Oeuvres posthume de A.
Rochat
Ministre du
Saint Évangile
LETTRE XXXV
7 août 1837.
Une plaie. avoir égard à
l'apparence des personnes
Comme nous devons chercher toutes les fois que
nous nous écrivons, à nous
communiquer quelques pensées utiles,
permettez-moi de vous signaler une plaie que j'ai
vu être malheureusement assez
générale parmi les enfants de Dieu.
C'est celle d'avoir égard à
l'apparence des personnes. Cette plaie se manifeste
de bien des manières. Par exemple, on
reprendra avec beaucoup moins de liberté et
de franchise une personne d'un
haut rang, qu'une personne de basse condition. On
remarquera beaucoup plus les défauts des
petits que ceux des grands.
Si l'on voit un frère ou une
soeur de basse condition être encore
lié avec des personnes de sa condition qui
ne sont pas converties, et qu'il avait connues
autrefois, on lui demandera quel plaisir et quel
profit il peut trouver dans leur
société ?
Mais si l'on voit une personne de haute
condition, avoir encore des relations avec des
personnes de sa classe qui ne sont pas converties,
et soutenir avec elles un commerce de visites et
d'entretiens passablement suivis ; on ne s'en
scandalise pas.
On se scandalisera de la conversation
mondaine d'une lessiveuse, enfant de Dieu, qui se
laissera aller dans l'occasion à un peu de
bavardage avec des personnes de sa classe, et on ne
se scandalisera pas de conversations tout aussi
vaines, malgré le vernis qui les recouvre,
qui ont lieu entre personnes d'une classe
supérieure.
Quand on a occasion d'aller dans une
ville où il y a une Église, on
visitera trois ou quatre personnes d'un certain
rang, qui sont toujours celles qu'on nomme, parce
que ce sont celles qui reçoivent
habituellement. On fait des prévenances, des
amitiés, des serrements de mains, des
éloges même, à des personnes
qui sont dune haute classe, et qui quelquefois ont
la vie spirituelle la plus chétive ;
tandis qu'on ne fait pas la moitié autant
d'amitiés à des personnes de moins
d'apparence, mais qui ont une vie spirituelle plus
prononcée.
Ce sont là des
péchés dans lesquels j'ai vu tomber
beaucoup de chrétiens, même des
enfants de Dieu très-bénis, et
où il m'est arrivé de tomber
moi-même. Ce sont des péchés
que l'Esprit saint condamne formellement par la
bouche de l'apôtre
Jacques dans le chap. Il de son
épître, et dans
Jude 16. Ce sont des
péchés qui peuvent jeter les pauvres
dans de grands pièges en les portant
à croire que le rang et la richesse sont de
grands avantages, puisque même
parmi les chrétiens on en
fait tant de cas. Cela peut les rendre
mécontents de leur sort, mécontents
des frères qui les négligent, et les
porter à être à leur tour
rampants ou de mauvaise humeur avec ceux qui sont
d'une haute condition.
Mais cela fait peut-être encore
plus de mal à ceux-ci, qui croient ainsi
avoir par leur rang une espèce de
privilège au-dessus des autres, et qui
s'endorment sur de grandes misères
spirituelles, parce qu'ils sont visités et
recherchés, même par des frères
distingués, lesquels semblent les traiter
comme s'ils trouvaient en eux une vie bien
abondante.
Je puis dire que j'ai connu des
personnes d'un certain rang, que tout le monde
prévenait, et qu'on aurait regardées
comme les membres les plus chétifs d'une
Église, s'ils avaient été
placés dans une basse condition.
Comment veut-on qu'un conducteur
d'Église qui aurait à reprendre une
personne dans ce cas-là et à la
suivre de près, soit béni dans ce
qu'il fait auprès d'elle, lorsque tout le
monde à peu près vient gâter
son oeuvre par trop de prévenances, ou par
des flatteries envers cette personne à
laquelle il cherche à faire du bien !
LETTRE XXXVI
1837.
