Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE XL
3 Janvier 1838.

Nous sommes comme le buisson en feu qui ne se consumait pas 

Chère soeur,

Nous avons médité le jour de l'an sur le commencement du 3e chap. de l'Exode ; la vision du buisson en feu qui ne se consumait pas. Ce buisson m'a paru non seulement un type frappant de l'Église, mais de chaque fidèle en particulier.
Nous sommes ce pauvre buisson ; faibles de corps, faibles dans nos facultés intellectuelles si vite dérangées ou affaissées, faibles en notre coeur si vite accablé par le chagrin ; faibles dans notre nature spirituelle, qui n'est encore que dans l'enfance.
Le buisson est au milieu du feu, au milieu des épreuves communes à toute l'humanité et de celles particulières au peuple de Dieu, au milieu du feu infernal, venant des tentations du dedans et de celles du dehors, au milieu du feu de la colère de Dieu qui se révèle contre toute iniquité.

Fatigues de corps, fatigues d'esprit, peines de coeur, combats de l'âme avec le vieil homme, avec Satan, avec le monde, quelquefois même avec les frères ; combats même avec l'Éternel auquel il semble que nous pouvons dire comme Job : « Je suis consumé par la guerre que tu me fais. »

Et cependant, au milieu de tout cela, le pauvre buisson ne se consume point. Le corps est soutenu dans sa faiblesse ; on a encore ses facultés, le coeur n'est pas abîmé dans la douleur ; le grain de foi n'a pas péri au milieu des flammes ; la colère de Dieu ne nous a pas anéantis.
Et pourquoi ?
Parce que l'Éternel est au milieu du buisson. Ce sont ses gratuités que nous n'ayons pas été consumés. Il a accompli sa promesse : « Quand tu marcheras par le feu, tu ne seras point brûlé, et la flamme ne t'embrasera point. »
Conséquence d'humilité en pensant que si nous subsistons encore, c'est par la pure gratuité de Dieu.
Conséquence d'admiration, envoyant comment sa force s'est accomplie dans notre faiblesse, et comment il s'est servi du feu pour nous purifier sans nous consumer.
Conséquence de reconnaissance pour Celui qui étant hors de Christ un feu consumant, est devenu en Christ notre gardien au milieu du feu, et marche avec nous au milieu de la fournaise pour nous garder comme il garda les trois jeunes hommes, et pour nous en faire sortir intacts, sans qu'un seul cheveu de notre tête se soit perdu.
Conséquence de confiance pour l'avenir ensuite des promesses semblables à celle d'Esaïe XLVI, 3 et 4, et du Ps. XLVIII, 14 ; 1 Cor. X, 13.
Dire en conséquence, comme David : Ps. CXXXVIII, 8. « L'Éternel achèvera ce qui me concerne ), et comme Asaph. : Ps. LXXIII, « Tu me conduiras par ton conseil et puis tu me recevras dans la gloire. »

J'ajoute à ma petite analyse, que j'ai fait remarquer que nous devrions plus souvent, pour notre consolation, nous détourner pour regarder cette grande vision.

On cherche des choses frappantes et miraculeuses au dehors, tandis qu'on ne fait pas attention aux miracles continuels qui se passent au-dedans.

J'ai fait remarquer aussi en finissant, que cette vision se trouve placée dans l'Écriture, d'un côté après les cris que les Israélites poussèrent vers Dieu à cause de leur dure servitude, et de l'autre avant leur délivrance. Ainsi nous trouvons-nous placés sur cette terre, ayant d'un côté la prière pour attirer Dieu dans le buisson, et de l'autre, la perspective de la délivrance pour nous soutenir au milieu du feu de l'épreuve. C'est ainsi que l'apôtre Paul place la patience entre la prière et la joie de l'espérance (Rom. XII, 12).

