Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE LXXVIII.
1844.

C'est dans le coeur et non dans la tête qu'est la foi 

Mes chers frères,
Lorsqu'on cherche à exhorter les frères, on est tenté d'entrer dans le détail de quelques-unes des nombreuses misères qui se trouvent encore dans les enfants de Dieu, de leur signaler les vices de leur marche spirituelle en cherchant à les détromper de leurs illusions. De telles exhortations peuvent n'être pas sans profit. Toutefois, je pense qu'il est encore beaucoup plus profitable de remonter à la cause de toutes ces misères spirituelles, et de signaler le vice radical qui se trouve au fond du christianisme d'un grand nombre d'entre nous. Ce défaut est le manque de communion habituelle avec le Seigneur Jésus, et par Lui avec le Père.
Trop souvent, hélas ! on se contente de pouvoir se rendre témoignage à soi-même qu'on a mis son espérance en Jésus pour avoir la vie éternelle, et qu'on est passé des ténèbres à la lumière. Mais on ne se réjouit pas habituellement de Jésus ; on ne marche pas habituellement dans la lumière ; on n'est pas habituellement comme la branche collée au cep qui, à chaque instant, tire de lui sa vie et sa force. On est comme un homme qui aurait un excellent ami qu'il ne visiterait que de temps en temps, mais dont il se passerait dans le commun de la vie, faisant beaucoup de choses sans prendre conseil de lui et sans rechercher son appui. Oui, convenons-en, c'est cette présence habituelle du Seigneur qui nous manque, et c'est ce qui fait notre faiblesse. Nous sommes forts, quand nous pouvons dire avec David : Je contemplais l'Éternel devant moi, et parce qu'Il est à ma droite, je ne serai point ébranlé.

Nous parlons souvent avec un ton de condamnation des incrédules, des gens à propre justice, mais ne sommes-nous pas nous-mêmes des espèces d'incrédules en pratique, lorsque nous passons une partie de nos journées loin de la présence du Seigneur, et à-peu-près comme d'honnêtes mondains qui seraient sans Dieu et sans Christ au monde.

C'est dans le coeur et non dans la tête qu'est la foi ; et de même c'est dans le coeur qu'est l'incrédulité. L'insensé dit en son coeur qu'il n'y a point de Dieu. Et nous, mes frères, dans notre coeur, nous abandonnons le Sauveur et nous avons une sorte d'incrédulité envers Lui, lorsque nous vivons une partie du temps loin de Lui et sans Lui. N'est-ce pas encore une vraie propre justice que de dire, de faire, de projeter tant de choses sans chercher les conseils et la force de Celui qui est notre conseil, notre vie, notre force ? Que dirions-nous de quelqu'un qui nous dirait : Vous êtes mon tout, je ne puis rien sans vous, et qui la plupart du temps agirait sans nous consulter et sans nous demander notre secours ? Nous dirions que sa confiance en nous est une espèce de moquerie. Et c'est pourtant là ce que nous ne faisons que trop souvent vis-à-vis du Seigneur Jésus. Nous Lui disons les plus belles choses dans nos prières, sur notre faiblesse, sur le recours que nous avons à ses promesses, sur le besoin que nous avons de son secours, sur le bonheur que nous avons de pouvoir espérer en Lui, et nous appuyer sur Lui.

Nous le prions d'être toujours avec nous. Et voilà que peu de temps après l'avoir prié, nous semblons avoir oublié tout cela, nous allons notre chemin sans prendre Jésus avec nous, et nous le laissons pour ainsi dire dans un coin où nous irons le retrouver à certaines époques fixes, que nous appelons nos moments de prière ou de recueillement.

C'est là une chose misérable, oui, très-misérable, et qui pourtant, je le crains, n'est que trop commune chez les chrétiens, quoiqu'elle ne se trouve pas chez tous au même degré. N'en est-il point qui en soient même venus à pouvoir prier ou entendre prier publiquement, à parler de Jésus et entendre des prédications émouvantes, sans être dans une réelle communion de coeur avec Jésus ? Hélas ! que de choses on peut faire même dans le règne de Dieu en dehors de cette communion avec Celui qui est la vie ! Aussi ont-elles peu ou point de cette puissance de l'Esprit qu'on ne trouve que dans une communion vivante avec Celui qui communique l'Esprit. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'on puisse, dans cet état, se trouver au milieu des meilleures choses comme des morts au milieu des biens, ou qu'on ne reçoive que des impressions passagères, qui s'évanouissent comme la rosée du matin, ou que si Dieu accorde quelques grâces dans une assemblée, on les montre avec un air d'orgueil, on en fasse l'appui d'une opinion particulière qui est pour nous une idole, et qu'on s'en serve pour propager un esprit de dispute et de division.

