Oeuvres posthume de A.
Rochat
Ministre du
Saint Évangile
LETTRE XXVIII
1836.
On n'est pas droit quand
on...
Mon cher frère,
Que la paix vous soit au nom du Seigneur
ainsi qu'à toute l'église que je
salue affectueusement par vous, en lui envoyant
pour passage de la semaine : Prov. II, 7.
« L'Éternel réserve
à ceux qui sont droits un état
permanent, et il est le bouclier de ceux qui
marchent dans
l'intégrité. »
Voici quelques réflexions sur ces
paroles. La droiture et l'intégrité
consistent en deux choses. Premièrement
à se montrer tel qu'on est devant Dieu et
devant les hommes. Secondement, à
désirer sincèrement connaître
et faire toute la volonté de Dieu.
On n'est pas droit quand on cache ses
transgressions, ou qu'on veut paraître ce
qu'on n'est pas. On n'est pas droit non plus quand
on cherche à se faire illusion sur ses
péchés ; quand on emploie toutes
sortes de prétextes et de faux raisonnements
pour éviter de connaître ou de faire
la volonté de Dieu dans certains points
particuliers. On n'est pas droit quand on a l'air
de désirer une chose, tandis qu'on en
désire une autre ; quand on a l'air de
parler dans une certaine intention, tandis qu'on
parle dans une autre. On n'est pas droit quand on
dit, quand on pense, ou quand on fait en secret des
choses qu'on serait bien fâché qui
vinssent à être connues.
Dieu réserve pour ceux qui sont
droits un état permanent,
c'est-à-dire durable. Et d'abord un
état durable de paix. C'est le manque de
droiture qui trouble le plus souvent notre
paix ; car il y a une grande paix pour ceux
qui aiment la loi de Dieu, et rien ne peut les
ébranler. Il est dit ailleurs
que « la
lumière est semée pour le juste, et
la joie pour ceux qui sont droits de
coeur. » « Le juste n'a peur
d'aucun mauvais rapport, son coeur est ferme, bien
appuyé sur l'Éternel, et il ne craint
d'être découvert et manifesté
comme un hypocrite, ni par le Seigneur, ni par les
hommes. Son coeur ne le condamne point, et il a une
grande confiance devant Dieu.
Secondement, Dieu réserve
à ceux qui sont droits un état
permanent de foi. Il est dit :
« Gardant la foi avec une bonne
conscience, à laquelle quelques-uns ayant
renoncé, ont fait naufrage quant à la
foi. » Ceux qui l'ont abandonnée
pour rentrer dans le monde et sous l'empire de
Satan, ont toujours commencé par avoir
secrètement quelque manque de droiture, et
par se laisser amorcer par quelqu'une des
convoitises de la chair qu'ils nourrissaient en
secret.
Lorsqu'on ne tient pas sa conscience
nette devant Dieu, elle s'embarrasse toujours
davantage. On n'ose plus prier, on reste sans
défense entre les mains de l'ennemi ;
et souvent pour éviter le malaise que lui
causent les vérités de la foi qui le
condamnent, l'homme rejette la foi, et retourne au
monde et à son incrédulité. Si
nous comprenions bien à quoi peut nous mener
un seul manque de droiture que nous ne combattons
pas, nous en frémirions.
Troisièmement, Dieu
réserve à ceux qui sont droits un
état permanent dans leurs entreprises. Tout
ce qui n'est pas entrepris et fait avec droiture de
coeur finit par crouler ; mais les plus
faibles commencements, accompagnés d'une
intention droite, prospèrent sous la
bénédiction de l'Éternel.
