Oeuvres posthume de A.
Rochat
Ministre du
Saint Évangile
LETTRE XXII
1834.
La contre-épreuve de nos sentiments
intérieurs
Je suis bien aise que vous appréciez
avant tout la communion avec le Sauveur. Toutefois,
je me permettrai de vous donner à cet
égard deux avis.
Premièrement, qu'elle ne vous
fasse jamais déprécier la communion
avec les frères. Sous prétexte qu'on
est bien avec le Chef, il ne faut pas se tenir loin
des membres ; et sous prétexte qu'on
apprécie l'union avec Christ, il ne faut pas
déprécier l'union avec ceux qui sont
de Christ. Il faut se souvenir que c'est là
où les frères s'entretiennent
ensemble, que Dieu a mis la vie et la
bénédiction à toujours, et que
c'est par la liaison de toutes ses parties qui
communiquent les unes avec les autres, que le corps
tire son accroissement du Chef, selon la force
qu'il distribue en chaque membre.
Le second avis que j'ai à vous
donner, c'est qu'il faut juger de notre union avec
Christ, plus par ses effets sur notre vie
habituelle, que par certains moments
d'épanchement, par certaines joies
spirituelles, par certains goûts de
dévotion secrète, par certains
élans de dévouement que nous
éprouvons dans notre
cabinet. Quand je vous parle des
effets de la vie de Christ, je ne vous parle pas
d'une certaine activité extérieure,
qui peut exister sans l'union véritable avec
Christ ; mais je vous parle du
dévouement habituel à sa
volonté qui rompt la nôtre propre, du
renoncement pour Christ dans une foule de choses
qui ne paraissent pas grandes aux yeux des hommes,
mais qui pourtant constituent notre vie
réelle.
Je vous parle du support avec les
autres, de la prudence et de la réserve dans
ses démarches, de la tempérance, du
crucifiement de la chair, du contentement d'esprit
en toute situation, etc., etc....
Ce sont là tout autant de choses
qui sont la contre-épreuve de nos sentiments
intérieurs et de la vie du cabinet, et qui
souvent nous forcent avec humiliation à
rabattre beaucoup de l'opinion que nous pourrions
avoir de notre avancement, si nous nous jugions
d'après ce que nous croyons sentir et
éprouver quand nous ne sommes pas à
l'oeuvre. Tel, quand il est dans une bonne chambre
bien chauffée, peut se croire dans un moment
de dévouement intérieur, capable de
souffrir pour le Seigneur, la faim, la soif, le
péril, la nudité ou
l'épée, et en sortant de sa chambre
n'osera pas plus que l'apôtre Pierre,
confesser le Seigneur devant ses ennemis.
LETTRE XXIII
1834.
Pour se croire aimé de
Dieu
Les âmes les plus confiantes au
Seigneur sont celles chez
lesquelles on trouve le moins de
raideur, de susceptibilité, de
défiance des autres, et le plus de
débonnaireté. Quand on se croit
aimé de Dieu le coeur est amolli,
défendu et ouvert à toutes les
impressions douces. Et pour se croire aimé
de Dieu, on ne saurait trop le
répéter, il faut renoncer à
chercher en soi la raison de son amour pour
nous ; il faut la chercher uniquement en
Jésus, le bien-aimé du Père.
LETTRE XXIV
1836.
Ces successions de moments de joie et de
tristesse
En relisant l'extrait d'une des lettres
de notre chère soeur je vois qu'elle s'y
plaint de son état spirituel, disant qu'elle
a des moments de noir qui succèdent à
des moments de joie, et qu'elle a été
portée à rentrer en elle-même
à cet égard, en voyant en quelque
sorte son portrait dans une personne qui semblait
présenter ces diverses alternatives d'une
manière assez pénible pour ses
alentours.
