Oeuvres posthume de A.
Rochat
Ministre du
Saint Évangile
LETTRE LVII
Novembre 1842.
Les Églises fidèles doivent
consentir à être réduites
à un petit nombre, et à se contenter
du petit résidu que le Seigneur s'est
réservé.
Quant aux membres des Églises qui
penchent vers l'erreur, il faut user de
discernement comme il est dit dans Jude, et avoir
pitié de ceux qu'on peut encore ramener avec
du support et de la charité. Quant à
ceux qui sont entièrement
décidés, et qui ne restent
quelquefois dans les Églises que pour en
entraîner d'autres, il faut les reprendre
fidèlement, leur faire sentir qu'ils n'ont
pas une marche droite et qu'on n'est pas à
l'aise avec eux ; il faut leur interdire la
parole et exhorter les autres membres de l'Eglise
à se tenir en garde contre eux.
Du reste, il faut s'affliger, mais non
pas s'étonner ni se décourager, s'il
est des membres des Églises qui tombent dans
des erreurs. L'Esprit saint dit : Il faut
même qu'il y ait des
hérésies parmi vous, afin que ceux
qui sont dignes d'être approuvés
soient manifestés. Dans les temps où
nous vivons, les Églises fidèles
doivent consentir à être
réduites à un petit nombre, et
à se contenter du petit résidu que le
Seigneur s'est réservé. Ces petits
noyaux ne doivent nullement se laisser
ébranler, sachant qu'ils ont la
vérité dans leurs mains et qu'ils en
sont les dépositaires. Ils doivent
s'humilier de ce que leurs péchés ont
forcé le Seigneur à ne leur laisser
que quelques petits restes, comme il est dit dans
Esaïe. Ils doivent demander instamment au
Seigneur de les ranimer, et mettre la main à
l'oeuvre incontinent.
Ceci m'amène à ce que vous
dites que vous avez le bruit de vivre, mais que
vous êtes morts. Si vous avez voulu parler de
l'état intérieur de l'Eglise et non
pas de l'état extérieur, et si votre
remarque est vraie, ce serait une chose
très-fâcheuse.
Le manque de vie est une des choses qui
engagent le Seigneur à ôter le
chandelier de sa place et qui amène la
dissolution d'une Église ; car
où est le corps mort, là aussi
s'assemblent les aigles.
Le manque de vie donne prise aux erreurs
et les engendre, comme la mort engendre les vers
dans le corps humain. Quand les membres d'une
Église sont heureux dans leurs relations
avec le Seigneur, on ne leur persuade pas si
facilement qu'une nouvelle doctrine va produire sur
eux des effets admirables ; on ne leur fait
pas si facilement envie de ces joies et de ces
sanctifications triomphantes, dont chaque
système fait parade, pour attirer à
lui des partisans. Ils ont en Christ une joie et
une sanctification humbles, mais sûres et
éprouvées, qu'ils savent
apprécier, et qu'ils ne sont pas
tentés de changer contre les impressions
fiévreuses que produit l'exaltation, fruit
d'un nouveau système. Quand ils sont heureux
dans leurs relations les uns avec les autres, on ne
les sépare pas facilement les uns des
autres. Mais quand la vie s'est refroidie dans une
Église, et que les relations des âmes
avec le Seigneur et entre elles
ne suffisent pas pour les rendre heureuses ;
alors elles sont facilement attirées vers
tout ce qui leur présente un moyen de sortir
du malaise où elles se trouvent.
Il faut donc chercher comme souverain
remède aux erreurs, ou préservatif
contre elles, un renouvellement de vie. Or, vous
savez, mon frère, que la vie ne se trouve
qu'en Christ et dans l'union avec Lui. Pour
revivre, il faut prier le Père de rendre
notre union avec le Fils plus intime et plus
vivante par le saint-Esprit. Il faut en même
temps confesser au Seigneur sa langueur, Lui
demander de la guérir, et surtout être
persuadé que tels que nous sommes, Il nous
reçoit encore pour ses enfants ; que
tels que nous sommes, Il peut et Il veut encore
nous bénir de toute
bénédiction en Christ.