Enfin, Dieu réserve à ceux
qui sont droits de coeur un état permanent,
en ce qu'il leur réserve la vie
éternelle. « Celui qui marche en
intégrité sera sauvé ;
mais le pervers qui marche par deux chemins tombera
tout-à-coup. » Et quelquefois Dieu
manifeste déjà dans ce monde ceux qui
ne sont pas droits de coeur. Mais lors même
qu'ils pourraient se cacher jusqu'à la fin,
ils seront découverts au jour où Dieu
manifestera les desseins des
coeurs, mettra en évidence les choses
cachées dans les ténèbres, et
rendra à chacun sa louange. Alors les
maisons fondées sur le sable crouleront et
leur ruine sera grande. Les fausses
piétés s'évanouiront, les
coeurs doubles seront couverts de confusion, et
Dieu fera jeter le serviteur hypocrite dans les
ténèbres de dehors, là
où il y a des pleurs et des grincements de
dents. Mais celui qui aura servi Dieu droitement,
ne sera point confus à l'avènement du
Seigneur qui le reconnaîtra pour sien, et qui
Lui donnera un état permanent de paix et de
joie dans son royaume éternel.
Il est dit que
« l'Éternel est le bouclier de
ceux qui marchent dans
l'intégrité, »
c'est-à-dire qu'il les protège, et
contre les tentations de Satan, et contre les
attaques de leurs ennemis extérieurs. Dieu
ne défend pas contre les tentations, ceux
qui ne veulent résister qu'à
certaines tentations et qui veulent céder
à d'autres. Dieu ne défend pas contre
les attaques de l'ennemi, ceux qui ne combattent
pas d'un coeur droit. Mais au contraire, il est dit
que « les yeux de l'Éternel se
promènent çà et là par
toute la terre, afin de se montrer puissant en
faveur de ceux qui sont d'un coeur droit envers
lui. » Si donc nous nous sentons droits
de coeur, ne craignons personne ; car
« Dieu est pour nous, et s'il est pour
nous, qui sera contre
nous ? »
Il est donc essentiel, mes chers amis,
de rechercher la droiture, comme Dieu nous y
exhorte dans sa Parole ; de sonder souvent nos
voies, pour voir si elles ne sont pas des voies
détournées ; et de dire souvent
à Dieu avec David : « que
l'intégrité et la droiture me
gardent ; rends-moi intègre dans tes
statuts, afin que je ne rougisse point de
honte. »
Un des plus sûrs moyens de se
maintenir dans la droiture c'est, d'un
côté, de penser souvent au jour
où les desseins des coeurs seront
manifestés, et où la confusion de
l'hypocrite sera
épouvantable ; et de l'autre, de se
tenir fortement attaché à la
grâce de Dieu. La peur fait mentir, et au
contraire, rien ne rend vrai comme l'assurance
qu'on peut s'approcher de Dieu en confiance, tel
qu'on est, avec toutes ses misères et tous
ses péchés. De plus, le manque de
droiture à l'égard des commandements
de Dieu vient souvent de ce qu'on se les
représente difficiles à observer.
Alors il semble que ce serait autant de
gagné, si l'on pouvait en esquiver tel ou
tel. C'est là l'esprit de l'esclave ;
mais le Fils qui sait que son Père ne Lui
commande rien que pour son bien, et que son
Père veut Lui donner d'accomplir avec amour
et par inclination tout ce qu'Il Lui
commande ; ce Fils demande avec courage et
sincérité à son Dieu de Lui
donner un coeur nouveau, et de le transformer par
le renouvellement de son entendement, afin qu'il
puisse éprouver quelle est la volonté
de Dieu bonne, agréable, et parfaite.
En un mot, le plus sûr moyen de ne
pas chercher à éluder les
commandements de Dieu, c'est de les regarder moins,
comme des commandements, que comme des promesses et
des grâces précieuses que Dieu veut
accomplir en nous ; de croire que Dieu nous
rendra heureux en les observant, et qu'ainsi son
joug sera aisé et son fardeau
léger.
Je souhaite, mes chers amis, que ces
réflexions vous soient utiles, et que nous
nous accordions tous ensemble pour demander
à Dieu la droiture.
