Oeuvres posthume de A.
Rochat
Ministre du
Saint Évangile
LETTRE LIII
Les divisions de coeur sont la source des
divisions extérieures
Chers frères,
Tirez tout en lumière ;
c'est le moyen d'arrêter l'erreur quand il y
en a. L'erreur se propage presque toujours dans
l'ombre. Elle gagne ordinairement les frères
un par un, dans de petits entretiens, dans de
petites réunions particulières. Mais
en général, quand il y a encore de la
vie et de la paix dans une Église, l'erreur
ne tient pas devant la bénédiction
particulière que le Seigneur a promise
à ses Églises qui sont la colonne et
l'appui de la vérité, et qui sont des
chandeliers d'or, au milieu desquels Il se
promène. Enfin, un conseil
général que je vous donne, et sur
lequel il me semble que personne ne peut
élever la moindre objection, quelle que soit
d'ailleurs l'opinion qu'il embrasse, c'est celui de
ne pas vous séparer les uns des autres.
L'intention de Christ est évidente
à cet égard. Il veut que ses enfants
soient un, et d'une unité que le monde doit
voir et qui doit le frapper
(Jean XVII, 21-23, et
Chap. XI, 52).
Il veut que les chrétiens se
reçoivent les uns les autres, sans
contestation et sans dispute
(Rom. ch. XIV, et
chap. XV).
Il veut que nous conservions
l'unité de l'Esprit par le lien de la paix
(Ephés. IV, 3).
Il veut qu'il n'y ait point de division
dans le corps
(1 Cor. XII, 25). Il met les
divisions au nombre des oeuvres de la chair
(1 Cor. III, 3 ;
Gal. V, 20). Le mot grec qu'on a
traduit par division dans ce dernier passage ;
signifie une coupure en deux.
Quant à moi, je suis tellement
persuadé qu'une division est une oeuvre de
la chair, qui procède
d'une mauvaise racine et qui engendre toutes sortes
de maux, que je ne saurais trop demander à
Dieu d'être préservé pour ma
part de ce péché, et que je ne
saurais trop m'affliger de ce que des enfants de
Dieu le commettent si facilement.
Il n'est que trois cas où je
devrais m'éloigner des enfants de Dieu, et
où par conséquent je le ferais sans
pécher.
C'est premièrement lorsqu'ils
abandonneraient la saine doctrine du salut
(2 Jean 9, 10 ;
Tite III, 10 et 11).
Secondement, quand ils auraient des
moeurs déréglées
(Rom. XVI, 17 et 18 ;
1 Cor. V, 11).
Troisièmement, quand pour rester
avec eux, il faudrait rester mélangé
avec le monde
(2 Cor. VI, 14-17).
À part ces trois cas, je croirais
faire un grand péché en me
séparant des enfants de Dieu de l'endroit
où je demeure. Je croirais devoir
plutôt supporter beaucoup de choses qui ne
seraient pas selon mes vues, et si je me croyais
plus éclairé qu'eux, je croirais
devoir suivre les directions données
Rom. XV, 1 ;
1 Cor. VIII, 1-3,
9 et 11, et
Jacq. III, 13,
17 et 18.
En supportant, en éclairant, en
priant, il faudra bien, si j'ai la
vérité de mon côté,
qu'elle triomphe. Or, en agissant ainsi, je la
ferai triompher par les moyens que Dieu a voulus,
sans faire de mal ni à moi, ni aux autres,
et sans me préparer le triste regret d'avoir
occasionné la division dans une partie du
corps de Christ.