C'est une grâce que nous avons
à rendre à Dieu, ma chère
soeur, quand il nous est donné de voir ainsi
dans les taches des autres le portrait de nos
propres défauts, car le plus souvent nous
voyons dans un esprit de critique, et nous avons
peine à supporter chez les autres des choses
que nous trouvons fort supportables ou que nous
n'apercevons pas lorsqu'elles se rencontrent chez
nous. Quant à cette disposition à
passer rapidement de la joie à la tristesse,
elle peut tenir en bonne partie à
l'état de la santé, surtout à
celui des nerfs. Elle peut tenir aussi à une
tentation de l'ennemi qui jette sur
nous des
ténèbres ; ce que Dieu permet
pour nous humilier quand nous nous sommes
glorifiés de notre joie, ou quand nous
l'avons laissé
dégénérer en
légèreté, ou quand nous nous
sommes trop évaporés en
démonstrations extérieures.
Cette rapide succession de moments de
joie et de tristesse sont aussi plus
fréquents chez les personnes qui ont le plus
d'imagination, et qui sont portées à
voir les choses trop en beau on trop en noir, et
selon l'impression du moment. Ces personnes
appuient leur joie sur des choses qui ne doivent
pas en être le véritable fondement, et
qui venant bientôt à leur manquer, les
laisse retomber dans une tristesse qui n'a pas plus
de raisons solides que n'en avait leur joie. Une
personne de ce caractère se réjouira,
parce qu'il lui semblera que telle personne lui
fait bon visage ; elle se réjouira,
parce qu'on lui tient un propos amical ou
peut-être flatteur pour son
amour-propre ; elle se réjouira ;
parce que telle circonstance en elle-même peu
importante, mais que son imagination grossit, lui
semble un signe de la faveur de Dieu ou une porte
qui s'ouvre devant elle soit pour sortir d'une
épreuve, soit pour arriver à tel but
qu'elle avait en vue.
Puis, quand toutes ces choses qui n'ont
pas plus de corps et de réalité que
ces figures de fantaisie que forment quelquefois
les nuages, ont disparu, la joie qui s'appuyait sur
elles a disparu aussi. Nous aurons moins de hauts
et de bas lorsque nous marcherons davantage par la
foi, et que nous ferons plus dépendre nos
espérances et nos joies des promesses de
Dieu, que des signes d'un accomplissement probable
de ses promesses ; plus de l'approbation de
Dieu que de celle des hommes ; lorsqu'enfin
nous donnerons à chaque chose son
degré d'importance, et que nous ne
grossirons pas dans notre imagination le
résultat de bien des
événements qui ne sont que de
très-petite conséquence dans
l'exécution des plans de Dieu à
l'égard de son peuple. Il vaut mieux avoir
le regard fixé sur le soleil que sur le
reflet du soleil dans l'eau,
reflet qui varie selon que l'eau
est plus ou moins agitée, plus ou moins
bourbeuse, sans que pour cela le soleil varie en
lui-même.
En attendant que par une foi plus ferme,
on puisse être mis à l'abri de ces
hauts et de ces bas, qui sont fort pénibles
pour nous, il faut tâcher qu'ils le soient le
moins possible pour les autres ; car ce n'est
pas leur faute, si nous sommes tristes et abattus.
S'ils doivent avoir la charité de supporter
notre tristesse et notre abattement, il n'est pas
juste que nous leur en fassions en quelque sorte
porter la peine.
Sans doute on ne peut pas dans cet
état présenter un visage aussi
joyeux ; mais il faudrait rester abattu ou
triste avec douceur, et en prenant garde de ne pas
passer de la tristesse à une espèce
de mécontentement des autres, et d'aigreur
contre eux.
La tristesse, quand elle est
accompagnée de douceur, n'est pas toujours
un mauvais état ; elle a quelquefois
plus d'onction et d'humilité que certains
moments de joie qui se montrent beaucoup en dehors.
Cette tristesse humble ne fait point de mal aux
autres, et quand elle ne va pas jusqu'au
découragement, elle peut même leur
être utile en donnant à nos relations
avec eux une teinte de sérieux. Mais quand
la tristesse dégénère. en
quelque chose d'âpre ou de fâcheux
à l'égard des autres, elle devient un
véritable péché ; c'est
alors la tristesse selon le monde qui donne la
mort.
