qui troubla la fête 

Nous avons laissé Gilles à genoux, demandant dans sa prière la force de bien faire, et nous avons vu Florence prenant de bonnes résolutions auprès de sa grand'mère. Assurément tous deux, s'ils avaient persévéré dans leur repentance, auraient triomphé de leurs mauvaises dispositions. Nos lecteurs ont sans doute déjà cherché à deviner le coupable qui submergea le festin de Lucie, et ils se refusent à croire que Gilles ou Florence aient pris part à une aussi méchante plaisanterie.

Les vacances de Gilles touchaient à leur fin, et il se livrait avec quelque mélancolie à la pensée de son prochain départ, car la maison lui paraissait le plus agréable séjour du monde, et Marie et Bobby, les plus gentils compagnons et les plus complaisants qu'on pût trouver !
Fatigué des difficultés sans cesse renaissantes dans la construction de son planeur, il l'avait relégué dans un coin de sa chambre. Sa soeur Marie était occupée à faire la lecture à sa grand'mère et il ne savait où trouver Lucie et Bobby. Il se sentait donc tout isolé et errait sans but dans le jardin, lorsqu'il découvrit tout à coup une chose bien faite pour plaire à un écolier : une pompe d'arrosage trempant dans un baquet plein d'eau !
- Quelle trouvaille ! s'écria-t-il. Voilà un bon divertissement ! Oh ! que je voudrais que Marie soit là ! Quelle belle douche je lui enverrais !

Il tourna le manche de la pompe et, après avoir rempli complètement le tube d'arrosage, il épaula son arme de guerre et marcha à la rencontre d'une victime.
Il ne fut pas long à la trouver dans la personne du vieux jardinier qui travaillait un peu plus loin.
- Attention ! cria Gilles, attention ! je tire sur vous.
- Ah ! n'en faites rien, je vous prie. J'ai un terrible rhumatisme dans les épaules.
- Je ne viserai qu'aux jambes, alors, cria de nouveau Gilles.
- Non ! non ! mes pauvres jambes sont raides comme des bâtons à force de m'avoir porté toute la journée. Si vous tenez absolument à tirer un coup, tirez-le sur les pigeons. Ils n'ont pas de rhumatisme, eux'
- Ce n'est pas une mauvaise idée, dit Gilles en tournant les talons.

Et il se dirigea vers la cour de l'étable. Les pigeons se reposaient paisiblement sur le toit et le jet d'eau causa le plus grand trouble parmi eux. Ils tournoyèrent et voltigèrent de toutes parts, quand l'eau retomba en gouttes brillantes sur leur dos. Puis ils prirent leur vol vers la prairie afin de sécher au soleil leurs plumes mouillées.
Gilles riait ; puis il regarda autour de lui pour chercher une autre victime.
- Bon ! voilà Marie qui vient à travers les arbres. C'est bien sa robe bleue et son tablier blanc. Oh ! il faut absolument que je l'attrape !

Et remplissant son tube rapidement, Gilles se cacha au coin du mur de la grange. La fillette apparut, mais ce n'était pas Marie, c'était Florence venant visiter son poulailler avec un plat de grains pour ses poules.
« Quel dommage ! murmura Gilles, je n'ose pas tirer sur elle, cela la mettrait en colère. »
Et pourtant il appuya la pompe sur son épaule tout en regardant la petite fille qui s'approchait sans méfiance.
- Attention ! Feu !

Et un déluge d'eau froide tomba sur le petit visage et sur la tête de Florence.
Gilles fit alors une prompte et prudente retraite dans un buisson de lauriers et Florence jeta des hauts cris. Puis le silence se fit ; bien que Gilles se sentît très mal à l'aise, il ne put résister au désir de connaître le résultat de son tir.
Le plat d'étain gisait par terre, ainsi que les grains qu'il avait contenus, et Florence s'essuyait le visage avec sa manche, et regardait autour d'elle d'un air furieux pour tâcher de découvrir son adversaire.
- Eh bien, Florence, comment trouves-tu cela ? cria Gilles sortant de sa retraite.

Florence demeura quelques instants hors d'état de trouver des paroles pour exprimer sa colère.
- Je pensais bien que ce devait être toi! dit-elle enfin. Je le dirai à maman, et tu seras puni pour cette farce si stupide et si lâche.
- Eh bien ! soit, je reconnais que c'était stupide de ma part. Allons, Florence, donne-moi la main et faisons la paix. D'ailleurs tu n'es pas trop mouillée.

