Oeuvres posthume de A.
Rochat
Ministre du
Saint Évangile
LETTRE CIV.
La vie d'une Église tient à
quelque chose de plus haut qu'une
prédication de plus ou de moins.
Il est des circonstances auxquelles Dieu seul
peut quelque chose, et où l'on avance
beaucoup plus l'oeuvre en se tenant tranquille et
en priant, qu'en agissant d'une manière
prématurée. « L'homme
prudent se tiendra dans le silence en ce temps-ci,
car le temps est mauvais : »
« En vous tenant tranquilles, en repos et
en espérance, vous serez
délivrés. »
Soyez persuadée qu'un des grands
moyens d'avoir la paix, c'est de regarder beaucoup
au Seigneur et à l'oeuvre qu'Il nous donne
à faire, et de ne s'occuper des autres et de
leur oeuvre qu'autant que la charité le
demande. Deux ouvriers qui travaillent dans un
champ ne peuvent se disputer qu'en arrêtant
chacun son travail.
Je ne suis nullement inquiet de vous, même
dans le cas où le frère.... ne
viendrait pas dimanche. La Parole de Dieu et son
Esprit ne sont-ils pas avec vous ? Si vous
savez les écouter, vous ne regretterez pas
la présence d'un homme. La vie d'une
Église tient à quelque chose de plus
haut qu'une prédication de plus ou de moins
dans l'année ; et je suis bien
persuadé que même un mois sans
prédication, qu'on passerait dans un esprit
de prière habituel, serait le mois le plus
béni de l'année.
LETTRE
CV
Quelques idées sur
l'affranchissement du péché.
Chère soeur,
Voici quelques idées sur
l'affranchissement du péché dont je
vous parlais dans ma précédente
lettre.
Pour traiter ce sujet, il faut partir de
ce point qu'on fait trop peu ressortir que Christ
est mort pour nous affranchir du
péché aussi bien que pour nous
affranchir de la condamnation.
Ce point de vue est surtout
développé dans le
VIe chap. des Romains, qui n'est
qu'une parenthèse entre le chap.
V et le chap.
VII ; parenthèse qui a
pour but de repousser l'abus qu'on pourrait faire
de ce qui a été établi dans le
chap. V, c'est que là où le
péché avait abondé, la
Grâce y a surabondé. L'apôtre
prévoit qu'à cette occasion on
pourrait dire : Péchons, afin que la
Grâce abonde. Pour parer à cette
objection, il présente la mort de
Jésus-Christ non sous le point de vue de
mort pour supporter la peine du
péché, mais sous celui de mort pour
nous affranchir du
péché. Dans ce
sens, notre vieil homme fut crucifié avec
Lui, afin que le corps du péché
fût détruit, et que nous ne fussions
plus asservis au péché. Comme Christ,
en expirant sur la croix, est mort au
péché qu'Il avait pris sur Lui pour
en faire l'expiation ; de même nous
aussi mourant avec Christ, nous devenons quittes du
péché.
C'est une chose faite,
arrêtée, accomplie en la croix de
Christ ; ensorte que nous sommes aussi bien
affranchis en Christ que pardonnés en
Christ. Ce double but de la mort de Christ est
exprimé en plusieurs endroits des
Écritures, par exemple
Tite II, 14 ;
Gal. I, 4 ;
Acte III, 26.
Cet affranchissement se saisit par la
foi tout comme le pardon. On en reçoit le
principe à la conversion, et le
développement par des actes de foi
réitérés et par l'emploi des
moyens par lesquels Dieu le développe en
nous.
L'état d'un homme affranchi est
celui-ci :
1° Sa volonté est rendue
libre ; il désire faire le bien et
éviter le mal. Il prend plaisir à la
Loi de Dieu, quant à l'homme
intérieur, et il hait le mal
(Rom. VII).