Pourquoi se décourager, puisqu'Il
faisait des offres si miséricordieuses
à l'Eglise de Laodicée, qui
était tiède. et qui se croyait
riche ? Il lui conseillait d'acheter de Lui
des vêtements blancs, afin qu'elle soit
vêtue, et de l'or éprouvé par
le feu, afin qu'elle devînt riche. Oui y ce
charitable Sauveur que nous avons si souvent
laissé en dehors de nos pauvres coeurs, se
tient à la porte et y frappe ; et Il
demande seulement que nous Lui ouvriions, afin
d'entrer chez nous et de soutenir avec nous les
relations les plus étroites.
C'est à Lui qu'il faut ouvrir la
porte ; c'est Lui qu'il faut laisser parler et
dans notre coeur et dans nos assemblées.
Lui, ne nous fera jamais de mal, ne nous enseignera
jamais d'erreur, ne nous divisera jamais, ne nous
donnera jamais de fausses joies et de fausses
sanctifications, et n'abandonnera jamais l'ouvrage
de ses mains. Tout ce que nous recevrons de Lui
sera de l'or éprouvé par le feu. En
Lui, nous aurons tout pleinement. En Lui, nous
avons l'entière justification, car Il est
l'Éternel notre justice ; il y a
rédemption en abondance auprès de
Lui. Quelque péché et quelque
blasphème que les hommes aient commis, il
peut leur être pardonné, et quand nous
revenons à Lui, sales,
pauvres et
déguenillés comme l'enfant prodigue,
ses bras sont ouverts pour nous recevoir, ses pieds
sont là pour courir au devant de nous, et
son coeur est là, toujours le même,
toujours brûlant lors même que le
nôtre s'est refroidi, toujours prêt
à s'ouvrir à l'enfant qui revient, et
à se réjouir de ce que celui qui
était mort est ressuscité. Notre bon
Père dit toujours de nous, ce qu'Il dit
d'Ephraïm qui reconnaît avoir
été châtié comme un
taureau indompté :
« Ephraïm ne m'a-t-il pas
été un cher enfant que j'ai
aimé ? Car toutes les fois que j'ai
parlé de lui, je n'ai pas manqué de
m'en souvenir avec tendresse : c'est pourquoi
mes entrailles se sont émues à cause
de lui, et j'aurai certainement pitié de
lui, dit l'Éternel »
(Jér. XXXI, 20).
En retournant à notre Père
par Jésus-Christ, nous retrouverons non
seulement un pardon plein, entier, et même
joyeux ; mais encore la guérison de
toutes nos plaies. Il est l'Éternel qui nous
guérit. David dit, qu'Il guérit
toutes nos infirmités.
Si nous Lui confessons nos
péchés, Il est fidèle et juste
pour nous les pardonner et pour nous purifier de
toute iniquité. Christ est mort, non
seulement pour nous acquérir le pardon, mais
aussi l'affranchissement du péché. Il
est dit, qu'Il est mort pour nous pardonner et nous
purifier de toute iniquité. Il est dit que
notre vieil homme a été
crucifié avec Christ, afin que le corps du
péché fût détruit, et
que nous ne fussions plus asservis au
péché ; car celui qui est mort
est affranchi du péché.
C'est pourquoi nous sommes
exhortés, dans ce même
chap. VI de l'épître aux
Romains, à combattre courageusement
contre le péché, et à ne pas
livrer nos membres pour servir d'instrument
à l'iniquité ; car le
péché n'aura pas la domination sur
nous parce que nous ne sommes pas sous la Loi, mais
sous la Grâce.
Bon courage donc, cher frère,
saisissons Christ et ses promesses avec les deux
mains. Il est à nous avec tous ses biens,
car Il est pour tous ceux qui ont faim et soif de
la justice. Il est pour tous
ceux qui veulent être guéris. Ne
craignons pas que notre misère le repousse,
car Il est le refuge du pauvre, du
misérable, et de celui qui n'a personne qui
l'aide ; et Il délivrera le
misérable criant à Lui.
