Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE XCVI.
Février 1847

Je vous en supplie, ne décidez pas d'avance ce que vous voudriez trouver dans la Bible...

J'ai appris que vous avez de petites réunions, où vous étudiez la Parole verset après verset, et, pour ainsi dire, mot après mot. C'est un bien bon exercice, surtout entre personnes qui connaissent l'original et qui suivent les règles d'une saine critique, sans lesquelles on peut s'égarer, même avec de bonnes intentions.
Je ne vous parlerai pas de celles de ces règles qui se rapportent à là science ; mais permettez-moi de vous dire quelques mots de celles que je pourrais appeler spirituelles, et qui tiennent plutôt au fond qu'à la philologie.

Je pense que la première de toutes les règles d'une bonne critique, c'est de demander instamment au Seigneur d'être sous la conduite de son Esprit de vérité, sans lequel la lumière qui est en nous n'est que ténèbres.

La seconde, de chercher la vérité avec un coeur droit et humble. - Le secret de l'Éternel est pour ceux qui le craignent. Un coeur qui n'est pas droit décompose tous les rayons de la lumière, et ne laisse passer que ceux qui lui conviennent.
Celui qui aime le rouge voit tout rouge ; celui qui aime le jaune voit tout jaune ; mais celui qui aime toute lumière venant de Dieu, voit dans la Parole les sept couleurs de l'arc-en-ciel dont Dieu entoure son trône.

Il ne faut chercher dans la Parole, ni l'Église nationale, ni les assemblées darbystes, ni les assemblées séparées, ni l'Eglise libre, ni autre chose. Il n'y faut chercher ni l'élection absolue, ni l'élection conditionnelle, ni Christ mort pour tous, ni Christ mort pour quelques-uns. Il faut y chercher ce qui s'y trouve.

Les exemples de mauvaises traductions, venant de préoccupations fâcheuses ; se trouvent dans toutes les versions et ne sont que trop nombreux.

Je pleurerais volontiers quand je pense à de pareilles choses. - Du moins cela me porte à crier à tous ceux qui s'occupent de l'examen du texte : « Je vous en supplie, ne décidez pas d'avance ce que vous voudriez trouver dans la Bible, ne l'arrangez pas à vos idées mais rangez vos idées d'après les siennes. »

La troisième règle, c'est de chercher à s'instruire dans un but toujours pratique. Dieu bénit ceux qui étudient sa Parole dans ce but. La pratique est la contre-épreuve des erreurs et les fait souvent apercevoir. La pratique garde dans l'humilité, et l'humilité garde l'intelligence. Au rebours, l'esprit d'orgueil et de vaine science, en nous enflant, nous fait tourner la tête et désharmonise nos facultés. Si une fois on se laisse aller à la curiosité, si l'on fait de l'esprit avec la Bible, il n'y a pas de folie qu'on ne puisse défendre sérieusement, et en cela on engendre sa punition. Les prétentions à l'esprit sont souvent punies par l'absurdité.

Enfin, il faut interpréter les Écritures par les Écritures, considérer un passage dans son entier et dans son contexte, et ne jamais l'isoler du reste de la Parole de Dieu.
Les paroles de la sagesse sont des perles enfilées, est-il dit dans les Proverbes. Lorsqu'on veut en séparer une pour la voir seule, il faut défiler tout le collier. Une fois défilé, tous ne savent pas le reformer, et, faute de pouvoir vous présenter un collier, chacun vous présente continuellement la même perle, la tourne et la retourne de tous les côtés, l'enchâsse aussi bien qu'il peut, s'en fait une bague et dit : Voilà la vérité !

Quant à moi, j'aime le collier, tout le collier, toutes les grâces enfilées telles que Dieu me les présente dans sa Parole. Le lien qui les traverse toutes et qui les unit est couleur écarlate, et il se nomme foi, espérance et amour.
Peut-être serez-vous un peu de mon goût.

 LETTRE XCVII

Quand les âmes seront bien unies au Chef, elles seront bien unies entre elles.