Tenez-vous, mes frères, dans un
esprit d'humilité et de paix. L'orgueil est
une grande source de division parmi les enfants de
Dieu. Quand chacun aspire à être
quelque chose ; quand chacun est
disposé à croire que c'est lui qui a
raison ; quand chacun présente son
opinion avec un ton sec et tranchant, quand chacun
cherche à se faire des partisans ;
alors une Église est sur le bord de sa
ruine ; car il est dit que
« l'orgueil va devant la
ruine, » et que
« l'Éternel démolit la
maison des orgueilleux. » - Prenez garde
aussi qu'il n'y ait dans vos coeurs quelque racine
d'amertume qui, bourgeonnant en
haut, ne vous trouble, et que plusieurs n'en soient
infectés. » Les divisions de coeur
sont la source des divisions extérieures. Je
défie bien Satan de séparer en deux
corps, pour des opinions diverses, des enfants de
Dieu étroitement unis par l'amour.
Mes chers frères, je vous ai dit
tout ce que le Seigneur m'a mis au coeur pour vous.
Qu'Il daigne y poser sa bénédiction
et tout ira bien. « Le temps est
court, » ne l'employons pas à nous
disputer et à nous diviser. Nous allons
au-devant de Christ, ne nous disputons pas en
chemin. Faisons plutôt « tous nos
efforts pour qu'Il nous trouve sans tache, sans
reproche, dans la paix. »
Ne soyons pas assez aveuglés pour
ne pas voir l'ennemi qui cherche à nous
diviser pour nous affaiblir. Il cherche à
nous faire employer les uns contre les autres des
forces que nous devrions rassembler contre lui, qui
est notre ennemi commun. Puisque nous n'ignorons
pas ses ruses, tenons-nous sur nos gardes, et
prenons garde que si nous nous mordons les uns les
autres, nous ne soyions détruits les uns par
les autres.
Quoi qu'il en soit, mes frères,
et quelques vues que vous adoptiez, aimez toujours
le Seigneur Jésus ; aimez tous vos
frères, et souvenez-vous quelquefois de moi,
dans les prières que vous adresserez
à notre Dieu et Père. Or, que le Dieu
de paix vous donne la paix en toutes
manières !
Votre frère en la foi.
LETTRE LIV
Février 1840.
Il est très-fâcheux de
pécher, mais il est bien plus fâcheux
encore de dénaturer l'idée du
péché.
Pour l'acquit de ma conscience, je vais
vous présenter encore quelques
réflexions qui m'ont été
suggérées par votre dernière
lettre. Je dis pour l'acquit de ma conscience, car
si je n'écoutais que mon inclination, j'en
aurais déjà fini avec toutes ces
discussions sur un sujet qu'on a mal à
propos soulevé, et qui fait perdre, à
discuter sur le point où l'on peut arriver,
un temps qui serait mieux employé à
faire quelques efforts pour être un peu moins
éloigné de cette perfection où
l'on dit qu'on peut parvenir.
D'après votre lettre, il
paraît bien positivement que le frère
.... croit que le vieil homme peut recevoir le coup
de mort, aussi bien vingt ans avant la mort du
corps, que dans ce moment-là. Il croit qu'il
peut être rempli de Dieu.... rendu capable
d'aimer Dieu de tout son coeur, etc., etc. Ce sont
là vos propres expressions ;
d'où chacun, il me semble, peut conclure
qu'il admet qu'on peut en venir sur cette terre
à être sans péché.
Mais comment concilier cela avec ce que
vous dites plus bas, qu'il paraît admettre
pleinement, que l'âme nettoyée ou
purifiée du péché, doit
avancer constamment puisqu'il doit y avoir
augmentation dans l'amour et autres fruits de
l'Esprit ? Comment le concilier avec ce que
vous dites plus loin : Ils admettent qu'il y a
des fautes cachées, des péchés
d'ignorance, puis une souillure pour ainsi dire
extérieure, que l'on contracte en marchant
ici-bas, et c'est à celle-là qu'ils
appliquent Jean XIII, 10 ?
