Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE LXIII.
1842.

Ayez horreur de vous faire une justice de quoi que ce soit .

Ma chère soeur,
Votre lettre m'a fait plaisir, mais je serai encore plus heureux si le bien que vous avez éprouvé est durable, car je vous ai vue déjà dans de bons moments qui n'ont pas eu toutes les suites que j'en aurais attendu. Il y a trop souvent chez les enfants de Dieu de ces mouvements qui sont comme la rosée du matin et comme la nuée de l'aube du jour qui s'en va. Tout demande à être cultivé et développée par la vigilance et la prière, parce que l'esprit est prompt, mais la chair est faible.

Je vous conseille surtout de travailler pendant que vous êtes plus tranquille, à vous fortifier en l'homme intérieur, c'est-à-dire à rendre votre communion avec Christ plus étroite et plus habituelle ; sans cela vous n'aurez qu'une piété de circonstance ; vous croirez être plus calme quand vous serez loin de vos occupations, puis quand vous en serez de nouveau entourée, vous retrouverez la même agitation.

Ce qui vous manque, c'est d'être bien assise aux pieds du Seigneur pour l'écouter. Votre christianisme est trop agité et trop extérieur. Vous confondez souvent les moyens avec le but. De bonnes prédications, de bonnes méditations, de bonnes lettres, de bonnes conversations, de bonnes relations, sont pour vous une grande partie de votre christianisme, et pourtant toutes ces choses ne sont que des moyens pour en atteindre une beaucoup plus excellente, savoir la vie avec Christ. Le chemin conduit à la ville, mais le chemin n'est pas la ville ; et encore moins la carte de route qu'on regarde sans y marcher, est-elle la preuve qu'on arrivera ?

Votre christianisme m'a paru quelquefois un peu formaliste, c'est-à-dire que vous preniez les cérémonies pour le culte du coeur, les émotions passagères pour la piété durable, et les discours pour les actions.
Prenez-y garde ; tout ceci tient à la propre justice et à l'idée de se composer une religion dont ou puisse se satisfaire. On va jusqu'à se faire une propre justice de tenir ferme la doctrine du salut par grâce, et d'aimer l'entendre annoncer. Mais la doctrine de Christ n'est pas Christ, et il est des gens qui ont la doctrine sans avoir Celui qui est l'objet de la doctrine ; tout comme il est des gens qui admirent la piété des autres sans l'avoir, et qui croient que cela leur suffit, ou, qui du moins se trompent en croyant que l'admiration de la piété, c'est la piété.

Croyez-moi, ma soeur, moins de paroles avec les hommes, et plus de paroles entre Dieu et vous ; moins d'extérieur et plus d'intérieur. Sur toute chose, plus de pauvreté d'esprit et d'humiliation véritable dans le sentiment de votre néant une plus profonde persuasion que Christ est tout pour vous une disposition plus habituelle à se tenir à ses pieds, pour recevoir de Lui jour par jour et moment par moment tout ce dont vous avez besoin.

Ayez horreur de vous faire une justice de quoi que ce soit ; des discours que vous tenez, des bonnes choses que vous entendez, des bonnes résolutions que vous formez, de votre disposition à apprécier la piété des autres ; tout cela n'est pas Christ, tout cela est une abomination devant Dieu quand on s'en fait un appui, tout cela ne réjouit l'âme que pour un moment, et la laisse ensuite dans les ténèbres. On s'était appuyé sur un roseau cassé, et bientôt on retombe sur soi-même. Rien ne flétrit l'âme et ne l'obscurcit comme la propre justice ; rien ne la relève, ne la réjouit et ne la rend vigoureuse, comme de s'appuyer uniquement sur Christ et sur ses mérites. Lisez à cet égard le chap. XVII de Jérémie et le chap. VIII de Job.
Du reste, j'ai bonne espérance de vous, et je crois qu'il y a en vous un grain de foi qui se développera en son temps, sous la bénédiction du Seigneur. Mais il faut pour cela employer les moyens qui développent la vie, et éviter ce qui peut l'étouffer. Puisque vous avez reconnu que l'éloignement de tout ce qui agite voire âme en l'occupant trop vous est favorable, souvenez-vous-en quand vous rentrerez chez vous, et retranchez de votre maison beaucoup de choses qui fournissent un prétexte à l'agitation.

