Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE C.
Février 1847

 La Cène et les ministères.

Quant à la dénomination de dissident, je ne l'accepte nullement. Je reconnais des chrétiens nationaux et des chrétiens séparés du culte du monde : voilà tout.

Quant à la Cène, je ne la donne ni ne la refuse, parce que je ne vois pas un seul passage dans l'Écriture sainte qui autorise à demander la Cène, à la donner ou à la refuser. S'il y en a, qu'on me les cite.
Dans quelque endroit que je fusse appelé à aller, je déclare que jamais je ne demanderais la Cène à aucune congrégation. Je m'approcherais tout simplement d'une assemblée de frères en leur disant : Je viens à vous comme frère, et comme ayant reçu miséricorde de la part du Seigneur. Je demande a être reçu par vous comme tel, et à cheminer avec vous dans tous les commandements et dans toutes les ordonnances du Seigneur, qui nous seront connus, suivant une même règle dans les choses auxquelles nous sommes parvenus, et attendant pour le reste que Dieu nous manifeste ce qui en est.

Si ces frères ne me connaissaient pas, je leur laisserais la liberté et le temps de faire ce qu'ils voudraient pour vérifier ma qualité de frère. Mais jamais je ne leur demanderais la Cène, parce que dès que je suis reconnu comme frère, et que je veux marcher dans les ordonnances du Seigneur, à moi connues, personne n'a le droit de m'éloigner de la Cène, qui est le repas de la famille.

En conséquence, si quelqu'un vient me demander la Cène, je lui déclare que sa demande n'a point d'antécédent dans la Parole, et que je ne puis la lui accorder, ni la lui refuser, mais que s'il est frère, et s'il veut marcher avec la famille dans les ordonnances du Seigneur, il a droit à tous les privilèges de la famille. Dans les choses où nous différerions, je chercherais à l'instruire. Dans celles qu'aucun chrétien ne peut méconnaître, telles que la surveillance, les communications fraternelles diverses, les secours temporels et spirituels, s'il y manquait, je l'avertirais, je l'exhorterais, je le reprendrais, et s'il n'écoutait pas, je suivrais à son égard la même marche qu'envers tout autre membre de l'Eglise. S'il me disait : Je ne serais pas de l'Eglise, je ne suis que communiant ; je lui répondrais : Je n'admets pas deux sortes de frères et de communiants ce qui oblige les uns oblige les autres, et le Seigneur a donné une même règle à tous.

Quant aux passants, s'ils sont connus pour frères, et s'ils demandent la Cène, on ne s'y oppose point, pourvu qu'ils déclarent qu'ils sont en paix avec l'Eglise à laquelle ils appartiennent. C'est ainsi que plus d'une fois des frères d'une autre localité et de vues différentes des miennes ont participé avec nous à la Cène, ce qui prouvait que ceux-là n'étaient pas schismatiques.
Si vous ne trouvez pas ma marche biblique, veuillez me dire en quoi elle pèche. Quant à moi, je vois de grands inconvénients à introduire la marche non biblique d'accorder ou de refuser la Cène. C'est le vrai moyen d'introduire toutes sortes d'idées fausses et relâchées, en présentant les chrétiens comme réunis autour de la Cène, ce que l'Écriture n'a jamais fait, au lieu de les représenter comme étant réunis autour de Jésus-Christ et de sa Parole, sous la direction du saint-Esprit.

Voici, cher frère, par rapport au ministère, quelques principes qui me paraissent, je ne dirai pas incontestables, car un conteste tout, mais certains d'après la Parole.

Tout ministère suppose un don de Dieu, qui précède la reconnaissance ou l'établissement de ce même ministère.

Il est des ministères, tel que celui de prophète, supposant l'inspiration, dont on juge, mais qu'on n'établit pas, parce que personne ne peut régler l'inspiration et établir un homme pour prophétiser, à moins que Dieu n'ait dit comme a Elie Tu oindras un tel pour te remplacer.

Quant aux ministères qui supposent non l'inspiration, mais des dons ou des qualités, ils doivent être reconnus et établis, soit par nomination de l'église, soit par imposition des mains d'autres ministères : témoin l'élection d'un apôtre Acte I, celle des diacres chap. VI, et l'établissement des anciens par les apôtres (Acte XIV, 23). Voyez aussi les épîtres à Timothée et à Tite, et en particulier 1 Tim. IV, 14.