Comprendra qui pourra, comment une
âme chez laquelle le vieil
homme est mort, peut encore
avoir des fautes cachées et des
péchés d'ignorance ; fautes et
péchés bien réels, car
d'après la Parole de Dieu, ils doivent
être expiés et pardonnés
(Lév. V, 15-19). Qu'est-ce
encore que des souillures qui ne sont pour ainsi
dire qu'extérieures ? Je ne connais de
souillures extérieures, que les souillures
légales, comme de toucher un mort ou de
manger des viandes défendues. Mais
maintenant, toutes ces souillures ne peuvent plus
regarder le peuple saint, qui a appris que ce n'est
pas, ce qui entre dans l'homme qui souille
l'homme ; qu'il ne doit plus rien regarder
comme impur et souillé, et que toutes choses
sont nettes pour ceux qui sont nets.
Si par souillures extérieures, on
entend les péchés d'infirmité
que le chrétien commet chaque jour, je
trouve très-fâcheux de donner le nom
radouci de souillures extérieures à
des péchés bien réels, qui
certainement n'auraient pas lieu, si
l'intérieur était entièrement
pur. Car Christ, qui était saint, sans tache
et séparé des pécheurs, n'a
point contracté de souillures
extérieures en marchant dans ce monde. Ce
serait une impiété de le dire. Donc
le chrétien qui en contracte, n'est pas
encore saint comme Jésus était saint,
et il n'est pas en ce monde tel qu'il y a
été Lui-même.
Je demande encore comment une âme
nettoyée et purifiée du
péché, doit avancer constamment,
devant y avoir augmentation dans l'amour et autres
fruits de l'Esprit ?
Il doit y avoir augmentation dans
l'amour de quelqu'un qui a été rendu
capable d'aimer Dieu de tout son coeur ! ....
Vraiment, se comprend-on quand on dit des choses
semblables ? Comment peut-on aimer plus que
d'aimer de tout son coeur ? - On
répond : L'âme s'élargit
comme un vase qui s'étend et qui devient
capable de renfermer plus de liqueur.
Mais où est-ce que la Parole de
Dieu a dit quelque chose de semblable ? Quand
donne-t-elle à entendre que l'âme
s'étend et s'élargit ? Quant
à moi, je vois qu'elle m'ordonne d'aimer
Dieu de tout mon coeur,
c'est-à-dire avec le coeur que j'ai, et non
pas avec un autre coeur. Elle ne me parle de rien
de plus, elle ne m'ordonne rien de plus. Oh !
pour l'amour du Seigneur, n'allons pas
au-delà de ce qui est écrit, et
restons simples !
Quant aux fruits de l'Esprit, qui
augmentent chez une âme qui est sans
péché, qui aime Dieu de tout son
coeur, et chez laquelle le vieil homme est mort,
c'est encore une chose qui ne m'est pas
compréhensible. Les fruits de l'Esprit nous
sont désignés dans
Gal. V, 22, comme l'observation des
commandements de Dieu. Or, il me semble
évident que celui qui ne porte pas tous ces
fruits de l'Esprit, et dans toute la
plénitude de ses facultés,
pèche, car il ne fait pas tout ce que Dieu
demande de lui. Or, d'où vient le
péché chez un fidèle en qui le
vieil homme est mort ? Qu'est-ce qui
l'empêche de porter tout de suite tous les
fruits de l'Esprit, puisqu'il aime Dieu de tout son
coeur ? L'amour de Dieu, c'est de garder ses
commandements, dit l'Écriture. Or, il me
semble que l'amour parfait dès qu'il est
parfait, doit faire garder les commandements de
Dieu parfaitement.
J'ai voulu voir si les mêmes
contradictions se retrouveraient dans le
système de .... exposé dans diverses
correspondances. Il n'y est pas dit
précisément que celui en qui le vieil
homme est mort pèche encore, ce qui est
déjà une contradiction de
moins ; mais il y est dit positivement que
chez lui la sanctification se développe, ce
qui m'est difficile à comprendre
d'après ce que j'ai dit plus haut ; car
je voudrais qu'on m'expliquât ce qu'il y a de
plus sanctifié qu'un homme qui aime Dieu de
tout son coeur et son prochain comme
lui-même.