Je ferai vos salutations aux frères et soeurs comme vous m'en chargez. L'expression de votre affection leur fera plaisir. Elle m'en a fait à moi-même car quoique je ne fasse pas consister la charité cri démonstrations extérieures, cependant là où même les démonstrations manquent, il faut qu'il y ait bien peu de chose. Grâces au Seigneur, il m'est donné de me souvenir quelquefois de vous dans mes prières ; je voudrais que ce fût plus souvent ; mais heureusement il en est un à la droite du Père, qui prie pour nous sans tiédeur et sans interruption.

Recevez, chère soeur, l'expression de mon affection en Christ notre espérance, et mes voeux pour qu'Il soit votre vie à tous, afin que lorsque la mort arrivera, elle vous soit un gain.

LETTRE LXIV
Pour le 1er janvier 1843.

Dieu ne travaille pas en nous au gré de notre paresse, c'est-à-dire sans que nous y concourions.

Et à toi, ma chère fille, que faut-il te souhaiter ? Je pense que tu seras d'accord avec moi quand je te souhaiterai cette piété qui a les promesses de la vie présente et de celle qui est à venir. Je suis bien aise que tu en aies toi-même quelque désir ; mais tâche de n'avoir pas le désir du paresseux qui le tue, parce que ses mains ont refusé de travailler. Il y a de nos jours beaucoup de gens qui font force bons souhaits ; mais vraiment à voir combien peu ils se réalisent, on serait tenté de croire qu'un certain nombre de ces souhaits ne sont que des espèces de formes par lesquelles on cherche à satisfaire et soi et les autres ; une espèce de fausse monnaie qui a cours entre gens qui s'en contentent réciproquement, mais qui n'a vraiment pas cours dans le royaume des cieux qui ne consiste pas en paroles, mais en efficace.
Comme le Seigneur ne manque ni de puissance, ni de fidélité, et comme il a dit : « Si vous demandez une chose en mon nom, je la ferai ; » il faut que celui qui ne reçoit pas, ne demande pas sincèrement ou ne demande pas au nom de Jésus. « Vous n'obtenez pas, » dit l'Esprit par l'apôtre Jacques, « parce que vous ne demandez pas ; vous demandez et vous n'obtenez pas, parce VOUS demandez mal. »

Je ne puis absolument pas admettre, parce que ce serait faire injure à Dieu qui a promis le contraire, que celui qui prie sincèrement et au nom de Jésus puisse n'être pas exaucé, et ne pas faire des progrès. D'ailleurs en priant, il faut veiller, car il est dit : « Veillez et priez. » Quand on a rempli sa cruche à la fontaine, il ne faut pas la porter négligemment, de manière à verser de côté et d'autre, car bientôt elle serait, aussi vide qu'auparavant. Pour devenir riche, il faut non seulement gagner, mais encore soigner ce qu'on a pour ne pas le dissiper. On reçoit plus qu'on ne le pense. Quand on se plaint à Dieu, comme s'Il ne donnait rien, Il pourrait, en réponse, nous faire un long catalogue des grâces qu'Il nous a accordées et dont nous n'avons pas profité. Dieu ne travaille pas en nous au gré de notre paresse, c'est-à-dire sans que nous y concourions.

Adieu, ma chère enfant, je t'embrasse de coeur ne pouvant le faire autrement. Que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ te comble de ses grâces les plus précieuses

Ton père.

LETTRE LXV
1843.

Pour qu'une Église soit vivante, il faut que chacun de ses membres travaille à le devenir.

Mon cher frère,
J'ai besoin d'avoir de vos nouvelles : je suis vraiment dans l'inquiétude à votre sujet, et plus d'une fois j'ai crié à notre Père céleste en votre faveur pour Lui demander qu'Il vous rendît victorieux du malheureux penchant dont vous m'entretenez. Dites-moi si vous avez prié de votre côté, et si vous avez obtenu une délivrance. À toute force il faut couper le bras, arracher l'oeil, qui font broncher.