Je pense que les dons se manifestent dans l'Eglise avant l'établissement, et que c'est précisément cette manifestation qui détermine le choix et l'établissement. Toutefois, je crois que le ministère doit être reconnu et régularisé par l'établissement, et que l'imposition des mains donne tout au moins le plein droit de porter le titre de la part de Dieu, et je suis fort porté à croire, d'après 2 Tim. I, 6, qu'elle augmente le don.

Je crois qu'en effet on a abusé des ministères dans l'Église nationale, où l'on suppose. souvent que la consécration donne les dons des ministères au lieu de les reconnaître. Si cette fausse doctrine n'est pas admise en système, elle l'est au moins de fait par le grand nombre. Outre cet abus, il y a encore celui de croire qu'un homme ne peut pas cesser d'être ministre, lors même que les dons cesseraient. Puis il y a l'erreur de croire que les ministres sont l'Eglise ; de leur donner une autorité sans contrôle ou à-peu-près, de la part des frères ; et enfin d'en faire des espèces de sacrificateurs qui s'interposent entre Dieu et les âmes.
Mais en voulant redresser ces abus, prenons garde de ne passer nulle part la borne de l'autre côté. Serait-ce faire honneur au saint-Esprit et rendre son action plus libre que de décrier les ministères qu'Il a établis, et par lesquels Il agit (Rom. XII) ? Souvenons-nous que l'orgueil de l'homme peut passer d'une manifestation sous forme de ministère, à une manifestation sous forme d'anti-ministère.

Quand vous dites que le ministère précède l'Eglise, je crois que vous généralisez trop la chose. D'abord, il est des cas où une Église se forme par le réveil que Dieu opère par le moyen d'un chrétien pieux, qui n'a aucun don de ministère, et qui, lorsque l'Eglise est formée, ne manifeste aucun don particulier. Secondement, dans plusieurs cas, une Église est formée par des ministères déjà reconnus et envoyés par des Églises déjà formées. Tel est le cas de la plupart des missionnaires. Si les apôtres existaient avant les Églises, ils avaient été établis par Jésus-Christ ; et, pour le dire en passant, je ne vois dans l'Écriture que des ministères établis ou par des Églises ou par des ministères supérieurs.

Quant à l'assemblage des saints, ce qu'il y a pour moi de certain, c'est que le Seigneur le veut. Quand et jusqu'à quel point l'accomplira-t-Il avant sa venue, c'est ce que j'ignore. Mais sur quoi je n'ai aucun doute, c'est que je dois y tendre, parce qu'en toute chose, je dois tendre à ce que la volonté de Dieu se fasse. Tout ce que je puis faire, c'est de déclarer en toute occasion que je crois que telle est la volonté de Dieu ; ensuite de demander à Dieu qu'Il accomplisse cette union quand Il voudra et comme Il voudra ; enfin, de faire dans ma position tout ce que je puis pour l'amener, soit par un esprit de paix et de charité, soit en posant et en maintenant les vrais principes de l'union des saints. Il est vrai qu'il est souvent difficile d'unir en ce point la vérité avec la charité, mais ici comme en toutes choses, il faut tendre à la perfection, et profiter de ses chutes mêmes pour se relever.
Dieu nous garde de tout système qui conduit à faire de l'union en paroles et du schisme en pratique !
Il faudrait, sans arrière-pensée, s'accorder tous sur ce principe, que tout ce qui est né de Dieu doit s'unir en dehors du monde autour de Christ et de sa Parole.
Que le Seigneur pose sa bénédiction sur tout ce que je vous ai dit de conforme a sa Parole. Qu'Il vous rassasie de sa bonté chaque matin, et qu'Il dirige l'oeuvre de vos mains !

 LETTRE CI
 1847.

En parlant de commentaires sur l'Apocalypse.