Avoir la foi pour travailler sans
être soutenus par une société
ou garder sa vocation
. . . . Je suis fort en doute, si un
jeune homme qui n'a pas encore atteint l'âge
de majorité, fait bien de quitter sa
vocation, même momentanément, pour
travailler à l'oeuvre du Seigneur, sans
avoir obtenu le consentement de ses
parents. Au moins suis-je bien
sûr qu'il aurait tort de le faire, sans avoir
essayé de l'obtenir. Les démarches
respectueuses à faire dans ce but me
semblent tenir à l'honneur dû à
père et à mère, et au respect
dû à la loi civile, laquelle impose
certaines obligations aux mineurs envers ceux de
qui ils dépendent.
Je vois avec plaisir que vous avez
l'intention de reprendre votre vocation au
printemps ; car je désapprouverais
hautement que vous la quittassiez. J'ai vu par
plusieurs exemples assez tristes, dans quelle
fâcheuse position se sont jetés,
même des enfants de Dieu sincères, qui
s'étant trompés sur leur appel, ont
quitté leur vocation pour devenir
évangélistes, et se sont
trouvés ensuite n'être ni
évangéliste, ni artisans ; car
ils se sont mis dans une position où
vraiment on ne savait plus que faire d'eux, vu
qu'ils ne voulaient plus reprendre leur
première vocation, et que d'un autre
côté, ils n'avaient point assez de foi
pour travailler sans être soutenus par une
société qui, de son
côté, n'avait point assez de confiance
en eux pour les entretenir comme
évangélistes.
Il faut que celui qui prétend
avoir une pleine certitude que c'est la
volonté du Seigneur qu'il quitte sa vocation
manuelle pour travailler au règne de Dieu,
ait aussi assez de foi pour aller en avant sans
être soutenu par les hommes qui ne sont pas
obligés de croire à sa vocation
d'évangéliste. Quand je vois Paul,
dont la vocation n'était pas douteuse,
continuer à faire des tentes, et dire que
ses mains ont suffi pour nourrir et lui et ceux qui
étaient avec lui ; je me demande quel
droit ont, de nos jours, des jeunes gens dont la
vocation est bien moins certaine que celle de Paul,
à vouloir se faire entretenir par des
sociétés, et à laisser de
côté leur vocation manuelle.
Tout ce qui paraît zèle,
n'est pas toujours pur zèle ; et
l'idée de quitter une position
pénible pour le corps et humble selon le
monde, pour en prendre une moins fatigante et qui
donne aux yeux des
chrétiens un certain
relief, peut souvent entrer dans l'esprit, à
l'insu même de celui qui tombe dans le
piège.
Je vous dis ces choses, mon cher
frère, par précaution, et au cas que
la malheureuse idée de quitter votre
métier vînt un jour aborder votre
esprit. Si cela arrivait, j'espère que Dieu
vous ferait la grâce de la repousser comme
une tentation.
Si vous voulez être béni
pour les autres pendant votre temps de colportage,
faites ensorte d'être vous-même
béni dans votre âme. Quand on est dans
l'onction du Seigneur, et qu'on a non-seulement les
paroles de vie à la bouche, mais encore la
vie des paroles dans le coeur, ce qu'on dit produit
un tout autre effet que quand on parle seulement
par l'intelligence ; alors l'air et le ton en
disent plus que les paroles. Ceux à qui l'on
parle sentent que quelqu'un parle avec nous, et
quelques paroles sortant de la bouche avec cette
démonstration d'esprit et de puissance, font
plus d'effet que les plus longs discours.
En général, tenez-vous en
garde contre la multitude des paroles qui n'est
point exempte de péché. - Quelques
paroles réfléchies, graves,
assaisonnées de sel avec grâce et
arrosées de prières, entrent mieux
que des paroles entassées les unes sur les
autres sans réflexion.
Gardez-vous aussi de l'esprit de
discussion, car il ne faut point que le serviteur
du Seigneur aime à contester. Lorsqu'une
discussion se prolonge, il est rare que
l'amour-propre ne soit pas mis en jeu, et que
l'âme ne finisse pas par se sentir
desséchée. Attachez-vous bien plus
à poser la vérité qu'a
à combattre l'erreur.
Demandez aussi à Dieu de rester
toujours dans l'esprit de douceur,
« enseignant avec douceur ceux qui sont
d'un sentiment contraire, afin de voir si Dieu ne
leur donnera point la repentance pour
connaître la vérité »
(2 Tim. II, 25). L'Éternel se
trouve dans le son doux et subtil, mais
aussitôt qu'on blesse la charité,
qu'on est dur ou tranchant, son Esprit est
contristé, les coeurs sont fermés, et
il n'y a plus rien à attendre de bon.
