Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE LXX.
1844.

Ce qui est le plus facile, n'est pas toujours ce qu'il y a de meilleur.

 

Mon cher frère,
Les temps où nous sommes sont des temps difficiles. On ne peut cheminer d'une manière qui concilie la vérité avec la charité, qu'en balançant continuellement le chemin de ses pieds, pour ne tomber ni dans la faiblesse, ni dans la raideur. Ce n'est qu'avec toutes sortes de ménagements qu'on peut maintenir les principes sans les présenter d'une manière qui blesse le coeur d'autres frères et qui les repousse. Ce n'est qu'avec des nuances de marche très-délicates, dans certains cas, qu'on peut repousser l'erreur qui se trouve chez certains frères, et cependant leur rendre témoignage comme à des frères, et leur accorder tout ce qui doit leur être accordé en cette qualité.

Je comprends qu'il est beaucoup plus facile de dire : « C'est oui ou c'est non ; ils se trompent ou ils ont raison ; il faut les recevoir ou il faut les rejeter ; que de chercher avec soins et prières ces démarches intermédiaires qui satisfont en même temps la vérité et la charité ; qui rendent témoignage à ce qu'il y a de bon, tout en se prononçant contre ce qu'il y a de mauvais. Mais ce qui est le plus facile, n'est pas toujours ce qu'il y a de meilleur. Ce sont ces nuances de marche que je cherchais à vous faire saisir, mais il paraît que je n'y ai pas réussi.

Je trouve toujours que cette marche précautionneuse où l'on cherche à allier la charité avec la vérité, est celle qui réussit le mieux et qui donne le moins de prise à l'adversaire. C'est celle-là que j'ai cherché à vous conseiller, comme je la conseille à tous en toute bonne conscience.

Je crois aussi que, surtout dans les temps où nous vivons, il faut bien prendre garde d'insister également sur toutes les portions de la Parole. Il est à craindre qu'en cherchant à faire le contre-poids à des frères qui n'insistent presque que sur les promesses et qui quelquefois peuvent, en parlant de la Grâce de Dieu, employer des expressions dangereuses, on se jette un peu de l'autre côté, et l'on insiste trop sur les préceptes, de manière à donner à la prédication une teinte un peu légale.
Je crains que, vu la tournure de votre caractère, ce ne soit un peu votre cas. Vous êtes sincère ; vous craignez qu'on abuse de la Grâce de Dieu et qu'on ne se fasse des illusions ; et à cause de cela, vous pesez fort sur la sanctification. Il y a en cela quelque chose de louable. Toutefois, souvenez-vous qu'un homme ne peut travailler que selon les forces qu'il a, et que ce qui donne des forces, ce sont les promesses de Dieu, la considération de son amour et nos privilèges en Christ.
Si l'on pousse trop fortement les âmes à la sanctification pendant qu'elles ont encore peu de foi, on les accable, ou bien on les jette dans un travail propre qui ne produit que des oeuvres forcées, sans sève, et qui ne durent pas.

Le vrai moyen de lutter contre la tendance des frères dont nous avons parlé, n'est pas de faire ce qu'ils font dans un sens opposé au leur, mais au contraire de faire ce qu'ils ne font pas, c'est-à-dire de mettre une exacte harmonie entre les deux parties de l'Évangile, afin de présenter la Grâce dans sa force et dans sa pureté, et de tracer en même temps les devoirs et le caractère du chrétien, ou si l'on veut les fruits de l'Esprit en lui, de manière à prévenir les illusions. Celui qui tiendra le milieu des sentiers de la droiture finira toujours par triompher, parce qu'il a Dieu pour lui. Mais on ne combat pas avec succès un système en se jetant dans un autre système, parce qu'une erreur ne guérit pas une erreur.

 LETTRE LXXI
1844.

 À mesure qu'on avance dans la vie, on apprend à plus apprécier le Seigneur que ses dons.