Cher frère,
Je vous ai adressé des questions sur le commentaire de l'Apocalypse de ...., parce que, quoique je sois défiant à l'égard des divers systèmes d'explication, dont aucun ne s'est encore légitimé à moi comme vrai, surtout dans les détails et dans la manière de lever les difficultés qu'offrent les apparentes contradictions ; cependant je suis très-amateur de tout travail sur ce sujet, quand il présente un ton de modestie et de modération.
J'ai plus d'une fois éprouvé, en lisant l'Apocalypse, une espèce de chagrin de ne pouvoir découvrir le vrai sens de ces prophéties. Avec tout cela, j'aime mieux porter les inconvénients de l'ignorance, que ceux d'une interprétation téméraire des Écritures.

Ce n'est pas peu de chose que de faire dire à l'Esprit saint ce qu'il n'a pas dit, et d'affirmer, comme sûr, ce qui n'est point certain. J'ai lu la lettre de.... sur l'enlèvement de l'Eglise, et en vérité je ne voudrais pas interpréter l'Écriture de cette manière, bien que je croie pleinement ce que la Parole dit de cet enlèvement ; et surtout, je ne voudrais pas avoir le malheur de me débarrasser du chap. XXV de saint Matthieu quand il gênerait mon système, en le renvoyant en quelque sorte aux Juifs, et disant : « Est-ce dans un Évangile écrit pour les Juifs, qu'on doit aller chercher les destinées de l'Eglise ? »

Ce qu'il y a de remarquable, c'est que c'est dans cet Évangile juif que se trouve deux fois le mot Église, la promesse de sa permanence, la règle qu'elle doit suivre envers ceux qui ne l'écoutent pas, et la promesse que le Seigneur fait de ratifier dans le ciel ses décisions. C'est même au chap. XVIII, verset 20, que les personnes qui partagent les vues de l'auteur de la lettre, trouvent le seul passage autour duquel, disent-elles, les chrétiens puissent se rassembler aujourd'hui. Que de fois ne l'ont-elles pas mis en avant ! Puis, quand cela leur convient, l'Évangile selon saint Matthieu, se transforme tout-à-coup en un Évangile juif où il n'est plus question de l'Eglise.
Dieu veuille empêcher une pareille exégèse de se répandre davantage !

Quant à l'Apocalypse, je pense comme vous, que les événements l'éclairciront singulièrement ; comme il n'y a rien qui harmonise autant les doctrines chrétiennes que de les mettre en pratique.
J'accepte tous vos bons voeux, d'autant plus que je pense qu'ils viennent du Seigneur qui vous les a mis au coeur.
Les miens, pour vous et pour les vôtres, sont au moins sincères. Pour les exprimer par une portion de la Parole, je vous envoie les versets 20 et 21 du chap. XIII des Hébreux.

Je viens d'achever la lecture de Jonas. Il m'a fait grand plaisir. Jusqu'à la méditation sur l'égoïsme, je le trouvais bon ; mais, dès lors, tout est allé en croissant pour le fond et pour la forme, tellement qu'il m'a été évident que Dieu a donné à l'auteur, à mesure qu'il travaillait, selon cette parole : « A celui qui a, il sera donné, et il en aura davantage. »
Outre les choses excellentes pour le fond, et très-heureusement exprimées, ce qui m'a fait un grand plaisir, c'est l'équilibre des doctrines. La Grâce y est annoncée avec largeur sans porter aucunement atteinte aux exhortations sanctifiantes. Le coeur est au large dans la Grâce, et pourtant il n'est pas au large avec le péché, et le tout y est annoncé, non systématiquement, par chapitres et par numéros, mais fondu ensemble comme dans la Parole de Dieu. Cela fait d'autant plus de plaisir, que cette manière d'écrire n'est pas très-commune de nos jours. J'avais eu moi-même une fois l'intention d'écrire sur cette portion des Écritures, mais en lisant le Jonas du frère j'ai bien vu pourquoi Dieu avait fait traiter ce sujet par un autre. Le Seigneur fait toujours cultiver le champ dans chacune de ses parties, par celui à qui Il donne d'y trouver le plus de trésors en fouillant.

 LETTRE CII

L'admission dans l'Église.

Cher frère en Christ,
Parlons aujourd'hui des admissions, et en traitant ce sujet, permettez-moi de suivre pas à pas ce que vous dites dans votre lettre.

