Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE XXXI
1836.

Nous ne sommes jamais ni si haut, ni si bas que nous croyons l'être

Je n'ai pas le temps de vous écrire longuement, je me borne pour aujourd'hui à vous exhorter à vous tenir en garde contre votre imagination qui vous porte à croire que vous êtes ou plus haut ou plus bas que vous ne l'êtes réellement dans la vie spirituelle.

En général, nous ne sommes jamais ni si haut, ni si bas que nous croyons l'être. Quand nous nous croyons bien haut, nous ne sommes pourtant toujours que de pauvres pécheurs sauvés par grâce, soutenus moment par moment par la force d'en haut, et qui avons encore en nous tout ce qu'il faudrait pour retomber aussi bas que possible, si Dieu ne nous soutenait. Et quand nous nous croyons bien bas, nous ne sommes pourtant jamais plus bas que le point où la grâce de Dieu est venue nous chercher pour la première fois, et où nous étions dignes d'être haïs.
Nous ne sommes jamais assez bas pour que la profondeur de l'amour de Dieu qui a fait descendre Jésus dans les parties les plus basses de la terre ne puisse pas nous atteindre.

On met de l'orgueil à se croire haut, on en met à se croire bas ; et dans le fond, il n'y a de haut et de bas qu'à être en Christ, ou hors de Christ ; c'est là seulement ce qui met entre une âme et une autre un abîme de distance. Il me semble aussi que vous avez dans le caractère une certaine originalité contre laquelle vous devez vous tenir en garde, et qui pourrait nuire à l'édification que les autres pourraient recevoir de vous. Le chrétien doit tâcher d'être simple, aimable, serein, de sens rassis, égal autant que possible ; et éviter ce qu'on appelle boutade dans le caractère. Les uns ont plus à combattre que les autres sous ce rapport. Mais la force de Dieu peut s'accomplir dans la plus grande faiblesse.

LETTRE XXXII
Novembre 1836.

 Dès qu'on ne va pas en avant, on recule

Mon cher frère,
Votre lettre nous a fait plaisir, et j'espère qu'elle ranimera nos prières pour vous.
Nous sommes bien réjouis d'apprendre que vous êtes actif dans le règne de Dieu, et que vos travaux sont accompagnés de quelques bénédictions. Que le Seigneur vous donne de ne pas regarder avec complaisance ce que vous avez déjà fait, mais plutôt de dire avec l'apôtre : « J'oublie les choses qui sont derrière moi, et je m'avance vers celles qui sont devant. » Dès qu'on ne va pas en avant, on recule.

Il ne sera temps de s'arrêter que lorsque nous aurons atteint le but de la vocation céleste qui est en Jésus-Christ. Ce ne fut que près de sa fin, que l'apôtre Paul dit : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi. » Mais pendant que nous sommes dans la carrière, il ne faut pas dire : J'ai combattu, mais : Je combats. Il faut employer son temps beaucoup moins à regarder et à raconter ce qu'on a déjà fait, qu'à faire chaque jour quelque chose de nouveau, afin qu'à l'heure de notre mort, nous puissions dire avec notre Sauveur, quoique dans un sens infiniment inférieur : « J'ai achevé l'oeuvre que tu m'avais donnée à faire. » Ce serait une mauvaise chose que de bien commencer et de mal finir ; c'est pourquoi il ne faut jamais se reposer sur ce qu'on a déjà fait, de peur que la paresse et l'orgueil ne nous jettent dans le relâchement. J'espère que les bénédictions du Seigneur, au lieu de vous enfler, vous humilieront ; et que vous direz toujours : « Qu'est-ce qui met de la différence entre moi et un autre ? Qu'ai-je que je ne l'aie reçu ? Et si je l'ai reçu, pourquoi m'en glorifierais-je, comme si je ne l'avais pas reçu ? » Vous savez que « l'orgueil va devant l'écrasement ; » que « Dieu démolit la maison des orgueilleux ; » et que celui qui s'enfle d'orgueil, risque de « tomber dans la condamnation du diable. » Marchez donc en toute humilité avec l'Éternel votre Dieu.