À propos de divisions, comme vous ne connaissez pas le grec, je crois qu'il est bon que je vous dise qu'il y a deux mots différents qu'on a traduits tous deux par division. Le premier, qui répond au mot français schisme, signifie une déchirure ; c'est le même mot qui est employé lorsque notre Seigneur dit, qu'en cousant une pièce de drap neuf à un vieil habit, la déchirure en devient pire. C'est le mot qui est employé 1 Cor. XII, 25.
Le second mot employé en grec, signifie une coupure en deux ; c'est le mot qui est employé Gal. V, 20, et 1 Cor. III, 3. Dans ce dernier passage, Osterwald l'a traduit par le mot parti.

Je souhaite, mon cher frère, que Dieu vous revête d'un esprit de charité, de force et de prudence, afin que vous puissiez combattre selon Lui et avec succès contre toute erreur que vous rencontrerez sur votre chemin. Mais souvenez-vous qu'il faut toujours accompagner tout ce qu'on fait de beaucoup de prières ; car si nous agissons dans notre propre esprit et dans notre propre force, nous serons battus ; mais si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? Il faut aussi s'humilier, car Dieu punit souvent par l'erreur, le peu de profit que l'on a fait de la vérité, et par les divisions, le peu d'union intérieure que l'on a eue pendant que l'on jouissait de l'union extérieure.
Il faut demander à Dieu de nous purifier d'interdit, et de nous vivifier. La vie est le meilleur préservatif contre l'erreur. La vérité marche avec la charité. Travaillez à attacher les âmes à Jésus, à leur faire voir qu'elles ont tout en Lui ; alors elles n'auront pas cette espèce d'inquiétude qui fait qu'elles se laissent emporter à tout vent de doctrine.

Quand elles seront bien unies au Chef, elles seront bien unies entre elles, et elles ne se diviseront pas pour des choses secondaires, comme par exemple d'appeler président un homme qui exerce le don de présider, ou de ne point lui donner de nom ; de parler depuis un pupitre un peu exhaussé, ou de parler étant de niveau avec les autres frères. Si quelqu'un se dit conduit par l'Esprit, alors qu'il ne soit pas assez formaliste pour attacher de l'importance à de pareilles choses, et qu'il ne prétende pas qu'elles gênent en lui l'action du saint-Esprit. L'orgueil n'est pas dans les marches d'un pupitre ou d'une chaire, mais dans les marches de notre misérable coeur où il se cache sous toutes les formes, même sous les formes les plus humbles en apparence.

Que le Seigneur vous garde et vous soit en aide Si vous êtes obligé de combattre une erreur parmi des frères, Dieu vous donne de le faire toujours avec un sentiment de charitable douleur, et en soupirant après de meilleurs temps !

 LETTRE XCVIII

Grâces absolues et grâces conditionnelles!

Cher frère en notre Seigneur,
Ne voulant pas m'en fier à moi seul pour le jugement à porter sur le sens que le frère.... donne à la cinquième demande de l'oraison dominicale, j'ai communiqué sa lettre à deux ministres du Seigneur et j'en ai conféré avec eux. Nous nous accordons tous trois à regarder ce sens comme faux et forcé. Voici en gros les raisons qui me paraissent le prouver.

La distinction que fait ce frère des grâces accordées aux élus, en grâces absolues et grâces conditionnelles, me paraît subtile et peu fondée.

Toutes sont absolues, en ce que Dieu a décrété de toute éternité non seulement le salut des élus, mais encore le degré de grâces qu'Il veut accorder à chacun.
Il appelle grâces conditionnelles celles qui sont telles, qu'il faut d'abord avoir rempli certaines conditions pour les obtenir. Mais dans ce cas, comme toutes les grâces de Dieu ont une certaine succession, en quelque sorte réglée, tellement que l'une n'arrive qu'après une autre déjà reçue, c'est là sans doute ce qu'il appelle une condition remplie ; car dans le langage chrétien une condition remplie est une grâce de Dieu qu'on reçoit, afin de pouvoir en recevoir une autre. Il s'ensuit que, sauf la première grâce que Dieu accorde à une âme quand Il agit en elle pour l'amener à Jésus, toutes les autres seraient conditionnelles.

