Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE XLIV
1838.

Comme si Dieu avait voulu te dire: Voyons si quand la mort sera là, tu te trouveras aussi désireux de déloger qu'auparavant

Mon cher frère,
L'Éternel garde les simples » « La délivrance de l'Éternel est près de ceux qui le craignent. » « Qui craint Dieu sort de tout. » « La lumière est semée pour le juste, et la joie pour ceux qui sont droits de coeur. »

Voilà des passages qui, à la gloire de Dieu, ont été accomplis à votre égard ; et ce qu'il y a de meilleur, c'est qu'il est promis que le sentier du juste sera comme la lumière dont, l'éclat va en augmentant jusqu'à ce que le jour soit en sa perfection.

Il y a quelque chose de bien singulier dans le rapprochement de votre accident avec les bénédictions que vous aviez reçues peu auparavant. J'ai pensé que Dieu avait voulu que cet accident arrivât pour être comme la contre-épreuve des sentiments que vous veniez d'éprouver, et qu'Il avait voulu vous demander en quelque sorte : Voyons si quand la mort sera là, tu te trouveras aussi désireux de déloger qu'auparavant.

Peut-être aussi était-ce un moyen de vous humilier et de vous préserver d'une espèce de haut-monté que notre malheureuse nature joint quelquefois aux véritables bénédictions que nous accorde le Seigneur. Ce n'est pas que je vous croie plus sujet à l'orgueil qu'un autre, tant s'en faut ; mais c'est notre vice de nature à tous.

Quand nous croyons avoir atteint un échelon un peu élevé, il arrive quelquefois que nous nous mettons à chanter, comme un oiseau, sur cet échelon. Jusque là tout est bien, car c'est une chose bonne que de célébrer l'Éternel dans la joie du coeur. Mais il arrive quelquefois que. tout en chantant, on se joue, en quelque sorte, sur l'échelon, ou bien l'on regarde en bas avec une espèce de complaisance ; puis bientôt le pied glisse, la tête tourne, et on a bien vite redescendu l'échelle.
C'est pourquoi, même au milieu des bénédictions, il est bon que quelque événement nous amène à travailler à notre salut avec crainte et tremblement.

Quant à moi, je ne puis pas vous raconter des bénédictions comme les vôtres, ni chanter comme l'oiseau qui est sur le haut de l'échelle et qui est prêt à s'envoler ; mais je puis, avec mille actions de grâces, bénir Celui qui n'éteint pas le lumignon qui fume, et dont, chaque jour, la grâce me suffit, parce qu'il accomplit sa force dans mon infirmité. Je suis porté à croire que j'irai ainsi jusqu'à la fin. Chacun à sa mesure qui est adaptée à son caractère particulier. Je pense qu'il m'est bon d'être continuellement tenu dans l'humiliation.

D'ailleurs je n'ai pas à me plaindre. L'orgueil qui force Dieu à m'humilier ne vient pas de Lui, mais de moi. Il me traite mille fois mieux que je ne le mérite ; Il ne me fait pas selon mes péchés et ne me rend pas selon mes iniquités. Les uns peuvent louer le Seigneur de leur bonne santé, les autres peuvent le louer de la vie qui leur est conservée par miracle, au milieu d'une foule d'infirmités. Chacun fait sa note dans le concert de louanges, et je pense que de toutes ces notes, différentes, résulte une harmonie admirable devant le trône de grâce où toutes ces louanges se réunissent.

Que Dieu continue à mettre sa bonne main sur votre membre souffrant pour le guérir !

LETTRE XLV
1839.

 Il y a encore tant de crasse mêlée en nous avec l'or de la foi

Mon frère,
Bien loin de souhaiter à la façon des mondains, que vous puissiez vous distraire de votre chagrin, je souhaite qu'en sentant une abondante consolation, vous continuiiez à sentir la plaie assez long-temps, pour qu'elle produise son doux fruit de justice. Les plaies faites par Celui qui aime sont fidèles, et la meurtrissure de la plaie est un nettoiement qui va jusqu'au fond de l'âme. Il y a encore tant de crasse mêlée en nous avec l'or de la foi, que le Seigneur est obligé de remettre sa main sur nous, et de refondre au net notre écume, afin que l'épreuve de notre foi, plus précieuse que l'or périssable et qui toutefois est éprouvée par le feu, nous tourne à louange, à honneur et à gloire lorsque Jésus-Christ paraîtra.