J'ai demandé, et j'espère qu'il me sera donné de demander encore pour vous, d'abord le soulagement du corps, parce que je crois que cela est permis ; et ensuite et par dessus tout, le doux fruit de justice que toute épreuve est destinée à produire.
Oui, c'est dur, j'en conviens, d'être impotente comme vous l'êtes ; mais du fait même que notre Dieu envoie des choses dures à la chair, il faut conclure qu'elles étaient absolument nécessaires, car Il est amour, et ce n'est pas volontiers qu'Il afflige et contriste les fils des hommes.

La charité bien entendue doit être quelquefois sévère, puisque Celui qui a eu le plus grand amour qu'on puisse avoir pour nous, nous ordonne de couper le bras, d'arracher l'oeil qui font broncher.

Comme nous avons envers nous-mêmes une charité mal entendue, et qui ne veut pas concourir à l'oeuvre de Dieu en nous, en faisant les opérations douloureuses, nécessaires pour le salut de l'âme ; dans son amour notre Dieu est obligé de prendre la chose en main, et de faire Lui-même les opérations auxquelles nous nous refusons. Ne croyez pas que je veuille insinuer par là que vous ayez fait un mauvais usage de vos jambes, et que c'est pour cela que le Seigneur vous les a ôtées momentanément. Je crois que ce sont les jambes de votre volonté propre qu'Il a voulu briser, comme dans son amour, Il cherche à les briser en moi de toutes les manières.

Bien souvent quand nous disons à Dieu « Que ta volonté se fasse, » nous ne comprenons pas que cette demande signifie : que la mienne ne se fasse pas, ou qu'elle soit toujours d'accord avec la tienne ; ensorte que soit que tu me veuilles malade ou en santé, pauvre ou riche, assis ou debout, estimé ou méprisé, employé à ceci ou employé à cela, je sache en toute chose dire : Amen. Apprendre à être ainsi dans la main de Dieu, non pas raide comme une barre de fer, mais flexible comme une branche pliante qui, sans résistance, fait tous les mouvements et prend toutes les formes qu'on veut lui donner, ce n'est pas une petite affaire, ni un apprentissage d'un jour. Nul ne peut l'apprendre qu'à l'école des contrariétés journalières, et à celle du saint-Esprit qui nous en fait sentir la nécessité, qui fléchit notre volonté rebelle, et qui nous donne la persuasion pratique que la volonté de Dieu est bonne, agréable et parfaite.

L'apprentissage est long, et souvent douloureux ; mais à mesure qu'on en sent la nécessité, et lorsqu'on en voit les fruits, on le trouve moins dur. D'ailleurs si l'on s'approche du Sauveur, Il nous rend son joug aisé ; Il appuie sa main sur notre coeur pendant les opérations douloureuses, ensorte qu'il y a en même temps douleur et joie : A mesure que notre affliction abonde, notre consolation aussi abonde par Jésus-Christ.

Prenons courage, la promesse est ferme : « Avec l'épreuve, Il nous donnera l'issue, afin que nous la puissions supporter. » Puis, si l'éducation est un peu longue, nous en recueillerons les heureux fruits pendant toute l'éternité. Nous ne comprenons pas ce mot éternité ; si nous le comprenions, nous dirions avec l'apôtre : « J'estime qu'il n'y a point de proportion entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir qui doit être révélée en nous. »

Paix vous soit en Celui qui est le Prince de la paix.

LETTRE XLI
1838.

Ne désespérons pas de nos enfants

Cher frère,
Ne désespérons pas de nos enfants. Les promesses faites aux pères sont là. Si nous savons nous en prévaloir et y joindre la discipline selon le Seigneur, ne doutons pas qu'il n'ajoute bénédiction sur nous et sur nos enfants. Il ne les regarde certainement pas du même oeil que ceux des étrangers. Nous-mêmes, n'aimons-nous pas d'une façon particulière les enfants de nos amis, et le Seigneur ne nous appelle-t-Il pas ses amis ? Et ne sait-Il pas que nos enfants sont ce que nous avons de plus cher ?
Il faut avoir pitié d'eux. Satan les attaque sûrement plus fortement que les autres, parce qu'il voit plus de chances à ce qu'ils lui échappent, et parce qu'il cherche tout ce qui peut nous faire de la peine.
Quand Jéosuah se tenait devant l'Éternel, Satan se tenait à sa droite pour le contrarier. Mais c'est égal ; tous ceux que l'Éternel a décidé de retirer du feu comme des tisons, échapperont à la malice de Satan qui peut les contrarier, mais non pas anéantir les desseins de Dieu à leur égard.