Un homme n'aurait pas perdu son temps,
s'il avait seulement laissé à tous
ceux avec lesquels il a parlé, l'impression
d'une vraie douceur. Souvenez-vous que
« le fruit de justice se sème en
paix pour ceux qui s'adonnent à la
paix. »
Tenez-vous aussi en garde contre
l'orgueil. Ne répétez ni tout ce que
vous dites, ni toutes les impressions que vous
croyez avoir produites chez les autres.
Hélas ! si l'on voulait parler de ce
qu'on a dit mal a propos, aussi bien que de ce
qu'on dit à propos ; aussi bien des
moments de lâcheté, que des moments
où l'ou a eu le courage de parler, on
n'aurait pas des rapports bien brillants à
faire aux sociétés par lesquelles on
est employé. Quant aux impressions
momentanées qu'on semble produire, elles
sont souvent trompeuses.
Tous ceux qui versent des larmes ne sont
pas convertis ; et quelquefois ce sont ceux
qui ont l'air d'avoir à peine
écouté ou qui ont contredit, qui
reçoivent ensuite les impressions les plus
durables. Je vous en prie, cher frère,
faites votre oeuvre toujours le front dans la
poussière ; faites-la entre Dieu et
vous, comme si personne n'en savait rien :
alors vous en recevrez de la récompense de
votre Père qui est dans les cieux.
Que le Dieu qui habite avec les humbles
pour les vivifier, soit avec vous.
Voire affectionné
frère.
LETTRE XXXVII
1837.
Le tort de cacher sa maladie
Mon cher frère,
J'ai deux observations à vous
faire au sujet de votre dernière lettre.
Premièrement, quant à la maladie que
le Seigneur vous a envoyée, il me semble que
vous avez eu tort de la cacher. Je sais que, selon
le monde, on a honte d'en être
attaqué. Mais nous qui savons que tous les
maux procèdent du commandement de
l'Éternel, nous ne devons pas plus avoir
honte de la galle que de la fièvre,
puisqu'elles sont toutes deux envoyées par
le Seigneur. Vous avez eu tort de cacher cette
maladie, en second lieu, parce qu'en le faisant,
vous pouviez exposer les personnes qui
étaient en contact avec vous à la
prendre, et que vous auriez commis un
péché en la leur communiquant. Enfin,
vous avez risqué votre santé en la
faisant rentrer, car on a vu les suites les plus
fâcheuses de ces humeurs ainsi
rentrées ; et je vous conseille
fortement de consulter un médecin sans
tarder.
La seconde remarque que j'ai à
vous faire, c'est sur le papier dont vous vous
êtes servi pour m'écrire. C'est un
papier lissé et doré sur tranche, et
qui par conséquent doit coûter plus
cher qu'un autre. Or, quelle bonne raison avez-vous
devant le Seigneur, pour écrire sur ce
papier plutôt que sur celui qui
coûterait moins cher ? J'ai
supposé que peut-être quelqu'un vous
l'avait donné. Hé bien !
même dans ce cas-là, vous n'auriez pas
dû vous en servir, parce que telle personne
à laquelle vous écrirez pourrait se
scandaliser de ce qu'un ouvrier écrit sur du
papier doré sur tranche. Or, vous savez
qu'il est écrit : « Soyez
tels, que vous ne donniez
scandale ni aux Juifs, ni aux Grecs, ni à
l'Église de Dieu. »
O mon cher frère, vous qui
êtes jeune et qui n'êtes pas endurci,
gardez-vous de tout ce qui peut mettre votre
âme dans un mauvais état.
Souvenez-vous qu'il est écrit :
« Bienheureux est l'homme qui se donne
frayeur continuellement ; mais celui qui
endurcit son coeur tombera dans la
calamité. »
Gardez-vous des petites
infidélités, et rendez votre
conscience toujours plus scrupuleuse. Gardez-vous
de vous reposer sur les répréhensions
intérieures de l'Esprit, ou sur celles qui
vous sont adressées par vos frères.
Gardez-vous de vous faire une habitude
des exercices de la piété et de
l'ouïe de la Parole, et de permettre que ces
choses deviennent des formes qui ne mènent
à aucune conséquence.