Nous ne sommes que trop portés par notre légèreté naturelle à oublier trop tôt les coups dont le Seigneur nous frappe, et à perdre ainsi une partie des salutaires enseignements qu'il veut nous donner par leur moyen.
Il y a une sainte tristesse qu'il est bon de conserver, parce qu'elle renferme du sérieux, de l'humiliation, du détachement du monde ; parce qu'elle jette dans le sein du Sauveur, et qu'elle est un contre-poids à notre folie et à notre légèreté naturelles. Cette tristesse a même ses douceurs.

Si l'on sent la main de Dieu qui frappe, on sent aussi la main de Dieu qui essuie les larmes de nos yeux. Et d'ailleurs, la main qui frappe, n'est-elle pas aussi celle d'un Père qui nous châtie pour notre profit ? N'est-il pas écrit sur la verge qui nous châtie, ces mots si consolants : « Mon enfant, ne méprise pas le châtiment dut Seigneur, et ne perds point courage lorsqu'il te reprend ; car le Seigneur châtie celui qu'il aime, et Il frappe de ses verges tous ceux qu'il reconnaît pour ses enfants ? »

Oui, mon cher frère, bénissons le Seigneur de ce qu'il nous enseigne par le châtiment afin que nous ne soyons pas condamnés avec le monde.

Bénissons-Le de ce que notre légère affliction du temps présent, qui ne fait que passer, produit en nous le poids éternel d'une gloire infiniment excellente. N'envions point la part du méchant, et la prospérité qui lui est quelquefois accordée en ce monde. Notre bourgeoisie est dans les cieux, notre trésor est là, notre lot est là, et il faut que notre coeur y soit aussi. C'est pourquoi le Seigneur qui est toutes choses dans le ciel, et qui veut être toutes choses déjà sur la terre dans le coeur des siens, se fait souvent place, en nous ôtant ce qui pouvait trop captiver nos affections. Il est toujours là pour remplacer tout ce qu'il nous ôte, et pour nous dire comme Elkana à sa femme : « Ne te vaux-je pas mieux que dix fils ? » - Oui, quand nous considérons que l'épreuve est une marque du tendre soin que le Seigneur prend de nos âmes, et qu'Il veut toujours nous donner beaucoup plus qu'Il ne nous ôte, nous pouvons bien Lui dire : « Il m'est bon d'avoir été affligé, je reconnais que tu m'as affligé dans ta fidélité ! Oh ! que bienheureux est l'homme ! ô Éternel, que tu châties et que tu instruis par ta Loi, afin de le mettre à couvert au jour de l'adversité, tandis que la fosse se creuse pour le méchant. »

Je ne sais si vous aurez éprouvé, par rapport à la grande paix dans laquelle est morte votre compagne, ce que j'éprouvai lorsque Dieu retira à Lui, dans sa paix, mon enfant âgé de sept ans.

Il me semblait que j'aimais beaucoup mieux le Sauveur pour le salut de mon enfant que pour le mien propre, et que j'en étais plus réjoui. Souvent je sentais mon coeur attendri, en pensant qu'Il avait reçu cette chère enfant entre ses bras, et qu'Il avait daigné avoir compassion de cette pauvre âme. Si nous pensions que s'Il ne fût venu en ce monde chercher ce qui est perdu, nous et les autres nous nous enfoncerions tour à tour dans un abîme de misères sans fin, nous l'aimerions d'un amour brûlant et sans borne, et nous dirions continuellement avec l'apôtre : « Grâces à Dieu pour son don ineffable » - « Seigneur, augmente-nous la foi. »

Que la paix du Seigneur vous soit multipliée dans la foi et dans la charité !

LETTRE XLVI
1839.

Quant à votre doctrine sur le saint-Esprit...

Quant à votre doctrine sur le saint-Esprit, permettez-moi de vous dire, en passant, que si vous voulez seulement dire qu'un chrétien ne doit pas demander le saint-Esprit dans le même sens que celui qui ne l'a pas reçu tout le monde est d'accord avec vous, entendant bien que le chrétien, en demandant le saint-Esprit, ne demande que la conservation et l'augmentation de ses grâces, dans le même sens que les apôtres souhaitaient la grâce et la paix à ceux qui les avaient déjà (Ephés. 1, 2), et dans le même sens que Paul disait à Timothée, de rechercher la foi qu'il possédait déjà (2 Tim. II, 22). Mais si vous blâmez la demande même du saint-Esprit par les enfants de Dieu, vous me paraissez condamné formellement par Luc XI, 13.

LETTRE XLVII
Janvier 1840.

Peut-on en venir sur cette terre à ne plus pécher ? Y a-t-il quelqu'un qui en soit venu là ?

Je crois devoir répondre à votre confiance en vous communiquant quelques nouvelles vues qui me sont venues du Seigneur, je l'espère, en méditant sur le sujet qui vous occupe.