Quant à ma santé, quoiqu'un peu meilleure que pendant les crises que j'ai eues cet été, elle est toujours bien languissante. Sans grande souffrance, je vais de fatigue en fatigue, et d'angoisse en angoisse, recevant ordinairement la force au moment convenable, puis la perdant quand elle ne m'est plus nécessaire.

Quant a l'âme, si c'est avancer que de reconnaître toujours plus qu'on n'est rien et que Christ est tout, alors je puis dire que j'avance, mais non pas autrement. Je suis souvent fatigué du combat avec moi même, avec le monde, parfois avec les frères, et tenté de dire avec Elie. « C'est assez, ô Éternel, prends maintenant mon âme. » Toutefois, je sens bien que ce n'est pas là le vrai désir de déloger, et je demande au Seigneur d'éprouver ce qu'éprouvait son apôtre, lorsqu'il disait qu'il était tiré de deux côtés ; tiré en haut par l'amour du Seigneur, et retenu en bas par l'amour pour ses enfants. Ma consolation est toujours la promesse : « Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit accomplie. »

Adieu, frère bien-aimé du Seigneur, puissiez-vous toujours vous réjouir en Lui !

LETTRE XLII
1838.

Ne pas fermer les yeux à la véritable cause des châtiments qui tombent sur nous

Mon frère,
Que le Seigneur ait pitié de toi et te bénisse, et qu'Il lève sur toi la clarté de sa face !

Une chose qui m'a effrayé à ton égard plus que toutes les autres, c'est que tu attribues à ton union aux Églises les maladies qui ont été le châtiment évident de tes infidélités. C'est une des marques les plus tristes d'aveuglement chez un pêcheur, quand on le voit fermer les yeux à la véritable cause des châtiments qui tombent sur lui. Tu me parais être à cet égard à peu près dans le même état où étaient ces pauvres Juifs dont il est parlé dans le 44e deJérémie, qui ayant été repris par le prophète au sujet de l'adoration des faux dieux, lui répondirent : « Nous ferons assurément tout ce qui est sorti de notre bouche en faisant des encensements à la reine des cieux et en lui faisant des aspersions, comme nous et nos pères, nos rois, et les principaux d'entre nous avons fait dans les villes de Juda et dans les rues de Jérusalem ; et nous avons eu alors abondamment de pain ; nous avons été à notre aise, et nous n'avons point vu de mal. Mais depuis le temps que nous avons cessé de faire des encensements à la reine des cieux, et de lui faire des aspersions, nous avons eu faute de tout, et nous avons été consumés par l'épée et par la famine. » (Jérém. XLIV, 17 et 18).

Ces pauvres Juifs aveuglés ne comprenaient pas que les punitions qui étaient tombées sur eux étaient la suite de leur idolâtrie, et non pas la suite de ce qu'ils avaient cessé leur idolâtrie. Ils ne comprenaient pas que dans les pays où Dieu les avait chassés, ils auraient dû se repentir et retourner à Dieu qui les aurait ramenés dans leur pays. Aussi, l'Esprit de Dieu leur répondit par Jérémie : « L'Éternel ne s'est-Il pas souvenu des encensements que vous avez faits dans les villes de Juda et son coeur n'en a-t-Il pas été touché, ensorte que l'Éternel ne l'a pu supporter davantage ? »

Ces sages représentations de Jérémie n'ayant produit aucun effet sur les Juifs qui persévérèrent à croire qu'ils prospéreraient comme autrefois pendant qu'ils se livraient à l'idolâtrie, l'Éternel leur fit annoncer par le prophète qu'ils seraient consumés par l'épée et par la famine dans le pays où ils s'étaient retirés, ce qui leur arriva, en effet, peu de temps après.