2° Il combat contre tout
péché ; il combat en s'appuyant
sur Christ ; il combat assuré de la
victoire, et disant : « Je suis plus
que vainqueur par Celui qui m'a
aimé. » Il ne livre point ses
membres au péché, pour servir
d'instruments à l'iniquité ; il
n'obéit point à la chair, et à
ses convoitises. En un mot, il n'est l'esclave
d'aucun péché, car celui qui est
né de Dieu ne fait pas le
péché. Aucun homme qui vit dans un
péché d'habitude, n'héritera
le royaume de Dieu
(I Cor. VI, 10).
Tout homme qui a un péché
d'habitude et qui y persévère,
malgré des avertissements suffisants, doit
être exclu de l'Eglise dont il fait partie,
et traité comme méchant. Donc
l'état d'un chrétien n'est pas de
vivre dans un péché sans repentance,
et sans une repentance réelle qui le fait
combattre sincèrement.
3° Enfin, celui qui est affranchi,
fait des progrès dans la sainteté. Il
peut tout en Christ qui le fortifie. Le
péché n'a pas la
domination sur lui, parce qu'il n'est pas sous la
Loi, mais sous la Grâce. Il se purifie de
toute souillure de la chair et de l'esprit,
achevant sa sanctification dans la crainte du
Seigneur. Il oublie les choses qui sont
derrière lui, il s'avance vers celles qui
sont devant.
À peine ai-je besoin de dire que
cet affranchissement s'opère en nous par le
saint-Esprit que Christ nous a obtenu, et dont il
est dit : « Là où est
l'Esprit du Seigneur, là est la
liberté »
(2 Cor. III, 17).
Rien n'est consolant et fortifiant,
comme de savoir qu'en Christ on est affranchi,
aussi bien que pardonné. Plus on croit
à cet affranchissement, plus on le
reçoit, parce qu'il nous est fait selon
notre foi. Plus on y croit, plus on a de courage,
parce qu'on est assuré de la victoire. On ne
juge pas des choses selon sa faiblesse, mais selon
la force qui nous est acquise en Christ. Au milieu
des chutes, on peut s'écrier :
« Toi, mon ennemie, ne te réjouis
point sur moi ; si je suis tombée, je
me relèverai ; si j'ai
été gisante dans les
ténèbres, l'Éternel
m'éclairera »
(Michée VII, 8).
L'Éternel achèvera ce qui me
concerne : Celui qui a commencé la
bonne oeuvre, la perfectionnera jusqu'au jour de
Christ.
Voilà, chère soeur, une
idée fort abrégée de ce sujet
important. Si ce que je vous ai dit excite de votre
part quelque question et vous paraît devoir
donner lieu à des éclaircissements,
je m'y prêterai selon mon pouvoir.
Paix vous soit en notre Seigneur !
Votre frère.
.
FRAGMENT D'UNE MÉDITATION
INACHEVÉE
SUR
JEAN IV, 1-26.
L'envie arma Caïn contre son frère.
Il le tua, parce que ses oeuvres étaient
mauvaises et que celles de son frère
étaient justes.
L'envie excita la haine des Pharisiens
contre Jésus. Il est dit que, Pilate savait
bien qu'ils l'avaient livré par envie.
Jésus, qui n'avait pas besoin qu'on lui
rendît témoignage de ce qui
était dans l'homme, connaissait les
sentiments qu'allait exciter dans le coeur des
Pharisiens sa réputation croissante, et la
nouvelle que le nombre de ses disciples surpassait
déjà celui des disciples de Jean.
Comme son heure n'était pas encore venue, et
qu'Il ne voulait pas encore se livrer entre les
mains des méchants, Il quitta la
Judée pour échapper à leurs
mauvais desseins, et s'en retourna en
Galilée, dans ce pays qui est appelé
sa patrie
(Marc VI, 1), et qui lui avait fait
donner le nom de Nazarien ou de Galiléen.
Il est donc permis à celui qui
prêche l'Évangile de quitter
momentanément un pays, pour laisser calmer
une rumeur trop grande et pouvoir y retourner
ensuite et continuer son oeuvre.