Je ne me dissimule pas la position difficile où l'on se place en combattant une erreur du genre de celle qui se répand, et qui a l'air d'être tout au profit de la sainteté. Il semble qu'on se constitue défenseur du péché, et qu'on cherche à retenir des gens qui veulent aller en avant. Aussi les partisans de .... disaient : « Rochat, de Rolle, défend la cause du péché. »

Hé bien ! cela même il faut encore le supporter en reconnaissant avec humiliation qu'il n'est que trop vrai que dans le fond du coeur, l'on soutient encore secrètement la cause de certains péchés, et que si l'on ne le défend pas en doctrine, de fait on ne le défend que trop souvent. Seulement, a-t-on le témoignage qu'au dedans de nous, il y en a un qui combat contre celui qui aussi en nous aime le péché et prend sa défense.
De plus, je crois devoir dire que parmi ceux qui reçoivent ces doctrines, il y en a plusieurs qui y sont conduits, parce qu'ils ont plus que d'autres, un grand désir de sainteté. Pour ceux-là, l'erreur ne sera jamais très-nuisible, à cause de la droiture de leur coeur. Mais quand ces erreurs tombent dans des âmes moins droites, alors, réellement elles portent leurs funestes effets, en leur faisant prendre les illusions de leur imagination et une fausse élévation, pour des progrès de sanctification, ou bien en les amenant à ne plus appeler mal tout ce qui est mal, et à ne plus regarder comme péché ce qui est péché.

Maintenant, j'en viens à attaquer directement le sujet qui nous occupe.
Dans ce que j'ai à dire sur ce sujet, je distinguerai la question de dogme et la question de fait. La question de dogme, c'est : Peut-on en venir sur cette terre à ne plus pécher ? La question de fait, c'est : Y a-t-il quelqu'un qui en soit venu là ?

Quant à la question de dogme, je pose en fait qu'elle n'est pas traitée directement dans la Parole, c'est-à-dire que la Parole n'a pas discuté cette question : L'homme peut-il ou non, en venir sur cette terre à ne plus pécher ?
Je ne veux pas dire qu'il n'y ait pas dans la Parole des passages dont on ne puisse plus ou moins tirer des conclusions pour ou contre la doctrine de l'impeccabilité ; mais je dis que cette doctrine n'est pas établie ou combattue d'une manière expresse dans la Parole comme ou y trouve établie la doctrine de la justification par la foi, ou celle de l'élection, ou celle du jugement dernier, ou celle de la divinité du Fils.

Voici tout ce que la Parole me semble dire sur ce sujet :

1° Je crois que la Parole exhorte à tendre à la perfection, à croître, à abonder, à avancer de plus en plus, sans poser aucune limite, et sans dire : Voilà un point au-delà duquel vous ne pouvez pas aller.
2° Je crois, en second lieu, qu'il y a aussi des promesses illimitées, tellement, que l'on ne peut jamais s'arrêter en disant ; Je n'ai pas de promesse pour aller plus loin.
3° Je crois, enfin, que l'ensemble de la Parole est tel, qu'il ne suppose pas que jamais le chrétien soit arrivé à un point où les exhortations à avancer, ne puissent plus lui être adressées, ni même à un point où il puisse dire : Je n'ai plus besoin de pardon, ni de repentance.

Il me semble que ces trois faits sont palpables dans la Parole de Dieu, et que quiconque la lit avec bonne foi, doit dire : C'est la vérité.
Je ne serais pas embarrassé de les soutenir par des multitudes de passages.

De ce qui précède, je conclus qu'il est téméraire de vouloir aller plus loin que la Parole et établir comme dogme ce qu'elle n'a point établi, c'est que L'homme peut arriver à ne plus pécher. Je crois que nous ne devons résoudre cette question ni affirmativement, ni négativement dans un sens absolu. Si la Parole suppose toujours qu'il y a à combattre le péché, elle dit toujours : Combattez-le à extinction et faites-le mourir, sans ajouter : Mais sachez bien que vous n'en viendrez pas à bout sur cette terre. L'Esprit saint, qui est un Esprit de prudence, sait bien que notre coeur est trop rusé et désespérément méchant, pour qu'il faille lui imposer de croire comme doctrine, qu'il péchera toujours. Seulement, comme l'Esprit saint est la vérité, il parle en conséquence de la vérité des faits, quant aux actes du péché; mais il parle du péché sous le rapport d'un fait qui doit nous porter à gémir, à soupirer après la délivrance et à combattre jusqu'à la fin, et non pas sous celui d'un dogme qui doit nous tranquilliser, nous empêcher d'avancer à quelque degré que nous soyions parvenus, ou nous engager à faire pacte avec quel péché que ce soit.