Ma chère soeur
Je ne suis point étonné des moments de tristesse qui ont succédé aux joies que vous aviez éprouvées. Si nos joies spirituelles étaient toujours pures, elles feraient notre force, et Dieu ne serait jamais obligé de nous les retirer. Mais très-fréquemment elles sont un moyen d'exciter l'orgueil de notre mauvaise nature, et elles nous deviennent un piège. Très-souvent j'ai vu des chrétiens fort joyeux, s'appuyer sur leurs joies, en faire parade, traiter sévèrement ceux qui n'en avaient pas autant, et quelquefois tomber dans de grandes illusions sur leur sanctification. Alors, Dieu retire pour quelques moments un don beau en Lui-même, mais dont on abuse ; de peur qu'il ne nous arrive comme au roi de Tyr dont Dieu dit dans Ezéchiel ch. XXVIII, 17 : « Ton coeur s'est élevé à cause de ta beauté, et tu as perdu ta sagesse à cause de ton éclat. » Heureusement, si les grandes joies s'en vont, le Seigneur reste avec son salut ; et à mesure qu'on avance dans la vie, on apprend à plus apprécier le Seigneur que ses dons, et par conséquent à recevoir ses dons avec moins de danger, parce qu'on les reçoit avec plus d'humilité. Alors, on entre dans un état plus égal où la joie est plus paisible, plus unie, et où l'on ne l'entretient que par l'humilité et par le regard habituel sur le Seigneur. J'espère que Dieu vous y amènera tout doucement.

Je souhaite, ma chère soeur, que dans vos voyages et déplacements vous ne vous laissiez pas trop distraire par la vue des choses nouvelles. Je souhaite qu'au lieu d'accoutumer vos yeux aux tristes superstitions dans lesquelles sont plongés ceux qui vous entourent, vous soyiez comme Lot qui chaque jour affligeait son âme juste au sujet de ce qu'il voyait ou entendait dire des hommes corrompus dont il était entouré. Je désire que vous soyiez toujours extrêmement réservée dans votre conduite à tous égards : « Veillez et priez, » nous a dit Celui qui nous connaît et nous aime. Je vous souhaite un christianisme toujours plus simple, toujours plus vrai, où ce qui paraît au-dehors soit l'expression de ce qui est au-dedans, et où la parole n'aille pas au delà de la pensée, ni la pensée au delà de la parole. Je souhaite que vous usiez de peu de paroles avec les hommes, et que vous parliez souvent avec le Seigneur ; que vous soyiez fidèle dans les petites choses, et que vous vous absteniez de tout ce qui a quelque apparence de mal.

Adieu, chère soeur, que le Seigneur vous fortifie en toute manière par sa force glorieuse !

 LETTRE LXXII
1844.

Il n'y a de repos et de bien-être pour l'âme qu'en regardant plus haut que les hommes.

Chère soeur,
Quand le coeur souffre, les témoignages de sympathie font toujours plaisir, surtout lorsqu'ils viennent de ceux qu'on aime et qu'on estime. Je ne vous dirai pas grand chose sur mon épreuve à laquelle le Seigneur a permis que plusieurs circonstances aggravantes se soient jointes. Lorsque je suis tenté de m'aigrir contre ceux qui ont usé de ruse dans cette affaire, ce passage me revient souvent : « Laisse-le faire, Dieu lui a dit : Maudis David. » -

Il n'y a de repos et de bien-être pour l'âme qu'en regardant plus haut que les hommes, et voyant la verge dans la main de Celui qui châtie, précisément parce qu'il est Père. En remontant jusque-là, je sens que mon coeur peut dire, je crois par l'Esprit de Dieu : « Ne boirai-je pas la coupe que le Père m'a donnée à boire ? » Le passage qui est pour moi une précieuse direction et une consolation dans cette triste affaire, c'est celui-ci : « Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, afin qu'Il vous élève quand il en sera temps » (1 Pierre V, 6).
Du reste, je sens que dans cette circonstance j'ai besoin de faire peu de paroles et beaucoup de prières. Que le Seigneur me le donne.

Je remercie tous les amis de votre maison qui prennent part à ma souffrance et qui prient pour moi. J'ai déjà été aidé en plusieurs occasions par les prières d'enfants de Dieu, et j'en ai toujours reçu une bénédiction particulière qui confirme les promesses faites à ceux qui s'accordent sur la terre pour demander quelque chose au nom de Celui qui est tout puissant auprès du Père. Si vous étiez rapprochée de mon domicile, il me serait bien agréable d'aller vous visiter quelquefois ; mais en tout temps et surtout à présent, les courses un peu distantes et qui ne sont pas un devoir absolu, me répugnent. Il me semble que j'ai besoin de rester auprès des miens et dans mon petit coin, écoutant les instructions que le Seigneur veut me donner, et Lui demandant qu'Il m'enseigne à profiter.