Je voudrais aussi que dans toutes les
Églises du Seigneur, on fit des
prières pour la manifestation des
hypocrites, s'il y en a, afin qu'ils fussent
ôtés du milieu d'elles. Ces
prières, fréquemment
répétées, seraient propres
à effrayer ceux qui auraient encore une
conscience, et à les réveiller. Et
quant à ceux qui seraient
décidément des hypocrites
enracinés, on peut espérer qu'elles
amèneraient leur manifestation et leur
exclusion, ce qui serait un grand bien, puisqu'ils
sont un interdit au milieu du peuple de Dieu.
LETTRE XXIX
1836.
Toutes les choses faites à demi
à l'égard de Dieu, ne valent
rien.
Chère soeur,
L'époque de votre
délivrance approche, si toutefois elle n'est
pas déjà arrivée ; et mon
coeur ne vous oublie pas. Je vous remets à
Celui qui est appelé dans l'Écriture,
le Dieu de notre
délivrance ; » et qui dit,
dans sa Parole « C'est moi qui fais
enfanter. » Qu'il vous soit donné
de vous abandonner à Lui, avec une confiance
d'enfant, et de pouvoir dire par l'Esprit :
« Quoi qu'il en soit, mon âme se
repose en Dieu ; c'est de Lui que vient ma
délivrance. Mon âme demeure
tranquille, regardant à Dieu, car mon
attente est en Lui. »
(Ps. LXII, 1, 5).
Pour être dans cet heureux
état, il faut deux choses, chère
soeur : se défaire de tout interdit, et
laisser de côté toute propre justice.
Si l'on ne vide pas son coeur à fond devant
Dieu ; si on laisse au fond de l'âme
quelque chose qui n'est pas tiré au
clair ; si l'on cherche encore des excuses ou
des justifications pour certains
péchés ; si l'on ne passe pas
franchement condamnation sur tout ; si le
coeur est encore raide, orgueilleux, et ne veut pas
s'humilier devant Dieu et devant les hommes ;
en un mot, si l'on ne s'est pas mis
tout-à-fait au large devant Dieu, par une
entière franchise, et en consentant à
devenir entre ses mains tout ce qu'il voudra nous
faire devenir ; s'il y a vis-à-vis de
Lui de secrètes réserves, on ne peut
pas se confier en Lui avec abandon ; car
comment reposerait-on sa tête avec confiance
sur le sein de quelqu'un, quand on sait qu'il peut
nous dire : Tu n'es pas droit devant
moi ; tu gardes volontairement mes ennemis
dans ton coeur, et je ne puis pas me fier à
toi. Jamais un coeur qui n'est
pas sincère et humilié, ne peut
goûter la douceur de la confiance en Dieu.
Aussi est-il écrit :
« Confie-toi en l'Éternel, et fais
ce qui est bon. » David disait :
« J'ai espéré en ta
délivrance, et j'ai fait tes
commandements. » - D'un autre
côté, si quand on sent
véritablement sa misère, on a peur
d'aller à Jésus, comme s'Il voulait
nous rejeter à cause de nos
péchés ; si on se laisse
arrêter par l'idée qu'on n'a pas assez
de repentance, pas assez d'humiliation, pas assez
de foi pour qu'Il nous reçoive ; en un
mot, si l'on se figure qu'Il nous demande quelque
chose pour consentir à être notre
Sauveur ; on sent son coeur retenu et comme
glacé par la crainte, et l'on ne peut pas se
jeter avec confiance dans ses bras, puisqu'on
s'attend à ce qu'Il va nous repousser en
nous faisant de justes reproches.
Hélas ! chère soeur,
quel sauveur que celui que Satan nous
représente quelquefois, et qu'il met
à la place du Sauveur
véritable ! Quel sauveur que celui qui
ne veut pas me recevoir tel que je suis, avec toute
ma misère, toute ma dureté, toute mon
incrédulité ! Quel sauveur que
celui qui exige que je lui apporte quelque chose,
pour qu'il veuille me donner ce dont j'ai
besoin !