Gardez-vous d'être jamais dans le
faux, soit vis-à-vis de Dieu, soit
vis-à-vis des hommes, et d'avoir une
piété de parade.
Gardez-vous de l'orgueil qui ferme le
coeur à toute sensibilité.
Gardez-vous des interdits qui se
tiennent à la porte du coeur pour en fermer
l'accès à Celui qui voudrait y
prendre place.
En un mot, souvenez-vous que la plus
grande des calamités, c'est bien celle
où mène l'endurcissement. Rien n'est
plus déplorable que d'en être venu au
point de ne pouvoir éprouver aucune
impression profonde, ni de la Parole de Dieu, ni
des événements, et d'être comme
un paralytique qui sait qu'il devrait se remuer
pour sortir d'un lieu où il est en danger,
mais dont les membres ont perdu toute
faculté de se mouvoir. On arrive là
par des degrés insensibles, et par des
choses qui, au commencement, paraissaient petites
et peu propres à effrayer ; mais, comme
le dit l'Écriture : « Celui
qui est infidèle dans les petites choses,
est aussi infidèle dans les
grandes. »
Adieu, mon cher frère, que Dieu
nous donne de continuer à
prier les ans pour les autres, sans nous lasser;
car il est écrit : « Il faut
toujours prier et ne se relâcher
point. »
Que la paix soit avec vous,
Votre affectionné
frère.
LETTRE XXXVIII
Mars 1837.
(Fragment d'une lettre à un Juif
converti.)
Confesser votre foi à vos
parents
Monsieur et cher frère,
Votre lettre était faite pour
m'intéresser vivement, et j'y aurais
répondu plutôt, si je n'en eusse
été empêché par mes
occupations, ma mauvaise santé et le
désir de consulter un frère, ministre
du saint Évangile, qui demeure à
quelque distance d'ici, et qui est un
chrétien particulièrement droit et
expérimenté. J'ai aussi parlé
de votre cas à quelques-uns des amis du
Seigneur, qui m'entourent, et qui usera de
discrétion.
Bien des prières sont
montées, et monteront encore en votre faveur
au trône de Grâce, pour que vous ayez
le courage de suivre le conseil que nous vous
donnons, s'il est selon la vérité,
comme nous le pensons.
Nous sommes tous d'accord pour vous
conseiller de confesser votre foi à vos
parents. Le malaise que vous éprouvez dans
votre conscience, est déjà une preuve
que l'Esprit de Dieu ne vous rend pas
témoignage que vous faites bien en cachant
à vos parents ce qui s'est passé en
vous. Comme vous le dites vous-mêmes, dans
votre lettre, « en leur faisant supposer
votre fidélité constante aux
croyances de vos pères, vous vous rendez
coupable de fraude et d'hypocrisie. »
Votre correspondance
avec eux, à moins qu'elle ne touche en quoi
que ce soit au sujet de la religion, doit sur ce
point-là vous amener nécessairement
à des détours et à des
réticences qui doivent mettre votre coeur
mal à l'aise, et que le Seigneur ne peut
approuver.
Il y a d'ailleurs une autre
considération à vous
présenter, c'est que la confession de votre
changement, faite à vos parents, peut
être l'unique occasion de faire
connaître à ces âmes immortelles
la doctrine de l'Évangile, comme une
doctrine de vie et de salut.
Peut-être ne s'est-elle
présentée à eux jusqu'à
ce moment, que comme un système
opposé à celui qu'ils ont reçu
dès l'enfance, et qui heurte tous leurs
préjugés.
Peut-être n'ont-ils, jamais
compris qu'une âme qui est poursuivie par les
menaces et les terreurs de la Loi, a besoin de
chercher quelque part un refuge, et qu'elle trouve
en Jésus, non pas un système, mais le
pardon, la paix et la joie.
Cher frère, que de reproches vous
auriez à vous faire, quand vos parents
seraient retirés de ce monde, si vous leur
aviez tû la seule chose qui pouvait sauver
leur âme ! Job disait dans son
affliction : « Ma consolation, c'est
que je n'ai point tû les paroles du
Saint. » David disait :
« J'annoncerai ton nom à mes
frères, et je te louerai au milieu de
l'assemblée. » Jésus-Christ
disait à ceux qu'Il avait guéris.