Vous dites : « Hé bien ! oui, si j'étais appelé à rassembler une Église, je demanderais à ceux qui voudraient en faire partie, une profession de foi au Sauveur et de conversion. Mais je me contenterais de cette profession non démentie par la conduite. » - Ici, plein accord avec vous. Ainsi, passons outre.

Vous dites : « Je ne m'exagérerais pas ma responsabilité, quant à ces admissions, sachant que Dieu seul connaît les coeurs, et que Lui seul aussi connaît ceux qui sont siens. » -
Je pense comme vous, que même en demandant la profession de conversion non démentie par la conduite, on doit s'attendre à la possibilité d'introduire quelquefois dans l'Église des hypocrites ou des gens qui se trompent eux-mêmes. J'admets qu'en pareil cas l'on n'est pas responsable du fait par là même qu'on n'a pas reçu le don de sonder les coeurs. J'admets que pour recevoir une personne dans l'Eglise, il n'est nullement nécessaire d'avoir une pleine certitude de sa conversion ; car Dieu ne nous appelle à juger de l'arbre que par son fruit.
Ici encore, je pense que l'accord est entier entre nous ; tout comme dans ce que vous ajoutez que « quelque précaution que prennent les chrétiens ils seront toujours exposés à avoir de faux frères parmi eux. »
Je ferai seulement observer en passant, que nous ne serions responsables de l'introduction des faux frères, que dans le cas où nous n'aurions pas pris les précautions voulues par la Parole qui nous ordonne « d'éprouver les esprits, » de « ne pas croire à tout esprit, » de « juger de l'arbre par son fruit, etc., etc. »

Vous dites : « J'aimerais infiniment mieux tenir la porte un peu trop ouverte, que de risquer de la fermer à quelque enfant de Dieu, que je n'ai pas le droit d'exclure. »
Ici encore, j'exprime ma satisfaction de ce que nous sommes d'accord ; et je puis vous dire qu'en général, il y a dans les Églises bien plus de penchant a à recevoir trop facilement, qu'à être trop sévère. Cela se conçoit aisément, comme étant l'effet de ce désir naturel qu'a toute société d'augmenter ses membres. Au surplus, quand un refus d'admission se ferait par erreur, il serait facile de réparer cette erreur dès qu'elle serait reconnue.

Vous dites : « Je n'admets ni ne comprends vos quinze jours d'attente avant l'admission. Vous qui, à l'ordinaire, appuyez sur la Parole tous les détails d'organisation d'Église, ici vous ne faites plus que raisonner, tirer des inductions, présenter des considérations de convenance et d'utilité.
En effet, non seulement la Parole ne prête pas à cette manière d'agir, mais elle y est directement contraire. Fit-on attendre 15 jours aux 3000, aux 5000, au geôlier, à Lydie, à l'eunuque, etc., etc. ? Sous le point de vue de la convenance, je comprendrais encore cette marche relativement à des étrangers, à des inconnus, arrivant au milieu de vous et vous demandant l'entrée de l'Eglise. Mais elle est plus qu'étrange à l'égard de frères que vous traitez depuis long-temps comme tels, dont vous ne mettez point en doute la foi et la conversion, et qui, en demandant l'entrée, ne font que réclamer un droit qu'ils tiennent du Seigneur. »
Ici, mon cher frère, nous ne sommes pas complètement d'accord. C'est pourquoi, permettez-moi de vous présenter les observations suivantes, que je vous prierai de peser avec attention.

Quant à moi, je n'aurais pas la moindre opposition à ce qu'un frère connu et traité comme frère par toute l'Eglise, fût reçu à l'instant même où il présente sa demande. Je pense même que dans un cas pareil, il serait tout-à-fait déraisonnable de le faire attendre un seul jour. Mais permettez-moi de vous faire observer que le cas où un homme présenté, est connu et traité comme frère par toute l'Église, n'est pas si commun que vous le pensez. J'ai vu plus d'une fois arriver que des membres d'Église, soit faute de discernement, soit par suite d'affections particulières, traitaient comme frères oui soeurs des personnes contre la conversion desquelles d'autres membres de l'Eglise avaient des objections fondées sur des faits qui n'étaient connus que d'eux et qui leur faisaient mettre des oppositions momentanées à une réception, que les autres, dans l'ignorance de ces mêmes faits, auraient probablement consenti à faire le même jour.

