Oeuvres posthume de A.
Rochat
Ministre du
Saint Évangile
LETTRE L
1840.
Pour les rassembler, il faut d'abord
les séparer du monde, puis...
Mon cher frère,
Puisque le Seigneur vous donne de
l'ouvrage dans la contrée où vous
êtes, il paraît bien que c'est
là qu'Il vous appelle à travailler
pour le moment. Seulement ne vous attachez pas trop
aux endroits où il y a déjà un
réveil bien établi, et où l'on
est attiré par les douceurs de la communion
fraternelle. Allez plutôt là où
le réveil commence seulement, ou bien
là où il n'y en a point encore. Ne
vous occupez pas des affaires des autres. Ayez le
moins de discussions possibles avec les pasteurs
qui ont d'autres vues que les vôtres. Ne vous
entretenez pas d'eux avec leurs paroissiens.
Veillez et priez en tout temps. Ne vous croyez
bien, que lorsque vous êtes humilié au
pied de la croix. Demandez à Dieu de parler
aux âmes avec amour, et de montrer une
parfaite douceur envers tous les hommes. Au reste,
fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la
puissance de sa force. Souvenez-vous qu'il est
écrit : « Vous aurez de
l'angoisse au monde, mais ayez bon courage, j'ai
vaincu le monde. »
Permettez-moi de vous dire quelques
paroles sur les dernières lignes de votre
lettre. Je le fais, non dans un esprit de
discussion, mais simplement pour mettre la
lumière devant vos yeux, laissant au
Seigneur à faire le reste. Vous me dites que
vous n'avez pas d'autre conviction pour le moment
que de chercher à rassembler en un les
enfants de Dieu dispersés. Savez-vous, mon
frère, que cette conviction-là
mène déjà bien loin. Pour les
rassembler, il faut les
séparer du monde ; il faut ensuite, si
l'on ne veut rassembler que les enfants de Dieu,
examiner ceux qui se présentent pour faire
partie de l'assemblage, et établir une
règle d'admission ; il faut exclure
ceux qui se manifestent ensuite comme n'ayant
été que des mondains
déguisés ; et par
conséquent il faut encore une règle
d'exclusion. Quand les enfants de Dieu sont
rassemblés, il faut des assemblées
régulières, et quelqu'un qui les
préside, quelqu'un qui fasse les collectes,
quelqu'un qui les administre. Il faut prendre la
Cène ensemble ; il faut se
surveiller ; il faut reprendre les
déréglés ; il faut
pourvoir à l'instruction des enfants. Si une
partie de l'église veut, selon la Parole,
demander à Dieu un pasteur et qu'elle croit
le voir se manifester au milieu d'elle ; il
faut voir si tous ont la même conviction. Si
tous sont d'accord pour voir en lui les dons de
cette charge, le voilà reconnu et par
conséquent nommé ; et vous
voilà de fait avec une église, tout
en n'ayant point voulu former d'église, et
partant de ce seul principe l'assemblage des saints
selon la Parole. Tant il est vraie que tout, se lie
dans les principes qui viennent de Dieu, et
qu'aussitôt qu'on en admet un, on est
obligé d'admettre de fait tous les autres,
encore qu'on voudrait supprimer les noms que la
Parole a donnés aux choses.
Adieu, mon cher frère, que la
lumière du Seigneur resplendisse sur toutes
vos voies !
LETTRE LI
1840.
Lorsque le boisseau est plein de froment,
il n'y a plus de place pour y mettre un grain
d'ivraie
Mon cher frère,
Quoiqu'il fût à
désirer, dans un sens, que vous fussiez
rapproché du frère .... d'un autre
côté, il est bon que les ouvriers
soient un peu éloignés les uns des
autres, afin de ne pas trop entasser les secours
spirituels sur le même point. Vous pourriez
suppléer à cet éloignement en
vous réunissant tous les mois une fois pour
consacrer un jour la prière et aux
entretiens fraternels.
Je suis pleinement d'accord avec vous
quand vous dites que l'oeuvre extérieur ne
doit être considérée que comme
la conséquence de celle que le saint-Esprit
fait dans le coeur. Aussi je pense qu'un ouvrier ne
perd nullement son temps, lorsqu'il consacre chaque
jour une heure ou deux à la lecture de la
Parole et à la prière. Si l'on
néglige de renouveler ainsi l'onction
intérieure, on n'est plus que comme une
espèce de machine à
prédication, et à la longue les
auditeurs s'en ressentent, quoiqu'ils ne sachent
pas d'où vient le manque d'esprit vivifiant
dans les choses qui leur sont dites.
Pour trouver le temps de nourrir chaque
jour la piété intérieure, le
moyen n'est pas seulement de ne pas donner trop de
temps au sommeil et au repos, mais peut-être
plus encore de faire des visites courtes, et de ne
rester dans chaque endroit que ce qu'il faut. Il
est des chrétiens qui ont le défaut
de ne pas savoir s'en aller. Quand ils sont dans un
endroit, ils y restent ; ils perdent du
temps ; ils le font perdre aux autres, et
négligent des personnes qu'il faudrait
visiter. Dans ces longues visites, il est rare
qu'outre la perte du temps, il
n'y ait pas des paroles inutiles. De plus, elles
engendrent parfois trop de familiarité, et
laissent voir de trop près les
misères de celui que, en qualité
d'évangéliste, on doit s'accoutumer
à regarder comme un homme qui est le
modèle de ce qu'il prêche.