Mais le soldat de Christ ne doit reculer
que pour reprendre ensuite position d'une
manière plus avantageuse. S'il est un temps
où il doit ménager sa vie pour
pouvoir servir son Maître plus long-temps et
mieux, il en est un autre où il doit
retourner faire son oeuvre au risque de sa vie,
lors même que ceux qui l'aiment lui diraient
comme les disciples à Jésus
« Il n'y a que peu de temps que les Juifs
cherchaient à te lapider et tu y retournes
encore »
(Jean XI, 8) !
Si l'ouvrier du Seigneur a l'oeil simple
et qu'il regarde à son Maître, il
recevra un discernement spirituel qui lui
enseignera dans quel cas il faut s'éloigner
pour éviter une persécution
flagrante, et dans quel cas il faut, non la braver,
mais faire son devoir sans la craindre et sans
reculer, disant avec Paul : « Je ne
me mets en peine de rien, et ma vie ne m'est point
précieuse, pourvu que j'achève avec
joie ma course et le ministère que j'ai
reçu du Seigneur Jésus pour rendre
témoignage à l'Evangile de la
grâce de Dieu »
(Actes XX, 24 ;
XXI, 13) - « Pour moi je
suis prêt, non seulement à être
lié, mais même à mourir pour le
nom du Seigneur Jésus. »
Le Seigneur Lui-même ne tarda pas
à retourner à Jérusalem, comme
nous le voyons dans
Jean V, 1) ; et lorsque le
temps auquel Il devait être enlevé de
ce monde approcha, Il se mit en chemin (ou, Il
fortifia sa face pour aller à
Jérusalem.), résolu d'aller à
Jérusalem)
(Luc IX, 51).
Ne passons pas plus loin sans faire une
réflexion sur l'envie qui a poursuivi le
Seigneur pendant toute sa carrière, qui l'a
cloué à la croix, et qui, dans la
suite des siècles, a fréquemment
causé la mort des fidèles confesseurs
de Jésus-Christ, qui ne devaient pas avoir
un sort meilleur que celui de
leur Maître, lequel avait dit.
« S'ils m'ont persécuté,
ils vous persécuteront aussi ; s'ils
ont épié mes paroles, ils
épieront aussi les vôtres »
(Jean XV, 20).
Nous ne crierons pas ici avec le
Seigneur : malheur au monde Nous parlons dans
ce moment à des frères, et nous
disons Malheur aux enfants de Dieu à cause
de l'envie ! Ce péché, cette
oeuvre de la chair, qui est un des
caractères de ceux qui n'hériteront
pas le royaume des cieux
(Gal. V, 21), fait d'affreux ravages
parmi le peuple de Dieu. Déjà du
temps de Paul, il était des gens qui
prêchaient Christ par envie et dans un esprit
de contention
(Phil. I, 15), cherchant leurs
intérêts et non ceux de Christ
(Phil. II, 21).
Déjà dans l'Eglise de
Corinthe, des chrétiens encore charnels
avaient parmi eux de l'envie, des disputes et des
divisions (1 Cor. III, 5).
Dès lors, que de fois l'envie a
excité des chrétiens les uns contre
les autres ! Que de fois elle a
engendré des disputes
entremêlées de personnalités,
l'esprit de parti, les schismes et toutes sortes de
maux qui ont miné la piété et
desséché l'âme des
chrétiens qui, en commençant leur
carrière, avaient reçu de beaux dons
et l'onction de l'Esprit ! Que de fois,
poussés par l'envie, se sont-ils
exposés aux châtiments dont l'Esprit
saint les menace en disant : « Si
vous vous mordez et vous dévorez les uns les
autres, prenez garde que vous ne soyez
détruits l'un par l'autre »
(Gal. V, 15).