Quel sauveur, en un mot, que celui qui
ne me sauve pas en me pardonnant toits mes
péchés, et guérissant toutes
mes infirmités ! Ah ! ce n'est pas
là le Sauveur de la Bible ; Celui qui
est appelé un puissant Sauveur ; Celui
qui « sauve a plein tous ceux qui
s'approchent de Dieu par Lui ;
« Celui qui a dit :
« Quelque péché et quelque
blasphème que les hommes aient commis, il
peut leur être
pardonné ; » Celui qui a dit
à la femme de mauvaise vie :
« Va-t-en en paix, ta foi t'a
sauvée, tes péchés te sont
pardonnés, » et à la femme
surprise en adultère : « Je
ne te condamne point non plus, va et ne
pèche plus à l'avenir. » Le
sauveur qui repousse, n'est certainement pas celui
de l'Évangile, qui a dit :
« J'attirerai tous les hommes à
moi. » « Je ne suis pas venu
pour faire périr les âmes des hommes,
mais pour les sauver : »
« Je suis venu chercher et
sauver ce qui était perdu. »
« Venez à moi, vous tous qui
êtes travaillés et chargés, et
je vous soulagerai. »
Le sauveur qui demande qu'on lui apporte
quelque chose, n'est sûrement pas celui qui
dit : « Si quelqu'un a soif, qu'il
vienne à moi et qu'il boive. »
« 0 ! vous tous qui êtes
altérés, venez aux eaux, et vous, qui
n'avez point d'argent, venez, achetez et mangez,
sans aucun prix. »
Le vrai Jésus envoie ses
serviteurs sur les chemins, pour presser tous ceux
qu'ils rencontrent, tant mauvais que bons, d'entrer
dans la salle du festin, en leur disant :
« Tout est prêt, venez aux
noces. » Il ne demande qu'une chose
à ceux qui viennent à Lui, c'est
d'être sincères avec Lui ; de Lui
montrer toutes leurs plaies, et de s'abandonner
à Lui, pour qu'Il les guérisse.
À ces conditions, toute âme est bien
reçue, soit qu'elle vienne à Lui pour
la première fois, soit qu'elle retourne
à Lui après l'avoir
abandonné. »
Ce que je vous dis-là est la pure
vérité ; car c'est la Parole de
Dieu qui le dit. Par conséquent, il ne tient
qu'à vous de vous mettre devant Dieu, dans
cet heureux état de liberté et de
paix, où vous pourrez dire avec une
entière assurance : « Je sais
que Dieu est pour moi : »
« L'Éternel est ma lumière
et ma délivrance, de qui aurais-je
peur ; l'Éternel est la force de ma
vie, de qui aurais-je frayeur ? »
Chère soeur, je vous en supplie,
profitez de l'heureux privilège que vous
avez en Christ, de vous approcher de Dieu avec une
confiance pleine et parfaite. Ne vous contentez pas
avec Dieu d'une espèce de demi-paix, de
demi-réconciliation, de demi-confiance. Il
faut aller jusqu'au trône de la
Grâce ; il faut, comme la femme malade,
toucher Jésus ; il faut, comme l'enfant
prodigue, arriver jusque dans les bras du
Père ; il faut, comme l'épouse
du cantique, dire : « Je l'ai pris,
et je ne le lâcherai point que je ne l'aie
amené dans la maison de ma mère, et
dans la chambre de celle qui m'a
conçue. Il faut pouvoir dire avec
elle : « Je suis à mon
bien-aimé, et mon
bien-aimé est à moi. »
Toutes les choses faites à demi
à l'égard de Dieu, ne valent rien. Il
faut, si je peux m'exprimer ainsi, mettre son
compte au net avec Lui, et continuer à le
tenir au net jour par jour, et heure par heure. Il
faut aspirer à avoir au-dessus de sa
tête un ciel sans nuage, où brille ce
soleil de justice qui porte la santé dans
ses rayons. En un mot, il faut savoir à quoi
on en est avec Dieu, et rien n'est plus facile,
quand on est sincère. Tout ce qui est vague,
incertain, confus, ne donne aucune paix
véritable.