Et Gilles s'avança les mains tendues vers sa soeur.
- Non, je ne te donnerai pas la main je vais montrer à maman mon tablier tout mouillé.
- Eh bien, reprit Gilles en jetant la pompe par terre devant sa soeur, tire sur moi autant de coups que tu le voudras, mais ne sois pas dans une telle colère pour si peu de chose.
- Je n'y toucherais pour rien au monde ! s'écria Florence repoussant du pied la pompe. Je n'aurais jamais cru qu'on pût jouer un si vilain tour.

Tout en parlant elle ramassait le plat d'étain vide, et, prenant par le plus court chemin, rentra à la maison.
- Florence ! criait Gilles, Florence, écoute ! si tu as réellement l'intention d'aller te plaindre à maman, prie-la de ne pas me mettre dans un coin ; rien n'est plus désagréable qu'un coin !

Il cria ce dernier mot tellement fort que Florence l'entendit en franchissant la porte de la cour. Puis il regarda de côté et d'autre d'un air indécis, et finalement s'éloigna.
Un moment après Florence apparaissait de nouveau, avec un air d'importance et un éclair de triomphe dans les yeux.
- Gilles ! cria-t-elle de loin, pensant que son frère l'entendrait, maman veut que tu laisses cette pompe ; elle dit qu'elle est surprise qu'un garçon de ton âge fasse de ces mauvais tours.

Le but du discours de Florence fut quelque peu manqué lorsqu'elle s'aperçut que la pompe était couchée sur le sol et que Gilles avait disparu. Elle regarda de tous côtés pour retrouver le coupable, mais, ne le voyant pas, elle s'occupa à ramasser les grains répandus. Tout en se livrant à cette occupation, ses yeux tombèrent sur la pompe. Elle la regarda avec curiosité, puis s'en approcha et l'examina minutieusement.
Enfin elle la prit dans ses mains et, l'emportant jusqu'au ruisseau qui coulait près de la basse-cour, s'amusa à la remplir. Puis, comme Gilles tout à l'heure, elle chercha un adversaire.
Tout à coup elle entendit les éclats de rire de Bobby à peu de distance. Se glissant le long du mur de la remise, Florence prêta l'oreille.
« Bobby est là, se disait-elle ; j'entends aussi la voix de Lucie. Que peuvent-ils donc faire là-dedans ? »
Une idée soudaine lui traversa l'esprit elle poussa la petite fenêtre, visa et tira le coup fatal dont le désastreux résultat nous est déjà connu. Puis elle jeta précipitamment la pompe et s'enfuit vers la maison ; mais à mi-chemin elle rencontra Gilles qui l'arrêta en la saisissant par le bras.
- Que faisais-tu avec cette pompe, Florence ?
- Cela ne te regarde pas. Laisse-moi passer.
- Réponds-moi ! que faisais-tu ?

Mais la réponse de Florence n'était plus nécessaire, car la porte de la remise s'ouvrit, et une petite bande désolée en sortit. On vit d'abord Lucie tout en larmes, tenant dans ses bras la pauvre Charlotte dont les vêtements avaient perdu tout leur éclat, puis Bobby en larmes aussi, enfin Marcel trempé des pieds à la tête.
- C'est là ton ouvrage ! s'écria Gilles en secouant le bras de sa soeur.
- Je n'ai rien fait que ce que tu as fait toi-même, répondit Florence.
- Et qui est allé prévenir maman, pour revenir ensuite faire la même chose ? qui a appelé cette plaisanterie lâche et stupide ?
- Lâche-moi ! criait Florence.

À ce moment Madame Crammer parut.
- Gilles, laisse ta soeur tranquille. Florence, viens ici.

Gilles lâcha prise et Florence se dirigea vers la maison.
Le jeune garçon était occupé à consoler et à sécher les enfants lorsque Marie arriva.
- Gilles, dit-elle, j'ai à te parler.
- Eh bien, qu'y a-t-il ?
- On a envoyé Florence au lit, elle ne descendra pas ce soir, et maman dit...
- Quoi ?
- Maman dit qu'elle ne veut pas te revoir ce soir.

Gilles s'éloigna sans mot dire. Bien qu'il eût reçu son jugement avec une apparente indifférence, Marie savait combien il devait en souffrir, car pour Gilles une parole de reproche de sa mère valait les plus sévères punitions. Aussi, au lieu de le suivre, Marie retourna à la maison et monta à la chambre de Florence.
- Puis-je entrer ?