Adieu, chère soeur, demandez
à Dieu le contentement d'esprit, qui avec la
piété est un grand gain !
LETTRE XXV
1836.
Ne pleurez pas comme ceux qui sont sans
espérance
Chère Madame et soeur,
Que vous dirai-je que ne vous aient
déjà dit les amis chrétiens
qui vous entourent, et le Consolateur que le
Seigneur a promis aux siens et qui les console dans
toutes leurs afflictions, ensorte que si
l'affliction abonde, les consolations abondent
aussi par Jésus-Christ. Cependant,
peut-être que le témoignage de mon
amitié vous fera plaisir et soulagera pour
un moment votre coeur ; et quant à moi
j'ai besoin de vous le donner.
Je comprends bien tout ce que vous aurez
éprouvé de pénible, en voyant
les angoisses de votre chère enfant ;
mais grâces à Dieu elle en a fini pour
jamais avez les souffrances.
« La douleur et le
gémissement se sont enfuis » pour
elle et « une allégresse
éternelle est sur sa tête. »
Elle est maintenant là où il n'y a
plus ni deuil, ni cri, ni travail. Elle comprend
maintenant, non plus par la foi, mais par la vue,
que les « légères,
afflictions du temps présent ne sont point
à comparer à la gloire qui doit
être révélée en
nous. » -
Je comprends bien qu'il doive vous
être pénible, à vous qui
étiez si unis, de ne plus retrouver au
milieu de vous le visage de cette chère
enfant. Hé bien oui, pleurez, mais ne
pleurez pas comme ceux qui sont sans
espérance. Pleurez, car il est des jours
où le Seigneur nous appelle au deuil et la
tristesse, comme un moyen de nous rapprocher de
Lui.
Son Esprit a dit, que « le
coeur du sage est dans la maison de
deuil, » et « qu'il vaut mieux
aller dans la maison de deuil que dans la maison de
festin, » parce qu'en celle-là,
on voit la fin de tout homme, et
que le vivant met cela dans son coeur. Les pleurs
que nous fait verser la mort des nôtres, nous
appellent à haïr le péché
qui est la véritable cause de la mort, et de
ces séparations qui ont quelque chose de si
déchirant et de si douloureux !
« Par un seul homme le
péché est entré dans le monde
et par le péché la mort, parce que
tous ont péché. »
Les jours de deuil sont aussi des jours
où le Seigneur nous appelle à rentrer
sérieusement en nous-mêmes, pour voir
si nous avons de l'huile dans nos lampes ; ce
sont des jours où l'âme est
appelée à sentir davantage le prix de
ce Sauveur qui a été la seule
consolation de ceux qui ont délogé,
et qui sera notre unique appui à notre
dernière heure.
Ce sont des jours où le besoin de
consolations rapproche l'âme de Celui qui
seul peut lui en donner d'efficaces, ce sont des
jours où ceux qui restent, se serrent les
uns contre les autres, et apprécient
davantage le bonheur de pouvoir se consoler
ensemble par la foi qui leur est commune.
Ce sont des jours où souvent,
à cause de la tristesse du visage, le coeur
devient joyeux ; car tout comme la fausse
joie, quand elle s'empare de nous, finit par
l'ennui, et que même en riant le coeur est
triste, ainsi le sérieux, et même la
tristesse du chrétien qui se réfugie
vers son Dieu, finissent par produire en lui une
joie qui, pour être sérieuse, n'en est
pas moins vraie et profonde. Ensorte qu'on peut
dire avec l'apôtre :
« Attristé et toutefois
joyeux. »
Chère mère, quand vous
serez attristée de ne plus voir le visage
mortel de votre enfant, demandez au Seigneur de la
voir telle que vous la retrouverez au dernier jour,
revêtue de son corps glorieux, spirituel,
incorruptible et plein de force. Ne cherchez point
parmi les morts celle qui est parmi les vivants.