Ne craignons pas qu'il nous fasse de
durs reproches sur notre tiédeur
passée, car Il n'éteint point le
lumignon qui fume, Il ne brise point le roseau
froissé. Dieu donne la sagesse sans la
reprocher, et s'Il fait des reproches, c'est pour
ramener à Lui ceux qui
s'égarent ; mais jamais pour
éloigner de Lui ceux qui reviennent.
Réjouissons-nous donc de ce que
notre Père céleste est le même,
et notre Jésus le même que dans les
premiers jours de notre conversion.
Il nous a aimés d'un amour
éternel, c'est pourquoi Il n'a pas
changé. Approchons-nous donc avec confiance
du trône de la Grâce, afin d'obtenir
miséricorde, et d'être aidés au
temps convenable. Réchauffons nos coeurs au
foyer de l'amour de Dieu pour nous. Sondons cet
amour ; plongeons-nous dans cet amour,
malgré toutes nos impuretés, comme
Naaman dans les eaux du Jourdain. C'est là
que nous perdons notre lèpre, que nous
apprendrons à aimer Dieu, et à nous
aimer les uns les autres. Alors, vivifiés
par ce feu qui n'est pas un feu étranger,
par ce feu que nous n'aurions jamais dû
laisser éteindre, et qu'il ne faut rallumer
qu'avec un charbon pris sur l'autel ; nous
serons en état de recevoir avec amour, mais
aussi avec fermeté, ceux qui nous apportent
des erreurs et des divisions.
Nous pourrons leur dire :
Frères, nous avons Christ, tout Christ, et
rien que Christ. Selon que nous avons reçu
le Seigneur Jésus, nous voulons marcher en
Lui. Si vous voulez venir nous aider à nous
humilier, à nous repentir, à nous
réjouir, à nous sanctifier en Christ,
soyez les bienvenus au milieu de nous. Mais si vous
venez nous apporter des doctrines diverses et
étrangères, si vous venez nous
diviser et nous troubler, que le Seigneur vous
juge. Quant à nous, nous devons
prendre garde à vous, et
nous tenir en garde contre vous, puisque vous venez
faire au milieu de nous une oeuvre selon la
chair.
Or, mon frère, que
l'Éternel ait pitié de nous et nous
bénisse, et qu'Il fasse luire sa face sur
nous, afin que sa voie soit connue par toute la
terre, et son salut parmi toutes les nations !
Dieu, notre Dieu nous bénira, et la terre
rendra son fruit.
Après vous avoir écrit
ceci, il me vient dans la pensée que l'on
dit et que l'on écrit souvent des choses
bonnes en elles-mêmes, mais qui produisent
bien peu d'effet, parce que ceux auxquels on
s'adresse se contentent de lire ou d'entendre, et
qu'ils s'imaginent que quand ils ont
approuvé les choses, en disant. C'est bien
vrai, c'est tout ce qu'on demande d'eux.
Je désire qu'il n'en soit pas
ainsi de vous et des frères qui vous
entourent ; car l'habitude d'entendre sans
profiter endort et endurcit le coeur.
Je remarque toujours plus que, pour les
choses spirituelles, nous sommes d'une paresse
inconcevable. On trouve plus aisé de se
plaindre continuellement de sa langueur, et encore
plus de celle des autres, et de
répéter continuellement qu'il
faudrait bien un réveil, que de faire la
moindre chose pour amener ce réveil.
On a souvent le souhait du paresseux,
qui tue, parce que ses mains ont refusé de
travailler. C'est cette paresse spirituelle qui
fait que l'on se jette tantôt vers un homme,
tantôt vers un autre, comme si l'on voulait
le charger de nous réveiller, et de faire ce
que nous n'avons pas voulu faire nous-mêmes.
Il serait temps d'ouvrir les yeux sur une erreur si
commune et si funeste. Il serait temps de cesser
ces plaintes qui ne mènent à rien, et
qui ne font que décourager et soi-même
et les autres. Il serait temps de
réfléchir qu'on a en soi-même,
dans l'Esprit de Dieu qui nous est donné, et
hors de soi dans les promesses de Dieu en Christ,
tout ce qui est nécessaire à la vie
et à la
piété. Il serait temps de ne pas
toujours aller chercher dans les hommes ce que nous
trouvons en Dieu. Il serait temps de comprendre
qu'un homme ne peut pas nous faire parvenir d'un
saut par son système, au bout de la
carrière chrétienne, dans laquelle
nous ne voulons pas nous donner la peine de marcher
chaque jour avec soin en luttant contre les
difficultés que nous y rencontrons. Il
serait temps de considérer ce que dit
l'apôtre, que nul n'est couronné, s'il
n'a combattu selon les lois, et qu'il faut que le
laboureur travaille premièrement, et
qu'ensuite il recueille les fruits.