Si votre métier vous offre des tentations au-dessus de vos forces, il faut absolument le quitter. Dieu est puissant pour vous nourrir d'une autre manière.
La fin de toutes choses est proche, mon cher frère, soyons donc sobres, et vigilants dans les prières ; prenons garde à nous, de peur que nos coeurs ne s'appesantissent par l'excès des viandes et du vin, et par les soucis de la vie.

Je souhaite que l'Eglise dont vous faites partie ait non seulement la forme, mais la vie d'une Église, car le Seigneur ne soutient pas des formes sans vie, et là où est le corps mort, là aussi s'assemblent les aigles, c'est-à-dire les instruments de destruction. Jamais les erreurs n'auraient fait tant de mal aux Églises, si nous avions eu une vie abondante, et qu'un amour fraternel bien tendre nous eût unis fortement les uns aux autres. Reconnaissons que le Seigneur nous a châtiés justement. Prions-le de ne pas éteindre le lumignon qui fume, mais de le rallumer par son souffle de vie ; serrons-nous les uns contre les autres et chacun de nous contre le Sauveur qui nous conseille d'acheter de Lui de l'or éprouvé par le feu, afin que nous devenions riches.

Pour qu'une Église soit vivante, il faut que chacun de ses membres travaille à le devenir. Si chacun attend beaucoup des autres et donne peu ; si chacun attend que son prochain lui rende la vie, sans chercher lui-même à la retrouver, tout ira très-mal, et on perdra le temps à s'attendre inutilement les uns les autres.
On pourrait souvent dire aux chrétiens ce que Jacob disait à ses fils : « Pourquoi vous regardez-vous les uns les autres ? » Il vaudrait beaucoup mieux aller tous ensemble là où Joseph a des greniers remplis de blé, qu'il vend pour rien à ses frères, que d'attendre la délivrance qui vient de l'homme, et qui n'est que vanité.

Ne perdons pas courage. Avec le temps, tout ce qui est de Dieu demeurera ; tout ce qui n'est pas de Dieu tombera tant chez les uns que chez les autres. Lorsque tour a tour nous aurons été promenés sur le crible ou passés au creuset, ce qui restera se rassemblera plus facilement en une seule masse. C'est la crasse qui nous empêche de nous fondre en un seul lingot.

Saluez très-affectueusement toute l'Église et aussi vos parentes qui nous ont si bien reçus. Que le Seigneur les reçoive aussi dans sa plus intime communion, etc.

LETTRE LXVI
Février 1843.

Regarder à soi, pour s'étudier soi-même et se surveiller exactement.

Mon cher ami,
Si je n'ai pas répondu plus tôt à ta lettre, ce n'est pas faute d'intérêt, mais faute de temps.
Elle m'a fait un vrai plaisir, car supposant, comme j'ai lieu de le croire, que tout ce que tu me dis est tiré de ton expérience et non de ta tête, il ne me semble pas douteux qu'il n'y ait une oeuvre commencée en toi. Or, comme je sais que Celui qui a commencé en nous la bonne oeuvre la perfectionnera jusqu'au jour de Christ, j'ai tout lieu de me réjouir à ton sujet.
Toutefois, comme on en voit qui reçoivent la Parole avec joie, et qui ensuite se retirent lorsque la tentation ou la persécution survient ; comme il en est d'autres qui reçoivent la Parole parmi les épines où elle est étouffée par les soucis, par les inquiétudes et par les voluptés ; il faut veiller et prier, ne pas s'endormir sur ce qu'on a déjà reçu, oublier les choses qui sont derrière, s'avancer vers celles qui sont devant. Le meilleur moyen pour ne pas décroître, c'est de croître.