Adieu, chère soeur, paix vous soit en notre Seigneur !

 LETTRE LXXIII
1844.

L'Esprit saint n'a jamais dit de ceux qui retombent, qu'ils ont été convertis.

J'ai commencé la lecture de la petite brochure de ...... Elle ne manque pas d'un certain talent, et renferme de bonnes choses. Toutefois, elle en renferme aussi que je ne crois pas justes, et un point de vue que je crois tout-à-fait faux c'est celui de croire que ceux qui retombent ont eu tous les caractères des élus et des brebis du Seigneur. Dans sa préoccupation, il est arrivé à l'auteur ce que j'ai déjà vu arriver plusieurs fois en pareil cas, c'est de voir les passages sous un point de vue tout humain, qui y fait voir ce qui ne s'y trouve pas.
En effet, il a été jusqu'à ajouter deux fois les mots « convertis à Dieu, pour le servir, » au passage d'Hébreux VI, 4, et de 2 Pierre II, 20, qu'il rapproche l'un de l'autre, et c'est précisément ce qui ne se trouve pas dans ces passages.
Ce n'est pas pour rien que l'Esprit saint n'a jamais dit de ceux qui retombent, qu'ils ont été convertis, qu'ils sont nés de nouveau, et que surtout il n'a jamais dit qu'ils ont aimé. « Celui qui aime est né de Dieu, et celui qui n'aime pas n'est pas né de Dieu. » Donc ces gens n'étaient pas nés de Dieu, puisqu'il n'est pas dit d'eux qu'ils ont aimé. Selon l'Esprit saint, « trois choses demeurent : la foi, l'espérance et l'amour. » Si quelqu'un a ces trois choses qui demeurent, il ne peut périr.

Il faut que la cause du Seigneur soit bien forte. puisque non seulement Il permet qu'elle soit attaquée par les ennemis, mais encore compromise par des amis.

Cher frère, que le Seigneur vous soit en aide et que ses mains vous suffisent en tout temps.

 LETTRE LXXIV
1844.

Il est permis de pleurer, la nature le demande... mais il faut pleurer en cachant sa tête dans le sein du Seigneur.

Chère soeur,
Celui qui a fait la plaie, peut seul la bander. Aussi ce que vos amis peuvent faire de mieux pour vous et ce qu'ils font, c'est de demander au Seigneur que si l'affliction a abondé, la consolation abonde aussi par Jésus-Christ.

On ne devrait jamais être surpris, et pourtant je l'ai été singulièrement de cette nouvelle si triste par rapport à ceux qui restent, et j'ai un peu compris, chère soeur, de quel coup votre coeur a dû être frappé. Toutefois, je ne doute pas que le Seigneur, en frappant, ne se soit souvenu d'avoir compassion, et que s'Il a frappé d'une main, Il a de l'autre appuyé votre faiblesse, ensorte que sa force se sera accomplie dans votre infirmité.

Quant à notre frère qui a été retiré, il est vraiment bien heureux. Il a dépouillé le mortel et le corruptible ; il est dans le repos ; il ne voit plus les choses qu'en Dieu, et il est loin de toutes les petitesses et les misères affligeantes qui souillent ici-bas le corps de Christ. Quelle heureuse transformation ne doit-on pas éprouver lorsqu'en sortant de ce monde, toutes les infirmités de vues et de sanctification tombent à la fois, tous les obstacles à l'amour disparaissent, toutes les robes particulières se dépouillent, et il ne reste plus que la robe teinte dans le sang de l'Agneau, et l'amour sans mélange pour Christ et pour tous ses rachetés. Oh ! vraiment, bienheureux dès à présent les morts qui meurent au Seigneur !

Quant à vous, chère soeur, tout en pleurant, vous ne pleurez sûrement pas comme ceux qui sont sans espérance. Vous n'oubliez pas que vous avez un immense sujet de reconnaissance envers Dieu, de ce que ce bienheureux frère avait une foi qui n'était pas douteuse, mais bien affermie et bien manifestée.