Tout ceci me ramène à une
réflexion que je faisais dans ma
précédente lettre, c'est que j'ai
peur que dans cette occasion, comme dans toutes
celles où l'on soutient le système de
l'impeccabilité, on ne le fasse, à
son insu, en diminuant la
gravité du péché (j'entends de
celui qui reste encore dans l'enfant de Dieu), en
lui donnant des noms radoucis, et en n'appelant
plus péché, toute transgression de la
Loi. Or, c'est là un très-grand mal,
et qui peut amener des suites funestes pour
beaucoup d'âmes.
Il est très-fâcheux de
pécher, mais il est bien plus fâcheux
encore de dénaturer l'idée du
péché, parce qu'alors on en vient
à pécher en disant : Je ne
pêche pas.
Vous me direz sans doute que le
frère.... et ceux qui reçoivent son
système, parlent du péché avec
autant et même plus d'horreur que je ne
pourrais le faire, et paraissent vraiment en avoir
horreur dans leur conduite. Je l'admets pleinement,
aussi ce ne sont pas les personnes que j'attaque
ici, c'est le système, et même je ne
l'attaque que comme n'ayant qu'à l'insu de
ceux qui le soutiennent, le vice que je viens de
signaler.
C'est une des vieilles ruses de Satan et
une des plus subtiles, d'introduire un
système dangereux d'une manière
couverte, et souvent à l'abri de noms
justement vénérés, et par
l'intermédiaire d'hommes dont les intentions
sont pures.
Comment Dieu permet-il cela ? C'est
ce que vraiment je ne puis expliquer, pas plus que
bien d'autres choses qui sont trop profondes pour
moi, dans ses voies envers les enfants des hommes.
Comment Fénélon a-t-il
été un appui du pape ?
Comment le pieux saint Bernard a-t-il
écrit contre ses frères les Vaudois
et les Albigeois, comme contre des
hérétiques ?
Comment peut-il y avoir encore tant de
docteurs éminents qui soutiennent le
système du nationalisme ?
Expliquer toutes ces choses est pour moi
l'impossible. Si je voulais les approfondir, ma
tête s'y perdrait. Je crois être plus
simple, et je suis plus sûr de ma route, en
laissant là les personnes, m'abstenant de
les juger, mais repoussant l'erreur partout
où je la rencontre, et ne la recevant pas
même de la main la plus aimable et la plus
sainte en apparence. À la Loi et au
témoignage. Que s'ils ne parlent
point comme cette Parole, il n'y
aura point de lumière du matin pour
eux. »
Ayant observé tout ce qui se
passe depuis le commencement du réveil, je
n'ai pu voir autre chose que ceci, c'est que
plusieurs fois depuis qu'il a eu lieu, des
frères distingués par leur droiture
et par leur désir de sanctification, sentant
qu'en général les enfants de Dieu
étaient fort en arrière de ce qu'ils
devaient être, ont fait un mouvement
sérieux pour pousser en avant, eux et les
autres. L'ennemi a qui cela ne convenait pas, et
qui a vu qu'à son gré, les choses
iraient beaucoup trop bien pour le règne de
Dieu si l'on avançait ainsi sans erreur, et
si l'on croissait dans la vérité et
dans la charité, a cherché quelque
moyen d'entraver le mouvement de ces âmes
généreuses.
Comme il a bien vu qu'il ne s'agissait
plus de les amorcer par les convoitises charnelles,
il s'est transformé en ange de
lumière il leur a fait des systèmes
qui, avec l'air d'être favorables à
une haute sainteté, renfermaient en
eux-mêmes un défaut de
vérité, qui devait tôt ou tard,
comme il le prévoyait bien, tourner au mal
de ceux qui le recevraient.