Pensez à vous, parlez de vous le moins possible ; pensez à Jésus, parlez de Jésus autant que vous le pourrez.

Je vous conseille, quand vous méditez la Parole avec d'autres personnes, de ne pas le faire longuement et de ne pas donner trop d'explication des passages, de peur de tomber dans de fausses interprétations. J'espère, du reste, que vous êtes enseigné de Dieu à faire plutôt à la conscience des applications courtes, simples et fortes de ce qu'il y a de plus clair dans ce que vous lisez. J'espère aussi que vous avez la précaution, quand vous êtes dans une maison, ou quand vous parlez à quelqu'un, ou quand vous tenez une assemblée, de ne pas être trop long ; car souvent en retenant trop long-temps les mêmes personnes, on les dérange de leurs affaires, et on met de mauvaise humeur les gens du monde qui demeurent avec elles, et qui les accusent de perdre leur temps.

Du reste, mon cher frère, « je vous recommande à Dieu et à la Parole de sa grâce ; lequel est puissant pour achever de vous édifier, et pour vous donner l'héritage avec tous les saints. » Je vous souhaite son « Esprit de charité, de force et de prudence. » « Fortifiez-vous dans le Seigneur et dans sa force toute-puissante, » qui s'accomplit dans l'infirmité. Ne craignez rien : « Vous aurez de l'angoisse au monde, mais Jésus a vaincu le monde. Celui qui est avec vous est plus puissant que ceux qui sont contre vous ; et il ne lui est pas plus difficile d'aider avec peu, qu'avec beaucoup de gens. Puissiez-vous, dans tous les dangers, dire avec David : » Au jour où je craindrai, je me confierai en Toi. Je sais que Dieu est pour moi. » Du reste, si vous souffrez pour la justice, vous êtes bien heureux ; réjouissez-vous en ce jour-là, tressaillez de joie, parce que votre récompense sera grande dans les cieux. « Ne craignez point l'opprobre des hommes, » dit encore le Seigneur, « et ne soyez point honteux de leurs reproches, car la teigne les rongera comme un vêtement, et le ver les dévorera comme la laine. Mais ma justice demeurera à toujours, et mon salut dans tous les âges. »

Adieu, mon cher frère, je vous embrasse de coeur et vous salue affectueusement en Celui en qui nous ne sommes qu'un seul corps.

LETTRE XXXIII
1837.

 

Faute de prudence, les enfants de Dieu se jettent dans de grandes difficultés

Maintenant, je passe à quelques remarques qui sont plutôt pour notre frère que pour vous, mes chères soeurs, mais que je vous prie cependant de lire. Elles ont pour objet la vue qu'il a que les missionnaires ou ceux qui travaillent à l'oeuvre de Dieu sous sa direction, doivent mettre tout en commun et se dépouiller de tout espèce d'esprit de propriété. J'aime beaucoup cette vue en tant qu'on n'obligerait personne à s'y soumettre, comme une condition sans laquelle on ne pourrait être admis. Cette charité volontaire qui ferait que toutes choses seraient communes comme du temps de la primitive Église de Jérusalem, est sans doute fort à désirer, surtout entre gens qui se dévouent pour le règne de Dieu, et elle mérite d'être excitée et encouragée. Mais il faut toujours se souvenir que cette mise en commun doit être volontaire et non obligatoire, car c'est ainsi qu'elle avait lieu dans l'Église de Jérusalem : « Si tu eusses gardé le champ, ne te demeurait-il pas ? » disait Pierre à Ananias, « et l'ayant vendu n'était-il pas en ton pouvoir d'eu garder le prix ? »