La foi au salut serait conditionnelle, car elle suppose la croyance à notre perdition naturelle ; cette croyance serait à son tour conditionnelle, car elle suppose l'amour de la vérité qui fait recevoir ce que dit la Bible, quelque opposé qu'il soit à notre orgueil.

La sanctification serait conditionnelle, car elle suppose la foi ; et chaque degré de sanctification serait conditionnel en ce qu'il suppose celui qui l'a précédé.

Ainsi tout dans un sens est absolu, c'est-à-dire que tout est absolu dans le décret de Dieu ; et dans un autre sens tout est conditionnel, c'est-à-dire que dans l'ordre de succession toute grâce en suppose une déjà reçue. Il me paraît de là que la distinction établie par.... s'évanouit.

Je suis sûr, dit-il, que Dieu me sanctifiera finalement, mais je ne suis pas sûr qu'il me sanctifiera aussi promptement qu'un autre, qu'il me fera passer par des voies aussi douces, etc., etc.
Je ne le nie pas, répondrai-je, mais je suis sûr que Dieu a décrété d'avance de me conduire par telle et telle voie, et que cela est aussi bien résolu que mon salut. Si donc je ne dois pas demander à Dieu une chose qu'il a décrétée et qui m'est nécessaire, je ne devrai pas plus Lui demander les grâces que le frère.... appelle conditionnelles, que je ne dois, à son avis, demander les autres ; et comme il dit : « Demanderons-nous à Dieu ce que nous avons déjà reçu ? ne serait-ce pas un acte d'incrédulité ? »

Moi je dirai aussi des grâces qu'il appelle conditionnelles : Demanderai-je à Dieu ce qui accompagne le don du salut, et ce qu'il a déjà décrété envers mon âme ? Comment Celui qui n'a point épargné son propre Fils, mais qui l'a livré à la mort pour nous tous, ne nous donnera-t-Il pas toutes choses avec Lui ? N'a-t-Il pas dit que toutes choses concourent ensemble au bien de ceux qui l'aiment, savoir : de ceux qu'il a appelés selon le dessein qu'il en avait formé ? Je sais qu'il m'a appelé, qu'ainsi, selon sa promesse, tout contribuera à mon bien. Irais-je donc, incrédule que je suis, demander à Dieu une chose qu'il m'a promise et dont je suis sûr ?

Avec ce raisonnement nous ne devrions jamais rien demander, car nous ne demandons rien, quand nous prions en chrétiens, que nous ne soyons sûrs d'obtenir, puisque Dieu a promis toutes choses avec son Fils, puisqu'il a promis que tout contribuera à notre bien. Que pourrions-nous demander d'autre, que pourrions-nous désirer de plus ?
Le fait est que le chrétien ne demande rien dont il ne soit sûr, rien que Dieu n'ait promis et qui dans son décret ne soit déjà accordé ; et voilà précisément ce qui fait la grande douceur de la prière du chrétien et sa confiance.

Quant à la difficulté de savoir pourquoi on demande une chose déjà sûre, je réponds que c'est là la même objection que les incrédules ont faite contre la prière ; mais elle n'en est pas une pour le chrétien qui sait que Dieu ordonne de prier, et a établi la prière comme le canal par lequel ses grâces arrivent à nous ; tellement que quand Il veut accomplir son décret envers nous, Il nous fait prier. D'ailleurs la prière nous force à sentir nos besoins, à nous humilier, et à tourner les yeux vers Celui qui nous donne tout secours.

Comme les grâces n'arrivent que par la prière, nous sommes ainsi fortifiés dans l'humble pensée que toutes viennent de Dieu. Et comme toutes sont promises à la prière et arrivent par la prière, nous avons dans cet acte même une nouvelle preuve que Dieu veut nous les accorder, et c'est pourquoi l'acte seul de la prière est déjà une immense consolation dans nos détresses, sans compter qu'il est si consolant d'exposer ses besoins à Dieu, et qu'il est si naturel au chrétien de pousser vers Lui le cri du coeur en détresse, et de dire : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » - Heureux les simples qui, sans raisonner, demandent à Dieu ce qu'il a promis, et le demandent avec confiance parce qu'il l'a promis !