Si les chrétiens vivaient dans une communion habituelle avec le Sauveur, cette communion entretiendrait et conserverait dans l'humilité les grâces qu'ils ont reçues ; elles feraient leur force et leur joie, et elles les garderaient de ces contrastes si tristes qu'il y a entre leurs prières, leurs discours et leurs actions.

On dit vulgairement : « Dis-moi qui tu fréquentes, et je te dirai qui tu es. » Rien n'est plus vrai que cette maxime appliquée au chrétien. Ce qu'il est, dépend absolument de la fréquentation qu'il a avec le Sauveur.

Si l'on vit habituellement avec Jésus, peu à peu l'on est transformé à la même image de gloire en gloire, comme par l'Esprit du Seigneur. Si l'on regarde à Lui habituellement, on conserve la paix et la joie, car il est écrit : L'a-t-on regardé ? on en est tout illuminé, et leurs faces ne sont point confuses. Si l'on se nourrit habituellement de la chair et du sang de Christ, on ne peut autrement que d'avoir la vie en soi-même. Si l'on a habituellement devant les yeux l'amour que Christ a eu pour nous, on trouve dans cet amour une force singulière, qui nous porte en quelque sorte au travers de toutes les difficultés. Quand on est habituellement bien avec le Seigneur, on ne peut qu'être bien avec ses enfants. Le coeur s'élargit dans la communion de Jésus. Il apprend à aimer tout ce qui est de Christ, et à ne pas renfermer ses affections dans les bornes étroites de tel oui tel système.

D'où vient que nous avons si peu cette communion habituelle avec le Sauveur, qui est si douce, et qui nous rendrait si forts ? Certainement la faute en est à nous et non au Seigneur, qui veut que nous ayons la vie et même avec abondance, et qui nous recommande si fortement de demeurer en Lui, afin que nous portions beaucoup de fruits.

Plusieurs causes s'opposent en nous à cette communion intime avec le Sauveur. D'abord l'incrédulité. Nous avons les choses dans la tête beaucoup plus comme système que comme réalité. Or, on ne peut pas être en communion avec une idée ou avec un système, mais avec un être qu'on regarde comme vivant.

Le remède, c'est de demander davantage de cette foi qui rend présentes les choses qu'on espère, et qui est une démonstration de celles qu'on ne voit point. Si Jésus est vraiment vivant au milieu de nous, par la puissance de l'Esprit, nous connaîtrons la réalité de cette promesse : Je suis toujours avec vous jusqu'à la fin des siècles ; et sa présence se faisant sentir à nous, il nous sera facile de vivre dans une communion réelle avec Lui.

Une seconde cause de notre manque de communion avec le Sauveur, c'est la propre justice. On ne sait pas vivre avec Lui et aller à Lui tel qu'on est. Il semble pour ainsi dire qu'on fait encore des façons avec Lui ; qu'on n'ose pas Lui exposer franchement ses besoins, Lui confesser librement toutes ses misères ; vivre librement avec Lui, tel qu'on est dans chaque moment, l'introduire dans toutes ses affaires, le mettre de tout dans sa vie ; en un mot en faire son ami et son confident en toutes choses et à tout moment.
Je crois qu'on a encore peur de Lui, et voilà pourquoi on ne vit pas comme le dit Zacharie, sans crainte, dans la sainteté et dans la justice en sa présence, tous les jours de sa vie.

Le remède à ce mal, c'est de mieux considérer, dans la Parole, la bonté du Seigneur, et la douce familiarité qu'Il a avec les siens, et de Lui demander plus d'esprit d'adoption.