Vu les contradictions que je crois voir dans le
nouveau système, et la crainte que j'ai
qu'on ait déjà dénaturé
les idées du péché, je
voudrais à l'avenir commencer toute
discussion sur ce sujet par des définitions
de mots, car faute de cela, on risque de ne pas
s'entendre et de disputer de mots, ce dont
l'Écriture dit, que cela ne sert de rien, et
ne fait que pervertir les auditeurs. Je voudrais
demander :
- 1° Comment définissez-vous le
péché ?
- 2° Qu'entendez-vous par ne plus
pécher ?
- 5° Dites-vous qu'on peut arriver sur
cette terre à ne plus
pécher ?
- 4° En quoi distinguez-vous
l'état d'un homme qui ne pèche
plus, de l'état d'un homme qui est
arrivé à la perfection ?
Je pense que lorsqu'on se
serait entendu sur ces définitions, on
serait déjà bien
avancé.
La réflexion que vous faites au
sujet de la lecture des brochures dont vous me
parlez et que je crois très-vraie, a un
côté réjouissant, mais aussi un
côté triste. Voici en
quoi :
J'y retrouve cette même recherche
de moyens nouveaux, qui semble depuis le
réveil agiter certaines âmes, et qui
les a jetées tantôt dans une erreur,
tantôt dans une autre, parce qu'on les leur a
présentées comme un moyen de
sanctification.
Quand une âme a vraiment
trouvé Christ, et qu'elle sait qu'Il est
tout en tous, je ne conçois
réellement pas ce qu'elle a à
chercher de nouveau en fait de moyens de
sanctification. Quand une fois j'ai Christ,
qu'est-ce qu'un homme peut me donner de plus ?
Tout ce qu'il peut faire pour moi, c'est
d'être un moyen dans les mains de Dieu pour
me le rendre plus vivant ; mais en fait de
doctrine, il n'a rien de nouveau à
m'apprendre.
Dira-t-on peut-être que Christ ne
nous a pas été bien enseigné
jusqu'à présent ? C'est
là ce que disent ordinairement ceux qui
apportent de nouvelles doctrines.
Mais en quoi, je vous prie, n'a-t-il pas
été bien enseigné ?
N'a-t-on pas cru et prêché qu'il nous
était fait de la part de Dieu, sagesse,
justice, sanctification et rédemption ?
A-t-on négligé de dire
qu'Il nous avait acquis le don du saint-Esprit ou
les grâces sanctifiantes, tout aussi bien que
le pardon ?
Quant à moi, le Seigneur me rend
témoignage que j'ai enseigné l'un
aussi bien que l'autre.
Quoiqu'on n'ait pas prêché
aux âmes qu'elles pouvaient, recevoir ici-bas
une entière sanctification ou la mort du
vieil homme, aussi bien vingt ans avant la mort du
corps qu'au moment du délogement, ne leur
a-t-on pas dit continuellement de tendre à
la perfection, d'oublier les choses qui, sont
derrière, et d'avancer vers celles qui sont
devant ? Leur a-t-on jamais dit :
« N'avancez pas trop, » ou
bien : « Prenez
garde, voilà un point au-delà duquel
vous ne passerez jamais ? » De quoi
donc se plaint-on on que veut-on chercher de
nouveau ?
S'il est des âmes qui donnent
à entendre qu'elles ont été
retardées, parce qu'on ne leur a pas
prêché l'entière sanctification
à la manière dont on le fait à
présent, je leur dirai tout
ouvertement : Vous vous trompez
singulièrement, et vous rejetez sur les
autres ce qui est votre propre faute.
Qui a mis des bornes aux promesses de
Dieu, de telle sorte que 'Vous puissiez dire :
Je voudrais aller plus loin, mais on m'a dit qu'il
n'y avait pas de promesse pour dépasser le
point où je suis ? Si elles avaient
envie d'avancer, qui les en empêchait ?