Permettez-moi de vous faire observer encore, que pour s'assurer si un membre est regardé comme frère par toute l'Église il faut que sa présentation ait pu être connue de tous. Or, dans une Église tant soit peu nombreuse, et dont une partie des membres habite hors du lieu de l'assemblée. il faut bien au moins quinze jours pour qu'on puisse s'assurer que la présentation a été connue de tous, et que tous ont eu le temps de faire leurs oppositions, on de montrer par leur silence qu'ils n'en avaient point à faire.

À supposer même que toute l'Église fût réunie le dimanche où l'on présente la demande d'un frère, je verrais quelque inconvénient à exiger que ceux qui auraient des oppositions, les présentassent à l'instant même ou se levassent pour dire qu'ils en ont. On a quelquefois besoin d'un temps de réflexion, afin de décider si ce que l'on connaît sur une personne est suffisant ou non pour faire opposition à son entrée. De plus, il est certains cas où, par timidité ou par crainte des hommes, tel membre de l'Eglise n'oserait pas se lever pour mettre opposition à l'entrée de quelqu'un qui est généralement en faveur près du reste de l'Église.
Enfin, il est des cas où l'on serait bien aise de s'éclairer sur certaines choses avec une personne présentée, et où cependant on hésiterait à se lever devant tout le monde pour faire opposition.

Je crois qu'un délai de quinze jours, qui ne fait aucun mal à la personne présentée, pare à ces inconvénients et met tout le monde à l'aise.

Ma seconde observation générale porte sur ce que vous me reprochez de ne pas m'appuyer sur la Parole, quant aux admissions, et de ne pas me conformer à l'exemple des temps apostoliques, où l'on ne faisait point attendre ceux qui se convertissaient.
À cela, j'ai à répondre que personne plus que moi ne respecte l'exemple, des temps apostoliques. Je crois même qu'il fait règle, lorsqu'il est uniforme et constant.
Mais il est une précaution à prendre dans l'imitation, c'est de bien s'assurer en répétant exactement une action, qu'on fait la même chose que ceux que l'on veut imiter. Car il pourrait arriver que la même manière d'agir étant employée dans des circonstances tout-à-fait différentes, loin d'être une imitation ne serait qu'une espèce de contre-façon. On serait copie exacte quant à la lettre, et imitation fort inexacte quant à l'esprit. On serait copiste et non pas imitateur. On saisirait les traits, mais non pas la physionomie. On serait comme ces traducteurs qui pour vous traduire plus fidèlement, vous traduisent mot à mot, et laissent de côté l'esprit de vos phrases, et par conséquent votre véritable pensée.

Appliquant ce principe au sujet qui nous occupe, je crois que ce serait être copiste et non imitateur de l'exemple apostolique, que de vouloir, à des circonstances toutes différentes, appliquer la facilité de réception qu'on voit chez les apôtres. Ils recevaient à l'instant des personnes qui passaient incontinent des ténèbres du paganisme ou des superstitions judaïsme a la profession de la foi chrétienne, c'est-à-dire des personnes qui, d'ennemies, se déclaraient publiquement amies, et cela en face de la persécution, ou du moins d'un opprobre tel que même ceux qui donnaient de grandes louanges aux disciples, n'osaient pas se joindre à eux (Acte V, 13).

Si je me trouvais en pays païen ou dans un temps de persécution, et que je visse des ennemis déclarés de l'Évangile demander de passer immédiatement et publiquement dans les rangs des chrétiens, en général, et à moins que je n'eusse contre quelqu'un d'eux des raisons valables de défiance, je les recevrais à l'instant.
Mais lorsque des personnes qui depuis long-temps ont connu de tête une partie des vérités évangéliques, qui peuvent avoir certains motifs pour entrer dans une Église, qui ne souffrent pour cela ni opprobres ni persécutions, viennent à se présenter pour être reçues, je crois qu'imiter exactement la manière de faire des apôtres, dans un cas aussi dissemblable, ce serait être copiste servile, et faire réellement une chose différente de celle qu'ils ont faite eux-mêmes.
La même chose n'a pas la même valeur dans tous les temps. Ce serait donc faire erreur que de taxer à la même valeur ces deux cas différents de profession de foi, et d'en tirer les mêmes conséquences.