Un autre obstacle à la communion avec le Sauveur, c'est le manque de droiture. On craint la présence du Sauveur, parce qu'elle condamne le péché. C'est une chose terrible à dire, et pourtant c'est une chose vraie.
Il faut mettre le doigt sur la plaie et ne pas la déguiser. Un mal qu'on reconnaît, est à moitié guéri. On n'a plus qu'à s'approcher de Dieu pour Lui demander un coeur droit, qu'Il ne refuse jamais à ceux qui le demandent. L'Éternel est bon et droit ; c'est pourquoi Il enseignera aux pécheurs le chemin qu'ils doivent tenir. Il fera marcher dans la droiture les débonnaires et Il leur enseignera sa voie.

Enfin, une dernière cause qui interrompt la communion avec le Seigneur, c'est le peu de soin que nous avons d'éviter les choses qui nous éloignent de Lui. Par exemple la multitude des paroles, la multitude des affaires temporelles, des agitations sans nécessité, les querelles dans nos maisons ou avec ceux du dehors, etc., etc. Puis nous ne recherchons pas assez ce qui peut entretenir la communion avec le Sauveur, la lecture de la Parole, la prière, des moments de recueillement, et ces entretiens avec les frères où le Seigneur a mis la vie et la bénédiction à toujours.

Je termine, mes frères, en vous disant et en me disant à moi-même : Demandons et nous recevrons.

 LETTRE LXXIX
Septembre 1844.

Elles ont en elles la foi, mais elles ne savent pas lire dans la Parole que ce titre vaut la vie éternelle.

J'avais déjà ouï parler du discours de Mr. ... ; toutefois votre petite analyse m'a fait plaisir, en ce qu'elle m'approuve que vous aviez bien écouté. J'espère que, comme il est écrit dans le Ps. LXII, vous aurez entendu deux fois ; une fois de l'oreille du corps, et une fois de l'oreille du coeur.
J'espère que cette prédication aura contribué à vous donner cet affranchissement qui , je crois, vous manquait encore.
J'ai cru voir que vous n'étiez pas assurée de votre salut, et affranchie du joug de la Loi. Bien des âmes sont dans cet état là. Elles ont la foi, mais elles ne savent pas ce que vaut la foi. Elles ressemblent à un homme qui aurait un billet de cent mille francs dans sa poche, et ne sachant pas lire la somme, se lamenterait continuellement de sa misère. Elles ont en elles la foi, mais elles ne savent pas lire dans la Parole que ce titre vaut la vie éternelle ; c'est pourquoi elles sont dans un accablement qui les quitterait, si elles avaient compris ces mots : « Celui qui croit ne sera point condamné. »

Je suis persuadé, par de nombreuses expériences, que le moment où une âme acquiert l'assurance de son salut, est l'époque d'un grand développement spirituel chez elle. Auparavant, elle était comme l'enfant qui a vie dans le sein de sa mère ; mais alors, elle est comme l'enfant qui a vu le jour, et qui commence à manifester librement tous les actes de la vie. Si vous êtes parvenue à cet heureux état, je prie le Seigneur de vous y maintenir, et de vous y affermir. Je Lui demande aussi de vous rendre attentive à la promesse faite à tous les croyants, du saint-Esprit qui les cèle pour le jour de la rédemption, et qui produit en eux tous les fruits de sanctification (Gal. V, 22).

Une âme n'est en pleine liberté, que lorsqu'elle comprend que Jésus-Christ est venu pour la sanctifier aussi bien que pour la laver dans son sang. Il est dit dans Tite, qu' « Il est mort pour nous racheter et nous purifier de toute iniquité. Il est dit aussi Vous avez été lavés, justifiés et sanctifiés au nom du Seigneur Jésus et par l'esprit de notre Dieu. »

J'espère qu'à la longue, ce que vous avez reçu de Dieu se développera, et que, peu à peu, Jésus deviendra le centre de toutes vos affections. C'est là le remède à tous les maux ; c'est là ce qui nous fait voir les choses sous un tout autre point de vue ; car « si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature ; les choses vieilles sont passées, et toutes choses sont faites nouvelles. Lorsqu'une fois on peut dire jusqu'à un certain degré L'Éternel est tout mon salut, et tout mon plaisir. » Alors, ce qui tient à ce monde, sans nous devenir indifférent, perd beaucoup de son importance, et nous sommes tout étonnés de voir que ce qui nous paraissait une montagne devient une plaine. Il n'y a qu'une affection dominante pour le Seigneur qui puisse modérer les autres. Quand le roi est sur le trône, les sujets s'asseyent sur les marches, chacun en son rang. Un rayon plus lumineux de la Grâce de Dieu tombant sur notre coeur, y met toutes choses en ordre, et éclaire toutes choses d'un jour nouveau, car l'Éternel est lumière et vie en même temps.