Florence ne répondit pas ; Marie s'avança dans la chambre et s'assit près du lit de sa soeur.
- Va-t'en ! cria brusquement Florence ; ce n'est pas généreux de venir voir la mine que font les gens punis. Je n'ai pas besoin de toi !

Cependant, à peine Marie eut-elle refermé la porte que Florence fondit en larmes ; elle s'assit sur son lit et réfléchit amèrement à sa méchanceté, à son ingratitude.

Les ombres du soir s'allongeaient de plus en plus, et Florence ne pouvait trouver le repos. On lui apporta son souper ; elle n'y toucha pas. La maison semblait plongée dans un silence mélancolique ; on n'y entendait ni Gilles, ni Marie ; le petit Bobby lui-même restait muet.
Comme elle se demandait ce qu'ils pouvaient tous faire, on frappa doucement à la porte. Florence tressaillit et dit
- Entrez !

La porte s'ouvrit, et Bobby s'approcha doucement.
- Florence, je voudrais t'embrasser. Et puis, Lucie te fait dire que Charlotte est tout à fait remise ; nous avons séché ses vêtements au soleil.

Florence regarda son petit frère sans parler.
- Cela ne te fait-il pas plaisir ? reprit Bobby.
- si.

Bobby se retira satisfait.
« Gilles et Marie se promènent sans doute ensemble, pensait Florence ; ils parlent de la maussaderie de leur soeur, et Marie raconte à Gilles qu'elle a voulu venir me voir, et que je l'ai renvoyée. »

Telles étaient les pénibles pensées qui préoccupaient Florence, et qu'elle s'efforçait de croire vraies, tandis que son coeur lui disait que Marie n'agirait certes pas ainsi.


.
CHAPITRE VlII
Les chagrins de Gilles

Après que Gilles eut laissé Marie retourner seule à la maison, il erra un moment pensivement dans le verger.
« Je n'ai que ce que je mérite », se disait-il. « Pourquoi, après avoir pris de bonnes résolutions, est-ce que je cède toujours à la tentation de taquiner les autres et de jouer de mauvais tours ? »
Tout en réfléchissant, Gilles arriva dans la cour de la ferme. Là, une nouvelle idée s'empara de lui ; il grimpa dans la grange et s'assit sur le foin. Il resterait là, pensait-il, jusqu'à l'heure du coucher ; il pourrait alors rentrer à la maison par la porte de derrière et monter à sa chambre sans être vu.
Au bout d'un moment il finit par s'endormir sur le foin. C'était un lit moelleux ; mais ce sommeil ne fut pas de longue durée ; il se réveilla mal à l'aise. Tout à coup il vit apparaître la tête de Marie au haut de l'échelle. Elle avait les cheveux remplis de paille et les joues très colorées.
Gilles ne put s'empêcher de rire au premier abord ; mais le regard sérieux de Marie lui rappela bien vite ce qui s'était passé.
- Eh bien, Marie, dit-il amicalement, qu'est-ce qui t'amène ?

Marie grimpa jusqu'à lui sans répondre, puis elle le regarda fixement afin de savoir dans quelle disposition d'esprit il se trouvait.
- Es-tu là depuis longtemps ? demanda-t-elle en s'asseyant à côté de lui.
- Non, j'ai d'abord fait un tour, puis j'ai découvert cet asile où je pensais que personne ne pourrait me trouver.
- Et qu'as-tu fait tout ce temps, mon pauvre Gilles ?
- J'ai réfléchi.
- À quoi ?
- À la difficulté de ne pas céder à la tentation... Comment est maman ce soir ?
- Elle a lu toute la soirée, répondit la petite fille ; à peine a-t-elle dit un mot, excepté... mais dois-je le dire ? Elle parlait de toi à grand'mère.
- Oui, oui, dis-le-moi.
- Il n'y a pas de mal à ce que je le redise, car maman savait bien que j'étais là, poursuivit la loyale petite fille. Elle a dit : « Gilles est un honnête garçon, un brave coeur, et, lorsqu'il a eu des torts, je puis en toute sécurité le laisser à sa conscience ». Et si tu avais entendu sa voix, si tu avais vu son sourire au moment où elle disait cela, tu aurais été content.