Je suis bien aise que tu sois en garde contre la propre justice. C'est un pays dans lequel on fait toujours de nouvelles et tristes découvertes. Autre chose est d'admettre un système où la propre justice n'entre pour rien autre chose est d'être dépouillé réellement et pratiquement de toute propre justice. C'est un Protée qui prend toutes les formes. Luther disait à ses étudiants : « Il y a trente ans que je prêche contre la propre justice, et j'en suis encore tout rempli. » - Chose étonnante, j'ai vu des chrétiens qui me semblaient évidemment se faire une propre justice d'être dépouillés, à ce qu'ils croyaient, de la propre justice. Ils parlaient de leur affranchissement en Christ avec un ton de satisfaction, et de ce qu'ils appelaient le peu d'affranchissement des autres avec un tel dédain, qu'ils me paraissaient annoncer que la chose était plus dans leur tête que dans leur coeur.
L'homme le plus dépouillé de propre justice, s'humiliera encore en reconnaissant qu'il en a beaucoup ; car s'il n'en avait plus, il n'aurait plus d'orgueil. Or, il n'y a qu'un orgueilleux qui puisse s'imaginer être tout-à-fait humble. Les preuves du dépouillement de la propre justice sont de regarder beaucoup plus à Jésus qu'à soi ; de ne rien faire sans chercher sa force ; de se croire capable de tout mal ; de ne s'étonner d'aucune des monstruosités qu'on découvre dans son coeur ; d'avouer franchement ses fautes ; de supporter la correction ; de ne chercher d'autre justification que le sang de Christ ; de pouvoir envisager la mort sans frayeur, en se sentant le premier des pécheurs.

Ceci m'amène à te conseiller de prendre garde à une erreur dans laquelle tombent quelques chrétiens, c'est de croire que le sentiment de la misère est contraire au dépouillement de la propre justice. Ces chrétiens, sous prétexte qu'il ne faut pas regarder à soi pour y trouver un fondement de salut, ne souffrent guère qu'on les engage à sonder leur plaie. Quand on le fait, ils répondent que de regarder à soi décourage, qu'il vaut mieux regarder à Christ où l'on trouve tout ce qu'il nous faut. Ils crient qu'on veut les remettre sous la Loi, qu'on ne comprend pas la Grâce, etc., etc.

Le fait est, qu'il ne faut jamais regarder à soi pour se relever, pour y chercher de la justice ou de la force. Mais il faut regarder à soi, pour s'étudier soi-même et se surveiller exactement. C'est à quoi reviennent tous les passages qui disent : « Veillez ; » « soyez attentifs sur vous mêmes», « examinez-vous vous-mêmes « gardez votre coeur de tout ce dont il faut se garder, etc., etc.

Je suis bien aise que tu aimes le Miel découlant du Rocher, qui est excellent pour nous dépouiller de nos vieux vêtements. Toutefois, il renferme quelques pensées hasardées ou exprimées avec peu de justesse.
Nourris-toi avant tout de la Parole qui ne contient aucune erreur, ni pour le fond, ni pour l'expression : « Le témoignage de l'Éternel est assuré ; c'est un argent affiné au fourneau par sept fois. » « Le principal point de la Parole, c'est la vérité. » -

Les hommes n'écrivent presque jamais sur les choses spirituelles sans y mêler du leur, c'est-à-dire du faux. C'est pourquoi il faut aller avant tout aux sources de l'eau vive où les eaux sont pures et sans mélange. Quant à ce qu'ont écrit les hommes, « il faut éprouver toutes choses et retenir ce qui est bon. »

Je suis bien aise que tu sentes à présent la nécessité de te lier avec des chrétiens : « Celui qui est né de Dieu aime aussi celui qui est né de Lui. » - J'espère que tu seras gardé contre une certaine teinte mystique de quelques chrétiens de nos jours, qui, lassés des discussions, se renferment en eux-mêmes ou se concentrent dans un petit cercle de chrétiens de leur choix, où ils cherchent à vivre le plus doucement possible. C'est quelque chose qui est fort agréable à notre homme naturel, mais qui n'est pas du tout selon Dieu, qui veut que nous aimions tous nos frères, que nous nous exhortions tous l'un l'autre, que nous reprenions les déréglés, que nous supportions les faibles, et que nous soyions d'un esprit patient envers tous.

Adieu, cher ami, que le Seigneur dirige ton coeur à l'amour de Dieu et à l'attente de Christ !

LETTRE LXVII
1843.

La vie ne se trouve ni dans la voie du paresseux, ni dans la voie de la propre justice.