Que Dieu vous donne, ma chère
soeur, qu'ayant mis votre âme bien en paix
avec votre Dieu, vous puissiez à
l'époque de vos couches, vous remettre entre
ses bras avec un entier abandon, et Lui dire :
« Fais de moi ce que bon te semblera. Je
remets mon corps et mon esprit entre tes mains, car
tu m'as rachetée ; et je suis
assurée que rien ne pourra me séparer
de ton amour. Je suis à Toi, à la vie
et à la mort. »
Chère soeur, soyez ainsi
heureuse, le Seigneur le désire, le Seigneur
le veut, le Seigneur vous le commande ; et Il
vous dit : « Réjouissez-vous
toujours en notre Seigneur. Ne vous
inquiétez de rien ; mais en toutes
choses, présentez vos demandes à Dieu
par des prières et des supplications, avec
des actions de grâces ; et la paix de
Dieu, laquelle passe toute intelligence, gardera
vos corps et vos esprits en
Jésus-Christ. »
Que toutes ces choses s'accomplissent en
vous et par la puissance de l'Esprit ! Que
vous puissiez dire avec Jacob :
« J'ai vu Dieu, face à face, et
mon âme a été
délivrée. » Qu'à
votre égard s'accomplisse cette Parole de
Jésus : « Dès qu'une
femme est accouchée d'un enfant, elle ne se
souvient plus de son travail, dans la joie qu'elle
a de ce qu'un homme est né dans le
monde. » Que l'enfant que vous mettrez au
monde soit béni, et que si le Seigneur le
conserve, il devienne pour vous un sujet de joie.
Que le Seigneur pose sa main sur
vos deux autres enfants ; qu'il prenne soin de
votre ménage, pendant que vous serez au lit;
qu'Il bénisse votre mari que je salue
affectueusement. Qu'Il lui donne de connaître
le bonheur qu'on trouve auprès de
Jésus, et qu'Il vous donne à
vous-même d'être à son
égard douce, prévenante,
respectueuse, car il est écrit :
« Que la femme respecte son
mari. »
Chère soeur, ce ne sont pas des
voeux jetés en l'air, ce sont des voeux que
je forme du fond de mon coeur, et qui se
réaliseront, si nous les plaçons avec
foi entre les mains de notre Intercesseur qui prie
pour nous, et à qui tout pouvoir est
donné, dans les cieux et sur la terre.
LETTRE XXX
1836.
Écoutez et pesez tout ce que vous
entendez dire, mais ne mettez pas vos coeurs
à toute parole qu'on dira.
Mes chères soeurs.
Je vous recommande aussi, en
général, que tout en écoutant
et pesant les conseils de tous, vous ne vous
rendiez esclaves d'aucun homme ; que vous
jugiez de tout par vous-mêmes, en examinant
toute chose avec prière et à la
lumière de la Parole, et ne retenant que ce
qui vous paraîtra bon. Que l'idée de
l'éloignement où vous êtes de
votre pays et du besoin que vous avez de ceux qui
sont autour de vous, ne vous engage jamais à
faire quelque chose par fausse complaisance pour
les hommes, en péchant contre les
lumières de votre conscience.
Souvenez-vous toujours que s'il y avait
à choisir, il vaudrait mieux perdre la
protection de tous les hommes,
et conserver celle du Tout-Puissant. Si Dieu est
pour vous, qui sera contre vous ? Les yeux de
l'Éternel ne se promènent-ils pas
çà et là sur toute la terre,
pour se montrer puissant en faveur de ceux qui sont
d'un coeur droit envers Lui ?