Gilles ne répondit pas.
- Comment va Florence ? demanda-t-il enfin.
- Pauvre Florence ! Bobby m'a dit que ses yeux étaient tout rouges à force d'avoir pleuré.

Gilles se détourna comme pour regarder ce qui se passait dans la cour. Mais Marie le vit s'essuyer les yeux à la dérobée, puis il se tourna de nouveau vers elle.
- Comment t'y prends-tu, Marie, dit-il, pour ne jamais t'écarter du droit chemin ?
- Oh ! mais je m'en écarte aussi souvent que toi !
- Non, non, et si je pouvais t'avoir toujours près de moi, je crois que cela irait mieux. Au collège c'est si difficile ! Il faut prendre son parti d'une foule de choses, mais il en est dont je ne puis souffrir qu'on plaisante.
- De quelles choses, Gilles ?
- Eh bien, par exemple, le soir de mon arrivée, lorsqu'avant de me coucher je me suis mis à genoux pour faire ma prière, j'ai entendu chuchoter et ricaner derrière moi ; je me suis retourné et j'ai vu un autre garçon, agenouillé comme moi, et marmottant des prières pour me singer. J'ai bondi et je lui ai donné un coup de poing dans le dos. Les autres ont crié : « Bravo, petit ! » mais celui que j'avais frappé a dit qu'il m'écraserait. Cependant, lorsque je me suis remis à prier, j'ai reconnu que j'avais eu tort ; je ne pouvais pas continuer à prier. Mon coeur battait si fort ! Je me suis relevé et j'ai dit au garçon que j'avais frappé que je regrettais de m'être emporté ainsi, et je lui ai tendu la main. Les autres se sont alors écrié : « Lâche ! tu as donc peur ! » Je me suis senti si confus, si troublé, que je ne savais plus distinguer le bien du mal. Un autre jour ils ont pris ma Bible et ont mis de la colle entre les feuillets, de sorte que, lorsque j'ai voulu l'ouvrir, j'en ai déchiré les pages. J'étais si vexé que je l'ai lancée à la tête du garçon qui m'avait joué ce mauvais tour, et elle est tombée par terre et s'est complètement abîmée. J'en aurais pleuré : c'était la Bible que maman m'avait donnée !
- Et tu n'avais plus de Bible, Gilles ?
- Bernard, un de mes camarades, m'en a donné une autre. Nous étions inséparables ; malheureusement il a fait une chute et a dû rentrer chez lui se soigner. Quand il était là, nous étions deux à nous soutenir, et il m'aidait à bien faire, mais après son départ je suis retombé dans mes anciens défauts. Dis-moi un moyen, Marie, si tu en connais un, pour marcher dans la bonne voie ? Je voudrais tant être comme toi.
- Lis-tu régulièrement la Bible ? demanda Marie.
- Oui, certainement, mais lorsqu'un écolier est obligé de lire au galop un chapitre pour trouver le temps de préparer ses leçons, on ne peut espérer qu'il profite beaucoup de sa lecture, n'est-ce pas ?
- Et pries-tu ?
- Depuis le départ de Bernard, mes prières ne me font plus le même effet qu'autrefois ; elles ne partent plus du fond de mon coeur.
- Le malheur, dit Marie pensivement, c'est qu'on oublie Dieu tout le long du jour ; on ne pense à Lui qu'un instant le matin et le soir. Le meilleur moyen de bien faire serait d'essayer de se tenir en la présence du Seigneur toute la journée.
- Mais comment faire pour cela ? reprit Gilles.

Marie restait pensive.
- Ah ! tiens ! s'écria soudain Gilles qu'est-ce qu'il y a là ?

Et il tira du foin une petite boîte.
- Voilà de la corde et de la ficelle de quoi monter un magasin ! Regarde donc, Marie, ne croirait-on pas que c'est une échelle ? seulement il n'y aurait qu'un chat qui pourrait y grimper !
- Il faut rentrer, Gilles, il est déjà tard. Nous pourrions peut-être entrer chez la pauvre Florence qui est restée seule toute la soirée.
- C'est vrai, c'est bien égoïste à moi de n'avoir pas pensé à elle. D'autant plus que je suis la cause de ses mésaventures. J'en suis tout honteux. Crois-tu, Marie, que je parvienne à me réconcilier avec elle en allant la trouver maintenant ?
- Je ne sais pas, mais il faut essayer.

Et Gilles et Marie, descendant de la grange, rentrèrent ensemble à la maison.


Table des matières

 

- haut de page -