J'aime beaucoup mieux un chrétien
qui chaque jour marche, combat et lutte contre les
difficultés, quoique peut-être avec
peine, que celui qui est toujours à se
lamenter de la manière dont il marche, ou
qui court après le premier venu, en ayant
l'air de lui dire : Portez-moi.
Je termine ma longue lettre, sur
laquelle j'implore la bénédiction du
Seigneur, en vous disant quelques mots sur
l'interprétation de
1 Cor. 9, dont vous m'avez
parlé.
Si on lit avec attention tout ce
morceau, on voit que l'Esprit saint emploie ici une
comparaison qui Lui est familière et qui
consiste à représenter la
carrière chrétienne, comme un de ces
espaces où les anciens, Grecs et Romains,
célébraient les jeux à la
course, dans lesquels le meilleur coureur obtenait
un prix qui était posé devant lui au
bout de la carrière.
L'apôtre dit, qu'il fait comme un
bon coureur qui, au lieu de s'arrêter
à regarder l'espace qu'il a
déjà parcouru, ne s'occupe
qu'à courir en avant pour saisir le but de
sa course, savoir le prix qui est au bout de la
carrière.
Cette interprétation toute
naturelle et toute simple condamne non seulement
ceux qui croient être parvenus à la
perfection, mais encore ceux qui, par paresse ou
par lâcheté, s'endorment sur ce qu'ils
croient avoir déjà fait, et n'ont pas
cette ardeur qui porte à aller toujours en
avant, jusqu'à ce qu'on ait atteint le but.
Adieu, mon cher frère, il faut
pourtant en finir. Que le Dieu de paix vous donne
la paix en toute manière.
LETTRE LVIII
Avril 1842.
Plus vous parlerez de Lui..., plus
vous ferez valoir l'efficace de son sang dans vos
prières...
Chers frères,
Vous me demandez des conseils et des
directions. Je répondrai volontiers à
votre désir selon mon pouvoir et selon la
lumière que le Seigneur me donnera.
Toutefois, ne vous fiez jamais trop aux hommes. Les
plus éclairés peuvent se tromper.
Cherchez avec confiance les directions de l'Esprit
de Dieu, qui n'est pas amoindri, Le Chef de
l'Eglise se promène toujours au milieu des
chandeliers. Il est toujours le Conseiller, et son
Esprit de vérité conduit toujours
dans toute la vérité ceux qui le
consultent avec un coeur humble et droit, qui ne se
hâtent point, et qui prennent la Parole et
toute la Parole pour lampe à leurs pieds et
lumière à leurs sentiers. Allez jour
par jour, comme le Seigneur vous mènera. Ne
décidez rien qu'avec une pleine assurance de
foi. Quand vous êtes dans le doute,
abstenez-vous d'agir, ou si vous êtes
forcés de le faire, faites provisoirement ce
qui vous paraît être le plus selon
l'Esprit de la Parole, étant prêts
à agir autrement, si le Seigneur vous donne
une lumière plus claire.
Tenez-vous attachés au Seigneur
d'un coeur ferme. Qu'il soit votre but, votre
centre, votre appui, votre vie. Ne le perdez jamais
de vue quand vous parlez de misère ou de
sainteté. La misère doit ramener
à Lui. La sainteté doit
venir de Lui. Plus vous parlerez
de Lui et de son grand amour, plus vos coeurs
seront nourris et réchauffés. Plus
vous ferez valoir l'efficace de son sang dans vos
prières, plus vous sentirez que vous priez
avec joie et confiance et plus vous en recevrez de
bénédictions. Demandez beaucoup, car
Jésus a beaucoup promis. Demandez avec une
confiance enfantine, car Dieu veut qu'on
hérite le royaume des cieux comme des
enfants.