Je bénis Dieu de ce qu'il vous a si bien entourée ; car quoique je m'intéresse à votre bien-être en ce monde, c'est le bien de votre âme qui me touche avant tout.

 LETTRE LXXX
1844.

Un joug d'homme, est une ordonnance que Dieu ne nous a pas imposée dans sa Parole.

Ceux qui crient contre les jougs d'homme, ont raison s'ils comprennent bien ce que c'est. Un joug d'homme, est une ordonnance que Dieu ne nous a pas imposée dans sa Parole, et auquel un homme voudrait nous assujettir, cherchant à dominer notre foi et à nous maîtriser à plaisir, comme dit l'Esprit saint.

Ceux qui crient contre les jougs d'homme devraient peut-être examiner de quel esprit ils sont animés en cela, et si c'est vraiment l'Esprit de Christ qui leur fait dire ces choses. Ils devraient aussi examiner si, en se débarrassant de ce qu'ils croient un joug d'homme, ils ne se chargent point réellement du joug d'un système tranchant et absolu.
Après tout, chacun rendra compte à Dieu pour soi-même.

Je n'attends plus l'union des enfants de Dieu que d'un mouvement de son Esprit, que je ne vois pas encore, mais qui peut être près, car le vent souffle où il veut.
Il y a encore trop de moi, pour une fusion. On pourrait faire des amalgames, mais le Seigneur veut plus que cela. Il faut attendre en se tenant tranquille, en repos et en espérance.

 LETTRE LXXXI
Décembre 1844.

Dieu ne veut pas qu'on essaie de croire, mais qu'on croie et qu'on continue de croire, quand même.

Je crois que dans les meilleurs chrétiens, il y a encore beaucoup à faire pour dépouiller ce terrible moi, qui est collé a nous comme la peau, et qui, lorsqu'on le croit disparu, n'a fait souvent que se déguiser pour reparaître sous une autre forme. Ce moi est souvent ce que l'on attaque le moins et ce qu'on devrait attaquer le plus, en priant le Seigneur de tuer ce Léviathan de sa grande et forte épée ; car lorsque nous voulons le tuer nous-mêmes, nous le ménageons singulièrement. Aussi tous les renoncements que nous ne faisons que par une' gymnastique spirituelle à la façon de celle à laquelle ou s'exerce dans certains ordres monastiques, ne sont que de faux renoncements, dans lesquels l'homme finit toujours par se retrouver lui-même, en se complaisant dans ses renoncements.

Les seuls vrais renoncements sont ceux auxquels nous pousse l'amour de Dieu, et que l'Esprit accomplit en nous, en changeant notre volonté et la rendant conforme à celle de Dieu, selon Rom. XII, 2. - Que de gens sincères qui, faute de connaître cela, tiraillent leur vieil homme pour s'en dépouiller, cherchant à faire partir leur volonté propre, tandis qu'ils n'ont rien d'autre pour mettre à la place. Dans la méthode de Dieu, qui n'est pas la nôtre, c'est la nouvelle volonté qui chasse ou qui domine la vieille, et cette nouvelle volonté se forme par l'habitation de Christ reçu dans nos coeurs par la foi, ou, si l'on veut, par le saint-Esprit qui nous unit à Christ, et qui produit en nous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir. Il faut donc, avec tout son mauvais vouloir, aller tel quel à Celui qui nous reçoit tels que nous sommes, et qui a dit : « Je guérirai leur rébellion, et je les aimerai volontairement. »

Tu te sens le coeur dur ; tu voudrais sentir, et tu ne sens pas. Eh bien ! tâche de te répéter à toi-même, que pour en venir à sentir, il faut croire sans sentir. Tout dépend de l'assurance du salut fondée sur la Parole de Dieu. Comment veut-on se réjouir d'un salut qu'on n'a pas ? Comment veut-on être reconnaissant d'un salut qu'on n'a pas reçu ? Comment veut-on sentir la sève de l'arbre en soi, quand on ne sait pas encore si l'on est planté dans l'arbre ? Comment veut-on recevoir l'Esprit, tandis qu'il n'est donné qu'à la foi. Or, la foi embrasse non seulement cette vérité que Christ est le seul Sauveur des pécheurs ; mais aussi cette seconde vérité, c'est que celui qui croit en Lui comme, Sauveur a par Lui la vie éternelle.