Je suis bien aise, ma chère soeur, que la vie ait repris dans votre âme. C'est le premier des biens. Il faut tout faire, tout sacrifier pour l'avoir. Elle ne se trouve ni dans la voie du paresseux, ni dans la voie de la propre justice. Elle se trouve en s'approchant de Christ qui est la vie, et qui est venu, afin que ses brebis aient la vie, et qu'elles l'aient même avec abondance. Il faut demander fréquemment le souffle du saint-Esprit, dont l'affection est la vie et la paix.
David dit dans un psaume en parlant des créatures : « Caches-tu ta face ? elles sont troublées ; retires-tu ton souffle ? elles défaillent et retournent en poudre ; mais si tu renvoies ton Esprit, elles sont créées de nouveau, et tu renouvelles la face de la terre. »
C'est pourquoi, lorsque nous nous sentons défaillir, il faut crier à Dieu : « Fais reluire sur moi la clarté de ta face, et je serai délivré ! Rends-moi la vie, et j'invoquerai ton nom ! » Il faut ouvrir par le désir de l'âme et par le regard sur Christ toutes les fenêtres de notre coeur, afin que les rayons du soleil de justice puissent y pénétrer et y porter vie, lumière, chaleur et santé. Puis, il faut ôter tout ce qui fait ombre devant notre âme ; les vaines paroles, la bonne opinion de soi-même, les péchés d'habitude, la négligence à lire la Parole de Dieu, les agitations inutiles, etc., etc. Il faut au moins combattre toutes ces choses, c'est-à-dire, avec le secours de Dieu, faire effort pour les écarter, comme quelqu'un qui couperait chaque jour des branches qui s'entrelaceraient devant ses fenêtres et intercepteraient les rayons du soleil. - Ma chère soeur, que le Seigneur nous enseigne de telle manière que ces choses soient pour nous beaucoup plus que des paroles !

Que la paix de Dieu, qui passe toute intelligence, garde votre coeur et vos sentiments en Jésus-Christ

LETTRE LXVIII
1843.

La vie prêche plus que les discours.

La simplicité convient à tous les chrétiens, et particulièrement à ceux qui prêchent le renoncement au monde et à ses convoitises. Comme vous l'avez dit en parlant du brave frère ...., la vie prêche plus que les discours. Je suis intimément persuadé que lorsque Dieu enverra des hommes qui auront un renoncement au monde semblable à celui de Jean-Baptiste, d'Elie, des apôtres et des premiers chrétiens, ou à celui de quelques missionnaires des premiers siècles, qui se nourrissaient de pain grossier et mangeaient dans des plats de bois, alors on verra dans le monde de grandes choses. Nous sommes encore trop messieurs, trop gens imitant les façons de faire des nations, pour frapper le monde par les contrastes que nous devons présenter avec lui ; le tout vient de ce que l'amour du Seigneur est encore trop faible dans nos coeurs, et cette faiblesse vient de ce que nous ne croyons pas véritablement ce qu'Il a fait pour nous. Le ciel, l'enfer et la croix de Christ sont encore pour nous, au moins pour une partie, des dogmes plutôt que des réalités. Le remède est de beaucoup demander l'Esprit qui conduit dans toute la vérité, et l'accomplissement de cette promesse d'Esaïe : « J'établirai leur oeuvre dans la vérité. » Puis, se dire souvent à soi-même : Crois-tu ou ne crois-tu pas ? Parles-tu sincèrement et au nom de Dieu ? Dieu a-t-Il donné un spectacle en la croix de Christ, ou bien s'est-il passé là la plus solennelle des réalités ?
Puis, il faut mettre la main à l'oeuvre pour entrer de plus en plus dans la réalité. Il faut tendre à être réel dans ses relations avec Dieu ; réel dans ses prières, dans son ton, dans sa foi, dans ses renoncements. Il faut éviter tout ce qui est faux, tout ce qui sent la parade, tout ce qui ne mène pas à l'exécution.

J'espère que l'indisposition dont vous me parlez n'aura pas été grave, et que vous êtes à l'ouvrage comme à l'ordinaire. La vie de ceux qui travaillent pour le Seigneur suit d'autres règles que la vie des hommes qui ont le temps d'être malades. Quant à nous, le Seigneur qui veut bien nous employer, abrège souvent nos indispositions, et les guérit de sa propre main. Lorsqu'on connaît ce secret de sa bienveillance, on peut quelquefois se mettre en chemin avec la fièvre, persuadé qu'elle se guérira dans la route.