Réjouissez-vous en Celui qui a dit :
« Tes morts vivront, même mon corps
mort vivra, et ils se
relèveront. »
« Réveillez-vous habitants de la
poussière et réjouissez-vous avec
chant de triomphe ; car la rosée de
l'Éternel est, comme
celle qui fait pousser les
herbes, et la terre jettera dehors les
trépassés. »
Que d'actions de grâces, vous avez
à rendre à Dieu, chère
mère, pour tous ses bienfaits qui sont sur
vous ! Quel bonheur d'avoir donné le
jour à une élue qui est maintenant
dans la gloire ! Quelle grâce à
rendre à Dieu pour tous les moments de
douceur que vous avez goûtés
auprès d'elle, pendant qu'elle était
ici-bas ! Quelle grâce d'être
encore entourée d'enfants qui sont au
Seigneur, avec lesquels vous jouissez des
consolations qui sont en Christ, et du soulagement
qui se trouve dans la Charité !
Repassez dans votre mémoire les bienfaits de
Dieu à votre égard, et
récitez-les devant Lui, quoique vous
puissiez dire avec David : « Je n'en
sais pas le nombre. » C'est une douce
occupation dans les temps de deuil, de repasser
tout ce que le Seigneur a fait pour nous dans son
amour, afin de pouvoir, dans le sentiment de toutes
ces gratuités, s'écrier avec
Job : « Quoi, nous recevrions de
Dieu les biens et nous n'en recevrions pas les
maux ! »
Du reste, chère soeur, si vous
éprouvez des moments d'abattement, ne vous
en étonnez pas : « La chair
est faible, » a dit Jésus.
Lui-même a connu ce que c'est que
l'abattement et la douleur, et Il a
été saisi d'une amère
tristesse. Le Seigneur n'accable point et ne gronde
point les abattus ; car au contraire, Il
s'appelle dans la Parole : « Le Dieu
qui console les abattus ; » et Il
dit qu'Il « se tient près des
coeurs déchirés par la douleur et
qu'Il délivre ceux qui sont abattus.
« « Confiez-vous donc en Dieu
en tout temps, et déchargez votre coeur
devant Lui. Dieu est notre
retraite. »
Quant au regret de n'avoir pas vu chez
votre chère enfant plus de cette joie
triomphante, qui est le privilège de
quelques enfants de Dieu, ce n'est pas à
nous à dire à Dieu : Pourquoi
l'as-tu fait ainsi ? Nous pouvons être
sûrs qu'Il distribue à chacun de ses
enfants la joie, dans le degré le
plus convenable à son
vrai bonheur et au bien général de
l'Israël de Dieu, et cela doit nous suffire.
« Les voies de Dieu ne sont pas nos
voies. » « Ces choses sont trop
merveilleuses pour nous et nous n'y connaissons
rien. » L'essentiel pour nous est de
savoir que ce n'est pas le plus ou moins de joie
à l'heure de la mort, qui donne la certitude
d'être enfant de Dieu, mais bien plutôt
l'habitude d'un humble recours à Christ,
comme a son unique espérance, et un
désir sincère de faire sa
volonté. « Le sceau de Dieu est
que quiconque invoque le nom de Christ, se retire
de l'iniquité. »
J'ai été vraiment bien
sensible à tout ce que cette chère
soeur a bien voulu dire pour moi. Je suis bien
heureux de penser que le Seigneur ait voulu me
donner d'être un instrument dans sa main pour
faire quelque bien à une âme qui est
maintenant dans la bienheureuse
Éternité. Je souhaite que cela
m'encourage à saisir toutes les occasions
d'annoncer à mes pauvres compagnons de
misère en Adam, les richesses
incompréhensibles de Christ ; et pour
cela je désire premièrement les
apprécier beaucoup mieux pour
moi-même.
Saluez affectueusement toute votre
chère famille.
Adieu, chère soeur, Paix vous
soit au nom du Seigneur.
LETTRE XXVI
1836.
Sois une chrétienne de la
Parole ; examine tout, juge de tout selon la
Parole de Dieu
Ma bien chère enfant, je suis
très-heureux dans l'espérance que la
bonne oeuvre est commencée en toi. Rien ne
me serait plus doux que de t'appeler en même
temps ma soeur et mon enfant.