Les années que vous avez passées ensemble sont un sujet d'actions de grâces envers le Seigneur. Elles ont eu de bien douces heures et n'ont été perdues spirituellement ; ni pour lui, ni pour vous. Puis, n'avez-vous pas encore en perspective une éternité à passer ensemble, où vous serez toujours avec le Seigneur ? Ceci est une réalité dont vous avez déjà les gages et les arrhes dans votre coeur, et la Parole de Dieu pour garant.

Qu'il nous soit donc donné au milieu de nos larmes des paroles d'actions de grâces. Il est permis de pleurer, la nature le demande, c'est un soulagement, c'est peut-être même un moyen de sanctification dans la main de Dieu. Mais il faut pleurer en cachant sa tête dans le sein du Seigneur, et en Lui disant avec cette femme du missionnaire morave qui avait vu son mari massacré par les indiens, et qui tombait elle-même dans les flammes d'une maison embrasée : « Cher Seigneur, tout est bien ! » - Oh ! que la puissance de l'Esprit s'exerce sur nous pour nous faire proférer une telle parole !

Quant aux chers enfants, ils font une grande perte. Le Seigneur est pourtant puissant pour la réparer, car Il est le Réparateur des brèches et le Père des orphelins. Les prières et la foi du défunt leur ont laissé une bénédiction, qui ne se révoque point. La mémoire du juste est en bénédiction et sa postérité sera bénie.

J'espère que ces chers enfants auront senti qu'un coup qui vient de les frapper de si près doit les rendre sérieux, et qu'ils comprendront qu'il y a autre chose à faire dans la vie que de jouer. J'espère que les instructions qu'ils ont reçues de.... et qui ont été appuyées de son exemple, leur reviendront en mémoire, et qu'ils sentiront qu'une grande responsabilité pèserait sur eux, s'ils n'en profitaient pas. Saluez-les affectueusement de ma part, en leur donnant ce passage, « Que ferez-vous quand la fin viendra ? »

Adieu, chère soeur, que le Seigneur se tienne près de vous, et qu'Il dirige nos coeurs à l'amour de Dieu et à l'attente de Christ

 LETTRE LXXV
22 mai 1844.

Le chrétien le plus éminent, c'est peut-être... un chrétien dont personne ne parle.

Monsieur et cher frère en notre Seigneur,
Je me suis réjoui en voyant paraître votre traduction de Leighton... La lire, ou plutôt me la faire lire, est un plaisir que je me réserve pour un de ces moments où le Seigneur nous dit comme à ses apôtres : Venez ici à l'écart, et prenez un peu de repos. - Mais faut-il que je vous le dise, mon cher frère ? le plaisir que m'a procuré votre travail, en paraissant au jour, a été un peu gâté par quelques jugements beaucoup trop favorables sur mon christianisme, qui se trouvent dans votre préface. Une personne qui est mon amie véritable, et à qui j'avais fait cadeau d'un exemplaire de votre traduction, sans en avoir lu un seul mot, est revenue, avec le même sentiment que j'ai éprouvé moi-même en le lisant ensuite, m'apprendre que vous faisiez dans votre préface l'éloge de ma piété.

Mon cher frère, veuillez ne pas prendre à mal ce que je vous dirai, et qui est le fruit d'une assez longue expérience. -
L'orgueil est le plus grand de tous nos maux. C'est de tous nos ennemis celui qui meurt le plus lentement et le plus difficilement. Les gens du monde eux-mêmes l'ont reconnu. Mme de Staël disait dans son lit de mort : « Savez-vous ce qui meurt le dernier chez l'homme ? c'est l'amour-propre. » - L'orgueil est la chose que Dieu hait par dessus tout, parce qu'il donne à l'homme la place qui appartient à Celui qui seul est haut élevé. L'orgueil est ce qui rompt la communion avec Dieu et attire ses châtiments ; car « Dieu résiste aux orgueilleux ; Il démolit la maison des orgueilleux ; Il rabaisse la fierté de l'homme ; » et Il dit « qu'Il y a un jour assigné contre tout homme hautain et orgueilleux. »
Tels étant les faits, vous comprenez, cher frère, qu'on ne peut pas faire plus de mal a quelqu'un qu'en lui donnant des louanges qui peuvent nourrir son orgueil. « Celui qui flatte son prochain étend le filet devant ses pas ; la langue qui flatte fait tomber. »