Remarquez, enfin, que même du temps des apôtres, les chrétiens ont fait quelques difficultés de croire à la conversion d'un ennemi de l'Évangile. C'était à celle de Saul de Tarse. Ananias faisait difficulté d'aller auprès de lui, et le Seigneur fut obligé de lui affirmer la conversion de Paul (Acte IX, 13-15). Bien plus, lorsque Saul arrivé à Jérusalem voulait se joindre aux disciples, tous le craignaient, ne croyant pas qu'il fût disciple ; et ils ne le reçurent comme tel que lorsque Barnabas eut raconté sa conversion, prouvée par le fait de sa confession courageuse du nom de Christ (v. 26 et 27).
Il suffit de cette seule exception pour m'autoriser à avoir dans certains cas quelque défiance, et à employer de certaines précautions.

Enfin, vous me reprochez de « raisonner, de tirer des inductions, de présenter des raisons de convenance et d'utilité, etc., etc. »
À cela, je vous réponds que, comme je vous l'ai fait remarquer dans ma précédente lettre, vous-même vous établissez certaines choses par méthode d'induction et de raisonnement. comme par exemple que la Cène appartient à tout ce qui est né de Dieu.
Pourvu que les inductions qu'on tire des passages de la Parole soient légitimes et ne heurtent aucun autre passage, je crois qu'elles sont très-valables.

Remarquez que ce n'est que par induction que vous pouvez dire que certaines choses sont défendues par la Parole de Dieu. Le suicide, le spectacle, la danse, une quantité de détails sur le luxe, et bien d'autres choses, ne sont point formellement défendues dans la Parole, et ce n'est que par induction que vous pouvez les condamner. Néanmoins, vous les condamnez avec pleine certitude de foi.

Quant aux raisons de convenance et d'utilité, j'avoue que je ne crois pas qu'elles doivent être avancées, quand il y a des préceptes positifs. Alors, il n'y a autre chose à faire qu'à obéir. Mais quand il s'agit d'un modèle dont on cherche à saisir l'esprit, je crois qu'alors les raisons de convenance sont de quelque poids, du moins si l'on entend par convenance ce qui s'accorde avec la prudence et la charité. Car il est impossible de croire qu'on entre dans l'esprit véritable d'imitation, lorsqu'on manque à l'une ou à l'autre.

Enfin, vous-même, mon cher frère, vous ne mettez pas tout-à-fait de côté les raisons de convenance, puisque vous dites dans votre lettre : « Sous le point de vue de convenance, je comprendrais encore votre marche relativement à des étrangers, à des inconnus, etc., etc. »
Voilà, mon cher frère, ce que j'avais à vous dire sur les admissions.

C'est bien fraternellement que je vous salue en Celui qui est notre commune espérance.

 LETTRE CIII
1847.

Si l'on voit le mal, il faut aussi voir le bien.

Mon cher frère,
Le temps court vite. Il ne me semblait pas que quatre mois se fussent écoulés depuis ma dernière lettre. Mais, quand on a beaucoup à écrire, il se trouve souvent que quelqu'un reste en arrière, et ordinairement ce sont les meilleurs amis qui sont négligés, parce qu'on pense qu'ils sont indulgents.

La décadence de .... est sans doute une chose fort triste, mais nous savons par la Parole que « la foi n'est pas de tous, » et qu'il faut qu'il soit prouvé par de tristes expériences que « tous ne sont pas des nôtres. » Ceci doit sans doute nous crier : « Que celui qui se croit debout prenne garde qu'il ne tombe », et nous engager à « garder la foi avec une bonne conscience, » mais ne doit nullement ébranler nos espérances.

Si le diable renverse la foi de quelques-uns, si quelque Démas abandonne Christ, aimant le présent siècle ; « toutefois le fondement de Dieu demeure ferme, ayant ce sceau : « Le Seigneur connaît ceux qui sont siens, et quiconque invoque le nom de Christ, qu'il se retire de l'iniquité. »
Je pense que ceux qui se retirent, n'ont jamais en un témoignage de droiture au dedans d'eux, ou plutôt que jamais ils ne se sont bien examinés sur leur droiture, ni ne se sont défiés de leurs voies ; que jamais ils n'ont recherché la droiture et dit à Dieu : « Rends-moi intègre dans la voie de tes commandements, afin que je ne rougisse point de honte ; » ou s'ils l'ont dit, c'était par forme et non sincèrement.