Elles auraient grandement réjoui leurs
conducteurs qui ne demandaient depuis long-temps
que de voir des progrès.
Hélas, hélas ! on se
plaint des autres quand on ne devrait se plaindre
que de soi-même, et l'on cherche quelque
nouveau moyen, tandis qu'on n'a pas fait
suffisamment usage de celui qui a toujours
été à notre portée. -
Si l'on me dit que le frère ...... ou les
ouvrages qui exposent son système, ont
été seulement un moyen de rendre les
promesses de Dieu plus vivantes à
l'âme ; si notre frère
lui-même disait : Je ne fais que
recevoir avec plus de vie ce que j'ai toujours
reçu ; alors je dirais : Le
Seigneur en soit béni. Vous avez reçu
ce que d'autres demandent depuis long-temps et
n'ont pas encore reçu au même
degré que vous. Mais dans ce cas, dites tout
simplement que vous avez reçu un
affermissement dans la Grâce, et ne vous
annoncez pas comme apportant une doctrine nouvelle,
et que vous n'aviez pas reçue jusqu'à
présent.
Je termine ma lettre par une réflexion
sur le désir de sanctification. Je crois
qu'il y en a de trois sortes.
- 1° Le vrai désir de
sanctification, qui vient d'amour pour Dieu et
de dégoût du péché.
- 2° Un désir de sanctification
orgueilleux. qui vient de ce
qu'on est dépité d'être
continuellement obligé de se
désapprouver, et, comme le dit
l'Écriture, de « se
délester et de se déplaire en
soi-même, » a cause de toutes
les choses basses et odieuses qu'on y voit.
- On voudrait trouver en soi quelque chose qui
nous abaissât moins à nos propres
yeux, quelque chose de plus noble, de plus
grand, dont secrètement on s'approuverait
tout en en rendant grâces a Dieu. Car
remarquez que le Pharisien disait :
« Je te rends grâces de ce que
je ne suis pas comme le reste des
hommes. »
- 3° IL y a un désir de
sanctification que je pourrais appeler
paresseux. On est fatigué de ses luttes
continuelles avec le péché, des
chutes, des relèvements. On voudrait en
avoir fini une fois avec lui pour trouver du
repos. On ne veut pas accepter le combat auquel
Dieu nous a assujettis sur cette terre ; et
l'idée d'être tout d'un coup
délivrés du péché
plaît singulièrement à notre
paresse.
Je laisse à chacun à examiner
jusqu'à quel point ces trois sortes de
désirs de sanctification se mélangent
dans son âme, et jusqu'à quel point
l'une ou l'autre y domine. Quant à moi, j'ai
fait à cet égard d'utiles et
d'humiliantes expériences.
C'est un singulier raisonnement que
celui que fait notre frère.... en disant que
si la mort nous délivrait du
péché, elle ne serait pas
appelée notre dernier ennemi. On pourrait
par le même raisonnement dire aussi que la
mort ne nous met pas en possession du ciel,
puisqu'elle est appelée notre ennemi.
Le fait est que la mort est notre
ennemi, en tant qu'elle est la dernière
punition du péché, pour le
fidèle, et en tant qu'elle détruit
notre corps
(Rom. VIII, 10). Mais par la
Grâce de Dieu, ce dernier ennemi est pour
nous l'occasion de la grande délivrance, et
l'époque de notre entrée dans le
ciel. Ensorte que nous pouvons nous
écrier : « 0 mort !
où est ton aiguillon ? 0
sépulcre ! où est ta
victoire ? »
(1 Cor. XV, 55-57).
Je ne crois pas qu'il soit dit
positivement dans l'Écriture que la mort
nous délivre du péché, mais je
crois que cela est dit indirectement dans plusieurs
passages, comme par exemple dans les
suivants :
Rom. VI, 7 ;
2 Tim. IV, 18 ;
1 Jean III, 2 ; et je crois que
c'est l'Esprit de toute la Parole qui nous excite
au combat jusqu'à la fin.