Aimez tous vos frères, même
ceux qui ont des vues différentes.
Étudiez-vous à la charité, et
en demandant au Seigneur de la mettre dans vos
coeurs, évitez ce qui l'éteint,
recherchez ce qui la nourrit. Soyez, autant que
possible, les uns envers les autres
empressés à vous rendre service,
prévenez-vous par honneur. Rendez toujours
à vos frères ce qui est juste. Quand
vous vous rencontrez, ayez un accueil amical et qui
réchauffe le coeur des autres au lieu de le
contrister.
LETTRE LIX
Avril 1842.
Les luttes valent mieux que la
mort
Tout cela vient de plus haut ; il faut le
voir comme venant du Seigneur, et s'humilier sous
sa puissante main, afin qu'Il nous
élève quand il en sera temps. Ce qui
est exigé de chacun, c'est d'être
trouvé fidèle. Quant aux
événements, ils ne dépendent
pas de nous. Ce qu'il y a peut-être de plus
difficile dans une circonstance comme celle dont
vous me parlez, c'est de ne pas tomber dans le
découragement et de ne pas laisser germer
dans son coeur des sentiments
d'amertume. Dieu veuille avoir pitié de tous
ceux qui vivent an milieu des divisions, car c'est
une position difficile et peu profitable à
l'âme !
Quant a vous, je bénis Dieu de ce
que la petite semence semée au sommet des
montagnes a prospéré. Je ne
désire pas qu'elle mène du bruit
comme les cèdres du Liban, ainsi que le dit
la fin du passage, au moins dans un certain sens
que vous comprenez ; car moins on fait de
bruit et mieux c'est.
Je ne suis point étonné
que vous ayez des luttes, c'est notre sort
ici-bas : « Nul n'est
couronné, s'il n'a combattu selon les lois,
et ce n'est qu'à la fin de sa vie qu'on peut
dire : J'ai combattu le bon combat.
Pendant qu'on vit, il faut dire :
Je combats.
Il y a sans doute des luttes difficiles,
surtout pour de certaines natures fortes et
résistantes. Mais les luttes valent mieux
que la mort ; et si vous veniez à
tomber dans un état de tiédeur et,
d'affadissement, vous regretteriez vos temps de
luttes et de combats qui, après tout, sont
un témoignage de vie ; car la mort ne
lutte contre rien.
Au surplus, nous savons que nous sommes
plus que vainqueurs par Celui qui nous a
aimés, et qui a dit : « Vous
aurez de l'angoisse au monde, mais ayez bon
courage, j'ai vaincu le monde. »
Tout le secret, c'est de bien s'appuyer
sur Lui ; et quand le diable nous attaque, de
faire face à genoux et en lui montrant le
sang de Christ :
« Résistez-lui, » est-il
dit, « en demeurant fermes en la
foi. » Si nous lui résistons
ainsi, il s'enfuira de nous, car il est
écrit : « Ils ont vaincu par
le sang de l'Agneau et par la Parole a laquelle ils
rendaient témoignage. »
Deux choses nourrissent et fortifient
les tentations. L'une, d'y appliquer trop sa
pensée, de s'en occuper trop ; alors
elles s'enflent par l'imagination, et quelquefois
la tête tourne comme quand ou regarde au fond
d'un abîme. L'autre, est de vouloir se
combattre soi-même, ce qui ne fait qu'irriter
le mal. Il vaut mieux recourir tout de suite au
Seigneur qui peut arracher le fer de la plaie,
et changer l'inclination du
coeur : puis, tâcher de détourner
la pensée de la tentation pour la porter sur
Jésus.
LETTRE LX
1842.
Humiliation, et compassion pour les
misères des autres, sont deux excellents
fruits.
Mon cher frère,
Quant à vos expériences
particulières, je suis bien d'accord avec
vous sur le but de Dieu dans les combats par
lesquels vous passez. Humiliation, et compassion
pour les misères des autres, sont deux
excellents fruits que les enfants de Dieu
recueillent des tentations. J'ajouterai que ces
combats nous mettent mieux à même de
comprendre les expériences des autres et de
les diriger. Newton dit avec raison, que si Dieu
envoyait un ange sur cette terre pour prêcher
l'Évangile, il serait probablement moins
propre à cette mission qu'un pauvre
pécheur comme nous, parce qu'il ne
comprendrait pas nos misères et ne pourrait
entrer dans les expériences de notre
coeur.