Je sais qu'il est difficile d'espérer ainsi contre espérance, mais il faut pourtant en venir là, et on le peut en ne se lassant pas de le demander à Celui qui donne.

Tout en demandant, je crois qu'il est bon de remarquer ce que dit la Parole de Dieu à ce sujet, et de bien appliquer son attention aux passages sur le salut gratuit, car il est dit que la foi vient de la Parole de Dieu, et que nous sommes engendrés par la Parole de vérité. Par exemple, remarque bien le verset 5 du 4e chap. des Romains « À celui qui ne travaille pas, mais qui croit en Celui qui justifie l'impie, si foi lui est imputée à justice. » Qui est celui qui est justifié ?
Premièrement, celui qui ne veut faire aucune oeuvre pour gagner le salut.
Secondement, celui qui cherche sa justification en Dieu.
Troisièmement, celui qui croit que par Jésus-Christ Dieu justifie un homme en tant qu'impie, non pas sans doute celui qui voudrait rester dans son impiété, mais celui qui se reconnaît impie, et qui croit que Dieu peut le justifier par Christ dans cet état-là qu'il condamne sans doute, mais enfin dans lequel il se sent au moment où il s'approche de Christ pour être justifié.

Ce qui nous fait du tort, n'est peut-être pas autant de voir trop notre méchanceté, que de ne la pas voir assez et de ne pas être assez convaincu que nous sommes impies, et que c'est comme impies que nous devons nous approcher de Dieu et être justifiés, par Lui, sans que nous ayons à Lui apporter autre chose que notre profonde misère et la foi à son salut gratuit. C'est précisément ce pardon donné à des impies, qui ôte l'impiété.
Remarque à ce sujet Rom. XI, 26 et 27. - Je demande à Dieu qu'il te soit donné de moins regarder à toi, et plus à Christ, qui a dit : « Regardez vers moi, et soyez sauvés. » Par conséquent, tant que tu regardes au Seigneur, tu as la preuve que tu es sauvé. L'Israélite devait regarder au serpent et non à lui-même pour être guéri ; et s'il avait vu en regardant sa plaie qu'elle ne se guérissait pas, et s'il doutait qu'il eût bien regardé, le plus simple et le plus sûr aurait été de regarder de nouveau, et de continuer à regarder avec pleine assurance à la promesse de Dieu. Dieu ne veut pas qu'on essaie de croire, mais qu'on croie et qu'on continue de croire, quand même. La seule chose que Dieu ne permet pas, c'est de dire dans son coeur : « Péchons, afin que la grâce abonde. » Mais Il veut qu'on dise : « Là où le péché a abondé, la grâce, y a surabondé. » Et encore : « Il est puissant pour sauver entièrement tous ceux qui s'approchent de Dieu par Lui. »

Que le Seigneur rende ces choses esprit et vie dans ton âme ! Ne te décourage pas. Je te crois en bon chemin ; je suis sûr que tu arriveras ; j'attends seulement le moment où tu feras une faillite complète, parce que ce sera celui où tout d'un coup tu deviendras riche.

 LETTRE LXXXII
Février 1845.

Ce qu'il faut demander dans les temps d'épreuves.

Je crois que tout en demandant au Seigneur dans les temps d'épreuve, ou la délivrance, ou des ménagements, nous devons demander beaucoup plus d'être vivifiés et soutenus pour supporter tout avec douceur, avec patience et avec joie. Autrement, je crois que nous prierions charnellement, car nous ne demanderions que d'être délivrés de ce que la chair craint, et nous ne ferions que la première moitié de la prière de Jésus en Gethsémané qui exprime la faiblesse innocente de la chair, et nous négligerions la seconde partie qui est celle du dévouement et de la soumission de l'Esprit « Père, glorifie ton nom ! Père, que ta volonté soit faite » Une prière ainsi tronquée ne serait pas vraiment selon l'Esprit, et ne pourrait pas être exaucée. C'est pourquoi demandons à Dieu qu'Il nous donne de pouvoir prier, non seulement pour la délivrance temporelle, mais aussi et surtout pour qu'il nous soit donné par la puissance de son Esprit de le glorifier s'il le faut, jusqu'à la mort.