Voilà, mon frère, les
nouvelles réflexions que j'ai cru devoir
vous présenter. Que le Seigneur
bénisse tout ce qui est conforme à sa
Parole !
LETTRE LV
Novembre 1841.
Jeter la faute sur Dieu, serait une
impiété ; la jeter sur les
circonstances, c'est presque la jeter sur
Lui ; et la jeter sur les autres...
Mon cher ami,
J'ai appris, par ta mère,
l'insuccès de ton examen d'hébreu. La
chose ne m'a fait de peine que par celle qu'elle a
pu te faire à toi-même, et j'ai
été bien aise d'apprendre que tu
avais reçu avec résignation cette
dispensation de Dieu à ton égard.
Quant à moi, je suis sûr que le
Seigneur pourrait te dire ce qu'Il disait à
l'apôtre Pierre dans une occasion. :
« Tu ne sais pas ce que je te fais
maintenant, tu le sauras
ci-après. »
Je crois que le Seigneur a des desseins
de miséricorde envers toi, puisqu'Il
t'éprouve et t'humilie. C'est la voie qu'Il
suit ordinairement envers ceux qu'Il
reconnaît pour ses enfants. Probablement, Il
ne veut pas que tu portes le caractère de
ministre, avant que tu aies les dispositions qui y
correspondent. Peut-être aussi veut-Il te
donner sur ta vocation future
une lumière que tu n'as pas encore, et qui
peut-être donnera à ta carrière
une tout autre direction. Quoi qu'il en soit, il
est évident que, pour le moment, sa main
t'arrête, et que cette main est une main
d'amour et de miséricorde.
Quant à ton projet de
persévérer encore une année,
c'est à toi d'examiner s'il vient d'une
sainte persévérance dans ce que tu
crois être bien, ou d'une volonté
propre trop forte, qui veut marcher en avant,
malgré les obstacles que le Seigneur met
devant toi. Je ne décide pas, seulement je
t'exhorte à deux choses, l'une de ne pas
forcer le travail, si tu sens que ta tête
commence de nouveau à faiblir, ce qui
pourrait avoir de fâcheux
résultats ; l'autre de faire toutes
choses nouvelles par l'Esprit du Seigneur, et
surtout de te faire une société de
personnes qui cherchent le Seigneur ou qui l'ont
trouvé. Si c'est vraiment pour faire la
volonté de Dieu que tu restes à....
on verra infailliblement l'effet de ce principe
dans ta conduite, non pas moralement, car selon la
morale humaine elle est en quelque sorte.
irréprochable, mais religieusement parlant,
car de ce côté tu sens toi-même
que tu as beaucoup gagner.
J'aurais mieux aimé que tu ne
disses pas que si tu n'avais pas réussi, ce
n'était pas ta faute. Peut-être dans
les derniers temps as-tu travaillé autant
que tu l'as pu ; mais si dès le
commencement, tu n'eusses pas perdu de temps, tu
n'aurais pas été obligé de
faire des efforts qui, sans regagner
complètement le temps perdu, ont
épuisé ta tête.
Je puis dire que plus j'avance dans la
vie, et plus je me sens porté à
prononcer avec réserve cette parole :
Ce n'est pas ma faute. Jeter la faute sur Dieu,
serait une impiété ; la jeter
sur les circonstances, c'est presque la jeter sur
Lui ; et la jeter sur les autres, c'est
presque toujours refuser de prendre sa part d'un
fardeau qui nous appartient au moins en commun avec
eux. Si le sort ne t'a pas été
favorable, souviens-toi qu'il
est écrit, qu' « on jette le sort
au giron, et que tout ce qui en arrive est de par
l'Éternel »
(Prov. XVI, 33).