Le frère.... met au nombre des choses dont nous demandons à Dieu d'être délivrés, en disant - « Pardonne-nous, » les coups dont Dieu nous frappe à cause de nos péchés.
Or, je ne voudrais pas demander à Dieu de ne pas me châtier, vu qu'il nous châtie pour notre profit, afin de nous rendre participants de sa sainteté, et que si j'étais exempt du châtiment auquel tous participent, je ne serais pas du nombre des enfants légitimes (Hébr. XII). Je Lui demande seulement de rendre le châtiment utile à mon âme, et de ne pas m'envoyer, selon sa promesse, une épreuve au-dessus de mes forces : 0 Éternel ! châtie-moi, mais que ce soit par mesure (Jérém. X, 24).

Quant aux langueurs et aux sécheresses, elles sont un mal en elles-mêmes, mais un bien dans la position d'âme où Dieu me les envoie pour m'humilier, me punir, me rendre plus fidèle. Je demande à Dieu ma sanctification, mais je dois me garder de Lui fixer les voies par lesquelles il doit l'amener.

Quand je demande à Dieu le pardon de mes péchés, je ne demande point que Christ vienne une seconde fois les expier comme le dit.... ; c'est parce qu'Il les a expiés que je demande le pardon avec assurance. Je ne fais point un acte d'incrédulité, mais un acte de foi.

L'erreur de.... me paraît être de regarder la foi comme un acte unique, fait une fois pour toutes, tandis que c'est un acte de tous les jours et de tous les moments ; un acte par lequel le fidèle toujours plus persuadé qu'il est maudit par sa nature, toujours plus humilié des péchés qu'il commet, sentant toujours plus combien ils sont odieux au Seigneur et combien ils l'offensent, sent le besoin de s'arroser sans cesse du sang de Christ, de dire à Dieu qu'il ne peut vivre que de pardon gratuit, et de crier sans cesse : « Pardonne-moi ! » Heureusement, il le crie avec assurance, car il sait que Dieu lui a pardonné en Christ toutes ses offenses, et qu'il est écrit : « Si nous confessons nos péchés, Il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité » (1 Jean I, 9).
Certainement, ici, le pardon qu'on demande n'est pas la sanctification, car il en est bien distingué par ces mots : Pardonner et purifier. Voyez aussi le chap. II, 1. Jésus-Christ ne s'est pas contenté d'expier nos péchés, Il intercède encore à chaque péché que nous commettons pour que son sang paraisse avec le péché devant la majesté divine ; et nous aussi, déjà pardonnés pour chaque péché, nous disons à Dieu : Pardonne ! et nous prenons dans les mains de notre foi le sang de Christ pour l'offrir. Voyez David Ps. LI, 7 ; il demande d'être purifié de son péché.
Voyez aussi 1 Chron. XVII, 23 à 27, ou David demande à Dieu une chose que Dieu lui a promise, versets 12 à 15 ; et il la demande parce que Dieu l'a promise.

C'était, il est vrai, une grâce temporelle, mais la nature de la grâce ne change rien à la question ; et nous avons là une preuve qu'il n'y a point d'incrédulité à demander une chose que Dieu a promise.
Un enfant qui est sûr à toujours de l'affection de son Père, l'offensera-t-il sous ce prétexte, sans lui demander pardon ?
N'ira-t-il pas au contraire le lui demander avec d'autant plus d'humilité qu'il est fâché d'avoir offensé un si bon Père, et avec d'autant plus de confiance qu'il connaît le coeur et la fidèle tendresse de celui qu'il a offensé ?