« Va, retourne vers les tiens, et
raconte-leur les grandes choses que le Seigneur a
faites pour toi. »
Dans l'Évangile selon saint
Jean, chap. 1er, depuis le v 40 au
49, nous voyons que ceux qui ont trouvé
Jésus, l'annoncent à leurs parents et
à leurs amis, dès qu'ils les
rencontrent. Nous voyons dans ces versets que
Nathanaël qui, au premier abord, repoussa,
Philippe, et parut tout-à-fait
prévenu contre Jésus, finit par se
décider à aller a Lui, et qu'en le
voyant, il fut amené à la foi. Lisez
aussi les
v. 13 et 14 du chap. 10 des Romains,
qui fondent sur un raisonnement si simple. et si
concluant la nécessité de parler de
Jésus aux âmes, pour qu'elles soient
sauvées.
Vous me direz peut-être qu'il n'y
a aucune probabilité que vos parents
surmontent tous les préjugés qui les
éloignent de Jésus pour venir
à croire en Lui, et que c'est un miracle
auquel vous ne devez pas vous attendre.
Et pourquoi pas, cher
frère ? Il est écrit : Rien
n'est impossible à Dieu ; et Il fait
miséricorde à qui Il veut, Il a
pitié de qui Il veut. Lui serait-il plus
difficile de toucher le coeur de vos parents qu'il
ne lui a été de toucher le
vôtre ? N'est-il pas écrit qu'Il
fait avec des pierres des enfants à
Abraham ? Était-il bien probable que,
le jour de la première Pentecôte,
Pierre serait écouté des Juifs qui
avaient crucifié Jésus cinquante
jours auparavant, et auxquels il l'annonçait
comme ressuscité, et comme étant fait
Seigneur et Christ ?
Lisez avec attention le
chap. 2 des Actes depuis le v. 13 au
41, et reprenez bon courage, vous souvenant que
« la main de l'Éternel n'est pas
raccourcie, tellement qu'Il ne puisse pas
délivrer. »
LETTRE XXXIX
1837.
13 conseils pour la formation d'une
Église
Cher frère,
Quant à votre position sous le rapport de
la formation d'une Église, voici quelques
petits conseils que je crois conformes à la
Parole, et que je prie le Seigneur de bénir
pour vous.
1° Dans vos procédés,
montrez tout amour et tout respect pour notre
frère Il les mérite, et son coeur
sera soulagé quand il
verra que la différence de vos convictions
n'altère en rien les sentiments que vous
avez pour lui.
2° Agissez envers lui et envers les
autres chrétiens qui ne seraient pas dans
les mêmes vues que vous, en toute franchise,
leur disant tout ouvertement quelles sont vos
convictions, et comment vous allez agir. On se
blesse beaucoup moins des choses qu'on vous a dites
tout ouvertement, que de celles dont on a voulu
nous faire un mystère et que nous
n'apprenons qu'indirectement. Quelquefois la
crainte d'une lutte avec un homme qu'on respecte,
empêche de s'ouvrir à lui sur des
choses qu'on sait qu'il désapprouve. Mais
les désagréments d'une discussion ne
sont pas à comparer avec l'espèce de
froid et de malaise réciproques, qui
naissent d'un manque d'explication franche.
3° Quelque respect et quelque
affection que vous ayez pour Mr. .... ou pour tel
autre frère, ne vous laissez pourtant jamais
aller à marcher pour l'amour d'eux dans des
voies qui ne seraient pas en harmonie avec les
convictions que la Parole vous a données.
Nos frères sont quelquefois sans s'en
douter, un moyen que l'ennemi emploie pour nous
faire perdre du temps, sous prétexte des
ménagements de la charité. Il vaut
mieux faire tôt que tard, ce qui
nécessairement doit se faire un jour.
Aujourd'hui est toujours le temps
favorable.