Un des moyens de conserver votre
indépendance, c'est de suivre le conseil que
je vous ai donné, savoir de chercher
à gagner, par vous-mêmes, votre
subsistance, surtout dans les commencements. On
devient facilement dépendant de ceux
desquels l'on reçoit sa subsistance, et
même les meilleurs d'entre les
chrétiens sont portés à croire
qu'ils acquièrent de certains droits sur
ceux à l'entretien desquels ils fournissent.
Souvenez-vous souvent de l'exemple que Paul avait
donné à cet égard, et qu'il
laissait comme un modèle aux pasteurs de
l'Église d'Éphèse, et qui doit
l'être proportionnellement aux personnes et
aux circonstances, pour tous les temps et pour tous
les lieux. Vous trouverez le passage auquel je fais
allusion :
Act. XX, 33-36. Joignez-y :
2 Thess. III, 8-10 ;
1 Thess. IV, 11, 12, et
Ephés. IV, 28 .
En agissant dans l'esprit de ces
passages vous conserverez votre
indépendance, et vous vous mettrez en bonne
réputation vis-à-vis de ceux de
dehors. Du reste, en vous exhortant à
conserver votre indépendance, je ne veux
point vous jeter dans un esprit de raideur, ni dans
une orgueilleuse crainte de recevoir quelque chose
des autres. Il faut se rendre dépendant dans
toutes les choses où l'on sacrifie ce qui
est. à soi, et non pas ce qui est au
Seigneur. Il faut se rendre indépendant, non
par une orgueilleuse crainte de dépendre des
autres, mais par la crainte de leur être
à charge ou de lier sa conscience. C'est
l'esprit du passage :
« Soumettez-vous les uns aux autres dans
la crainte de Dieu. » La crainte de Dieu
est le motif et la limite de la soumission
respective des chrétiens les uns
vis-à-vis des autres. À cet
égard, personne ne peut entrer dans des
règles de détail qui prévoient
tous les cas possibles. Je m'en
remets à la sagesse du
Seigneur, pour vous diriger dans les cas
particuliers. Il a promis de nous guider de l'oeil,
et il le fera si notre oeil est simple et que nous
le consultions avec droiture.
Une chose contre laquelle j'ai aussi
à vous précautionner, c'est contre la
précipitation dans les jugements, soit
à l'égard des hommes, soit à
l'égard des choses. On peut dire que dans ce
monde rien n'est si bon, et rien n'est si mauvais
qu'il le paraît au premier abord. Souvent les
choses se présentent à nous sous un
premier aspect qui est tout différent de
celui qu'elles prennent, lorsqu'on les a
examinées de près. Pour ne pas
commettre de graves erreurs, il faut, si je puis
m'exprimer ainsi, tourner une chose en tous sens et
de tous les côtés, avant de fixer son
jugement. Il faut consulter, écouter,
attendre, réfléchir et prier, avant
de se décider ; et en
général, se souvenir qu'il est
écrit : « Celui qui croira ne
se hâtera point ; » et
ailleurs : « Balance le chemin de
tes pieds, et ne t'écarte ni à
droite, ni à gauche. »
Les chrétiens jeunes et sans
expérience, ou ceux qui ont beaucoup
d'imagination, sont portés à saisir
les premières apparences qui souvent sont
trompeuses, et à s'écrier :
Quelle direction admirable ! C'est là
sûrement la voix de Dieu ! C'est
là sûrement où Dieu me veut,
etc., etc.
Ils ne savent pas que, par une ruse de
l'ennemi ou parce que l'Éternel est un Dieu
fort qui se cache et dont les voies sont profondes,
il se présente souvent à nous des
entrées de route qui paraissent belles et
attrayantes, et qui cependant nous conduisent, au
bout de quelques pas, dans un sentier obscur et
pénible, où nous sommes
obligés de rebrousser, en disant : Ce
n'est pas ici le chemin. Il en est de même
des hommes. Tous ceux qui se présentent
à nous même parmi les
chrétiens, avec des apparences aimables et
attrayantes, ne sont pas toujours les hommes les
plus sûrs ; tout comme il ne faut pas
dans tous les cas se laisser rebuter
par les dehors moins attrayants
de quelques hommes dont le fond vaut mieux que la
forme, et qui tiennent plus qu'ils ne promettent.