Prends garde qu'il ne t'en arrive autant. Rien n'est terrible comme de rejeter sur l'obéissance à la Loi de Dieu les punitions qui sont le fruit de nos désobéissances. C'est vraiment appeler le mal bien, et le bien mal ; la lumière ténèbres, et les ténèbres lumière ; et l'Esprit saint dit par Esaïe : « Malheur à ceux qui font ainsi. »

Je t'en supplie, ne ferme pas les yeux à l'évidence. Si tu les as encore entre les mains, relis les deux lettres que je t'ai écrites cet été, et dans lesquelles je cherchais à te faire saisir le rapport frappant qui me paraissait exister entre les péchés que tu avais commis depuis ton entrée dans l'Église, et les punitions qui étaient tombées sur toi. Tu semblas, dans la réponse que tu me fis, reconnaître la vérité de mes remarques, mais il paraît que cela n'alla pas jusqu'à ton coeur.

Au lieu de t'humilier devant Dieu et de retourner à Lui sincèrement, il paraît que tu te laissas de plus en plus dominer par les goûts du monde. Voilà, sans doute, pourquoi l'épreuve s'est prolongée sur toi, et pourquoi, malgré nos prières, nous n'avons pu obtenir pour toi une place telle que tu la désirais. Il fallait, sans doute, dans les vues de Dieu. que ta position servit à manifester et à toi-même et à nous, ce qui était dans ton coeur. Qu'il Lui plaise que ce soit pour ton bien, pour ton humiliation, et pour ton relèvement !
Je te regarde, mon pauvre ami, comme étant sur le bord d'un abîme; je te supplie de ne pas repousser, tandis qu'il en est encore temps, la main secourable de tes frères, qui, de la part de Dieu, cherchent à le retenir, et te conjurent de ne pas abandonner la droite voie, car ce serait ta perdition.

Pense que c'est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant ; pense qu'il est dit de ceux qui ont été illuminés, qui ont goûté le don de Dieu, et qui retournent en arrière, qu'il est impossible qu'ils soient renouvelés par la repentance.
Veux-tu être « profane comme Ésaü, qui, pour un mets, vendit son droit d'aînesse, » et, qui ensuite voulant hériter la bénédiction, ne put trouver de lieu à la repentance, quoiqu'il la demandât avec larme ; ?
Veux-tu affliger le coeur de ce bon Berger qui a donné sa vie pour toi, et qui court après toi à travers les montagnes pour te chercher ? Seras-tu heureux loin de Lui ? Es-tu heureux dans l'état où tu es maintenant ? Pourrais-tu mourir en paix ?

Souviens-toi de l'accident où tu as risqué de périr. Le Seigneur t'a épargné alors ; « ne pèche plus désormais de peur que pis ne t'arrive ; » tu n'échapperas pas à son bras vengeur, si tu ne retournes promptement à Lui. Sans accident, la mort peut t'amener dans un moment devant son tribunal par une maladie violente. Si tu es trouvé avec une lampe sans huile, quand le Seigneur viendra, la porte se fermera peut-être pendant que tu chercheras à te préparer, et quand tu heurteras, il te sera répondu : « En vérité, je ne te connais point, et je ne sais d'où tu es. »

Tu as sans doute trouvé que c'était un terrible moment que celui où tu étais presque enseveli ; mais combien ne serait pas plus terrible le moment où tu paraîtrais devant le Seigneur, après avoir fait naufrage quant à la foi, où, tu crierais inutilement aux coteaux Couvrez-moi, et aux montagnes : Tombez sur moi !