Je souhaite que tu prennes pour ta
direction en toutes choses, ce passage :
« Cherchez premièrement le royaume
de Dieu et sa justice, et le reste vous sera
donné par dessus. » Cherche avant
tout la foi, la justice, la
piété ; adonne-toi à la
crainte de l'Éternel tout le jour ;
mets-toi en règle avec ton Dieu, et alors sa
lumière resplendira sur tes voies, son oeil
te guidera, sa droite te soutiendra, et tout ira
bien pour toi, car « qui craint Dieu,
sort de tout. »
Adieu, mon cher ami, fortifie-toi au
Seigneur et dans la puissance de sa force
Ton affectionné.
LETTRE LVI
23 mars 1842.
Un cours de religion est comme un cours de
médecine
Ma chère enfant,
Ta lettre m'a fait plaisir. Le bonheur
de mes enfants est le mien, surtout quand ils
mettent leur bonheur dans des choses que je puis
approuver. Je vois que le mal du pays ne t'a pas
prise, et qu'il ne faudrait pas trop te presser
pour te faire rester quelques mois de plus en
pension. Je te dirai à l'oreille, et sans
que personne en sache rien, que cela pourra
peut-être s'arranger. Je pourrai probablement
te laisser jusqu'à la fin de février
ou de mars de l'année
prochaine. Si je ne regardais
qu'à moi, j'aimerais bien t'avoir plus
tôt auprès de moi ; mais en toute
chose, j'aime mieux chercher ton avantage et ton
bonheur que ma jouissance.
J'ai vu avec plaisir, que tu regrettais
ton cours de religion. Cela semble montrer que tu y
prenais plaisir et qu'il te profitait. Je pense que
tu pourrais le remplacer utilement par quelques
conservations particulières avec Mr.... Un
cours de religion est comme un cours de
médecine, dont chacun est obligé de
se faire l'application à lui-même, en
allant souvent un peu à tâtons. Mais
une conversation est comme une consultation de
médecin, où l'on sonde le malade, et
où l'on fait l'application du cours de
médecine a son cas particulier. Lis-tu la
Parole de Dieu tous les jours ? La lis-tu en
suivant l'ordre des chapitres et sans rien
sauter ? La lis-tu en y cherchant de la
nourriture pour ton âme, et en demandant
à Dieu de la vivifier par son
saint-Esprit ? La lis-tu simplement par
devoir, ou est-elle pour toi un
besoin ?
Prends-tu l'habitude de te faire rendre
compte de tes pensées, paroles et actions,
en les comparant avec la Parole de Dieu ?
Quand cet examen te condamne, as-tu la
liberté d'aller porter tous tes
péchés à Celui qui les a
expiés, et as-tu l'assurance qu'Il te les
pardonne, et qu'Il veut te donner la force de les
délaisser ?
Je suis bien aise de toutes les bonnes
choses que tu entends. Ce sont des moyens de
grâce, mais pourtant ce n'est pas la
Grâce. Combien de gens qui entendent, et dont
il est dit : « En entendant vous
n'entendez point ! » Il faut
demander à Dieu ce coeur honnête et
bon, qui est le seul dans lequel la Parole puisse
germer. Puis aussi, il faut bien se souvenir que la
vie de ceux qui nous entourent n'est pas la
nôtre, et qu'une branche peut être
sèche au milieu de la plus belle verdure. -
Je souhaite que le vent du saint-Esprit souffle sur
vous tous, et je le demande quelquefois au
Seigneur. Ce qui vient du
saint-Esprit dure, parce qu'il atteint le coeur
où sont les sources de la vie. Tout le reste
n'atteint que l'intelligence, l'imagination et la
sensibilité religieuse. - Ne t'endors pas,
ma chère enfant, car « la fin de
toutes choses est proche ; le Seigneur est
près : » « Le voici
qui vient sur les nuées des cieux, et tout
oeil le verra ! »
Adieu, que le Seigneur te garde corps et
âme pour l'amour de son Fils.
Ton père affectionné.
|