4° Tenez-vous en garde contre les
demi-mesures et les concessions. Il y a des
personnes qui, lorsqu'elles ne peuvent pas nous
empêcher de suivre complètement de
certaines convictions qu'elles combattent,
tâchent quelquefois de nous retenir sur un
terrain mitoyen, qui n'est pas celui de la Parole,
et sur lequel on ne peut nullement jouir des
bénédictions attachées
à une marche simple et franche. Il faut se
donner beaucoup de peine pour marcher dans une voie
mitigée, parce qu'on cherche à faire
allier des choses incompatibles. La conscience y
est mal à l'aise, parce
qu'on a le sentiment qu'on
biaise, et qu'on ne suit pas franchement ses
convictions. Les coeurs y sont mal à l'aise,
parce que malgré les concessions, l'on n'est
jamais content les uns des autres. Ceux qui
cèdent trouvent qu'on leur fait trop
céder, ceux auxquels on cède
tâchent au contraire de faire céder
toujours davantage. Les pieds y sont aussi mal
à l'aise, parce qu'ils sont dans des
entraves, et qu'on ne marche pas facilement un pied
dans un chemin et un pied dans un autre. Mais
souvenez-vous qu'on est toujours dans le fond ou
national ou séparé. Ou bien l'on
admet que l'Église se compose de tous ceux
qui ont été baptisés, ou bien
l'on admet qu'elle se compose de tous ceux qui
paraissent nés de Dieu ; c'est
là le point de départ des deux
systèmes d'Église ; et quand on
ne peut pas s'accorder sur le principe, il est
impossible de s'accorder sur une foule de
détails qui en sont la
conséquence.
5° Je vous conseille de ne faire
aucun règlement quelconque pour votre petite
Église, mais de poser la Bible ouverte sur
votre table et de déclarer qu'elle est votre
seule règle en fait de doctrines, de morale
et d'institutions. Vous irez de jour en jour, selon
que Dieu vous manifestera la vérité
par sa Parole de vérité et par son
Esprit de vérité. Ne discutez jamais
sur ce que vous feriez dans certains cas
particuliers, avant que ces cas se
présentent. Quand le cas est là, Dieu
donne ordinairement une lumière qui ne nous
est point accordée quand nous nous occupons
par supposition de cas qui peuvent arriver. J'ai
connu des frères qui perdaient beaucoup de
temps à discuter ainsi sur des cas seulement
possibles : À chaque jour suffit sa
peine, le lendemain se souciera de ce qui le
regarde. »
6° Sur la question de savoir si
vous ne devez pourtant pas, avant de vous
réunir, voir si vous vous entendez quant aux
principes généraux qui tiennent
à la composition d'une Église, je
vous dirai qu'en effet cela est nécessaire,
afin de savoir si vous pouvez
marcher d'accord. Or, voici ce que je vois dans la
Parole, être les principes constitutifs d'une
Église :
a) Elle se sépare du monde,
c'est-à-dire de tout ce qui paraît
n'être pas né de Dieu
(Act. II, 40 ;
Act. XIX, 9 ;
Rom. XVI, 17 ;
1 Cor. V, 8-13 ;
2 Cor. VI, 14-18 ;
1 Jean V, 19).
b) Elle reçoit dans son sein et
par conséquent admet à la cène
tout ce qui paraît né de Dieu et qui
veut vivre selon les ordonnances du Seigneur
(Rom. XIV, 1 ;
Rom. XV, 1, 2, 3 ;
1 Cor. I, 10 à 13 ;
Ephés. IV, 3-7 ;
1 Thess. V, 14).
c) Elle ne reçoit pour toute
règle de conduite en toutes choses que la
Parole de Dieu
(1 Tim. III, 14, 15 ;
2 Tim. III, 16 et 17 ;
Coloss. II, 22 ;
Esaïe VIII, 20 ;
Jean XVI, 13 ;
Jean XVII, 17 ;
1 Cor. II, 2 et
XIV, 36-40).
7° Gardez-vous de l'esprit de
délibération. Il arrive quelquefois
dans le commencement d'une Église,
qu'entraîné par la
nécessité de délibérer
sur certaines choses, on prend la manie des
discussions, qui tuent la vie et qui jettent dans
le formalisme, en nuisant même quelquefois a
la charité par l'importance que chacun met
à soutenir son opinion. Souvenez-vous qu'une
Église est bien plus une assemblée
d'édification qu'une assemblée de
délibération.
8° Néanmoins que tout se
fasse dans vos réunions, avec ordre et avec
bienséance, sans raideur et sans formalisme.
Que l'ordre et la gravité y
président, et veillez à ce qu'on ne
puisse à aucun degré vous appliquer
le
v. 23 (comparé avec le
v. 11 du chap. 14 de la
première aux Corinthiens.