J'ai vu que, faute de prudence, les enfants de Dieu se jettent dans de grandes difficultés, même avec d'excellentes intentions ; et que malgré tout le détachement qu'on doit avoir pour les choses de ce monde, ce qui regarde le temporel doit être réglé avec beaucoup d'ordre et de circonspection : « Ne soyez point sans prudence, mais comprenez bien quelle est la volonté du Seigneur : Soyez prudents comme des serpents. » Lisez aussi avec soin : 2 Cor. VIII, 9-21

Encore un mot sur le temporel. Si vous êtes à la tête d'une maison, je vous supplie de tenir vos comptes en règle et dans le plus grand ordre ; et, autant que possible de ne jamais faire de dettes, vous souvenant qu'il est écrit, que « celui qui ne gouverne pas sa maison par ordre, aura le vent pour héritage, » et même entre chrétiens on doit être régulier à tenir note des affaires temporelles qu'on peut avoir ensemble. Paul avait un compte réglé avec son disciple

Philémon, auquel il disait en parlant d'Onésime : « S'il te doit quelque chose, mets-le sur mon compte ; c'est moi, Paul, qui t'écris ceci de ma propre main, je te le rendrai. » Quoique la primitive Église de Jérusalem, fût très-bénie, une négligence dans la distribution qui se faisait chaque jour, occasionna un murmure des Grecs contre les Hébreux, ce qui força à choisir sept diacres pour régulariser le service des tables.

Maintenant, mes chères soeurs, que vous dirai-je en fait de directions pour vos âmes ? Toujours la même chose, parce qu'il n'y en a qu'une seule à dire et à répéter, c'est de regarder à Jésus, de vous attendre à l'Éternel, et de demeurer tranquilles en regardant à Lui ; car pas un de ceux qui s'attendent à Lui ne sera confus.
Dans quelque détresse que vous vous trouviez, souvenez-vous qu'il est écrit que l'Éternel est notre force et notre secours dans la détresse, et fort aisé à trouver. Souvenez-vous que « le Seigneur est riche pour tous ceux qui l'invoquent ; » que « la délivrance de l'Éternel est près de ceux qui le craignent ; » que « celui qui craint Dieu sort de tout, » que Dieu Lui-même a dit : « Je ne te délaisserai point, je ne t'abandonnerai point ; » ensorte que nous pouvons dire : « Le Seigneur m'est en aide, je ne craindrai point ce que l'homme me pourrait faire. »

Souvenez-vous que l'Éternel n'a pas besoin de notre force pour aider la sienne, et que lorsqu'Il veut nous encourager, bien loin de porter nos regards sur quelque force qui soit en nous, Il nous abaisse profondément à nos propres yeux, en nous appelant des vermisseaux : « Ne crains rien, vermisseau de Jacob, homme mortel d'Israël ; je t'aiderai, dit l'Éternel, ton défenseur, c'est le saint d'Israël. » N'oubliez pas que l'Éternel vous a choisies pour être son plus précieux joyau ; que celui qui vous touche, touche la prunelle de son oeil, et que par la foi, vous êtes de ce peuple dont il est dit : « Il n'a pas souffert qu'aucun les opprimât. »
Il a même châtié des rois pour l'amour d'eux, disant - « Ne touchez point à mes oints, ne faites point de mal à mes prophètes . »

Dans quelque détresse que vous vous trouviez, voyez par la foi Celui qui est invisible, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, qui s'est fait notre Emmanuel, Dieu avec nous, qui compatit à toutes vos infirmités, qui sait de quoi vous êtes faites, se souvenant que vous n'êtes que poudre, et qui vous dit : « Je suis l'Éternel ton Dieu, soutenant ta main droite. »
Rappelez-Lui sa glorieuse promesse : « Invoque-moi au jour de ta détresse, et je t'en délivrerai. » Rappelez-Lui bien qu'il n'a pas dit : Peut-être que je t'en délivrerai ; mais : Je t'en délivrerai. Dites-Lui qu'il est votre Dieu, et que vous croyez qu'il est puissant et fidèle pour tenir ce qu'il vous a promis. Luttez avec Lui comme Jacob, Lui disant que décidément vous ne voulez pas le laisser aller qu'il ne vous ait bénies.