Dans le fond, ne savons-nous pas bien, comme le dit l'apôtre, que « celui qui va à la guerre ne s'occupe plus des choses de ce monde, pour plaire à Celui qui l'a enrôlé ? » Que dirait-on d'un soldat qui, à la veille d'une bataille, dirait : « Je n'ai jamais entendu m'enrôler pour recevoir des coups de fusil. J'entendais simplement m'enrôler pour faire l'exercice et toute la partie du service militaire qui n'expose point la vie ? » -
Ce langage qui paraîtrait houleux et dégradant dans la bouche d'un soldat de ce monde, ne le serait-il pas à plus forte raison dans la bouche d'un soldat de Christ qui cherche en Lui l'honneur, la gloire et l'immortalité ?

Je me sens porté à vous rappeler en forme d'exhortation fraternelle ce que le Seigneur a bien voulu me rappeler à moi-même ces jours-ci, c'est qu'un de nos premiers devoirs, est de prier pour nos magistrats qui sont des ministres de Dieu pour notre bien. Un autre devoir aussi pressant, c'est de prier pour la conversion de ceux qui nous veulent du mal. N'est-ce pas le meilleur moyen de les arrêter ? N'est-il pas dit : « Bénissez ceux qui vous maudissent, bénissez-les et ne les maudissez point ? » N'est-il pas ordonné de prier pour ceux qui nous courent sus ? Le Sauveur et son disciple Étienne n'ont-ils pas prié pour ceux qui leur ôtaient la vie. N'ont-ils pas obtenu l'un, la conversion du centenier (Luc XXIII, 34, 47), et l'autre, la conversion de Saul de Tarse ?

 LETTRE LXXXIII
Février 1845.

Ce serait de notre part une lâcheté et une témérité de demander la délivrance d'une manière absolue.

Nous avons médité Dimanche dernier sur cette belle Parole de l'Ecclésiaste : « Qui craint Dieu sort de tout. » Nous avons trouvé, d'après les Écritures, que ceux qui craignent Dieu sortent de l'épreuve de trois manières. Ou en ce qu'ils reçoivent la force de soutenir l'épreuve, ou en ce que Dieu met fin à l'épreuve en les en tirant par des moyens dans lesquels Il fait éclater sa puissance en leur faveur, ou enfin par la mort qui est la plus heureuse de toutes les délivrances, lorsque le Seigneur juge convenable de la donner.

Je ne m'attends qu'à Lui pour une délivrance temporelle, s'il y en a une. Son bras n'est pas raccourci pour ne pouvoir pas délivrer. Ses anges, qui se comptent par milliers redoublés, n'ont jamais cessé d'exister, et quoique invisibles, ils sont toujours des esprits administrateurs destinés à servir ceux qui doivent hériter le salut. Je crois aux miracles tout comme aux temps jadis. Le Dieu des trois enfants dans la fournaise, de Daniel dans la fosse aux lions, d'Élisée environné des troupes du roi de Syrie, d'Ézéchias assiégé par celles de Sennachérib, etc. ; en un mot, le Dieu des délivrances d'autrefois est toujours le même Dieu, toujours vivant, toujours vrai, toujours faisant tout ce qu'il lui plaît dans les cieux et sur la terre. Il ne faut que de la foi pour ramener les merveilles, et voir se réveiller le bras de l'Éternel.

Cependant n'oublions pas que nous sommes appelés à souffrir avec Christ pour régner avec Lui, et que nul n'est couronné, s'il n'a combattu selon les lois. Nous savons que le juste est difficilement sauvé, que le jugement de Dieu doit commencer par sa maison, et que nous ne devons point trouver étrange si nous sommes dans la fournaise pour être éprouvés, comme s'il nous arrivait quelque chose d'extraordinaire.

