DES RAYONS
ET DES OMBRES
CHAPITRE VI
L'hospitalité
Quel contraste entre le cottage humide et sombre
et la salle à manger confortable et bien
éclairée de Mme Richard. La table,
avec sa nappe blanche et ses couverts brillants,
témoignait de l'hospitalité de la
maîtresse de céans. Des gâteaux,
du beurre frais, du miel, de la crème
promettaient aux voyageurs fatigués un repas
aussi substantiel que délicieux. Les
domestiques eux-mêmes semblaient avoir
à coeur de seconder leur maîtresse
dans son oeuvre d'amour. Ils entouraient les
étrangers de leurs soins et de leur
prévenance. Mme Richard semblait dans son
élément quand elle était
entourée d'enfants. Elle sut bien vite
mettre à l'aise tout ce petit monde et Nelly
se trouva immédiatement subjuguée par
son charme et sa gaîté. Assise
à table à côté de la
maîtresse de maison, elle suivait d'un regard
si admiratif ses moindres gestes qu'elle en
oubliait presque de manger.
Le délicieux repas touchait
à sa fin. Mimi et Lili s'endormaient sur
leurs chaises.
- Si vous le permettez, dit Mme Merton,
je vais conduire mes petites filles
fatiguées dans leur lit.
- Vous n'en ferez rien, répondit
Mme Richard en souriant, vous devez vous reposer,
et c'est moi qui m'occuperai des enfants. Allons,
petites, je suis votre maman, ce soir venez avec
moi.
Prenant par la main les jumelles tout
ensommeillées, elle quitta la chambre,
suivie de Nelly. Celle-ci revint en courant
embrasser sa mère.
- Bonne nuit, maman ! repose-toi.
Ne trouves-tu pas que Mme Richard est très,
très gentille ? J'aimerais lui
ressembler quand je serai grande.
- Oui, ma chérie, elle est une
vraie enfant de Dieu. Oh ! !Nelly, combien le
Seigneur a été bon d'envoyer une
telle amie à notre secours !
C'était une bien jolie chambre
que celle dans laquelle Mme Richard conduisit les
deux petites filles. On voyait qu'elle avait
été installée pour des
enfants. Deux ou trois petits lits invitaient au
sommeil. Mimi, à laquelle rien
n'échappait, eut vite fait de
découvrir, dans un angle de la pièce,
une merveilleuse maison de poupées. Elle
sembla réfléchir
pendant un instant, puis, levant ses yeux vers Mme
Richard, elle demanda :
- Dis, tu as des petits enfants à
toi ?
Une ombre passa sur le visage souriant
de la dame, mais elle répondit
doucement :
- Non, ma chérie, mais j'aime
tous les enfants et je garde cette chambre pour mes
petits amis quand ils viennent me voir.
- Ah ! se contenta de
répondre Mimi un peu perplexe, mais elle
semblait déçue.
Bientôt les petites filles furent
prêtes pour aller dormir.
- Nous allons parler à
Jésus, maintenant, dit Mimi et, prenant sa
soeur par la main, elles s'agenouillèrent
ensemble et dirent la simple prière que leur
mère leur avait enseignée. En ceci
comme en toute autre chose, elles agissaient de
concert, car Mimi prononçait quelques
paroles, puis Lili renchérissait et ainsi
leurs deux prières n'en faisaient qu'une.
Les fillettes faisaient un ravissant tableau,
agenouillées la main dans la main dans leur
robe de nuit, leurs boucles blondes éparses
sur leurs épaules, leurs yeux
hermétiquement clos.
Quand elles eurent achevé leurs
requêtes habituelles, il y eut un silence,
puis Mimi ajouta timidement : « S'il
te plaît, cher Sauveur, bénis beaucoup
la gentille dame qui a
été si bonne pour maman et ses petits
enfants. Amen », et Lili
répéta comme un écho
fidèle : « Amen ».
Ce devoir accompli, les fillettes, heureuses et
satisfaites, grimpèrent dans le petit lit
qu'elles partageaient naturellement et, en moins de
temps qu'il n'en faut pour le raconter, elles
s'endormaient dans les bras l'une de l'autre.
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