Je regarde l'acte de demander pardon chaque jour, comme une espèce de commémoration de notre première réconciliation avec Dieu. Acte aussi filial qu'il peut l'être, car je demande avec assurance. Un Évangéliste dit « Pardonne-nous, car aussi nous pardonnons. (Luc XI, 4)

La difficulté tirée de ce qu'il semble que Dieu mette une condition au pardon s'évanouit quand on considère :
a) que le pardon des offenses est un des fruits caractéristiques de la foi, qui est ici définie par un de ses effets ; ensorte que c'est comme si nous disions : Pardonne-nous, car nous avons une foi sincère en Jésus ! « Il n'y a plus de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui ne marchent point selon la chair, mais selon l'Esprit. » Jamais celui qui n'a pas la foi, ne pourra faire cette prière.
b) Le comme, qui est ici employé (Matth. VI, 12), n'est pas un comme d'égalité parfaite, car nous ne pouvons jamais pardonner, dans toute l'étendue du mot, comme Dieu a pardonné, et avoir un amour égal au sien. Le comme indique seulement un pardon sincère, et qu'on désire réellement que Dieu arrache de notre coeur toute racine d'amertume, de telle manière qu'on ne garde pas rancune en avant l'air de pardonner.
c) Dieu avant promis au croyant tout ce qu'Il lui commande, le croyant est sûr de pouvoir pardonner par la force de Dieu, qu'il cherche ; il peut donc dire « Pardonne-moi comme je pardonne. »

Si une personne professant de croire en Jésus était en tel état, que non seulement elle sentît de la haine, mais qu'encore elle ne la combattît pas et ne demandât pas sérieusement à Dieu de l'ôter de son coeur, je déclare qu'elle aurait grand tort d'être sûre de son pardon, car elle devrait avoir de très-forts doutes sur sa foi ; et la cinquième demande de l'oraison dominicale serait propre a les lui faire concevoir.
Enfin, si elle est enfant de Dieu, le saint-Esprit s'en servira pour la réveiller, la sortir de son état de chute, et l'amener à repentance.

Le frère.... ne raisonne pas juste, il me semble, en disant : « Puisqu'il est dit : « Si vous ne pardonnez pas, votre Père céleste ne vous pardonnera pas, » il s'agit ici de l'élu dont Dieu demeure le Père, suit qu'il pardonne, soit qu'il ne pardonne pas, et par conséquent ce n'est pas le pardon de la peine éternelle du péché qu'il demande. »

À cela, je réponds : l'Écriture, en disant Votre Père, dans des phrases où elle semble parler à des gens dont le caractère ne paraît pas celui d'enfants de Dieu, veut évidemment dire : Celui que vous appelez votre Père. Elle parle non selon ce qui est, mais selon ce que fait profession de croire celui à qui elle parle. Voyez par exemple Jacques III, 9. Elle suppose que la même personne « bénit Dieu son Père, et maudit les hommes faits à l'image de Dieu. » En conclurai-je que celui qui agit ainsi est également enfant de Dieu, soit qu'il bénisse, soit qu'il maudisse ? Mais au verset 12, saint Jacques décide « qu'aucune fontaine ne peut jeter par une même ouverture de l'eau douce et de l'eau amère. Il n'est donc pas possible qu'une bouche conduite par l'Esprit de Dieu bénisse et maudisse.
Conclus donc, ô homme qui en agis ainsi ! que tu n'as pas été purifié, et que tu es un hypocrite ; ou, du moins, prends garde à toi, car ton état est fort douteux.

Quant à la parabole contenue en saint Matthieu XVIII, elle s'explique par le même principe. Il est évident que le frère.... donne un sens peu juste au verset 34, en disant qu'il signifie : « Jusqu'à ce qu'il eût acquitté toutes les peines temporelles attachées à ses péchés ; » car la dette dont il est parlé au verset 34 est évidemment la même que celle dont il est parlé aux versets 25, 26 et 27 comparés avec Matth. V, 25 et 26. Il n'y a pas contradiction, parce que je pense qu'ici notre Seigneur ne parle que du faux chrétien qui croit aussi selon sa fausse foi avoir obtenu grâce, et qui dit : Je suis sûr de mon salut, tout en ne voulant pas pardonner.
Notre Seigneur n'a pas voulu, dans cette parabole comme dans beaucoup d'autres passages, établir le moyen de justification devant Dieu, mais seulement des maximes générales de sanctification qui sont vraies dans toute leur étendue, mais qu'il faut toujours joindre avec le reste de l'Évangile ; car une parabole ne peut pas renverser un passage formel ; au contraire, c'est celui-ci qui doit expliquer la parabole. Or, puisqu'un passage formel me dit, « que la vocation et les dons de Dieu sont sans repentance, » il en conclus que dans la parabole ce n'est pas d'un véritable enfant de Dieu qu'il s'agit, et ce n'est que par supposition que son Père est sensé lui avoir une fois pardonné.