De plus, mon cher frère, croyez que nous sommes de trop courte vue pour juger du degré de piété de nos frères. Il faudrait, pour peser leur degré de christianisme, les balances du sanctuaire que nous n'avons pas, et qui sont entre les mains de Celui qui pèse les coeurs. Ne jugeons donc rien avant le temps, jusqu'à ce que le Seigneur vienne, qui « manifestera les desseins des coeurs, et qui rendra à chacun sa louange. » En attendant, ne portons nos jugements sur nos frères qu'avec beaucoup de modération, soit en bien, soit en mal, et souvenons-nous que le jugement le plus sûr et le meilleur à porter toujours, c'est celui qui se rapporte à nous, et par lequel nous « estimons dans l'humilité les autres plus excellents que nous-mêmes. »

Si je vous demandais, cher frère, comment vous savez que je suis « l'un des hommes les plus avancés dans les voies de la vie chrétienne ; » que je suis « un serviteur de Dieu éminent, » vous seriez sans doute fort embarrassé de me répondre.
Me citeriez-vous mes ouvrages ? Mais vous, qui faites aussi des sermons édifiants, ne savez-vous pas, par expérience, que les yeux voient plus loin que les pieds ne vont, et que malheureusement nous ne sommes pas toujours et en toutes choses les hommes de nos discours ? Nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin que l'excellence de sa force soit attribuée à Dieu et non à nous.

Je ne veux pas vous dire ce que je pense de moi. Je m'y rechercherais probablement, et peut-être en me recherchant pourrais-je paraître humble, ce que je ne suis pas. J'aime mieux vous dire ce que le Seigneur pense de moi. Ce glorieux Maître qui « sonde les coeurs » qui parle « en Vérité, » qui est « l'Amen, le Témoin fidèle et véritable, » m'a souvent parlé dans le secret de mon coeur ; grâces Lui en soient rendues ! Mais je puis déclarer que jamais Il ne m'a dit que je fusse un chrétien éminent et avancé dans les voies de la vérité. Au contraire, Il me dit très-clairement que si je savais me mettre à ma place, je devrais m'appeler : « Le premier des pécheurs et le moindre d'entre les saints. » - Vous me permettrez, mon cher frère, d'en appeler de votre jugement à celui du Seigneur.

Je puis dire que lorsqu'on me loue, j'éprouve deux choses ; l'une que mon orgueil voudrait encore trouver là sa pâture ; l'autre que ma conscience, et même quelque chose de plus, je l'espère, qui est en moi un commencement du nouvel homme, se déplaît dans ces éloges, en rougit, et même les ressent comme une espèce de reproche de paraître au-delà de ce que je suis.

Le chrétien le plus éminent, c'est peut-être, je dirai même probablement, un chrétien dont personne ne parle, un pauvre ouvrier, une pauvre servante dont Jésus est toute la joie, et qui fait toutes choses entre elle et le Seigneur. « Les premiers seront les derniers. »

Croyez-moi, mon cher frère, louons le Seigneur, Lui seul est digne d'être loué, révéré et adoré. Jamais l'on n'a assez célébré sa bonté. À cela il n'y a point de danger. Le cantique des bienheureux ne loue que Celui qui les a « rachetés par son sang. » Il ne renferme pas un mot d'éloge pour aucun d'eux ; pas un mot qui les classe en éminents et non éminents. Tous se confondent dans le titre commun de rachetés, qui fait leur gloire et leur bonheur. Tâchons, mon cher frère, de mettre nos coeurs en harmonie avec ce cantique auquel nous espérons de joindre un jour nos faibles voix. Ce sera notre bonheur dès ici-bas, et cela contribuera à la gloire de Dieu, qui souffre des éloges continuels que les chrétiens se donnent entre eux. Nous ne pouvons pas avoir deux bouches : l'une pour louer le Seigneur, l'autre pour louer l'homme.

Puissions-nous faire dès à présent comme les Séraphins qui, de deux de leurs ailes, couvraient leur face en signe de confusion ; de deux autres couvraient leurs pieds, comme cachant leurs démarches à eux et aux autres ; et de deux volaient pour exécuter la volonté de Dieu, en criant l'un à l'autre : « Saint, saint. saint est l'Éternel des armées ; tout ce qui est dans toute la terre est sa gloire ! »

Veuillez, cher frère, prendre en bonne part cette petite parole d'exhortation qui, se confondant peu à peu avec votre expérience, vous sera tôt ou tard utile, j'en ai l'espérance.
Je saisis avec plaisir cette occasion de me rappeler à votre souvenir, de me recommander à vos prières, de vous envoyer mes salutations fraternelles en Celui qui est notre espérance, et d'invoquer les bénédictions du Seigneur sur vous et sur vos travaux.