Du reste, ne vous effrayez jamais d'avoir des moments d'abattement et même de découragement passager. Ils ont été le partage des plus chers amis de Dieu, comme nous le voyons dans les aveux que David et Paul nous ont faits de l'état de leur âme en plusieurs occasions. Nous ne pourrons jamais rien dire de plus fort sur nous-mêmes, que ce qu'ils ont dit en parlant de leurs angoisses spirituelles. Cependant, quoiqu'ils aient été affligés excessivement et au-dessus de leurs forces, ils n'ont jamais succombé. L'Éternel les a délivrés de toute angoisse, et Celui qui console les abattus a accompli à leur égard cette promesse du Ps. LXVIII : « Tu as répandu une riche pluie sur ton héritage, et quand il était las, tu l'as rétabli. »

L'essentiel est de ne jamais perdre la protection de Dieu en s'écartant de la route du devoir, comme s'Il ne pouvait pas nous soutenir dans des choses qui peuvent nous attirer des maux temporels, lorsque nous demeurons fermes. Tout finit toujours bien pour celui qui attend l'Éternel. dans le sentier de ses jugements ; car il est écrit : « A celui qui prend garde à sa voie, je montrerai la délivrance de Dieu. » Je ne crains rien pour vous, pourvu que vous demeuriez fidèles, car « Dieu se montre puissant envers ceux qui se montrent d'un coeur droit envers Lui. » Et je suis sûr que vous serez délivrées de tous les pièges de l'ennemi, si vous pouvez dire avec David « Mes yeux sont continuellement sur l'Éternel ; c'est Lui qui tirera mes pieds du filet. »

Adieu, paix vous soit en Celui qui est le prince de la paix.

LETTRE XXXIV
1837.

Présider, quand il est appliqué aux anciens ou pasteurs

Mon cher frère,
Voici ma réponse à la lettre que vous m'adressez sur le sens dit mot présider, quand il est appliqué aux anciens ou pasteurs.

D'après l'examen nouveau que j'ai fait de tous les passages où se trouve le mot grec du chap. V, 17 de la première à Timothée, et qu'on a rendu tantôt par présider, tantôt par gouverner, tantôt par s'appliquer à une chose, il me paraît évident, en consultant surtout 1 Tim. III, 4, 5, qu'il désigne l'exercice d'une autorité analogue à celle d'un père au milieu de sa famille. Dans Tite III, il me paraît signifier être en tête d'une chose ; je crois qu'on aurait dû traduire - Être à la tête, ou en tête des bonnes oeuvres.

Je dis que l'autorité d'un pasteur est analogue à celle d'un père au milieu de sa famille, mais non pas exactement la même ; car un père s'adressant souvent à des enfants qui ne sont point en état de comprendre la justice des ordres qu'il leur donne, doit souvent exiger une obéissance implicite, sans permettre qu'on lui demande de dire sur quoi il se fonde pour commander telle ou telle chose. Mais il n'en est pas ainsi du Pasteur. Comme il parle à des personnes qui sont toutes enseignées de Dieu, il doit raisonner avec elles, pour tâcher de leur faire sentir que ce qu'il leur prescrit ou ce qu'il leur conseille est ordonné ou conseillé par la lettre de la Parole, ou du moins est dans l'Esprit de la Parole. Il doit leur dire avec l'apôtre : « Je vous parle comme à des personnes intelligentes ; jugez vous-mêmes de ce que je dis. » Il doit reprendre, censurer, exhorter avec toute douceur et en instruisant (2 Tim. IV. 2).
Il ne doit pas paître le troupeau de Christ comme ayant domination sur lui, mais comme se rendant le modèle du troupeau ; montrant ainsi qu'il ne communique pas des ordres pour commander, mais qu'en les communiquant aux autres, il obéit lui-même le premier.