Dieu vous a mis une écharde en la
chair, probablement pour vous empêcher de
vous élever. L'orgueil est un ver à
la racine de toutes nos oeuvres, et quoique le sang
de Christ soit la seule chose qui le tue, cependant
les expériences humiliantes y aident
beaucoup, précisément parce qu'elles
nous ramènent toujours comme de pauvres
pécheurs au pied de la croix. Nous sommes de
notre nature tellement pleins de propre justice, et
tellement portés à faire de la
sanctification notre Sauveur, ou du moins un appui
pour notre âme, que le Seigneur est
obligé, dans sa profonde sagesse, de nous
sanctifier en nous humiliant, et de se servir de
nos chutes répétées pour nous
faire sentir le prix de son amour, et pour nous
convaincre qu'il est tout en tous. - Heureusement
savons-nous que « si le juste tombe, il
ne sera pas entièrement abattu, parce que
l'Éternel lui soutient la main. »
« Ceux qui se confient en
l'Éternel sont comme la montagne de Sion qui
ne peut être ébranlée, et qui
se soutient à toujours. »
« Oh ! que bienheureux est l'homme
dont la force est en Dieu, et ceux au coeur
desquels sont les chemins battus. Passant par la
vallée de Baca (des pleurs), ils la
réduisent en fontaine ; ils marchent
avec force pour se présenter devant Dieu en
Sion. »
Tenez-vous en garde contre la
légèreté qui contriste le
saint-Esprit, qui gâte l'effet des paroles
sérieuses qu'on a dites, et qui ouvre la
porte aux pensées décidément
mauvaises.
Soyez très-discret sur tout ce
qu'on peut vous confier, et sur tout ce que vous
pouvez être appelé à voir.
Établissez la vérité
plutôt d'une manière positive que sous
forme de controverse. Les Anglais disent que
« lorsque le boisseau
est plein de froment, il n'y a plus de place pour y
mettre un grain d'ivraie. »
Prenez bien garde de ne jamais rien
avancer en fait de doctrine, que ce que vous pouvez
enseigner avec une pleine conviction. Ce que dit un
évangéliste a un certain poids ;
ses paroles ne tombent pas en terre, et ainsi il ne
doit pas avancer légèrement des
choses qui seront prises au sérieux par ceux
qui l'écoutent. Il est plus facile de
propager une erreur que de la détruire
ensuite, lorsqu'on s'aperçoit qu'on a
avancé des choses dont on n'a plus la
conviction qu'elles sont vraies. Il est
parlé dans l'Écriture de gens qui
n'entendent point les choses qu'ils affirment
être certaines.
Grâces au Seigneur, il nous est
donné de nous souvenir quelquefois de vous
dans nos prières publiques. Il faut que les
prières des saints aient bien de la valeur,
puisque l'apôtre Paul s'y recommandait si
souvent. Aussi sommes-nous bien coupables quand
nous ne faisons pas valoir le privilège qui
nous est accordé, d'avoir un continuel
accès au trône de la Grâce, pour
nous et pour les autres.
Je dis avec vous que l'orthodoxie n'est
pas la vie, et que croire à la communion
avec Jésus par la foi, est bien
différent de la sentir. Cependant dans les
temps où cette communion est peu sentie,
c'est une consolation et une force de croire
qu'elle existe par la foi, alors même qu'elle
ne se sent pas.
Vous dites que le Seigneur nous veut
chantants et non gémissants, Quant à
moi, je crois qu'Il nous veut des deux
manières. Paul disait :
« Attristé, et toutefois
joyeux. » Pierre disait :
« En qui vous vous réjouissez,
quoique maintenant vous soyez attristés par
diverses épreuves. » Jésus
disait : « Vous aurez de l'angoisse
au monde, mais ayez bon courage, j'ai vaincu le
monde. » Et Jacques :
« Quelqu'un est-il souffrant ? qu'il
prie. Quelqu'un est-il content ? qu'il chante
des cantiques. » - Comment ne pas
gémir de nos péchés, de ceux
des frères, de la
corruption du monde, du mépris qu'on fait de
Dieu et de ses grâces, des maux et des
misères qui travaillent l'humanité,
et dont nous avons notre part. Paul disait :
« Nous gémissons étant
chargés, » et ailleurs :
« Misérable homme que je
suis ! qui me délivrera de ce corps de
mort ? » Voyez encore
2 Cor. I, 8 à 11 ;
2 Cor. II, 12, 13. -
VI, 10. -
IV, 8 à 11. - Ce que Dieu
veut, n'est pas que nous ne gémissions pas,
mais qu'en gémissant, nous triomphions en
Celui qui nous a aimés.
Adieu, mon cher frère, demeurez
ferme en notre Seigneur.
LETTRE LII
1840.