Méditez aussi les v.
29 à 35 du même
chapitre. Sous aucun prétexte, ne permettez.
que les femmes parlent dans les assemblées,
cela est expressément défendu par la
Parole. Quand il y a une
délibération, il faut leur laisser le
temps de communiquer leur avis par écrit ou
en le disant en particulier à l'un des
frères.
9° Quand vous aurez des cas
embarrassants, ne vous pressez jamais :
« Celui qui croira ne se hâtera
point. »
« Celui qui se hâte de ses pieds
s'égare. » Il faut être
comme les Israélites qui campaient et
décampaient au commandement de
l'Éternel, et qui ne partaient jamais que
lorsque la nuée se levait.
Si l'on sait prier et attendre, ou
trouve toujours à la fin une issue :
« L'Éternel est bon à ceux
qui s'attendent à Lui, à l'âme
qui le recherche : » « Il
n'a point dit à la maison
d'Israël : Cherchez-moi en
vain : » « A celui qui
prend garde à sa voie, je montrerai la
délivrance : »
« Qui est l'homme qui craint
l'Éternel ? l'Éternel lui
enseignera le chemin qu'il doit
choisir. »
Dans les cas pressants, il faut d'autant
plus insister en prières, et redoubler les
supplications pour que l'Éternel hâte
son oeuvre.
10° N'agissez jamais sans
être pleinement persuadés en vos
coeurs ; on ne fait avec
bénédiction que ce qu'on fait avec
foi
(Rom. XIV, 5,
23). Il vaut mieux rester dans le
doute, que de faire des démarches
précipitées dont on ne peut pas se
rendre raison par la Parole, et dont on se repent
ensuite, ou dans lesquelles on ne
persévère que par
entêtement.
11° Évitez tout ce qui sent
l'esprit de parti ou de coterie. Aimez tout ce qui
est né de Dieu, et montrez-le dans vos
relations particulières.
Évitez en parlant de
l'Église, tous les termes qui peuvent la
représenter comme une société
que vous avez formée selon vos vues
particulières, et qui est votre
société.
Évitez de dire : Notre
Église, ou l'Église
séparée. Dites : l'Église
qui s'assemble à tel endroit, ou
l'Église à laquelle nous appartenons.
Donnez à connaître que c'est Dieu qui
forme l'Église, en convertissant les
âmes à Christ et en les rassemblant
autour des ordonnances de sa Parole.
Faites connaître que c'est le
devoir et le privilège de tout ce qui est
né de Dieu d'en faire partie, et que vous
n'avez ni Église à vous, ni
Cène à vous, mais que c'est
l'Église et la Cène du Seigneur.
12° Gardez-vous bien d'avoir dans
l'Église deux poids et deux mesures; d'avoir
en quelque sorte des membres membres, et des
membres non membres ; des membres qui
s'assujettissent à la surveillance, et des
membres qui ne s'y assujettissent pas.
Où voit-on dans la Parole la
moindre trace de ces distinctions entre des gens
qui sont membres de l'Église et y prennent
la Cène, et des gens de la même
localité qui y prennent la Cène sans
en être membres, sans s'assujettir à
ses institutions, et sans faire valoir au milieu
d'elle les dons qu'ils ont
reçus ?
13° Enfin, soyez discrets sur ce
qui regarde les affaires intérieures de
l'Église, une fois qu'elle sera
constituée. Une Église est une
famille dans les secrets de laquelle les gens qui
lui sont étrangers ne doivent pas être
initiés. Ne parlez pas sans
nécessité devant eux de ce qui se
passe dans l'Église ; parce que dans un
grand nombre de cas ils n'y comprendraient rien, et
par là même ils se scandaliseraient
peut-être de choses qui sont conformes
à la Parole.
Voilà ce que j'ai cru être
le plus utile à vous dire pour le moment.
Que le Seigneur vous fasse marcher dans un esprit
de paix et d'amour. Que vous soyez sel de la terre
et lumière an monde. Ce n'est pas par les
discussions avec ceux du dehors que l'Église
s'augmente, mais par l'odeur de vie qu'elle
répand autour d'elle. Quand les
Églises marchent dans la crainte du
Seigneur, elles sont multipliées par la
consolation du saint-Esprit.
Act. IX, 31.
|