En conséquence, je crois que ce serait de notre part une lâcheté et une témérité de demander la délivrance d'une manière absolue. Tout ce que nous pouvons faire, c'est de dire avec le Sauveur : « S'il est possible, fais que cette coupe passe loin de moi, » mais nous devons demander à Dieu qu'il nous soit donné d'ajouter : « Si cela n'est pas possible, que ta volonté soit faite. » Je crois que nous ne serons jamais déçus, si nous demandons avant tout la force de tout soutenir avec douceur, avec patience et avec joie. Si Dieu nous remplissait de son Esprit ; si notre confiance en Christ était pleine ; si les belles promesses qu'Il fait à ceux qui souffrent avec Lui étaient pleinement scellées à notre coeur ; si, comme Étienne, nous voyions les cieux ouverts et Jésus assis à la droite de Dieu ; alors la mort même nous paraîtrait un gain, et nous pourrions dire avec l'apôtre : « Je ne fais cas de rien, ma vie ne m'est pas précieuse, pourvu qu'avec joie j'achève ma course. »

Demandons et nous recevrons. Les promesses sont abondantes, elles sont complètes, il n'y a qu'à les saisir par la foi. Mais demandons bien, si nous voulons être exaucés ; demandons la délivrance de l'incrédulité et du péché avant celle de l'épreuve ; sans cela nous ne demanderions pas selon la volonté de Dieu. Si nous ne pouvons pas demander ainsi, demandons au moins de pouvoir le faire. Le Seigneur se souvient de quoi nous sommes faits, Il a pitié de notre faiblesse.

 LETTRE LXXXIV
1845.

Savoir ce qu'il faut prendre au figuré et ce qu'il faut prendre à la lettre.

Cher frère,
Je crois qu'il est utile que je vous dise sans plus tarder, que j'ai lu au moins les deux tiers de votre manuscrit, et qu'il m'est impossible d'admettre dans la plupart de ses points, votre interprétation spirituelle. Je citerai entre autres comme une interprétation qui m'a paru singulièrement forcée, celle des deux témoins ou fils de l'huile (Zach. IV, 14), par lesquels vous entendez le saint-Esprit. Le saint-Esprit, c'est l'huile et les fils de l'huile ne sont pas plus l'huile que les fils d'un homme ne sont cet homme, et que les fils de la sagesse ne sont la sagesse. Évidemment dans Zacharie les deux fils de l'huile sont Jéhosuah et Zorobabel, et probablement les deux témoins (Apoc. XI, 5) ou fils de l'huile seront deux prophètes, oints de l'Éternel, et remplis d'une onction toute particulière.

Votre ouvrage, cher frère, me semble prouver que vous lisez beaucoup la Parole, que vous êtes un homme intelligent, mais que vous vous laissez aller un peu à votre imagination, et que vous avez d'avance conçu un système qui vous a paru cadrer avec quelques points, et auquel vous avez voulu faire tout arriver coûte que coûte, sans vous en apercevoir, car une fois qu'on est lancé dans un système, on le suit jusqu'au bout avec une espèce de bonne foi, sans se douter qu'on est conduit par son système plutôt que par la Parole.

Une des difficultés que rencontrent les commentateurs sérieux de l''Apocalypse, c'est de savoir ce qu'il faut prendre au figuré et ce qu'il faut prendre à la lettre. Les interprétations les plus modestes de ce saint Livre, où l'on dira le plus souvent : C'est peut-être ceci, ou : Ceci est plus ou moins probable, seront celles qui m'inspireront le plus de confiance.
Jusqu'à présent, aucune de celles que j'ai lues sur cette portion des Écritures ne m'a pleinement satisfait ; et tous les calculs relatifs au temps, à moi connus, ont manqués.
Je soupçonne qu'à part les points principaux, on n'a pas encore trouvé la vraie clef, et plus d'une fois j'ai demandé à Dieu de susciter le vrai commentateur de l'Apocalypse.

Paix vous soit en notre Seigneur.

 LETTRE LXXXV
1846.

Qui nous a permis de décider du sort de qui que ce soit ? ( Au sujet du suicide)

Ma soeur,

Je comprends votre angoisse ; je voudrais la partager davantage, surtout je voudrais pouvoir l'adoucir. J'ai déjà vu deux cas qui avaient du rapport avec la triste issue de vos prières. Il y a un certain nombre d'années qu'un homme plein de zèle, et qui n'était pas étranger à la Grâce de Dieu, se suicida, et laissa sur sa table un billet dans lequel il demandait au Sauveur de vouloir prier pour que ce dernier péché lui fût pardonné.