Que le Seigneur confirme de plus en plus en toi les
marques de son élection. Si tu as
déjà goûté combien le
Seigneur est doux en L'approchant de Lui comme de
la pierre vive, désire avec ardeur le lait
spirituel et pur de la Parole, afin de
croître par son moyen.
On te fera sans doute de bonnes et
nombreuses exhortations à ta
réception ; pour moi, je
réduirai toutes les miennes à
celle-ci : Sois une chrétienne de la
Parole ; examine tout, juge de tout selon la
Parole de Dieu. Prends pour ta devise ce passage
d'Esaïe 8, 20 A la loi et au
témoignage. » Recherche ta force,
ta croissance, ta consolation dans la Parole de
Dieu, beaucoup plus que dans les livres des hommes.
Aie un profond respect pour toutes les
décisions de la Parole, lorsqu'elle te
paraîtra avoir parlé clairement sur un
point.
Dis oui, là où elle dit
oui, et non, là où elle dit non.
Ne raisonne jamais que pour en trouver
le sens ; ne raisonne jamais pour en
détourner ou en esquiver le sens clair et
simple. Si nous parvenons à force d'adresse,
à détourner la pointe de cette
épée de dessus notre coeur, encore
nous coupe-t-elle avec le tranchant. Pour en
trouver le vrai sens, consulte Dieu plus que les
hommes. Consulte-Le dans sa Parole elle-même,
en conférant les Écritures.
Consulte-Le dans la prière, en lui
disant : « Ouvre mes yeux, afin
qu'ils découvrent les merveilles de ta
Loi. »
Le meilleur explicateur de la Parole,
c'est sûrement Celui qui l'a faite. Lis,
feuillette, use, souligne ta Bible. Qu'elle
devienne pour toi, dans toutes ses parties, un pays
de connaissance ; que pour ainsi dire chaque
page te rappelle un souvenir, une impression, et se
rattache à quelque événement
de ta vie spirituelle. Si tu suis mon conseil, tu
deviendras semblable à cet arbre
planté le long des ruisseaux d'eau, qui rend
son fruit en sa saison, et dont le feuillage ne se
flétrit jamais. Tu seras un enfant de Dieu
ferme, et qui pourra dire avec David :
« Ayant affermi mes pas sur ta
Parole, mes pieds n'ont pas
chancelé. Il y a une différence bien
grande entre celui qui croit, parce qu'il a entendu
la Parole par la bouche des hommes, et celui qui
croit, parce qu'il a vu de ses yeux, touché
de ses mains, et contemplé dans la Parole de
vie même les choses qui tiennent au salut
éternel. Ce dernier peut dire ce que les
Samaritains disaient à la femme par qui ils
avaient d'abord été
enseignés : « Ce n'est plus
à cause de ce que tu nous as dit, que nous
croyons, car nous l'avons entendu Lui-même,
et nous savons qu'Il est le Christ, le Sauveur du
monde. »
Chère enfant, « je te
recommande à Dieu et à la parole de
sa Grâce, lequel peut t'édifier
encore, et te donner l'héritage avec tous
les saints »
(Act. 20, 32). Puisses-tu, par une
douce et habituelle méditation de la Parole
de Dieu, en venir à pouvoir dire avec
David : « Tu m'as rendu plus
intelligent par tes commandements que ceux qui
m'ont enseigné ! »
Puisses-tu, dans un plein sentiment du haut prix de
la Parole de Dieu, t'écrier aussi avec
lui : « Elle est plus
désirable que l'or, même que beaucoup
de fin or ; plus douce à mon palais que
le miel, même que ce qui distille des rayons
de miel, »
(Ps. XIX, 10) ! Puisses-tu,
comme Marie, être souvent assise aux pieds du
Sauveur, pour entendre sa Parole ! Puisse ton
âme, habituellement arrosée par ces
eaux qui sont sorties du Sanctuaire, être
toujours en bon point et verdoyante, et
n'être point en peine, même en
l'année de la sécheresse !
Ton
père affectionné.
LETTRE XXVII
1836.