Ces passages, sur le pardon des offenses, sont faits pour démasquer les hypocrites, relever les enfants de Dieu qui sont dans des chutes en leur inspirant des doutes sur leur foi, et servir de barrière contre le triste penchant de notre coeur à l'antinomianisme, c'est-à-dire à pécher, afin que la Grâce abonde.

Je gémis quand je vois que par un zèle mal entendu pour la doctrine de l'élection, on veut détourner le vrai sens de ces passages et en affaiblir la vertu sanctifiante et réveillante. C'est ainsi que sans s'en douter et contre son intention, on ouvre la porte à l'antinomianisme. Que Dieu nous garde de ces fausses explications, de quelque part qu'elles viennent ! Qu'Il nous donne d'aller toujours au sens simple, vrai et non difficultueux de sa Parole. Qu'Il nous donne de dire tous les jours, avec humilité et assurance : « Pardonne-nous comme nous pardonnons. » Si quelque racine d'amertume bourgeonnant en haut, nous trouble en faisant cette prière, nous aurons en cela un heureux avertissement, et nous irons sentirons portés à crier : 0 mon Dieu ! donne-moi de pardonner comme je crois que tu m'as pardonné, et comme je veux que tu me pardonnes !

Si quelqu'un veut faire encore là-dessus des difficultés métaphysiques, qu'il les fasse ; je ne lui répondrai pas. Je m'en tiens à l'Écriture et à l'expérience de mon âme conduite par l'Esprit, et l'un et l'autre, en m'assurant que Dieu m'a pardonné, me portent à Lui dire chaque jour : Pardonne-moi. Chaque jour je trouve du bonheur à me remettre dans la position du péager, et à dire au Seigneur : « Sois apaisé envers moi qui suis pécheur ; » car je puis ajouter ensuite : 0 mon Dieu ! je sais que pour l'amour de Jésus Tu m'as fait grâce ! -

Je sais que Dieu ne veut plus se souvenir de mes péchés, mais moi je les Lui remettrai en mémoire en disant avec David Ps. XXV, 7 : « Ne te souviens point des péchés de ma jeunesse ni de mes transgressions ! » J'imiterai l'enfant prodigue qui, quoique serré dans les bras de son père (Luc XV, 20), lui dit : (verset 21) « Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi ! »

 LETTRE XCIX

Plus on est timide avec les erreurs, plus elles deviennent hardies.

J'ai été réjoui de la manière dont vous vous y êtes pris pour arrêter au milieu de vous les semences de division. Rien de tel que d'amener tout en lumière, et d'avoir des explications franches, loyales et charitables.
Souvenez-vous toujours, que lorsque les erreurs commencent à s'introduire, il faut y aller comme au feu, et éteindre l'incendie au moment où il commence à s'allumer. Pour peu qu'on arrive tard, on ne sauve la maison que fort endommagée. Plus on est timide avec les erreurs, plus elles deviennent hardies.

En étant charitable avec les individus, il faut être sans miséricorde pour les faux systèmes. La vérité est un dépôt sacré qui nous est confié ; il faut la défendre envers et contre tous. L'erreur vient du diable qui est le père du mensonge, et elle ne peut produire que de mauvais effets. Les erreurs qui divisent les enfants de Dieu doivent être surtout repoussées, car elles vont en sens inverse des intentions de Christ, qui veut que les siens soient rassemblés en un.

Le meilleur moyen de préserver les troupeaux de l'erreur, c'est de les bien affermir dans la vérité qui est selon la piété, et de les tenir en garde contre l'esprit d'orgueil qui fait saisir les nouveaux systèmes comme des moyens de se distinguer des autres, ou de se soustraire à un joug qu'on trouve pesant.