Je pense donc que pour prêcher comme la Parole de Dieu le fait, il faut exciter le fidèle à aller toujours en avant, ne lui montrer aucun point de la sanctification où il doive s'arrêter; lui faire comprendre qu'il a des promesses pour s'élancer jusqu'aux plus hautes régions ; le presser par l'amour de Christ et par tous les motifs évangéliques, à tendre à la perfection.
Mais je pense aussi qu'il faut lui répéter ces exhortations a toutes les époques de sa vie, et à quel degré de sanctification qu'il soit ou qu'il croie être parvenu.

Remarquez à l'appui de ceci, que l'apôtre Jean, après avoir distingué les chrétiens en trois classes, d'après leur degré d'avancement spirituel, leur adresse à tous, sans distinction et sous la même forme, la même exhortation à ne pas aimer le monde (1 Jean II, 12-17).
Je crois que ce sont là les véritables bornes dans lesquelles la prédication doit se renfermer à cet égard. Aller au delà, et réduire en système la peccabilité on l'impeccabilité du croyant, c'est tout au moins, quant à la forme, aller au delà de ce qui est écrit, et gâter par son imprudence les effets de la sage prudence du saint Esprit. Au reste, j'ai dit et je dirai toujours pour ne pas mettre des oreillers de sécurité sous les coudes de celui qui manque de vigilance, qu'il n'y a pas de hauteur de sanctification à laquelle on ne doive tendre. Mais avec tout cela, j'ai soin de prêcher la sanctification de manière à tenir toujours l'homme dans le sentiment de son état de péché actuel, à le tenir toujours humilié au pied de la croix, ensorte qu'il puisse s'élever, restant toujours abaissé, se sanctifier, cherchant toujours le pardon comme la première des grâces, et trouver même dans les péchés dont il s'humilie chaque jour et dont il reçoit le pardon journalier, la source d'un amour toujours croissant et toujours renouvelé, et par là même la source de tout accroissement en sanctification.

En le tenant ainsi dans le vrai, comme le fait la Parole, c'est-à-dire dans une humiliation renouvelée, au pied de la croix du Sauveur, je le tiens en garde contre cet orgueil qui peut empoisonner les sanctifications les plus hautes en apparence, et faire de nous des Satans « dont le coeur s'est élevé à cause de leur beauté, et qui perdent leur sagesse à cause de leur éclat » (Ezéch. XXVIII, 17).

Voilà quant à la question de dogme ; maintenant traitons la question de fait.
Ici l'Écriture me paraît décisive, car elle dit qu' « il n'y a point d'homme qui ne pèche » (2 Chron. VI, 36) ; qu' « il n'y a point de juste qui fasse le bien et qui ne pèche point » (Ecclés. VII, 20) ; que « si nous disons que nous n'avons point de péché, nous nous séduisons nous-mêmes et que la vérité n'est point en nous » (1 Jean I, 8) ; que « nous bronchons tous en plusieurs choses » (Jaq. III, 2).

Tous les saints dont elle raconte la vie, se sont reconnus pécheurs actuels ; aucun d'eux n'a dit de lui et l'Écriture n'a dit d'aucun d'eux, qu'il fût sans péché. Je sais qu'en se prévalant de certains endroits où Paul, pour justifier son ministère, rappelle la droiture et la sincérité de sa conduite, on a prétendu qu'il s'était dit sans péché.
Mais autre chose est de pouvoir se rendre témoignage de son intégrité, comme David lui-même le faisait au Ps. XVIII, quoique dans d'autres endroits il déplorât fréquemment ses péchés ; autre chose est de pouvoir dire avec Jésus-Christ : « Qui de vous me convaincra de péché ? » C'est là ce que ni Paul, ni aucun saint n'a jamais dit.

Je passe sur le septième des Romains pour ne pas contester avec ceux qui prétendent que Paul dans cet endroit parlait de lui étant sous la Loi. Mais un endroit qui me paraît formel, c'est le passage de l'épître aux Philippiens, écrite trois ans avant sa mort, de cette même épître dans laquelle il dit qu'il « peut tout en Christ qui le fortifie, » et dans laquelle en même temps il déclare positivement qu'il n'est « pas encore accompli » (ch. III, 12).