L'Esprit saint, n'admet que deux
états d'âme : l'homme qui fait le
péché, et qui est du diable, et
l'homme qui est né de Dieu, et qui ne fait
point de péché - La double
interprétation du
péché
L'Esprit saint, dans le troisième
chapitre de la première épître
de saint Jean, n'admet que deux états
d'âme, et nullement un état
intermédiaire.
Le premier état, c'est celui de
l'homme qui fait le péché, et qui est
du diable (v.
8).
Le second état, c'est celui de
l'homme qui est né de Dieu, et qui ne fait
point de péché, et qui même ne
peut pécher, parce qu'il est né de
Dieu (v.
9).
En se tenant collé à la
Parole, nous est-il permis de créer un
intermédiaire entre ces deux états,
ou devons-nous dire : Moi et ceux qui avec moi
ne pèchent plus, nous sommes nés de
Dieu, et tous les autres qui font le
péché sont du diable ? Quant
à moi, dans ma manière d'entendre la
Parole, j'admets en plein la distinction que fait
ici l'Esprit saint avec toutes ses
conséquences. Comme par ces mots :
pécher ou faire le
péché, j'entends vivre dans
l'habitude du péché, je dis hardiment
que quiconque pèche ou fait le
péché, c'est-à-dire vit dans
l'habitude du péché, est du
diable ; et j'admets pleinement que quiconque
est né de Dieu ne pèche pas, ne fait
pas le péché, c'est-à-dire
n'est pas ouvrier d'iniquité
(Matth. VII, 23), n'est pas esclave
dit péché et ne s'y adonne pas
(Jean VIII, 34).
Le méchant n'a point la crainte
de Dieu devant ses yeux ; il se flatte en
lui-même quand son iniquité se
présente pour être haïe ; il
se garde d'être attentif à bien
faire ; il s'arrête au chemin qui n'est
pas bon ; il machine sur son lit les moyens de
nuire ; il n'a point en horreur le mal
(Ps. XXXVI, 1-4). C'est un
véritable ouvrier dont la vie entière
est de pécher, soit ouvertement, soit
secrètement, soit grossièrement, soit
avec les vernis et les dehors de
l'honnêteté mondaine ou du
pharisaïsme.
Quant au juste, à l'homme
converti, quoiqu'il pèche encore, en prenant
le mot péché dans le sens de
commettre des péchés
d'infirmité, car dans ce sens,
« il n'y a point d'homme qui ne
pèche »
(1 Rois VIII, 46 ;
Jaq. III, 2 ;
1 Jean I, 8) ; cependant il ne
pèche point, en prenant ce mot dans le sens
de vivre dans le péché. Comme
l'Esprit saint l'explique, il ne fait point le
péché
(1 Jean III, 9), il n'est pas ouvrier
d'iniquité. Il est si loin de faire le
péché, que continuellement il le
défait, en le combattant par la vigilance et
par la prière ; en se relevant par la
repentance, en tirant parti de ses chutes
même pour devenir et plus humble et plus
reconnaissant envers Celui dont « la
grâce lui suffit, » et dont
« la force s'accomplit dans sa
faiblesse. » Il ne fait pas le
péché, car il fait le contraire. Il
« s'édifie sur sa
très-sainte foi, en priant par le
saint-Esprit
(Jude 20). Il « apporte
tous ses soins à ajouter à la foi le
courage, le discernement, la tempérance, la
patience, la piété, l'amour
fraternel, la charité »
(2 Pier. 1, 5-8). Il
« recherche la paix avec tout le monde,
et la sanctification sans laquelle
nul ne verra la face du
Seigneur »
(Hébr. XII, 14). Il
« recherche la justice, la
piété, la foi, la charité, la
patience, la douceur. Il combat dans le bon combat
de la foi »
(I Tim. VI, 11, 12).
Il « ne se persuade point
d'être parfait, mais il fait ses efforts pour
parvenir à la perfection. Il oublie les
choses qui sont derrière lui, et s'avance
vers celles qui sont devant »
(Phil. III, 12-14). Si par moment ses
mains sont affaiblies, et ses genoux
relâchés, il écoute la Parole
de Dieu qui lui dit : « Faites
à vos pieds un chemin droit, afin que ce qui
cloche ne se dévoie pas tout-à-fait,
mais que plutôt il se
rétablisse »
(Hébr. XII, 13).