Quand les âmes ne sont pas bien affermies en Christ, elles éprouvent une espèce d'inquiétude qui les pousse vers ce qui est nouveau, espérant y trouver ce qui leur manque en fait de paix et de sanctification. Le même effet a lieu lorsque les âmes sont tombées dans l'orthodoxie sèche et sans vie, lorsqu'elles ont la doctrine de Christ au lieu de Christ lui-même. Alors elles sont toutes prêtes pour les discussions, les recherches subtiles, les disputes de mots, l'esprit de parti, etc. Ce sont là comme des os que l'ennemi leur donne à ronger, et dont elles se repaissent à défaut de bonne nourriture. D'autres étant affamées, parce qu'on ne les a pas nourries de Christ lui-même, et qu'on n'a fait passer devant elles que des repas en peinture, se jettent partout où on a l'air de leur présenter un repas plus substantiel, et dans leur faim, elles avalent sans discernement tout ce qu'on leur présente.

Ajoutez à cela que lorsque les âmes ne sont pas bien nourrit de Christ, elles ne sont pas bien unies les unes aux autres : l'amour fraternel se refroidit, et elles sont toutes prêtes pour les divisions qui étaient déjà dans les coeurs avant de se manifester.

L'ennemi ne pénètre pas facilement dans une phalange bien serrée, et composée de gens bien entretenus, bien nourris, bien vigoureux, et soutenus par un esprit de corps bien prononcé, mais une armée déjà démoralisée par un mauvais esprit, par la misère et par le manque de confiance en ses chefs, une telle armée est bientôt mise en déroute.

Étudions-nous donc, mon cher frère, a nous nourrir nous-mêmes de la manne cachée, afin qu'elle se trouve dans nos prédications et dans nos exhortations particulières. Faisons-en sorte que ceux qui annoncent des erreurs n'aient rien de plus substantiel à donner aux âmes que ce que nous leur donnons nous-mêmes. Nourrissons-les du lait et de la viande de la Parole, donnons-leur Christ, rien que Christ, tout Christ ; mais donnons-leur un Christ vivant, tellement qu'elles aient non-seulement l'écorce de l'orange, mais aussi le suc.
Apprenons-leur qu'elles ont tout pleinement en Christ. Qu'elles sachent qu'avec toutes leurs misères, elles peuvent toujours retourner à Lui, sans crainte d'être rejetées. Apprenons-leur qu'elles sont les voies de Dieu dans la sanctification, voies souvent lentes, mais toujours sûres, car elles tendent à nous vider de nous-mêmes par l'humiliation et à nous remplir de Christ. Gardons-les contre cette espèce d'impatience ou de dépit orgueilleux qui se cache quelquefois sous les apparences d'un grand désir de sanctification, et dans lequel il y a souvent beaucoup de propre justice, de paresse et de manque de soumission aux voies que Dieu suit pour notre éducation spirituelle.
Après tout, et je pourrais dire avant tout, prions beaucoup, car le Seigneur seul peut bénir les moyens qu'on emploie, et souvent même Il agit sans ces moyens, dans des cas où ils sont inefficaces. Le Seigneur est le réparateur des brèches et aussi Il les prévient.

Que le Seigneur vous donne de marcher toujours en pauvreté d'esprit, car Il fait grâce aux humbles.

Ne vous occupez pas de ce qu'on dit de vous ici-bas, mais oui bien de ce qu'on en dit en haut. Priez l'Éternel de vous cacher dans une haute retraite, à l'abri des disputes des langues. Cherchez le secours plus haut que cette terre ; élevez vos yeux jusqu'à Celui qui a fait les Cieux et la terre. Quand vous serez battu de l'orage, levez vos yeux en haut, car la délivrance est proche. Enfin, marchez en intégrité devant l'Éternel notre Dieu, car celui qui marche en intégrité marche en assurance, et l'Éternel ne lui épargne aucun bien.

Que le Dieu de paix vous donne la paix en toute manière.


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