Je sais bien qu'on a cherché à entendre ce passage, comme si Paul voulait dire simplement qu'il n'est pas encore au bout de la course, et qu'il faut qu'il continue à courir pour atteindre le ciel, sans que cela emporte qu'en courant il commît encore des péchés ; mais j'avoue que ce sens me paraît peu naturel, et que ces mots : « Je ne suis pas encore accompli, » me semblent supposer tout naturellement qu'il lui manquait quelque chose, non seulement quant à la durée de la course, mais encore quant à la manière dont il courait.
Ce sens me paraît encore plus naturel, quand je compare ce passage avec le v. 6 du chap. 1er de la même épître, où il dit aux Philippiens, que Celui qui a commencé en eux la bonne oeuvre, la perfectionnera jusqu'au jour de Jésus-Christ. Je ne pense pas que Paul voulût se mettre en dehors de la ligne des fidèles, et dire : Quant à eux, ils ont besoin d'être perfectionnés jusqu'au jour de Christ ; mais quant à moi, c'est différent ; je le suis déjà, et je n'ai besoin que de continuer à marcher comme je l'ai fait jusqu'à présent.

Je sais qu'on a voulu aussi se tirer d'embarras au sujet de ce passage, en distinguant entre impeccabilité et perfection, et disant qu'on peut ne pas commettre de péché, et pourtant n'être pas parfait.

Quant à moi, je ne comprends rien à une pareille distinction, et je ne conçois pas ce qu'un homme qui aime Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de toutes ses forces, et son prochain comme lui-même, peut faire de plus ; si on le sait, qu'on me le dise.
D'ailleurs, je ne vois nullement que l'Écriture autorise cette distinction ; je vois au contraire qu'elle appelle perfection, l'accomplissement de toute la Loi de Dieu. Preuve en soit le dernier verset du chap. 5 de saint Matthieu, où le Seigneur résume tous les préceptes de la sainteté évangélique par ces mots : « Soyez parfaits comme notre Père qui est dans les cieux est parfait. » Voyez encore Matth. XIX, 21 ; Jaq. I, 24 et 25, et ch. III, 2, et 1 Jean IV, 17, 18 ; Coloss. IV, 12.

À propos de ce dernier passage, on a voulu le citer pour prouver que les Colossiens étaient parvenus à la perfection, parce qu'il est dit qu'Epaphras combat pour eux dans ses prières, afin qu'ils restent parfaits et accomplis dans toute la volonté de Dieu.
On a raisonné en disant : On ne peut rester parfait que quand on l'est déjà ; donc les Colossiens l'étaient. C'est très-bien raisonné, si ce n'est qu'ainsi que cela arrive dans tous les raisonnements semblables où l'on prend les expressions dans un sens trop absolu, on donne un coup de pied aux passages qui se trouvent en regard de ceux sur lesquels on raisonne.

Si les Colossiens sont réellement parfaits, comment l'apôtre peut-il leur dire dans le chapitre troisième : « Faites mourir vos membres qui sont sur la terre, la fornication, la souillure, etc., etc. » (v. 5). « Renoncez à toutes ces choses), (v. 8). « Revêtez-vous des entrailles de miséricorde, de bonté, etc. » (v. 12). « Si l'un de vous a quelque sujet de plainte contre l'autre, comme Christ vous a pardonné, faites-en de même » (v. 15). Quand il y a encore à faire mourir des convoitises charnelles quand il y a encore des choses auxquelles il faut renoncer quand il y en a d'autres dont il faut se revêtir ; quand on peut être dans le cas de se donner réciproquement des sujets de plainte et de s'accorder réciproquement des pardons, est-on parfait et accompli dans toute la volonté de Dieu ?

Je pense donc que jamais la Parole de Dieu n'a dit de quelqu'un qu'il fût sans péché ; et je crois que quand les saints, nos frères en Christ, ont dit des choses dont on croit pouvoir conclure qu'ils étaient sans péché, on donne à cette partie de leurs écrits un sens beaucoup trop étendu, et qui contredit les aveux qu'ils ont faits dans d'autres endroits.
Je crois que le vrai sens de tous ces passages dont on abuse, est, détermine par Hébr. XIII, 18, où l'apôtre dit : « Priez pour nous, car nous sommes assurés avoir une bonne conscience, désirant de nous bien conduire en toutes choses. » Être sincère dans ce désir d'accomplir toute la volonté de Dieu, être intègre et droit, c'est aux yeux de Dieu être sans reproche, être net, observer tous ses commandements et, toutes ses ordonnances d'une manière irrépréhensible. Dans ce monde, il n'y a pas d'autre perfection que celle-là. Heureux celui qui y est parvenu, et qui peut dire avec l'apôtre qu'il désire se bien conduire en toutes choses !