S'il fait des chutes graves, au bout
d'un certain temps la semence de Dieu, qui est en
lui, l'amène à la repentance et ne
lui permet pas de demeurer dans le
péché ; et bientôt il
s'écrie avec Job, homme intègre et
droit, craignant Dieu et se détournant du
mal ; avec Job qui eut pourtant, malgré
son intégrité, ses moments
d'impatience et de révolte :
« J'ai horreur d'avoir ainsi
parlé, et je m'en repens sur la poudre et
sur la cendre. »
Avec David, renouvelé par la
repentance, il dit aussi : « Je
connais mes transgressions, et mon
péché est continuellement devant
moi ; j'ai péché contre toi,
contre toi proprement. » Il demande
à Dieu de lui rendre « la joie de
son salut et de le soutenir par l'Esprit
d'affranchissement. » Il veut faire
tourner sa chute à la gloire de Dieu, en
« enseignant ses voies aux
transgresseurs, afin que les pécheurs se
convertissent à Lui. »
Avec Pierre, relevé de sa chute,
et dont la foi n'a pas défailli, parce que
Jésus a prié pour lui
(Luc XXII, 32), il verse les larmes
de la repentance, et étant retourné
à Dieu, il « affermit ses
frères. » « Il aime
d'autant plus, qu'il lui a été
beaucoup pardonné ; » et il
peut malgré la honte qu'il a de sa
lâcheté, dire au Seigneur :
« Tu sais toutes choses, tu sais que je
t'aime. »
Dites-moi, cher frère, ces
hommes-là qui ont péché, qui
ont avoué avoir péché, qui ont
pleuré leur péché,
et qui pourtant avaient connu et
la joie du salut, et l'amour de Jésus, et
à qui Dieu n'a point refusé de rendre
un bon témoignage ; ces
hommes-là, oserions-nous les classer dans le
nombre de ceux qui sont du diable parce qu'ils
pèchent ? Oserions-nous dire qu'ils
n'étaient pas nés de Dieu ?
Oserions-nous refuser de les appeler nos
frères ? Oserions-nous dire que notre
état est supérieur au leur, et que
nous pouvons avoir de Dieu un meilleur
témoignage que Job, que David et que
Pierre ?
Pour tout homme qui ne veut pas faire de
la Parole de Dieu une énigme, et qui veut
prendre chaque chose dans son sens plein et
naturel, il n'y a nulle difficulté à
concilier ces deux choses, l'une que
« celui qui est né de Dieu ne
pèche point ; » l'autre, que
ces saints hommes, nés de Dieu, ont commis
de graves péchés. Tout le mot de
l'énigme se trouve dans ce fait qui saute
aux yeux de tout homme simple et de bonne foi,
c'est que le mot pécher signifie quelquefois
dans la Parole commettre des péchés,
et d'autres fois vivre dans le péché.
Or, c'est dans le premier sens que la Parole de
Dieu dit, qu'il n'y a point d'homme qui ne
pèche, » que « si
quelqu'un a péché, nous avons un
avocat auprès du Père »
(1 Jean II, 1) ; que
« si l'on voit son frère
pécher, il faut prier pour lui »
(Ch. V, 16) ; que la
prière faite avec foi sauve le malade, et
que s'il a commis des péchés, ils lui
seront pardonnés
(Jaq. V, 15) ; qu'il faut
reprendre ceux qui pèchent en
présence de tous, afin de donner de la
crainte aux autres
(1 Tim. V, 20).
C'est toujours en suivant ce même
sens, que l'apôtre écrivant aux
Corinthiens, parle de plusieurs d'entre eux qui ont
péché
(2 Cor, XII, 21) ; qu'il leur
reproche même des péchés
grossiers, comme de faire tort à leurs
frères
(1 Cor. VI, 8) ; tout en
admettant qu'ils sont le temple du saint-Esprit
(v. 19). C'est d'après le
même principe qu'il leur dit :
« Quand vous péchez ainsi contre
vos frères et que vous
blessez leur conscience qui est
faible vous péchez contre Christ
(1 Cor. VIII, 12).
C'est, d'un autre côté, en
prenant le mot péché dans son second
sens et comme signifiant vivre dans le
péché, que la Parole de Dieu
déclare que celui qui est né de Dieu
ne pèche point, ne peut pécher, et
que quiconque pèche ne l'a point vit, ni ne
l'a point connu.
Cette double interprétation du
mot péché lève toutes les
difficultés ; et si nous ne l'admettons
pas, nous faisons de la Parole un livre
énigmatique et qui est en contradiction
complète avec lui-même.
D'ailleurs, mettons la main sur la
conscience, et nous trouverons en nous
l'application de cette double
interprétation.
Si nous conservons au mot
péché son vrai sens, et si nous
appliquons ce mot à toute
« transgression de la Loi »
(1 Jean III, 4), nous serons
forcés de dire : Je pèche, car
je n'aime pas Dieu de tout mon coeur et mon
prochain comme moi-même ; et en
même temps, sentant que nous faisons le mal
que nous haïssons, que nous prenons plaisir
à la Loi de Dieu quant à l'homme
intérieur, et que nous nous
écrions : « Misérable
que je suis, qui me délivrera de ce corps de
mort »
(Rom. VII, 15,
22,
24) ?
Sentant, par la Grâce de Dieu, que
faire le bien est notre plaisir et ce à quoi
nous nous appliquons, nous pourrons dire :
« Je ne pèche pas, je ne vis pas
dans le péché ; »
« je sers de l'esprit à la Loi de
Dieu »
(Rom. VII, 25) ; je marche
« non selon la chair, mais selon
l'Esprit ; » je ne suis pas de ceux
qui « vivent selon la chair et qui
mourront, » mais de ceux qui,
« par l'Esprit, font mourir les oeuvres
de la chair, et qui vivront »
(Rom. VIII, 4,
13).
Je sais qu'il est parmi vous des
personnes qui ont imaginé d'établir
une distinction entre les péchés et
les offenses que commet l'enfant de Dieu. Mais
où ont-elles vu cela dans la Parole ?