Avec tout cela, je crois comme vous
qu'il est à désirer qu'en passant par
des combats nous y soyons vainqueurs, afin de
pouvoir parler aux autres par expérience de
la force que donne le Seigneur. Lorsqu'on est
vaincu, on éprouve une espèce de
honte en parlant aux autres des victoires de la
foi.
Je suis d'ailleurs toujours plus
persuadé que, lorsque nous voudrons la
victoire, nous l'aurons, car le Seigneur
l'a promise et Il est puissant.
Il faut seulement pouvoir dire avec Jacob :
« Je ne te laisserai point aller que tu
ne m'aies béni. » C'est là
le grand mot devant lequel se font toutes sortes de
miracles. C'est un mot très-peu connu
même de ceux qui ont l'air de demander
beaucoup et avec instance. Celui à qui la
puissance de ce mot a été
révélée et à qui il a
été donné de le dire avec
vérité sera réellement le plus
fort en luttant avec Dieu et avec les hommes. La
puissance de Dieu est là, les promesses de
Dieu sont là, mais ce qui est rarement
là, c'est un plein désir des
Grâces de Dieu. Dieu dit :
« Ouvre ta bouche toute grande et je la
remplirai de bien. » Méditez ce
sujet, cher frère, j'ose vous dire qu'il
sera une abondante mine de réflexions utiles
à vous et aux autres, et qu'il vous fournira
des exhortations qui iront droit à la
conscience.
Que le Seigneur vous rende vivante cette
parole : « Voici, je viens
bientôt, tiens ferme ce que tu as, afin que
personne ne te prenne ta couronne. »
LETTRE LXI
1842.
Pourquoi pleures-tu ? Ne te vaux-je
pas mieux que dix frères, que dix amis,
etc., etc. ?
Ma chère soeur,
Je puis bien dire que jusqu'à un
certain degré, j'ai compati à ce que
vous souffrez maintenant, et tout en pensant qu'il
y a un mal chez vous, je n'ai pas oublié que
tout mal est une souffrance, et que lors même
que quelqu'un saigne d'un coup qu'il s'est
donné par imprudence, encore lui
doit-on de la compassion.
Toutefois, permettez-moi de vous dire
que je suis joyeux dans un autre sens de ce que le
Seigneur fait maintenant dans votre coeur une
circoncision qui, toute douloureuse qu'elle soit,
tournera à votre bien et à votre
joie. Quand Jésus fait de ces
opérations qui vont jusqu'à la
division des jointures et des moelles, et qui font
saigner le coeur, nous sommes tentés de lui
dire ce que Séphora disait à
Moïse : « tu m'es un
époux de sang. » Mais notre
Jésus qui est toujours en mémé
temps plein de grâce et de
vérité, laisse passer patiemment ces
moments de dépit, et Il attend, pour que
nous lui rendions justice, le moment où
recueillant les doux fruits de l'épreuve,
nous pourrons lui dire : « Je
reconnais que tu m'as châtié ;
dans ta fidélité. »
Quant aux affections, de sympathie et
aux épanchements qu'on peut avoir avec
quelqu'un qui nous comprend bien, il y a sans doute
là quelque chose de fort doux, et Je ne puis
pas dire précisément qu'il soit
toujours condamnable de jouir de ce bonheur quand
on le rencontre. Mais je crois pouvoir dire qu'il y
a du mal à ne pas savoir s'en passer ou
à le regretter trop quand on l'a perdu. Cela
prouve que le Sauveur ne nous est pas assez
précieux ; qu'Il n'est pas assez notre
premier Ami, notre premier confident, la
première joie de notre coeur. Cela prouve
que nous n'avons pas assez de cet amour
général pour tout ce qui est
né de Dieu, qui est vraiment la
charité, tandis que les sympathies ne sont
bien souvent que la recherche d'une jouissance qui
se rapporte tout premièrement à nous.