En passant, je remarque sur ce passage de l'apôtre, qu'il me semble annoncer indirectement qu'il ne se croyait pas sans péché, car quelqu'un qui aurait été dans ce cas aurait dit, ce me semble, non pas : « Je désire me bien conduire en toutes choses, » mais : Je me conduis bien en toutes choses. - En relisant dans ce moment le passage du 3e ch. des Philippiens avec les versets qui le précèdent, je remarque que dans les versets 10 et 11, l'apôtre parle évidemment comme quelqu'un qui cherche à connaître encore plus qu'il ne la connaît, l'efficace de la résurrection de Jésus-Christ, la communion de ses souffrances, et la conformité à sa mort ce qui suppose nécessairement des progrès en sainteté, puisque cette conformité à la mort de Christ et l'efficace de sa résurrection, ne sont autre chose que la sainteté chrétienne. Voyez Rom. VI, 4-6, et remarquez sur ces derniers versets que l'apôtre met au futur, c'est-à-dire comme une chose qui est encore en partie à faire pour les croyants, « la conformité à la résurrection de Christ et la destruction du corps du péché. »
Remarquez aussi dans le même but, les versets 11-14. Remarquez, enfin, que dans ce même chapitre, versets 18 et 22, les chrétiens sont dits affranchis du péché, et que dans les versets 11-13, et 19, ils sont exhortés a s'en affranchir.

Nouvelle preuve entre mille autres, qu'il faut combiner les passages de l'Écriture les uns avec les autres, pour en saisir le vrai sens, et ne pas prendre dans leur sens absolu ceux qui sont restreints par d'autres.
L'affranchissement est commencé dans le chrétien, et il s'achèvera ; mais l'affranchissement n'est que commencé et non pas achevé ; voilà pourquoi le chrétien est exhorté à combattre pour s'affranchir. C'est là le mot de l'énigme, et l'explication qui saute aux yeux de tous ceux auxquels l'ennemi n'a pas crevé l'oeil droit, comme le roi des Hammonites voulait le faire aux habitants de Jabès de Galaad, afin de mettre cela pour opprobre sur tout Israël (1 Sam. XI, 1, 2).

Considérons maintenant la question de fait sous le rapport du temps présent, c'est-à-dire en la posant ainsi : Y a-t-il, ou n'y a-t-il pas actuellement des personnes qui en soient venues au point d'accomplir sans pécher toute la Loi de Dieu ? Quant à moi, j'attends pour la résoudre, que quelqu'un vienne et me dise : « Je suis cet homme-là. » Car on peut attribuer l'impeccabilité à des personnes qui, lorsqu'on les voit, se défendent d'avoir cette prétention.
Si quelqu'un venait à moi et me disait franchement : Je ne pèche plus, je commencerais par lui demander s'il se fait de justes idées du péché, et s'il ne déguise point sous le nom d'infirmité ou sous tel autre nom radouci, ce qui est bien réellement péché.
Si, après m'être bien expliqué avec lui sur la nature du péché, il me disait : « J'aime Dieu de tout mon coeur et mon prochain comme moi-même ; » je lui demanderais si jamais et dans aucun instant de la journée, aucun sentiment d'orgueil, d'égoïsme, de sensualité, de mondanité, de légèreté, venant de son propre fond, n'aborde son âme, ou s'il le repousse à l'instant.
Si dans sa nourriture, dans ses vêtements, dans toutes ses dépenses, il est dans les bornes les plus exactes de la sobriété, de la modestie et du détachement du monde.
Si dans ses paroles, dans toutes ses relations avec le monde et avec les frères, Il est exactement ce que Jésus-Christ serait à sa place.
S'il est rongé du zèle de la maison de Dieu, si l'opprobre ne lui est plus rien, on s'il le brave constamment et dans tous les degrés en méprisant l'ignominie.
Si en voyant les multitudes qui ne connaissent pas Dieu et qui l'offensent, son coeur est habituellement saisi de tristesse comme celui de David, parce qu'on n'observe pas la Loi de Dieu.
S'il pleure avec Jérémie jour et nuit sur ceux qui tombent blessés à mort.
Si avec Paul, il a un continuel tourment pour le salut de ses frères selon la chair.
Si en traversant les rues, et en entendant les jurements, et voyant de tous côtés régner la mondanité, son coeur est navré et a peine à supporter cette vue.
S'il se sent pressé comme le Sauveur d'aller sur les rues, sur les places et en tout lieu, enseigner, reprendre les pécheurs et les supplier de se réconcilier avec Dieu.

Après cela encore, je prierais ce frère de demeurer huit jours avec moi, et pendant ce temps, je voudrais non seulement le suivre de près dans tous les détails de sa vie, mais lui demander souvent pendant la journée, au moment où il s'y attendrait le moins, ce que de la Fléchère demandait souvent à ceux avec lesquels il vivait : Où sont nos coeurs ?
Dans ce moment votre coeur est-il tout entier à Dieu sans aucune distraction et sans aucun relâche ? À chaque instant pouvez-vous dire : Oui, je suis net devant Dieu oui, je suis sans péché.