Et où ont-elles vu qu'il faut se repentir
des péchés et ne pas se repentir des'
offenses ? - Quant à moi, prenant la
Parole dans toute sa simplicité, je
dis : Toute iniquité
est péché
(1 Jean V, 17), et quiconque
pèche transgresse la Loi, car le
péché est la transgression de la Loi
(1 Jean III, 4), et je dis aussi avec
la Parole, que tout péché doit
être confessé pour être
pardonné « Celui qui cache ses
transgressions ne prospérera point mais
celui qui les confesse et les délaisse
obtiendra miséricorde »
(Prov. XXVIII, 13). « Si
nous disons que nous n'avons point de
péché, nous nous séduisons
nous-mêmes, et la vérité n'est
point en nous. Si nous confessons nos
péchés, Il est fidèle et juste
pour nous les pardonner et pour nous purifier de
toute iniquité »
(1 Jean I, 8, 9).
Aussi je demande au Seigneur qu'il me
soit donné chaque jour de tourner ma face
vers Lui avec Daniel, cherchant à faire
requête et supplication, faisant ma
confession et disant : Seigneur, à nous
est la confusion de face, parce que nous avons
péché contre toi. Les
miséricordes et les pardons sont du Seigneur
notre Dieu, car nous nous sommes rebellés
contre Lui.
Et quand j'entends un homme comme Daniel
dire, après avoir fini sa
prière : Comme je parlais encore, que
je faisais ma requête, et que je confessais
mon péché
(Dan. IX, 21 ). Quand j'entends
David, « l'homme selon le coeur de
Dieu, » dire : « J'ai
péché contre toi, j'ai fait ce qui
est déplaisant à tes
yeux. »
Quand j'entends Jésus enseigner
à ses disciples à dire :
« Pardonne-nous nos
péchés »
(Luc XI, 4) ; enseigner, dis-je,
cette prière à ceux qu'Il appelle ses
amis ; à ceux qui sont
déjà nets
(Jean XV, 3) ; à ceux
avec qui l'Esprit demeure
(Jean XIV, 17) ; à ceux
qui « ont tout quitté pour le
suivre »
(Luc XVIII, 28) ; à ceux
auxquels Il déclare que leurs
« noms sont écrits dans les
cieux ; » je n'ai nullement honte,
et je ne crois nullement faire injure à ma
qualité d'enfant de Dieu, en me joignant
tous les jours dans un même esprit, aux
fidèles qui ont vécu avant et
après Jésus-Christ, pour dire
à mon Père céleste, en
fléchissant le genou devant Lui :
« Pardonne-moi mes péchés.
En passant, je vous
communiquerai une remarque que
je viens de faire en lisant l'oraison dominicale en
saint Matthieu ch. VI : c'est qu'il est
évident par cet endroit de la Parole, que
péché et offense sont synonymes. Au
verset
12, ce sont les péchés
dont Jésus-Christ fait demander le pardon,
et dans les versets
14 et 15 ce sont les offenses qu'il
déclare que le Père céleste
pardonnera ou ne pardonnera pas, si l'on pardonne
ou si l'on ne pardonne pas aux hommes. Il est donc
bien évident par là, que les offenses
ont besoin de pardon, et que la distinction qu'on a
voulu faire entre offense et péché,
quant à la nécessité du
pardon, est une distinction qui n'est nullement
fondée sur la Parole.
Il est vrai que l'enfant de Dieu n'est
jamais blessé au coeur par Satan, et comme
« c'est du coeur que procèdent les
sources de la vie, » je pense que c'est
dans ce sens que l'Écriture dit, que
« celui qui est né de Dieu, se
garde lui-même, et que le malin ne le touche
point »
(l Jean V, 18). Car Dieu dit au malin
à l'égard de chacun de ses
élus, comme à l'égard de Job,
lorsqu'il lui permet de les cribler comme on crible
le blé : « Voilà, il
est entre tes mains, seulement ne touche point
à sa vie. » Je ne vois pas qu'il y
ait d'autre manière de concilier cette
affirmation que celui qui est né de Dieu,
n'est pas touché par le malin, avec les
exemples de la Parole qui nous montrent que les
élus de Dieu ont plus d'une fois
été blessés par les traits de
l'ennemi. Si Satan n'avait plus aucun pouvoir sur
les élus, je ne comprendrais
réellement pas pourquoi nous sommes
exhortés si souvent à ne pas lui
donner lieu, à lui résister, à
être sobres et à veiller, parce qu'il
rôde autour de nous, et pourquoi saint Paul
disait aux Corinthiens, qu'il craignait que
« comme le serpent séduisit Eve
par sa ruse, leurs esprits ne se laissassent
corrompre en se détournant de la
simplicité qui est en Christ »
(2 Cor. XI, 3) Comment
l'apôtre pouvait-il
craindre les séductions de Satan pour des
gens qu'à la lettre, Satan ne pouvait pas
toucher ?