En considérant les termes qui sont employés dans le grec (Hébr. XIII, 17), on voit que l'obéissance qui est prescrite aux troupeaux envers leurs conducteurs est une obéissance de persuasion et une obéissance de déférence. On obéit, parce qu'on est persuadé par la Parole de Dieu ; on obéit, parce que, par humilité de coeur, on est disposé à estimer le conseil des anciens comme préférable à sa propre opinion, tant qu'on ne le trouve pas en opposition avec la Parole.

Il est bon de remarquer que les mots employés ici et qu'on a traduits par : obéir et être soumis, ne sont point du tout parallèles du mot employé Ephés. VI, 1, lorsqu'il est dit : « Enfants, obéissez à vos pères et à vos mères selon le Seigneur ; » mot qui désigne l'obéissance sans aucune nuance de persuasion on de déférence.

Je crois que ce que je viens de dire suffit pour caractériser la teinte que la Parole de Dieu me paraît avoir voulu donner à l'autorité des pasteurs, savoir une teinte d'autorité paternelle, d'autorité de persuasion, d'autorité. de confiance ; toutes choses opposées à une autorité de domination qui exigerait une obéissance implicite aux ordres qu'elle donne.

Maintenant, après avoir posé ces limites, je crois pouvoir dire que ceux-là seraient dans l'erreur qui voudraient restreindre l'autorité du pasteur dans les étroites limites de fonctions de président d'assemblée et encore moins dans celles de président d'assemblées administratives.
D'après Hébr. XIII, 17, on doit céder et déférer à ses conducteurs. Pourquoi ? Parce qu'ils veillent sur les âmes comme devant rendre compte, C'est donc évidemment dans toute l'oeuvre qui appartient à la surveillance des âmes, qu'on doit céder aux conducteurs, et par conséquent, c'est dans toute cette oeuvre qu'ils président ; ou plutôt, pour rendre le vrai sens du mot, qu'ils sont en tête, qu'ils dirigent, et non pas seulement dans les assemblées d'Église qui sont certainement la moindre partie des détails de leur surveillance.
Comme le pasteur l'est dans toutes les circonstances, à toutes les heures du jour, et qu'à aucune de ces heures il ne dépose sa qualité de surveillant, il pense être aussi tout le jour revêtu de l'autorité exprimée par le mot présider et renfermée dans les limites que j'ai tracées d'après la Parole. S'il rencontre un membre du troupeau dans la rue et qu'il lui donne un conseil ; s'il entre dans une maison où il aperçoive quelque chose qui nécessite un avertissement ; s'il assiste à une réunion de travail ; s'il se rencontre au milieu d'une réunion de prières on de méditation de la Parole, fortuite ; partout il est l'homme qui préside, parce que partout il est l'homme qui surveille, et que partout les membres de l'Église doivent se laisser persuader, et déférer (car c'est le sens des mots grecs), à ceux qui veillent sur eux.

Après tout, on est forcé de convenir que la Parole de Dieu n'a pas tracé les limites de l'autorité du pasteur avec la même exactitude que les lois humaines tracent les limites de l'autorité d'un juge de paix ou d'un président de corps. En cela, comme en beaucoup d'autres choses, elle établit des principes généraux dans l'esprit desquels il faut entrer par l'Esprit de Dieu. Quand on veut froidement et mathématiquement établir des limites que l'on ne peut saisir que par un tact spirituel, on n'arrive jamais à un résultat clair et satisfaisant ; jamais on ne s'entend ; jamais on n'est d'accord.

L'Esprit de Dieu répandu dans le coeur du pasteur et du troupeau, y produit l'effet que les lois de la pesanteur produisent sur l'eau, qui prend toujours son niveau lorsqu'on la verse dans plusieurs cavités qui communiquent les unes avec les autres. Chaque cavité prend, selon sa contenance et selon sa profondeur, justement tout autant d'eau qu'il en faut pour qu'elle soit de niveau dans tous les tubes. Mais si les lois naturelles ont atteint du premier coup le point de la perfection, il n'en est pas de même de la Loi de l'Esprit de vie dans nos âmes. Il n'est donc pas étonnant que dans les choses qui ne sont pas exactement précisées, on marche un peu dans les tâtonnements. Mais c'est déjà quelque chose que d'avoir saisi les principes généraux, et de chercher avec humilité et bonne foi à les appliquer.