L'homme droit ne peut pas tomber, parce que l'intégrité et la droiture le gardent, et que se dévoilant à Dieu tel qu'il est, il éprouve l'effet de cette promesse : « Si nous Lui confessons nos péchés, Il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jean I, 9). Il est dit que « celui qui marche en intégrité, marche en assurance ; mais que celui qui pervertit ses voies, sera connu. » Il est dit : « Prends garde à l'homme intègre et considère l'homme droit, parce que la fin d'un tel homme est la paix. »
Ne nous fions pas à nous-mêmes. Demandons à Dieu de nous faire marcher par le milieu des sentiers de la droiture. Il le fera, car il est écrit au Ps. XXV : « Il fera marcher dans la droiture les débonnaires, et Il leur enseignera sa voie. »

Le genre d'épreuve où vous passez, quoique fort triste, ne m'ébranlerait nullement. Les primitives Églises, quoique fondées par les apôtres, ont vu des choses pires que tout cela. Paul témoignait avoir beaucoup à souffrir de ce côté là. Voyez en particulier 2 Cor. XI, 28, 29, où il faut traduire : affaibli au lieu de affligé. Voyez aussi le chapitre suivant, versets 15 et 20. - On fait quelquefois une espèce de roman sur les Églises primitives, roman contredit par l'examen attentif des épîtres, et dont le mauvais effet est de décourager, et de faire dire : « Nous ne sommes plus des Églises, l'Esprit de Dieu n'agit plus au milieu de nous, »

Si l'on voit le mal, il faut aussi voir le bien, et bénir Dieu quand il n'y a pas des schismes et des hérésies, et quand une Église ne tolère pas les scandales et ne souffre pas les méchants (Apoc. II, 2). Il faut qu'un corps ait encore quelque force de constitution quand il peut se débarrasser des humeurs qui le surchargent, et que son estomac peut rejeter les aliments malsains et qui ne peuvent s'incorporer avec la substance du corps. Un corps délabré n'a plus la force d'avoir des crises favorables. Au milieu de tous nos chagrins, nous avons toujours plus lieu de nous convaincre de la sagesse et de la beauté des règles données aux Églises dans la Parole, et plus d'une fois nous avons été amenés à voir que le Seigneur était an milieu de celles qui se tiennent à ses ordonnances.

Comme vous, j'ai été plus d'une fois confus par la comparaison entre ma vie et celle d'un Paul ou d'autres serviteurs de Dieu, d'un dévouement pareil. Je crois que si nous demandions ce plein dévouement, nous le recevrions, car d'un côté nous ne pouvons pas nous le donner, et de l'autre, je ne puis croire que Dieu le refuse à celui qui le demande. Je crains que nos désirs n'aillent beaucoup moins loin que nous ne le pensons, et que nous ne manquions encore beaucoup de faim et de soif de la justice, car il est dit, que ceux qui l'ont, seront rassasiés, Que faire donc ? S'humilier, et demander le désir à Celui qui produit en nous la volonté et l'exécution selon son bon plaisir.

Voulez-vous que je vous dise une chose que j'admire encore plus en Paul que son zèle et que son dévouement ? C'est son humilité et sa charité. Il est si rare de trouver des gens zélés qui ne s'enflent pas d'orgueil, qui ne méprisent point les autres, qui n'écrasent pas les faibles, qui n'aient pas l'esprit de parti, qui reprennent avec bonté et charité en même temps qu'avec fermeté.