Notre Dieu sait qu'il faut semer avec
larmes pour moissonner avec chant de
triomphe
Je désire, mes chers amis, que
vous soyez bien persuadés que tout ce que
Dieu a fait, il l'a bien fait, et que sa
visitation, quoique sous une apparence
sévère, est pourtant une visitation
d'amour de votre Père qui est dans les
cieux, qui fait que toutes choses concourent
ensemble à votre bien.
D'abord, quant à vos enfants,
vous pouvez être assurés que, quoi
qu'il en soit, c'était ce qu'il y avait de
mieux pour eux que d'être retirés
jeunes, puisque Dieu leur a assigné cette
part. Vous avez la consolation de penser qu'ils
étaient sous la bénédiction de
la promesse faite aux enfants des chrétiens,
et que vous avez eu le bonheur de pouvoir leur
donner dès leur enfance, la connaissance des
saintes Écritures qui ont pu les rendre
sages à salut par la foi qui est en
Jésus-Christ. C'est un grand sujet d'action
de grâces, que vous devez à Dieu,
d'avoir pu faire connaître à vos
enfants le seul nom par lequel on puisse être
sauvé. Le Seigneur a dit :
« L'âme du père est à
moi, l'âme de l'enfant est à
moi »
(Ezéch. XVIII, 4).
Quant à vous, soyez bien
persuadés que Celui qui n'afflige pas
volontiers les fils des hommes, ne vous eût
pas envoyé cette épreuve, si elle ne
vous eût été absolument
nécessaire. Nous appelons ordinairement
bénédictions la santé, la
prospérité, la conservation de la
vie, et en général les
événements qui éloignent de
nous la souffrance. En effet, ce sont des
bénédictions de Celui qui ne se
laisse pas sans témoignage en nous faisant
du bien, en nous envoyant les pluies du ciel et les
saisons fertiles, en nous donnant la
nourriture en abondance, et en
remplissant nos coeurs de joie. Mais
hélas ! nos coeurs
désespérément malins tournent
souvent ces bénédictions en
véritables maux, par l'abus qu'ils en font,
en en prenant occasion de s'attacher beaucoup trop
fortement aux choses de la terre, et en s'endormant
dans la prospérité.
Or, notre Dieu qui est trop sage pour
sacrifier notre avantage éternel au
désir de nous épargner quelques
larmes ici-bas, notre Dieu qui sait qu'il faut
semer avec larmes pour moissonner avec chant de
triomphe, nous envoie des jours de deuil qui sont
plus véritablement pour nous des
bénédictions, que ce que nous
appelons ordinairement de ce nom.
Dans le moment même de
l'épreuve, nous avons de la peine à
nous le persuader, parce que toute affliction
semble au premier moment un sujet de tristesse et
non de joie. Mais quand nous aurons atteint le lieu
du repos, et qu'il nous sera donné de
connaître comme nous aurons été
connus, alors, en regardant en arrière et
voyant la liaison de nos épreuves avec le
bonheur dont nous jouirons, nous pourrons
éclater en actions de grâces envers
Celui qui nous aura assez aimés pour se
montrer quelquefois sévère à
notre égard, et pour nous envoyer,
malgré nos cris, des épreuves et des
châtiments qui ont été pour
nous des barrières mises au devant d'un
précipice où nous allions tomber, ou
des ailes que Dieu nous a données pour nous
aider a nous élever en haut.
Ne pourrions-nous pas, avec un peu de
foi, en être persuadés
déjà ici-bas, et dire avec
David : « O Dieu, je reconnais que
tu m'as affligé dans ta
fidélité ? » Ne
pourrions-nous pas dire avec l'apôtre :
« Nous nous glorifions, même dans
les afflictions, sachant que l'affliction produit
la patience, la patience l'épreuve,
l'épreuve l'espérance, et que
l'espérance ne confond point, parce que
l'amour de Dieu est répandu dans nos coeurs
par le Saint-Esprit ? Ne pourrions-nous pas
entrevoir quelque but miséricordieux dans
les sévères dispensations de notre
Dieu à notre
égard ? Ne pourrions-nous pas, du
moins, reconnaître sa souveraineté
absolue, le droit qu'il avait de nous ôter ce
qu'il nous avait donné, et dont
peut-être nous n'avons pas toujours
été bien reconnaissants ?