Je termine, cher frère, en vous faisant part d'un fruit de l'expérience qui correspond au précepte de l'apôtre (1 Pier. V, 1-3). Je suis persuadé que pour qu'un pasteur soit ce qu'il doit être au milieu d'un troupeau, il faut que par goût, par choix, par affection, il se plaise avec les membres de l'Église plus que partout ailleurs ; qu'il soit beaucoup avec eux, beaucoup au milieu d'eux ; qu'il sache, en quelque sorte, se multiplier pour être partout. Ici, pour donner un coup-d'oeil, presque sans en avoir l'air, et voir si tout est dans l'ordre ; là, pour donner une marque d'approbation par sa présence et un témoignage d'affection ; dans un troisième endroit, pour exciter une oeuvre qui commence, et qu'il veut encourager. Il ne doit rester dans chaque lieu précisément que le temps nécessaire, afin de pouvoir aussi se transporter ailleurs, et de ne pas engendrer par des communications où il ne se présente plus comme pasteur, une familiarité qui dépasserait les bornes. Il faut qu'il ne se donne pas exclusivement à une partie du troupeau, qu'il soit l'homme de tous et l'homme de personne en particulier. Il faut qu'il ne se charge point d'occupations qui l'éloignent trop souvent du troupeau ou qui le renferment trop dans son cabinet, tellement qu'on craigne de le déranger en allant chez lui.

En un mot, pour qu'on se trouve bien dans l'Église, il faut qu'il en soit comme de la famille, où les enfants ne se trouvent bien dans la maison paternelle qu'autant qu'ils y rencontrent habituellement leurs parents, pour être réjouis par leur présence et leur direction, et dirigés par leurs conseils. Le pasteur est, après le Saint-Esprit, et par les dons de ce même Esprit, le lien qui unit les membres de l'Église les uns aux autres. Il doit continuellement, par son exemple et par ses discours, leur crier. Rapprochez-vous, serrez les rangs, formez le corps de Christ bien ajusté et serré ensemble par toutes les jointures du fournissement (Ephés. IV, 16).

L'on s'attachera cordialement à une Église où les pasteurs et le troupeau mèneront ensemble cette vie de famille, qui pourrait être réalisée dans un grand troupeau comme dans un petit, moyennant la multiplication proportionnée des dons pastoraux ; preuve en soit ce qui est dit de l'Église de Jérusalem à la fin du premier chapitre des Actes. Si les Églises ne sont que des lieux de prédication, elles tomberont bientôt, à côté d'autres établissements qui offrent tout autant de moyens d'enseignements en fait de prédication. Et comme la surveillance a toujours un côté gênant et qui déplaît à la chair, elle repoussera bien des âmes au lieu de les attirer, si elle n'est pas exercée dans un esprit d'amour, et si ce qu'elle a de gênant n'est pas compensé par les douceurs de l'affection pastorale et de la vie de famille. Quant à moi, je vois cette vie de famille partout dans les Actes et dans les Épîtres ; et je crois qu'elle a été généralement trop méconnue parmi nous, ou qu'après l'avoir connue dans les commencements, on a pris trop peu de soin pour la maintenir.

Fatigué de tête et pressé par le temps, je finis par deux réflexions, l'une relative à vous, qui est de bien mesurer les conséquences des démarches que vous ferez, et de ne pas vous engager dans une voie où vous ne pourriez pas aller jusqu'au bout avec pleine conviction ; l'autre relative à moi, qui est de demander à Dieu que son Esprit me prêche la conclusion de la parabole du Samaritain : « Va, et fais la même chose. »

Je vous embrasse d'une bonne affection en Christ.


Table des matières

Page précédente:
Page suivante:
 

- haut de page -