Veuillez, cher frère, si vous faites une seconde édition, comme je l'espère, retrancher" entièrement les deux phrases que je vous ai signalées, et me désigner tout simplement comme un frère ministre du Seigneur. Ces titres sont déjà assez beaux par eux-mêmes, sans y rien ajouter.

Votre frère.

 LETTRE LXXVI
1844.

Que de fois on donne ou on reçoit des impressions qui n'amènent à rien.

J'aime les scrupules, mais non pas ceux qui ne reposent que sur des mots. De nos jours plus que jamais, il faut se tenir en garde contre ces distinctions subtiles, au moyen desquelles on veut faire avec un rien de grandes choses, avec une paille une poutre. On a souvent besoin de se rappeler cette exhortation de l'Esprit saint : « Protestant devant le Seigneur que l'on ne dispute point de mots, ce qui ne sert de rien, et ne fait que pervertir les auditeurs » (2 Tim. II, 14 et 15).

Je bénis Dieu des réveils qu'Il opère dans les différents lieux que vous visitez. Je suis sûr que la foi des nouveaux convertis retrempe souvent la vôtre. On a quelquefois honte d'évangéliser des âmes qu'on sent être plus vivantes que soi-même. Mais tout cela est bon pour humilier et pour rappeler que « le Seigneur met son trésor dans des vases de terre, afin que l'excellence de sa force soit attribuée à Dieu et non aux hommes. »

J'ai bien aimé vos réflexions sur l'abus des choses permises, mais il faut aller à la pratique et dire avec Paul : « Toutes choses me sont permises, mais je ne me rendrai esclave de rien. » - Bien comprendre une chose, n'est pas la pratiquer. En toutes choses nous devrions chercher plus encore que la connaissance, cette puissance de l'Esprit par laquelle Christ est vivant au milieu des siens. Sans cela on émeut ou on est ému ; on persuade ou on est persuadé ; on dévoile le coeur des autres ou le nôtre nous est dévoilé ; on montre ce qu'on devrait être ou ou le sent ; mais on en reste là, parce qu'il manque la puissance de l'Esprit qui est créatrice et qui seule donne la vie, et par conséquent l'exécution. Que d'illusions à cet égard ! que de fois on donne ou on reçoit des impressions qui n'amènent à rien, parce qu'elles ne sont pas l'effet de la puissance de l'Esprit ; et pourtant on s'en sait gré, ou s'en contente, on s'endort là-dessus, et on se passe de la vie, pourvu qu'on ait des ébranlements qui y ressemblent. Aussi la chair qui y trouve son compte se met en chemin pour donner ces ébranlements ou pour les recevoir ; mais tout cela n'est qu'une tromperie qui 'n'amène qu'à se contenter d'une lampe sans huile.

 LETTRE LXXVII
Juillet 1844.

« Telle est ma foi j'en reste là, Dieu me soit en aide ! »

Si le sort des Églises tenait à une pauvre créature comme moi ou à un titre pris ou laissé, il tiendrait à bien peu de chose. Mais, grâces a Dieu, ma foi est autre que celle-là, et tout en reconnaissant la faiblesse et les infirmités des Églises, je les reconnais par la foi , comme des chandeliers d'or, ainsi que le Seigneur reconnaissait encore pour telles deux ou trois des Églises d'Asie, où il y avait tant de mal, de tiédeur et de mort, avec l'orgueil par dessus.

Si nous nous faisons châtier par le Seigneur, c'est notre faute ; mais toujours est-il vrai qu'il y a des Églises, des chandeliers d'or, au milieu desquels le Seigneur se promène ; aussi je regarde comme une opposition à la volonté du Seigneur l'idée d'abolir les Églises.

J'y ai foi, encore que je les verrais toutes périr sous mes yeux, tout comme j'ai foi à la conversion et à l'élection, quand même je verrais tous ceux qui paraissent enfants de Dieu, retourner en arrière. Je puis dire avec Luther terminant la lecture de sa confession de foi à la diète de Worms : « Telle est ma foi j'en reste là, Dieu me soit en aide ! »


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