Ne pourrions-nous pas dire avec
Job : « L'Éternel l'avait
donné, l'Éternel l'a
ôté, que le nom de l'Éternel
soit béni ? » Qu'il vous soit
donné et à moi aussi, de mettre en
toute chose la main sur la bouche, parce que c'est
Dieu qui l'a fait.
Du reste, Celui qui défend de
murmurer, ne défend pas de pleurer.
Jésus a eu un coeur d'homme, capable de
tendresse et de souffrance comme le nôtre. Il
a été homme de douleur, Il a
pleuré. Son âme a été
saisie de tristesse, Il a offert avec de grands
cris et avec larmes, des prières. Son coeur
fait comme le nôtre dans tout ce qui tient
aux affections innocentes, peut comprendre le
nôtre, et comme Il est parfaitement saint, Il
est parfaitement compatissant, et aucune douleur
des siens ne le trouve insensible.
Heureux celui à qui il est
donné de répandre tout son coeur
devant Lui, de Lui raconter toute sa souffrance, et
de Lui dire : Seigneur, console-moi,
réjouis l'âme de ton serviteur !
Je suis en détresse, Hâte-toi,
délivre-moi, réponds-moi, selon ta
miséricorde ! Certainement, celui qui
s'approche ainsi de Jésus avec confiance,
recevra secours en temps convenable, et ayant
été soulagé, il pourra
dire : « Béni soit Dieu, le
Père de notre Seigneur Jésus-Christ,
le Père des miséricordes, le Dieu de
toute consolation, qui me console dans toutes mes
afflictions, et qui fait qu'à mesure que mes
afflictions abondent, ses consolations abondent
aussi par
Jésus-Christ ! »
Il ne me reste plus, chers amis,
qu'à exprimer un voeu à votre
égard, c'est que le Seigneur prenne
Lui-même la place que vos enfants viennent de
laisser dans votre coeur. Il faut qu'Il remplisse
toutes choses, et c'est pour cela que souvent Il
ôte ce qu'Il appelle dans sa Parole : l'objet
de nos coeurs, nos fils et nos
filles. « Mes petits enfants, gardez-vous
des idoles, » est une parole que le
Seigneur nous adresse en tout temps, et surtout
quand Il nous ôte ce que nos yeux aimaient le
mieux voir.
Puissions-nous l'écouter et,
reporter sur Lui, et non sur la créature, la
part d'affection que possédait l'être
qu'il nous a retiré. Après tout, il
faut bien en venir à ce que Dieu soit tout
en chacun des siens. C'est seulement alors qu'Il
aura véritablement la place qui lui est due,
et c'est seulement alors aussi que notre coeur
trouvera vraiment le repos ; car pour autant
qu'il est partagé, il est combattu ; et
tant que les affections terrestres dépassent
la limite qui leur est assignée, elles sont
péché et par conséquent
souffrance ; et comme elles font opposition
à la pleine possession que Dieu veut prendre
de nos coeurs, elles deviennent pour nous des
sujets d'épreuves et de châtiments de
la part de Celui qui a dit : « Je
suis un Dieu jaloux. »
Mais qui est suffisant pour ces
choses ? Hélas !
hélas ! ce n'est pas notre pauvre coeur
qui peut par lui-même se vider ainsi des
créatures et se remplir de Dieu. Il n'y a
rien qui lui répugne autant par sa nature.
Il est comme ces plantes qui vont s'accrocher et
s'entortiller par des fils à tout ce qui les
entoure. Heureusement que ce qui est impossible
à l'homme est possible à Dieu, et que
sa grâce s'accomplit dans l'infirmité
de ceux qui se portent devant Lui avec toutes leurs
infirmités et toutes leurs
résistances, et qui réclament l'effet
de cette promesse : « Je vous
nettoierai de toutes vos souillures et de toutes
vos idoles. »
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