Oui, malheur aux chrétiens
à cause de l'envie ! car elle leur fait
voir un ennemi dans celui dont l'oeuvre ou les dons
leur paraissent les éclipser ou s'opposer
à l'accroissement de leur oeuvre
particulière. Malheur aux chrétiens
à cause de l'envie, car elle fait parfois
prêcher l'Évangile et agir dans le
règne de Dieu avec l'Esprit de Satan. Elle
jette des germes de froideur et quelquefois de
haine entre des personnes qui ne devraient
être qu'un coeur et qu'une âme en
Jésus. Alors, au lieu de se consoler
ensemble par la foi qui leur est commune et de
trouver ensemble le soulagement
que procure la charité, des chrétiens
égarés s'abreuvent de mauvais
procédés, qui contribuent à
leur rendre pénible le voyage de la vie et
qui sont pour le monde un sujet de
scandale.
Pourquoi ne prêche-t-on presque
jamais sur l'envie ? Pourquoi ne la met-on
presque jamais dans le catalogue des
péchés que l'on confesse ? Sans
doute parce que c'est un vice tellement bas et
odieux que chacun aurait honte de s'en avouer
coupable, et éprouverait peut-être une
crainte secrète de se condamner en
l'attaquant.
Disciples du Seigneur, ce n'est pas
là agir franchement ce n'est pas là
le moyen d'être guéri.
« Celui qui cache ses transgressions ne
prospérera point. » Si nous
excusons nos péchés, nous nous
séduisons nous-mêmes et la
vérité n'est point en nous ;
mais si nous les confessons, Il est fidèle
et juste pour nous les pardonner et pour nous
purifier de toute iniquité.
Courage donc, frères ! Ne
craignons pas de signaler ce mal. Arrachons,
coûte que coûte, ce serpent qui se
cache entre les racines de l'arbre. Laissons tomber
sur sa tête le sang de Christ qui lui est
mortel. Car il est écrit :
« Ils l'ont vaincu par le sang de
l'Agneau. » Au lieu de nous vanter d'un
prétendu zèle qui produit des
contentions, du trouble et toutes sortes de
mauvaises actions, disons franchement avec l'Esprit
saint, que c'est là une sagesse qui est de
la terre et des démons
(Jaq. III, 16).
S'il y a parmi vous quelque homme sage
et intelligent, qu'il montre ses oeuvres par une
bonne conduite avec la douceur que donne la sagesse
(v. 13).
On peut dire de l'envie ce que Salomon
dit des rapporteurs, c'est que là où
l'envie cessera, les querelles cesseront.
« Car là où il y a de
l'envie et de l'irritation, là est le
désordre et toute sorte de mal. Mais la
sagesse qui vient d'en haut, est
premièrement pure, et ensuite pacifique,
modérée, traitable, pleine de
miséricorde et de bons fruits, ne faisant
point beaucoup de
difficultés et sans
hypocrisie. Or, le fruit de la justice se
sème dans la paix pour ceux qui s'adonnent
à la paix »
(v. 16, 17, 18).
Jésus devait passer par la
Samarie pour retourner en Galilée. Il le
devait, non seulement par une
nécessité tenant à la position
de ces diverses contrées, mais bien plus
encore parce que dans les décrets de Dieu,
il y avait des pensées d'amour envers une
pauvre pécheresse de Sichar, et envers un
grand nombre des habitants de la ville, qui furent
convertis par son moyen.
Un serviteur de Dieu qui voyage ne doit
jamais traverser un pays comme un homme qui fait un
commerce et qui le traverse tout simplement pour se
rendre dans un autre.
Lumière du monde, il doit laisser
partout sur sa route quelque trace lumineuse.
Témoin de Jésus-Christ,
partout il doit chercher à lui rendre
témoignage. Son air, son ton, ses
manières, sa conversation, ses oeuvres, tout
en lui devrait, s'il était ce qu'il doit
être, annoncer au monde les vertus de Celui
qui l'a appelé des ténèbres
à sa merveilleuse lumière, et
annoncer à ceux qu'il rencontre qu'il y a en
lui une vie du ciel dont ils ne sont pas encore
participants.
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