Après t'avoir averti du danger que tu cours, je puis bien te dire le coeur serré de douleur : Il me reste encore, pour avoir accompli mon devoir, à remplir à ton égard un dernier office. Comme il est écrit : « Ne donnez pis de lieu au diable ; » comme l'Esprit saint veut qu'on s'accompagne de ceux qui craignent l'Éternel, et qui gardent ses commandements ; comme-il nous est ordonné d'avoir l'oeil les uns, sur les autres, afin que si l'un tombe, l'autre relève son compagnon ; et vu que ces préceptes ne peuvent pas être accomplis envers toi pendant que tu es éloigné de tes frères ; je charge le cher frère .... de te trouver de l'ouvrage à quel prix que ce soit, en te promettant que, pourvu que tu te mettes sous sa surveillance et que tu suives toutes ses directions, nous te fournirons tout ce que tu ne pourrais pas gagner par ton travail, et qui serait nécessaire a ton entretien, en vivant avec ordre et économie, selon ta condition ; ce dont le frère serait appelé à juger.

Mon cher frère, notre bouche s'est ouverte pour toi devant le Seigneur, notre coeur s'est élargi, et tu n'es point à l'étroit, au-dedans de nous ; mais je crains que tes entrailles ne se soient rétrécies pour nous, que tu ne comprennes plus, comme tu paraissais le comprendre une fois, ce qu'est la communion d'Esprit, et les cordiales affections.
Oh ! que Dieu élargisse de nouveau ton coeur ; qu'Il te rappelle ce que tu peux avoir éprouvé de consolation en Christ, et de soulagement dans la charité, lorsque dans tes maux tu étais entouré de l'affection, des prières et des soins de tes frères et de tes soeurs !
Nous sommes toujours les mêmes pour toi ; redeviens le même pour nous. Si l'on tombe, ne se relèvera-t-on point ? Si l'on se détourne du chemin, n'y reviendra-t-on point ? Ton Dieu et tes frères te tendent leurs bras ; tout sera oublié lorsqu'on te verra revenir avec un coeur sincère et humilié, ou du moins désireux de l'être.

Je t'en prie, laisse-toi toucher ; ne raidis pas ton cou ; écoute la voix de Celui qui te crie : « Reviens à moi, car j'ai droit de mari sur toi. » Dis avec l'épouse infidèle : « Je retournerai à mon premier mari, car alors j'étais mieux que je ne suis à présent.

S'il m'est permis de parler de moi, après avoir parlé du Seigneur, je te dirai avec l'apôtre : « Oui, mon fils, que je reçoive de toi ce plaisir en notre Seigneur. » Sois soumis à ce que je te demande au nom du Seigneur, afin que ce que je fais, je le fasse avec joie, et non en gémissant ; car cela ne te serait pas avantageux. Si je ne puis pas te dire avec l'apôtre :
« Que personne ne me fasse de la peine, car je porte en mon corps les flétrissures de Christ ; » je puis du moins te dire : Ne me fais pas de la peine, car la faiblesse de mon corps me rend doublement pénibles les épreuves que je reçois de la part de ceux que je suis appelé à conduire. Ce sont des épées qui me transpercent l'âme, et un chagrin qui me dessèche les os. Réjouis-moi donc, oui réjouis-moi, et n'aie pas à te reprocher devant Dieu d'avoir contribué à abreuver d'amertumes celui qui n'a jamais cherché qu'à te faire du bien. Voudrais-tu donc me rendre le mal pour le bien ? Non, j'espère encore de toi de meilleures choses, et que tu ne me forceras pas à pleurer sur toi jusqu'au jour de ma mort, comme Samuel pleura sur Saül.

Quoi qu'il en soit, je ne cesserai, tant qu'il y aura une lueur d'espérance, de t'enseigner le bon et le droit chemin, et d'employer à ton égard tous les moyens que la Parole de Dieu met à notre portée pour le relèvement des âmes.

Adieu, mon cher.... que le Seigneur soit ta délivrance.
Je te remets entre ses mains, car Il est puissant pour t'édifier encore, et te donner l'héritage avec tous les saints.

LETTRE XLIII
10 mars 1838.