De ce que Jésus-Christ, qui est
notre modèle, a été
tenté comme nous en toutes choses, sans
péché, faut-il en conclure, comme
quelques-uns, que « nous qui sommes en
Lui, nous sommes aussi accomplis en Lui qui est le
Chef » et le consommateur de la
foi ? » ce qui signifie, si je les
comprends bien, que Jésus-Christ
étant notre modèle et nous donnant la
force d'imiter ce modèle d'une
manière accomplie, nous sommes comme Lui,
tentés, sans commettre de
péché.
Il est vrai que
« Jésus-Christ nous a
laissé un modèle, afin que nous
suivions ses traces » et que quiconque ne
s'étudie pas à suivre son
modèle et à faire comme Lui ce qui
est juste, n'est pas réellement né de
Dieu ; car « si quelqu'un n'a pas
l'Esprit de Christ, il ne lui appartient
pas. » Il est vrai aussi que
« nous avons en Christ les grandes et
précieuses promesses par lesquelles nous
sont données toutes les choses
nécessaires à la vie et à la
piété. » Mais il ne
s'ensuit pas de là, que celui qui
étudie et qui copie avec
sincérité par le saint-Esprit, le
modèle de Jésus-Christ, soit
immédiatement rendu conforme à ce
modèle ; si cela était, les
chrétiens ne seraient pas exhortés
à tendre « à la
perfection »
(2 Cor. XIII, 11) ; à
« abonder de plus en plus dans une
conduite convenable pour plaire à
Dieu »
(1 Thess. IV, 1) ; à
« croître dans la Grâce et
dans la connaissance du Seigneur
Jésus »
(2 Pier. III, 18), et à
ajouter successivement à la foi tous les
fruits de la foi
(2 Pier. I, 5-7.
Voyez aussi
Ephés. IV, 15, 14 ;
2 Cor. IV, 18).
Si le chrétien était rendu
tout de suite accompli, les apôtres ne
reprocheraient pas si fréquemment des
péchés à ceux auxquels ils
parlent d'ailleurs, comme à des personnes
nées de Dieu. Le passage même qu'ils
citent, fait contre eux ; car après avoir
établi que Jésus-Christ a
été tenté comme nous en toutes
choses sans péché, l'apôtre
en tire cette conclusion, que
« nous n'avons pas un souverain
sacrificateur qui ne puisse compatir à nos
infirmités, et que nous devons aller avec
confiance au trône de la Grâce, afin
d'obtenir miséricorde et de trouver
grâce pour être secouru temps
convenable »
(Hébr. IV, 15, 16).
Or, là où il y a des
infirmités, là où il y a
besoin de miséricorde, là ne se
trouvent sûrement pas ni l'absence de tout
péché, ni la perfection. Celui qui
résisterait continuellement aux tentations
de Satan, de manière à n'y jamais
céder en quoi que ce soit, ne me
paraîtrait guère un homme qui
eût des infirmités telles, qu'on
fût obligé de l'encourager à
aller avec confiance au trône de la
Grâce.
Je sais qu'on peut me citer des passages
qui disent que « tout disciple accompli
est comme son Maître ; » que
« celui qui dit qu'il demeure en Christ,
doit marcher comme Christ Lui-même a
marché ; » que,
« en ceci la charité est accomplie
en nous, afin que nous ayons confiance au jour du
jugement, » si, « tel qu'il est
lui-même, tels aussi nous sommes en ce
monde » (
1 Jean II, 6, et Ch.
IV, 17 ).
Mais ici encore, la Parole de Dieu doit
être prise non dans un sens absolument
littéral, qui serait contredit par une
quantité d'autres passages ; mais dans
un sens simple, naturel, qui est saisi de toute
personne qui ne s'accroche pas à des mots
pour disputer, et qui laisse toute la Parole de
Dieu d'accord avec elle-même.
Dans nombre de passages, le mot comme ne
désigne point une ressemblance parfaite
entre deux choses, mais seulement une ressemblance
à certains égards ou dans un certain
degré ; et cela a surtout lieu quand il
s'agit de comparer la créature au
Créateur, Christ à ses disciples. Qui
oserait en effet prendre à la lettre et dans
le sens d'une parfaite ressemblance, le mot comme
dans le passage suivant : « Soyez
parfaits, comme votre Père qui est dans les
cieux est parfait »
(Matth. V, 48) ?
Un être qui serait
réellement parfait comme Dieu, serait
Dieu Lui-même.
Quand nous disons à Dieu :
« Pardonne-nous, comme nous
pardonnons ; », quel est celui
d'entre nous qui voudrait que Dieu prît
à la lettre, pour modèle de son
pardon envers lui, la manière si pleine
d'infirmité dont il pardonne aux
autres ?
Quand Jésus-Christ dit :
« Que celui qui gouverne parmi vous, soit
comme celui qui sert ; » cela
veut-il dire qu'à la lettre celui qui
gouverne et celui qui sert, doivent être
à tous égards dans la même
position ?
Non sans doute ; mais cela signifie
que celui qui gouverne doit par humilité se
mettre dans son coeur au même rang que celui
qui sert, en se regardant comme étant par
amour pour Christ, le serviteur de ceux qu'il
gouverne.