Enfin, à un tel homme, je dirais : Il m'est impossible de faire culte avec vous, pas même en me contentant de lire la simple Parole de Dieu et de prier par les paroles qui y sont contenues ; car toutes les pages des Écritures jusqu'à la dernière, me paraissent supposer l'homme n'étant pas parvenu au dernier degré de la sainteté, puisque la Bible se termine presque par ces paroles : « Que celui qui est juste devienne encore plus juste, et que celui qui est saint se sanctifie encore. »

Comment pourrais-je lire en accord d'esprit avec vous les passages suivants : « Faites mourir vos membres qui sont sur la terre » (Coloss. III, 5) : « Donnez-vous à Dieu : Que le péché ne règne point dans vos corps mortels pour lui obéir en ses convoitises » (Rom. VI, 11, 12) : « Ayant de telles promesses, nettoyons-nous de toute souillure de la chair et de l'esprit, achevant notre sanctification dans la crainte de Dieu » (2 Cor. VII, 1) : « Quiconque a cette espérance en Lui, se purifie soi-même comme Lui aussi est pur » (I Jean III, 3).
En lisant tous les passages de cette classe, si nombreux dans les Écritures, qui conviennent si bien à mon état spirituel, je serais forcé de dire : Voilà qui ne va plus à mon frère. Pour lui, il n'a plus de souillures à nettoyer, plus de vieil homme à mortifier, plus de sanctification à achever : il n'a plus qu'à être exhorté à se maintenir dans ce qu'il a, et à en rendre grâces à Dieu.

De même pour les prières. En vain en chercherais-je dans les Écritures de l'Ancien et du Nouveau-Testament, qui pussent nous convenir à tous deux, et dans lesquelles nous pussions être en communion d'esprit ; car toutes renferment des confessions de péché, qui conviendraient à moi, mais non pas à vous, mon frère. La prière même que notre Seigneur a enseignée à ses disciples ne pourrait pas nous accorder ; car si elle fait demander la plus haute sanctification, elle nous fait demander en même temps le pardon de nos péchés, et cela pour chaque jour, puisqu'elle fait demander le pain quotidien pour chaque jour.
Ce qui précède pourrait avoir l'air d'une ironie, mais je le dis très-sérieusement, et si sérieusement, que dans le cas où une Église, en majorité, se croirait parvenue à ne plus pécher (et pourquoi cela n'aurait-il pas lieu, s'il faut croire qu'en effet l'on doit et l'on peut y parvenir en ce monde ?) je refuserais absolument d'y prêcher ou d'y célébrer un culte quelconque. Comment moi, pauvre pécheur actuel, pourrais-je être en harmonie avec des gens qui ne pèchent plus, et qu'aurais-je à leur enseigner ?

Dites-moi, mon frère, vous faites-vous l'idée du culte d'une Église actuellement sans péché ? Il me semble qu'il ne devrait être composé que d'actions de grâces, et peut-être d'exhortations à veiller pour ne pas retomber. Ce serait à peu près le culte des anges dans le ciel. Mais sera-ce celui qu'on verra jamais sur cette terre ? Je ne le pense pas ; et en tout cas, ce n'est pas celui que je chercherais pour satisfaire à mes besoins.

Jusqu'à présent, les relations que j'ai soutenues avec les individus qui se disaient sans péché, n'ont pas été en faveur de leur système. L'un d'eux, avec lequel quelques frères et moi eûmes une discussion, se contentait de nous présenter continuellement une longue liste de passages sur l'affranchissement du fidèle, et quand nous lui présentions des passages dans un autre sens qui modifiaient les premiers, il se contentait de nous dire : « Attendez, je vais vous lire un passage. » Puis il reprenait un des passages de sa longue liste, sans tenir aucun compte des nôtres, ou bien il nous répondait : « Moi je vous dis que Christ est en moi, et que Christ ne peut pécher. » Quand nous lui parlions de son vieil homme, il disait : « Mon vieil homme est hors de moi. »

Un autre homme avec lequel j'avais une discussion de cette nature, me parut avoir du péché, les idées les plus fausses. Quand je le serrai de près sur l'observation de toute la Loi de Dieu, il me répondit : « Je commets des offenses, mais pas des péchés. » Et serré encore de plus près, il me dit : « Je pêche contre la loi de l'amour et non pas contre la loi de Moïse. »

Ces diverses expériences m'ont confirmé dans la pensée que lorsqu'on parle d'être sans péché, on ne sait vraiment pas ce que l'on dit. L'homme est de sa nature tellement aveuglé sur cette matière, il est tellement éloigné de la sainteté, qu'il ne s'en fait pas même une juste idée, et qu'il appelle saint, ce qui serait encore très-souillé devant Celui aux yeux duquel les cieux même ne sont pas purs.