La débonnaireté et un esprit de prière habituel

Chère soeur,
Nous avons été réjouis d'apprendre par votre lettre que vous êtes bien de corps et d'âme. Nous espérons que Celui qui vous a secourue jusqu'en ce lieu-ci vous soutiendra jusqu'à la fin, car « la gratuité du Dieu fort dure tous les jours. » Il n'abandonne point l'oeuvre de ses mains.

Chère soeur, je vous souhaite deux choses, entre toutes les autres, qui contribueront essentiellement à votre bonheur et a votre succès. L'une, c'est de devenir toujours plus humble et plus débonnaire ; l'autre, d'être toujours plus intérieurement une maison de prières. - « Dieu fait grâce aux humbles. » « Les débonnaires hériteront la terre, et jouiront à leur aise d'une grande prospérité : » « L'Éternel habite dans le lieu haut et saint avec celui qui a le coeur brisé, et qui est humble d'esprit, afin de vivifier l'esprit des humbles. » « Les débonnaires auront joie sur joie en l'Éternel : » « L'Éternel fera marcher dans la justice les débonnaires et Il leur enseignera sa voie. »

Voila de belles promesses, chère soeur ; que Dieu nous donne d'en désirer l'accomplissement, et de rechercher cette débonnaireté à laquelle l'Éternel attache une si grande récompense.
Cette débonnaireté qui nous fait devenir les imitateurs de notre Roi qui est venu à nous, abject et débonnaire.
Cette débonnaireté sans laquelle il n'y aura jamais pour nous ni vraie paix, ni vrai repos.
Cette débonnaireté qui nous fait être toujours contents de la place que Dieu nous donne, parce que nous croyons que toutes les places sont trop bonnes pour nous.
Cette débonnaireté qui est une partie de la charité qui espère tout, croit tout, supporte tout.
Cette débonnaireté qui attire habituellement sur nous les regards de Jésus, lequel s'approche de l'âme à mesure que l'âme se sent pauvre ; qui l'élève à mesure qu'elle s'abaisse qui l'honore à mesure qu'elle cherche moins l'honneur et la distinction parmi les hommes, et qui la défend contre toutes les injustices à mesure qu'elle est plus disposée à supporter. C'est le caractère qui est le plus propre à captiver ceux qui ne sont pas encore dans la vérité et à leur montrer qu'il y a dans la vie une impression divine. C'est celui qui est le plus propre à entretenir la paix entre les enfants de Dieu. C'est celui qui assure le plus notre paix intérieure, car il ne peut y avoir de paix quand ou est, ou tourmenté par l'orgueil et la susceptibilité, ou mécontent des autres et de la part qui nous est faite.

Je souhaite, ma chère soeur, que Dieu, vous épargne tous les cribles par lesquels j'ai passé pendant ma vie, pour avoir manqué de ce caractère. Je serai heureux non pas quand on me dira que vous faites des choses dont les hommes parlent beaucoup, mais quand vous me direz que vous pouvez consentir à vivre inaperçue et que vous vous estimez la plus petite entre tous : alors je croirai que Dieu veut faire de grandes choses par votre moyen.

La seconde chose que je souhaite pour vous, c'est un esprit de prière habituel. S'il est vrai, d'un côté, qu'à proportion qu'on vit, on prie, selon qu'il est écrit : « Rends-nous la vie et nous invoquerons ton nom ; » il est vrai, d'un autre côté, qu'à proportion qu'on prie, on vit, puisqu'il est dit que « l'Éternel est près de ceux qui l'invoquent, » qu' « Il délivre le pauvre et le misérable criant à Lui ; » et encore que « celui qui demande reçoit. »
Une vérité dont l'expérience de chaque jour doit nous pénétrer toujours davantage, c'est que nul ne peut rien recevoir, s'il ne lui est donné d'en haut.