Croyez-moi, chères soeurs, ne
négligez pas cette instruction. Si à
mon âge je me sens encore exposé
à me laisser prendre aux apparences qui
m'ont si souvent trompé, et à
être trop précipité dans mes
jugements ; combien plus cela ne peut-il pas
vous arriver à vous qui êtes plus
jeunes, et d'un sexe dont l'imagination est en
général plus mobile. Que le Seigneur
vous donne un esprit de sens rassis ; qu'il
vous rende simples quant au mal, et prudentes quant
au bien.
Je vous répète aussi
l'avis que je vous donnai le jour de votre
départ, c'est de vous tenir en garde contre
l'esprit de système qui enfle, si je puis
m'exprimer ainsi , tout une partie de la Parole,
pour la faire ressortir et lui donner une haute
importance, aux dépens de la partie qui en
fait le contre-poids et dont on affaiblit la force
autant qu'on le peut. Gardez-vous de cet
esprit-là, qui commence à
déborder dans la chrétienté.
Soyez des chrétiennes de toute la
Parole ; laissez à chaque passage sa
force ; ne vous embarrassez pas des apparentes
contradictions qui peuvent se trouver dans les
saintes Écritures entre différentes
classes de passages. Ces apparentes contradictions
qui peuvent embarrasser l'esprit qui veut saisir un
système, n'embarrasseront jamais celui qui
veut marcher au lieu de raisonner. Ces passages en
apparence opposés sont, dans le fond, les
deux béquilles d'un boiteux, les deux
barrières d'un pont, les deux
côtés d'une voûte qui
s'affermissent l'un l'autre en s'appuyant l'un
contre l'autre. Si ceux qui exaltent une partie de
la Parole aux dépens de l'autre, y
réfléchissaient sérieusement,
Ils seraient effrayés de penser qu'ils
pèchent réellement contre l'esprit de
ce passage : « Tu n'y ajouteras
rien, et tu n'en diminueras rien. »
Ne vous laissez pas éblouir par
certaines apparences d'une sainteté
extraordinaire, à laquelle on a l'air de
parvenir en quelque sorte d'un saut, par le moyen
de quelqu'un de ces systèmes. Tout ce qui
brille n'est pas or, et il faut que le feu
éprouve toute chose pour qu'on en juge.
Je me servirai d'une comparaison pour
vous expliquer ces espèces de jets si
rapides en sainteté apparente, que font
pousser certains systèmes. Si l'on renferme
un arbre ou des plantes dans une serre chaude, il
est reconnu qu'on peut obtenir des fruits
précoces, et hâter la
maturité ; mais il est reconnu aussi
que ces fruits hâtifs ont peu de saveur, et
que les arbres qui les ont donnés
périssent bientôt, parce qu'on en a
forcé la sève. « À
chaque chose son temps et sa saison » dit
l'Écriture. L'arbre qui est planté
près des ruisseaux d'eau, rend son fruit en
sa saison, et aussi son feuillage ne se
flétrit jamais Il faut être
aveuglé, pour ne pas voir que,
d'après tout l'esprit de la Parole de Dieu,
la sanctification est une oeuvre graduelle et
souvent lente, qui se fait au milieu de beaucoup de
combats, de chutes et de relèvements ;
et cela pour la gloire de Dieu, comme on le voit
dans
Esaïe LXIII, 14. Entre tous les
passages qui montrent que l'oeuvre est graduelle,
je ne vous citerai que celui de
Marc IV, 28, 29, qui est tellement
formel, que je ne conçois pas qu'on puisse
rien lui opposer.
Écoutez et pesez tout ce que vous
entendez dire, mais ne mettez pas vos coeurs
à toute parole qu'on dira.
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