Il y a aussi un certain nombre d'années que je fus dans le cas de voir une personne qui me parut une vraie soeur en Christ, et qui me demanda de lui expliquer les voies de Dieu envers elle. Elle avait un fils pour qui elle avait fait d'innombrables prières, à qui elle disait avoir parlé fréquemment du Seigneur. Hé bien ! ce fils fût un rationaliste, il écrivit un livre contre les chrétiens, et il finit par prendre une fièvre chaude et se suicider. La pauvre mère me disait :
Comprenez-vous cette réponse à mes prières ? Non, lui répondis-je, je ne la comprends pas, parce que « les voies de Dieu ne sont pas nos voies, et ses pensées ne sont pas nos pensées. » Un jour tout cela s'expliquera. Pour le moment, il faut dire avec David : « Je me suis tû et je n'ai point ouvert la bouche, parce que c'est toi qui l'as fait. » De plus, comme Dieu est amour, nous devons être persuadés que toutes ses voies sont amour, même celles qui paraissent les plus sévères. Un jour Il nous le montrera. En attendant, croyons-le par la foi. Il est dit qu'un jour « Dieu essuiera toute larme de nos yeux. » C'est écrit, donc c'est vrai. Il s'ensuit qu'un jour Il nous fera trouver des consolations pour toutes les choses qui nous ont fait pleurer sur cette terre. N'est-ce pas déjà un sujet de consolation d'être assuré qu'il y en a un, quoiqu'on ne le connaisse pas ?

Enfin, dis-je à cette mère : Qui vous a dit que votre enfant n'est pas sauvé ? Comme le salut dépend de l'élection de Dieu, cette élection peut se manifester à la dernière minute de la vie, et dans les angoisses de la mort, quelque courtes qu'elles soient.

Au surplus, qui nous a établis juges ? Qui nous a permis de décider du sort de qui que ce soit ? Laissons à Dieu la place qui Lui appartient ; Lui seul est le Juge des vivants et des morts. Autant je me sens libre de décider que celui qui a le Fils a la vie, autant je me sens peu libre de prononcer sur le sort de qui que ce soit, une fois qu'il est hors de ce monde. Ce n'est pas là mon affaire, et quand on se mêle de ce qui ne nous regarde pas, on en a toujours de l'angoisse.

En attendant, je conviens que dans des cas comme le vôtre, l'exercice de la foi est très-difficile, et l'incertitude cruelle. Mais que faire, sinon de se remettre entre les mains de Celui qui console les abattus, qui fait la plaie et qui la bande, et qui peut faire pour nous infiniment plus que tout ce que nous désirons et pensons. C'est entre ses mains que je vous remets. J'espère que tôt ou tard vous retirerez de cette sévère épreuve le doux fruit de justice dont parle l'Écriture, et que vous aurez le mot de l'énigme de Samson : « De celui qui dévorait est procédée la viande, et du fort est procédée la douceur. »

En attendant, il est doux de pouvoir pleurer et se plaindre dans le sein même de Celui qui nous frappe, et de pouvoir Lui demander que là où l'affliction abonde, la consolation abonde aussi par Jésus-Christ.

Bon courage, nous avançons. Les peines d'hier ne reviendront pas. Bientôt nous entrerons dans le repos du peuple de Dieu, et alors tout deviendra lumineux pour nous. C'est par beaucoup d'afflictions qu'il faut y entrer, Dieu l'a dit, il faut qu'il en soit ainsi, quand même nous voudrions toujours faire ensorte que cette parole ne s'exécutât pas. Dieu est plus sage que nous. Il taille avant dans les chairs pour couper cette gangrène du péché qui gagne si facilement. Quand nous le croyons cruel, Il est plein de charité mais le coeur naturel n'en peut juger ainsi ; c'est par la foi qu'il faut le croire.

Dites-nous dans quelque temps si le Seigneur vous a fait un peu de bien, et si vous pouvez donner gloire à sa fidélité dans votre affliction.

Paix vous soit en notre Seigneur !


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