On a beau sa maison bâtir, si le Seigneur n'y met la main. C'est en vain que celui qui fait le guet garde la ville, si l'Éternel ne la garde. C'est en vain qu'on se lève matin, qu'on se couche tard, qu'on mange le pain de tourment ; c'est Dieu qui donne du repos à celui qu'il aime.

Il me semble qu'il n'y a point de vérité qui me soit rendue plus frappante que celle-ci, c'est que la source de la vie est par-devers Dieu, que la force Lui appartient, et que « de nous-mêmes, nous ne sommes pas capables d'une seule bonne pensée. » Il me semble que l'expérience de chaque jour censure notre activité propre, qu'elle nous crie d'une voix puissante : « La délivrance qu'on attend de l'homme n'est que vanité ! » On sent ce que c'est que la vie, on sent que l'on en manque; on voudrait pouvoir l'augmenter et en soi-même et chez les autres, et toutefois on sent profondément qu'on est là en face d'une chose qu'on ne peut ni saisir, ni communiquer aux autres. On peut s'agiter, se lamenter. s'impatienter, agir de toutes manières sur les autres, sans que pour cela il y ait encore vie.
Les os secs se rapprochèrent ; il se fit du bruit et du mouvement ; les nerfs furent étendus dessus ; il reçut de la peau et des chairs ; et toutefois ce n'était pas encore la vie.
Pourquoi ?
« Parce que l'Esprit n'était pas encore en eux. » (Ezéchiel. XXXVII.)

Que faire au milieu de cette impuissance ? Que faire quand on a fait tout ce qu'on pouvait, et qu'on n'a encore produit qu'un mouvement extérieur ? Il faut faire ce que dit l'Éternel au prophète : « Fils d'homme, » prophétise à l'Esprit, et dit : « Esprit souffle des quatre vents ! »

Quand on se voit en face de masses plongées dans la mort spirituelle, absorbées par les choses de la terre, aveuglées par le prince de ce monde, lesquelles ont les yeux plâtrés, les oreilles bouchées, le coeur engraissé. Quand on sent que ce qui devrait être le levain pour faire lever toute cette pâte, a si peu de vigueur ; ne tomberait-on pas dans le découragement, si l'on ne pouvait demander la vie à Celui qui en est la source, qui ressuscite les morts, qui fait fleurir le désert comme la rose, qui change le désert en étangs d'eaux, et qui fait habiter en famille ceux qui étaient seuls ?

Oui, il ne faut pas moins que la toute-puissance de Dieu pour ne pas se décourager en présence des obstacles intérieurs et extérieurs ; mais cette toute-puissance, il faut la mettre en mouvement par la prière, car nous ne recevons qu'à proportion que nous demandons.

Dieu donne le saint-Esprit à ceux qui le lui demandent. « Vous n'obtenez pas, parce que vous ne demandez pas. » - Certainement, si Dieu donnait à un de ses enfants un esprit de prière habituel, s'Il lui donnait de passer des nuits en prières comme le fit le Seigneur, de se retirer souvent comme Lui à l'écart pour prier ; cet enfant de Dieu, tout chétif qu'il fût, selon le monde, ferait de grandes choses ; ou sentirait en lui une puissance dont beaucoup de gens ne soupçonneraient pas le secret, mais qui aurait quelque chose d'irrésistible.
C'est la prière qui fait passer de notre coeur dans notre bouche cette onction, cette manne cachée, que rien ne remplace.
Quand il y aura des missions et des missionnaires qui seront autant des sociétés de prières et des gens de prières que des sociétés et des gens qui envoient ou qui parlent ; alors on verra s'opérer de grandes choses.
Hélas ! faut-il être réduit à ne parler de ces choses presque que par un sentiment de privation ! Toutefois, si pourtant l'on a déjà un petit désir, il ne faut pas le mépriser, car il vient de Dieu, et il est peut-être comme cette petite nuée, grosse comme la paume de la main, que vit le serviteur du prophète, et qui annonçait un son bruyant de pluie.

Adieu, chère soeur, que l'Éternel soit votre force.

Votre affectionné.


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