Elkana disait à Anne qui pleurait de n'avoir
pas d'enfant : « Pourquoi es-tu
triste ? Pourquoi pleures-tu ? Pourquoi
ne manges-tu pas ? Ne te vaux-je pas mieux que
dix fils ?),
(I Sam. 1, 8). Le Seigneur ne
pourrait-Il pas nous dire de même : Ne
te vaux-je pas mieux que dix frères, que dix
amis, etc., etc. ?
Mais voilà, il faut que notre
sensibilité naturelle soit tuée par
des frelons
(Deut. VII, 20). Et comme votre sexe
a naturellement le coeur plus sensible, il doit
s'attendre à souffrir davantage de ce
côté-là, comme il doit
s'attendre à avoir aussi beaucoup plus de
jouissances dans la piété, quand sa
sensibilité aura pris un meilleur cours, et
qu'elle se portera sur le Seigneur et sur tout ce
qui lui appartient. Après tout, la
sensibilité est un beau don ; ce n'est
pas elle qu'il faut tuer, mais c'est la fausse
direction qu'elle prend et ses fausses exigences.
À aimer Dieu et ses enfants et même
tout l'univers, n'y a-t-il pas là assez
d'aliments pour la sensibilité la plus
dévorante ? - Apprenons de Jésus
à aimer ainsi. Lui nous l'apprendra, car Il
veut que « tel Il a été,
tels nous soyions aussi dans ce monde. »
En le contemplant, nous serons transformés
à la même image, de gloire en gloire,
comme par l'Esprit du Seigneur. Ne perdons pas
notre temps à nous pleurer nous-mêmes.
C'est là la tristesse selon le monde, qui
donne la mort. Pleurons nos misères et
celles de l'humanité. Il y a à cela
beaucoup plus de profit et beaucoup de
consolation.
J'espère me souvenir de vous
quelquefois dans mes prières, et je le ferai
avec joie, parce que je sais que vous êtes
chère au Seigneur. Je me réjouis
d'avance de tout ce qu'Il veut vous donner, et du
résultat de la circoncision de coeur qu'Il
vous fait subir à présent. Ces
opérations sont douloureuses, et quelquefois
lentes ; mais toujours elles
réussissent, et toujours elles ont un
succès qui porte à ne pas regretter
la douleur. Notre légère affliction
du temps présent qui ne fait que passer,
produit en nous le poids éternel d'une
gloire infiniment excellente.
Recevez, chère soeur,
l'expression de mon affection fraternelle en Celui
qui est tout en tous.
LETTRE LXII
1842.
Contraste entre la mise
élégante et la misère du
pauvre qui est pourtant notre chair et nos
os.
Cher frère,
Je fais passer par vous, une petite
valeur au frère ...... parce que je ne crois
pas devoir donner aux membres d'une Église
à l'insu du pasteur ou des diacres :
cela pourrait, dans certains cas, les accoutumer
à quêter, et à quêter mal
à propos. Il est d'ailleurs bon que les
diacres qui assistent un frère, sachent ce
qu'il reçoit d'un autre côté.
Prenons garde que dans les Églises du
Seigneur, il n'y ait des membres dont la mise
élégante contraste avec la
misère du pauvre qui est pourtant notre
chair et nos os. Si l'on saisissait bien les
intentions du Chef, on ne couvrirait pas un des
membres avec des habits moelleux, tandis que
l'autre membre souffrirait de la faim. Cher
frère, insistons fortement sur ces choses.
Si nous voulons que les Églises subsistent,
il faut, avec l'aide du Seigneur, les purifier de
toute espèce d'interdits.
Que le Seigneur vous donne de profiter
de tous les moyens qu'Il met à notre
portée, pour être fortifié dans
la Grâce qui est en
Jésus-Christ ! Souvenez-vous qu'il fut
dit à Gédéon :
« Va avec cette force que tu
as. » La force que nous avons est
suffisante pour faire à l'instant même
ce que Dieu nous commande, parce que cette force
nous est continuée et même
multipliée à mesure que nous
agissons.
Paix vous soit en Celui qui a fait la
paix !
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