Et voilà ce qui m'amène à signaler le grand danger de cette doctrine, c'est que j'ai vu jusqu'à présent qu'elle entraînait bien des âmes à se faire de fausses idées du péché, et à en diminuer en quelque sorte l'étendue, en donnant le nom d'infirmités, d'offenses ou d'autres noms radoucis, a ce qu'il faudrait tout simplement nommer péchés. Ainsi, l'on en vient insensiblement à appeler le mal bien. Au moins, c'est ce qui arrive aux âmes faibles ou qui n'ont pas assez de droiture, pour que le venin d'une doctrine s'arrête à leur intelligence et ne pénètre pas jusqu'à leur coeur.

Un autre danger de cette doctrine, c'est, quoi qu'on en puisse dire, d'ouvrir une porte à l'orgueil ; car on a beau répéter : Nous attribuons tout à la Grâce de Dieu et à l'efficace du sang de Christ, nous ne cherchons que là notre force et notre vie, etc., etc. Dès qu'on ne se constitue plus devant Dieu, pécheur actuel, ayant besoin de pardon actuel, il est clair qu'alors on ne subsiste plus par grâce que quant à la sanctification, et non pas quant au pardon dont on n'a plus besoin, et qu'on a ainsi un grand motif de moins de s'humilier. Il est clair qu'alors on est dans une position toute différente de celle des autres fidèles, auxquels on peut dire « Frappez-vous la poitrine comme le péager, cela vous convient ; vous n'avez pas reçu l'entière sanctification. Quant à moi, en attribuant tout à la Grâce de Dieu, je n'en suis plus là : j'ai passé le temps des gémissements sur le péché actuel, et il n'y a plus pour moi que triomphe et actions de grâces. »

Si quelqu'un ne voit pas là une porte ouverte à l'orgueil, je n'ai plus rien à lui dire, l'expérience parlera. Trop tard, peut-être, on verra que les misères et les péchés que Dieu nous laisse jusqu'à la fin, jouent un plus grand rôle qu'on ne le croit, dans notre sanctification : qu'ils contribuent plus qu'on ne le croit au crucifiement de ce monstre d'orgueil, qui est le plus grand de tous nos péchés ; qu'ils contribuent plus qu'on ne le croit, à nous inspirer le dégoût du péché, et à tuer ainsi le péché par l'expérience du péché même ; qu'ils contribuent, plus qu'on ne le croit, à nous tenir collés à Jésus, comme à notre tout, et à nous faire apprécier le prix immense de son sang qui purifie de tout péché, et dont chaque jour nous sentons un nouveau besoin.
Je ne développe pas ces pensées. C'est un sujet vrai, profond, mais délicat à traiter, de peur que l'homme n'en abuse en disant : « Péchons, afin que la Grâce abonde, » ou : « Faisons du mal pour qu'il en arrive du bien. »

Si quelqu'un à tout ce que je viens de dire, répondait : Vous ne m'avez pas compris ; je ne dis pas que je ne pêche plus, ni qu'on en puisse venir à un état où l'on ne pêche plus du tout ; je lui répondrais en deux mots : Hé bien ! ce n'est pas à vous que je me suis adressé, ce n'est pas vous que j'ai réfuté. En effet, à quelque hauteur de sanctification qu'un homme dise être parvenu, ou à quelque hauteur qu'il pousse les autres, je n'ai ni à le démentir, ni à l'arrêter, dès qu'il ne dit pas : Je suis sans péché, ou bien : L'on peut parvenir ici-bas à un tel état, qu'on est certain d'être sans péché.
Je crois qu'on doit aller de hauteur en hauteur, sans jamais s'arrêter. Je crois que quand une sanctification n'est pas faussée, lorsqu'on a atteint un point de sainteté, qui de loin paraissait la plus haute cime, on voit toujours en arrière de celle-là une cime encore plus élevée ; ensorte que les saints les plus distingués se croient toujours éloignés de la perfection et déplorent ce qui leur reste de péché, avec plus d'amertume que les commençants ne déplorent leurs péchés encore très-palpables.

À mesure que la lumière croît, elle manifeste toujours davantage l'odieux de tout ce qui est contraire à la volonté du Seigneur. Quant aux moyens d'avancer, on ne les invente pas, ils sont et seront toujours les mêmes. S'attacher à Jésus, veiller, prier et méditer les Écritures. Qui fera cela ira bien loin, et n'aura besoin d'aucun nouveau système pour se porter en avant.


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