Lorsque Jésus-Christ dit :
« Je dispose du royaume en votre faveur,
comme mon Père en a disposé en ma
faveur ; » cela veut-il dire que
comme le Père a « assujetti toutes
choses sous ses pieds, l'a établi
héritier de toutes choses, l'a
souverainement élevé, et lui a
donné un nom qui est au-dessus de tout nom,
afin qu'au nom de Jésus, tout ce qui est
dans les cieux, sur la terre et sous la terre
fléchisse le genou, et que toute langue
confesse que Jésus-Christ est le Seigneur
à la gloire de Dieu le
Père, » de même
Jésus-Christ accorde tous ces mêmes
privilèges à ses apôtres ?
Personne n'oserait le dire, et l'on est
forcé de convenir qu'ici le comme ne
désigne pas une ressemblance parfaite.
Lorsque Jésus-Christ prie son Père en
disant : « Père saint, garde
en ton nom ceux que tu m'as donnés, afin
qu'ils soient un comme nous » (Jean XVII,
11), ce qu'il développe au verset 21, en
disant : « Afin qu'ils ne soient
qu'un, comme toi, ô mon père, tu es en
moi, et que je suis en toi, qu'eux aussi, soient en
nous ; » pourrait-on croire que le
comme désigne ici une ressemblance parfaite,
et que les fidèles puissent être un
avec le Père absolument dans le même
sens que le Père et le Fils sont un ?
Non, certainement car le Père et
le Fils sont un par nature ; et nous, nous ne
serons jamais un avec Dieu, que
par amour et par une volonté
entièrement soumise à la
sienne ; mais jamais nous n'aurons avec Dieu
unité de nature, et jamais la pauvre
créature ne pourra dire qu'elle fait partie
de la nature et de l'essence du Créateur,
comme Jésus-Christ qui est
« l'unique issu du
Père, » et qui peut dire en
parlant de sa nature et dans le sens le plus
excellent. « Le Père et moi nous
sommes un. »
J'aurais pu multiplier les citations,
mais celles qui précèdent me
paraissent suffire à toute personne de bonne
foi, pour la convaincre que le mot comme
n'établit pas toujours dans la Parole une
ressemblance parfaite entre les deux choses qu'il
compare l'une à l'autre. Il en est de
même dans le langage ordinaire. Lorsqu'on dit
d'un bon écolier qu'il dessine, qu'il
chante, qu'il écrit comme son
maître ; quand ou dit d'un enfant qu'il
travaille déjà comme son père,
on entend toujours ces comparaisons dans le sens
d'infériorité, qui tout naturellement
accompagne la qualité d'écolier et
d'enfant. Quand un père dirait à son
enfant : « Marche comme moi sur les
traces du Sauveur, et si tu ne marches pas comme
moi, cela prouvera que tu ne m'aimes pas ;
entendrait-on par là, qu'à chaque
infirmité de cet enfant qui s'efforcerait
pourtant sincèrement d'imiter son
père, celui-ci aurait le droit de lui
dire : « Tu ne marches pas
exactement comme moi, donc tu ne m'aimes
pas ?.... »
Quand l'Écriture dit, que celui
qui demeure en Jésus-Christ, doit vivre
comme Jésus-Christ a vécu, ce comme
n'est pas là pour exprimer une ressemblance
parfaite dans l'imitation, mais pour faire
opposition avec le mot autrement dont on se
servirait pour caractériser celui qui ne
demeure pas véritablement en Christ, car il
vit autrement que Jésus a vécu.
Remarquons que le même
apôtre qui a si fort insisté sur la
ressemblance du chrétien avec son
Maître, reconnaît lui-même que
cette ressemblance n'est pas parfaite ici-bas,
puisqu'il dit que « lorsqu'Il sera
apparu, nous lui serons
semblables, parce que nous le verrons tel qu'il
est. » Il renvoie donc la ressemblance
parfaite, au moment de la venue de Christ ; et
il croit si peu que le chrétien soit
dès ici-bas tout-à-fait
purifié, qu'il dit dans le verset
suivant : « Quiconque a cette
espérance en Lui, se purifie lui-même
comme Lui aussi est pur »
(1 Jean III, 2, 5).
Si je vous comprends bien, le
chrétien est déjà
nettoyé de toute souillure de la chair et de
l'esprit, et il n'a point de sanctification
à achever puisqu'il est déjà
sans péché, et que même il ne
peut plus pécher. Vous ne devriez pas dire
non plus avec l'Esprit saint :
« Faites mourir vos membres qui sont sur
la terre »
(Coloss. III, 5) ; renoncez
à la colère, à
l'animosité, à la malice, à la
médisance, etc. ; revêtez-vous
comme les élus de Dieu, ses saints et ses
bien-aimés, d'entrailles de
miséricorde, etc., etc.
(v. 12) ; rejetons les oeuvres
de ténèbres, et revêtons-nous
des armes de lumière ;
revêtez-vous du Seigneur Jésus, et
n'ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les
convoitises.
Vous mettriez tous ces passages au
passé dans la supposition que cela s'est
fait lorsque nous avons été ensevelis
avec Christ par le baptême en sa mort.