LETTRE LXIX
Décembre 1843.

Notre grand mal, c'est de n'être pas assez simples.
Madame et chère soeur,
Il paraît d'après votre lettre, que le Seigneur Lui-même vous a déjà amenée là où je voulais vous amener, c'est à aller à Lui telle que vous êtes. Je crois que l'ouverture que vous m'avez faite aura été bénie pour vous, et aura contribué à voire délivrance. Ce n'est pas pour rien qu'il est écrit : « Confessez-vous vos fautes les uns aux autres et priez les uns pour les autres, afin que vous soyiez guéris. »

Quoique je jouisse du bon moment que vous avez, je puis presque vous prédire que de mauvais moments reviendront. Il est bien rare qu'une âme ballottée et dont le caractère naturel est porté a la mélancolie, arrive tout d'un coup à un calme permanent. Prenez patience, chère soeur, le temps du repos arrivera une fois. Laissez faire Celui qui vous connaît mieux que vous ne vous connaissez vous-même, et qui humilie votre âme par le travail. L'orgueil est le pire de nos maux, et celui qui engendre presque tous les autres. Voilà pourquoi le travail de l'Esprit saint porte principalement sur ce point. Or, rien n'est plus humiliant que d'avoir beaucoup dans l'intelligence et peu dans le coeur ; d'être sans cesse en vue de misères que l'on connaît, qui font gémir, et dont pourtant ou ne peut pas se débarrasser tout-à-fait.

Croyez que j'en connais quelque chose, et qu'il n'est pas une des misères dont vous me parlez, que je ne trouve en moi avec d'autres encore. Plusieurs fois j'ai reçu d'autres âmes les mêmes confidences. Dans tous ces cas, je n'ai pu donner et je ne puis me donner à moi-même d'autres directions que celle que me donna, il y a quelques années, un frère auquel je m'ouvris. « J'ai toujours trouvé, » me dit-il, « que j'étais heureux quand il m'était donné d'aller à Jésus tel que je suis. »

Je vous répéterai aussi un mot que mon bienheureux frère me dit à une époque où, étant dans un grand travail d'âme, je m'ouvris à Lui : « Quand tu serais noir comme l'enfer, encore aurais-tu le droit, comme enfant d'Adam, d'aller à Celui qui est mort pour les pêcheurs, et de te prévaloir des promesses faites à tous ceux qui croient en Lui. »

Notre grand mal, c'est de n'être pas assez simples. Nous faisons en quelque sorte des compliments et des façons avec le Sauveur. Nous arrivons à Lui avec une espèce d'étiquette, au lieu qu'il faudrait y aller tout bonnement comme des pécheurs perdus qui ne peuvent pas même se faire un mérite de la connaissance de leurs misères, car ils en ont infiniment plus qu'ils n'en voient eux-mêmes ; et puis, connaître n'est pas sentir.

Je puis vous dire par expérience que le mal est à moitié guéri, lorsqu'on sait consentir à un état d'âme humilié, et dire avec le prophète : « Quoi qu'il en soit, c'est une maladie qu'il faut que je souffre. » « Le dépit nous tue, » comme le dit l'Écriture, parce qu'il ajoute au mal que nous avons, un mal plus grand encore, qui est le dépit lui-même. Les maux s'exagèrent par l'attention qu'on y donne, et ils s'enveniment lorsque l'âme s'en aigrit. Il se fait alors dans l'âme un travail de dépit pour se débarrasser du mal, dépit qui tourne le fer dans la plaie et qui l'élargit. Il vaut mieux rester abattu sous sa charge, en criant à Dieu pour avoir du secours, que de faire de vains et inutiles efforts pour se relever par soi-même. Il vaut mieux rester paisiblement en prison, que de se casser la tête contre les murs pour les renverser.

Voici deux passages d'un grand usage pour votre cas : « Accommodez-vous aux choses basses, » puis - « Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, et Il vous élèvera quand il en sera temps, Lui remettant tout ce qui vous charge, parce qu'Il prend soin de vous. »
Je n'ai plus que le temps de vous saluer bien affectueusement en notre Seigneur.

Votre ami et frère.


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