Quant à Paul, il pouvait dire avec vérité qu'il n'avait cherché nulle part la gloire qui vient des hommes ; qu'il ne se glorifiait qu'en la croix de Christ ; qu'il lui importait peu d'être jugé par aucun jugement d'homme. Il se plaisait à s'appeler le moindre des saints, le premier des pécheurs. S'il est obligé de parler de ses travaux, il ajoute tout de suite : « Non pas moi, toutefois, mais la Grâce de Dieu qui est avec moi. » Il se réjouit de ce que Christ est prêché, même par des gens qui croient lui faire de la peine et ajouter un surcroît d'affliction ses liens. Il est doux au milieu des Églises, comme une nourrice qui nourrit tendrement ses chers enfants. Il est prêt à donner Sa vie pour ses frères, quoique en les aimant davantage, il en soit moins aimé. Il se réjouit de servir d'aspersion sur le sacrifice et l'offrande de leur foi. Il se justifie avec une patience incroyable auprès de l'Eglise de Corinthe qu'il a fondée, et qui a permis qu'on dénigrât au milieu d'elle son apostolat. Il lui parle avec une tendresse étonnante.
« 0 Corinthiens ! notre bouche s'est ouverte pour vous, notre coeur s'est élargi ; vous n'êtes point à l'étroit au dedans de nous, mais nous sommes à l'étroit dans vos entrailles. Nous parlons, très-chers, devant Dieu et pour votre édification. Nous avons de la joie lorsque nous sommes dans la faiblesse, pourvu que vous soyez forts ; et ce que nous demandons à Dieu, c'est votre parfait, affermissement. »

Est-il obligé, pour justifier son apostolat, de parler des grâces qu'il a reçues ? Il se hâte d'ajouter : « Je parle en imprudent, » Est-il obligé de censurer l'Eglise ? Il écrit avec beaucoup de tristesse de coeur et avec beaucoup de larmes, et il a un repentir momentané de les avoir attristés. Mais ensuite il se réjouit, non de leur tristesse, mais de leur repentance. Il déteste les schismes et les divisions. Il a horreur de la pensée qu'on nomme de son nom, et Il s'écrie : « Paul a-t-il été crucifié pour vous ? Avez-vous été baptisés au nom de Paul ?

Il recommande sans cesse de rester unis dans un même sentiment en Christ, de suivre une même règle dans les choses auxquelles on est parvenu, de conserver l'unité de l'Esprit par le lien de la paix ; d'être un même amour, un même coeur, une même âme, consentant, tous a une même chose. Il s'afflige des divisions et les attribue à un esprit charnel, et recommande de prendre garde à ceux qui les causent et de s'en éloigner.

Il recommande de former le corps de Christ bien joint par la liaison de toutes ses parties qui communiquent les unes avec les autres.

Il recommande de supporter les infirmités des faibles, d'être d'un esprit patient envers tous, de se faire grâce les uns aux autres, comme Dieu nous a fait grâce par Jésus-Christ, et il dit « Vivez en paix, et le Dieu de charité et de paix sera avec vous. »

Avec cela, il sait être ferme et sévère quand il le faut. Il ordonne de livrer à Satan, de ne point se mêler avec ceux qui déshonorent le nom de frère, d'ôter le méchant, de s'éloigner des antinomiens, des hérétiques, des schismatiques, des sensuels, etc. Il dit que s'il le faut absolument, il ira avec la verge et n'épargnera personne.

Il ordonne de sortir du milieu des infidèles et de s'en séparer. Il reprend Pierre en face, et il ne cède pas même un seul moment a ceux qui veulent altérer en quoi que ce soit la doctrine de la Grâce.

N'est-il pas vrai, mon cher frère, que cet ensemble est admirable, et porte une empreinte inimitable de l'Esprit de force, de charité et de prudence ? Combien sont pâles a côté de cela toutes ces charités sans zèle pour la vérité, toute ces charités étroites qui n'embrassent que ceux qui embrassent nos vues ; ou bien tous ces zèles apparents et accompagnés d'âpreté et d'orgueil, qui n'ont que trop souvent infesté l'Eglise de Dieu ! Il me semble quelquefois qu'il faudrait que Dieu renvoyât un Paul au milieu des chrétiens, pour leur redonner le ton, comme un habile musicien vient remettre dans le ton des gens qui en sont sortis et qui ne savent le retrouver.
Mais Celui qui avait fait Paul, vaut encore mieux que Paul, et son Esprit saura bien nous redonner le ton s'il nous donne de l'écouter. En contemplant Christ, nous serons transformés à la même image, de gloire en gloire, comme par l'Esprit du Seigneur.

Paix vous soit à vous et à tous les frères


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