Hé bien ! l'Écriture
met cela tantôt au passé, comme une
chose faite, tantôt à
l'impératif, comme une chose qui doit se
faire, parce que l'Écriture ne fait pas de
système en dehors de l'expérience et
de la réalité.
Comme l'oeuvre est commencée chez
le chrétien, dans ce sens l'Esprit saint en
parle au temps passé, en disant :
« Vous tous qui avez été
baptisés en Jésus-Christ, vous avez
été revêtus de
Christ »
(Gal. III, 27) ;
« ceux qui sont de Christ, ont
crucifié la chair avec ses passions et ses
convoitises »
(Ch. V, 24) ; et comme l'oeuvre
n'est que commencée, et qu'elle doit se
continuer, l'Esprit saint présente les
mêmes choses comme étant encore
à faire, et dit aux chrétiens, comme
vous venez de le voir :
« Revêtez-vous du Seigneur
Jésus ; « faites mourir vos
membres qui sont sur la terre, etc.,
etc. »
D'après le système d'une
sanctification graduelle, il n'y a pas à
cela la moindre difficulté ; mais
d'après le système contraire, je ne
conçois réellement pas comment l'on
pourrait lever ces contradictions apparentes, et il
me semble qu'un grand nombre de pages dans les
épîtres doivent être sans
application pour ceux qui l'adopteraient.
Je sais qu'on en revient continuellement
au passage qui nous dit « Si quelqu'un
est en Christ, il est une nouvelle créature
les choses vieilles sont passées, toutes
choses sont faites nouvelles, » et qu'on
insiste en disant : « Vous voyez
bien que la Parole dit que toutes choses sont
faites nouvelles. En conséquence, si tout
n'est pas fait nouveau chez vous, s'il y a encore
en vous du vieil homme, vous n'êtes pas en
Christ. » Voilà qui a l'air
terrassant, mais tout cela n'arrête et ne
jette dans un faux système que ceux qui ne
veulent prendre qu'une portion de la Parole de Dieu
en l'isolant du reste, et qui n'admettent pas cette
explication toute simple, qu'il s'agit ici du
nouvel homme, pour lequel, en effet, tout est
nouveau, et qui se trouve chez tous ceux qui sont
vraiment en Christ.
Mais à côté de ce
nouveau, il en existe un vieux dont
l'Écriture parle en d'autres endroits ;
qui est déjà crucifié, mais
non pas mort, et qu'elle exhorte à faire
mourir.
Si l'on m'objecte qu'il y a
contradiction à dire dans un endroit que
tout est nouveau chez le chrétien, que tout
ce qui est vieux est passé ; et dans un
autre, qu'il a encore un vieil homme dont il doit
se dépouiller, je répondrai d'abord
que cette contradiction apparente est un fait
existant dans la Parole de Dieu, et qu'on ne peut
nier un fait.
Secondement, que cette contradiction
apparente n'embarrasse que ceux qui, au lieu de
consulter l'expérience et de mettre la main
sur le coeur où ils trouveraient la
même contradiction apparente, veulent faire
des systèmes en dehors de
l'expérience. Dans ce cas, l'embarras qu'on
trouve à concilier ces apparentes
contradictions doit être imputé,
non à la Parole de Dieu,
qui parle toujours de manière que notre
expérience soit d'accord avec elle ;
mais à notre malheureux esprit de
système qui, en dehors de
l'expérience, voudrait faire cadrer la
Parole avec les systèmes que nous avons
inventés.
Quant à moi, je ne trouve pas la
moindre difficulté en consultant mon
expérience, à comprendre comment Paul
a pu dire : « Je fais ce que je
hais »
(Rom. VII, 15) ; « je
fais le mal que je ne voudrais pas
faire »
(v. 19) ; et dire en même
temps : « Ce n'est pas moi qui le
fais. »
En système, c'est là un
galimatias. Comment un homme peut-il faire ce qu'il
hait ? S'il le hait, qui le force à le
faire ? Comment peut-il dire qu'il fait le
mal, et un moment après, que ce n'est pas
lui qui le fait ?
Que Paul ait dit cela de lui converti ou
non converti, sous la Loi ou sous la Grâce,
peu importe au but que je me propose pour le
moment. Ce que je veux seulement prouver, c'est
que, en dehors de l'expérience, le langage
de la Parole est rempli d'apparentes
contradictions. Et n'en est-il pas de même
dans notre langage habituel ? Quand une
mère, par exemple, dit à son enfant
qui lui a désobéi :
« Vous êtes un sot, je »
ne vous aime pas ; » et que dans la
même minute elle court à son enfant
qui vient de se blesser en tombant, en lui
criant : « Cher enfant, t'es-tu fait
mal ? » Que diriez-vous d'un faiseur
de systèmes qui arrêterait cette
mère en lui disant :
« Comment pouvez-vous, dans la même
minute, dire au même enfant que vous ne
l'aimez pas et qu'il vous est
cher ? »
Ah ! mon frère, que les
systèmes en dehors de l'expérience
sont pauvres, secs, froids et embarrassants !
On peut dire véritablement qu'ils portent
leur punition avec eux.
Recevez l'expression de mon affectueux
dévouement en Christ.
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