Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Oeuvres posthume de A. Rochat
Ministre du Saint Évangile

LETTRE XXII
1834.

La contre-épreuve de nos sentiments intérieurs

Je suis bien aise que vous appréciez avant tout la communion avec le Sauveur. Toutefois, je me permettrai de vous donner à cet égard deux avis.

Premièrement, qu'elle ne vous fasse jamais déprécier la communion avec les frères. Sous prétexte qu'on est bien avec le Chef, il ne faut pas se tenir loin des membres ; et sous prétexte qu'on apprécie l'union avec Christ, il ne faut pas déprécier l'union avec ceux qui sont de Christ. Il faut se souvenir que c'est là où les frères s'entretiennent ensemble, que Dieu a mis la vie et la bénédiction à toujours, et que c'est par la liaison de toutes ses parties qui communiquent les unes avec les autres, que le corps tire son accroissement du Chef, selon la force qu'il distribue en chaque membre.

Le second avis que j'ai à vous donner, c'est qu'il faut juger de notre union avec Christ, plus par ses effets sur notre vie habituelle, que par certains moments d'épanchement, par certaines joies spirituelles, par certains goûts de dévotion secrète, par certains élans de dévouement que nous éprouvons dans notre cabinet. Quand je vous parle des effets de la vie de Christ, je ne vous parle pas d'une certaine activité extérieure, qui peut exister sans l'union véritable avec Christ ; mais je vous parle du dévouement habituel à sa volonté qui rompt la nôtre propre, du renoncement pour Christ dans une foule de choses qui ne paraissent pas grandes aux yeux des hommes, mais qui pourtant constituent notre vie réelle.
Je vous parle du support avec les autres, de la prudence et de la réserve dans ses démarches, de la tempérance, du crucifiement de la chair, du contentement d'esprit en toute situation, etc., etc....

Ce sont là tout autant de choses qui sont la contre-épreuve de nos sentiments intérieurs et de la vie du cabinet, et qui souvent nous forcent avec humiliation à rabattre beaucoup de l'opinion que nous pourrions avoir de notre avancement, si nous nous jugions d'après ce que nous croyons sentir et éprouver quand nous ne sommes pas à l'oeuvre. Tel, quand il est dans une bonne chambre bien chauffée, peut se croire dans un moment de dévouement intérieur, capable de souffrir pour le Seigneur, la faim, la soif, le péril, la nudité ou l'épée, et en sortant de sa chambre n'osera pas plus que l'apôtre Pierre, confesser le Seigneur devant ses ennemis.

LETTRE XXIII
1834.

Pour se croire aimé de Dieu

Les âmes les plus confiantes au Seigneur sont celles chez lesquelles on trouve le moins de raideur, de susceptibilité, de défiance des autres, et le plus de débonnaireté. Quand on se croit aimé de Dieu le coeur est amolli, défendu et ouvert à toutes les impressions douces. Et pour se croire aimé de Dieu, on ne saurait trop le répéter, il faut renoncer à chercher en soi la raison de son amour pour nous ; il faut la chercher uniquement en Jésus, le bien-aimé du Père.

LETTRE XXIV
1836.

Ces successions de moments de joie et de tristesse

En relisant l'extrait d'une des lettres de notre chère soeur je vois qu'elle s'y plaint de son état spirituel, disant qu'elle a des moments de noir qui succèdent à des moments de joie, et qu'elle a été portée à rentrer en elle-même à cet égard, en voyant en quelque sorte son portrait dans une personne qui semblait présenter ces diverses alternatives d'une manière assez pénible pour ses alentours.

C'est une grâce que nous avons à rendre à Dieu, ma chère soeur, quand il nous est donné de voir ainsi dans les taches des autres le portrait de nos propres défauts, car le plus souvent nous voyons dans un esprit de critique, et nous avons peine à supporter chez les autres des choses que nous trouvons fort supportables ou que nous n'apercevons pas lorsqu'elles se rencontrent chez nous. Quant à cette disposition à passer rapidement de la joie à la tristesse, elle peut tenir en bonne partie à l'état de la santé, surtout à celui des nerfs. Elle peut tenir aussi à une tentation de l'ennemi qui jette sur nous des ténèbres ; ce que Dieu permet pour nous humilier quand nous nous sommes glorifiés de notre joie, ou quand nous l'avons laissé dégénérer en légèreté, ou quand nous nous sommes trop évaporés en démonstrations extérieures.

Cette rapide succession de moments de joie et de tristesse sont aussi plus fréquents chez les personnes qui ont le plus d'imagination, et qui sont portées à voir les choses trop en beau on trop en noir, et selon l'impression du moment. Ces personnes appuient leur joie sur des choses qui ne doivent pas en être le véritable fondement, et qui venant bientôt à leur manquer, les laisse retomber dans une tristesse qui n'a pas plus de raisons solides que n'en avait leur joie. Une personne de ce caractère se réjouira, parce qu'il lui semblera que telle personne lui fait bon visage ; elle se réjouira, parce qu'on lui tient un propos amical ou peut-être flatteur pour son amour-propre ; elle se réjouira ; parce que telle circonstance en elle-même peu importante, mais que son imagination grossit, lui semble un signe de la faveur de Dieu ou une porte qui s'ouvre devant elle soit pour sortir d'une épreuve, soit pour arriver à tel but qu'elle avait en vue.

Puis, quand toutes ces choses qui n'ont pas plus de corps et de réalité que ces figures de fantaisie que forment quelquefois les nuages, ont disparu, la joie qui s'appuyait sur elles a disparu aussi. Nous aurons moins de hauts et de bas lorsque nous marcherons davantage par la foi, et que nous ferons plus dépendre nos espérances et nos joies des promesses de Dieu, que des signes d'un accomplissement probable de ses promesses ; plus de l'approbation de Dieu que de celle des hommes ; lorsqu'enfin nous donnerons à chaque chose son degré d'importance, et que nous ne grossirons pas dans notre imagination le résultat de bien des événements qui ne sont que de très-petite conséquence dans l'exécution des plans de Dieu à l'égard de son peuple. Il vaut mieux avoir le regard fixé sur le soleil que sur le reflet du soleil dans l'eau, reflet qui varie selon que l'eau est plus ou moins agitée, plus ou moins bourbeuse, sans que pour cela le soleil varie en lui-même.

En attendant que par une foi plus ferme, on puisse être mis à l'abri de ces hauts et de ces bas, qui sont fort pénibles pour nous, il faut tâcher qu'ils le soient le moins possible pour les autres ; car ce n'est pas leur faute, si nous sommes tristes et abattus. S'ils doivent avoir la charité de supporter notre tristesse et notre abattement, il n'est pas juste que nous leur en fassions en quelque sorte porter la peine.
Sans doute on ne peut pas dans cet état présenter un visage aussi joyeux ; mais il faudrait rester abattu ou triste avec douceur, et en prenant garde de ne pas passer de la tristesse à une espèce de mécontentement des autres, et d'aigreur contre eux.

La tristesse, quand elle est accompagnée de douceur, n'est pas toujours un mauvais état ; elle a quelquefois plus d'onction et d'humilité que certains moments de joie qui se montrent beaucoup en dehors. Cette tristesse humble ne fait point de mal aux autres, et quand elle ne va pas jusqu'au découragement, elle peut même leur être utile en donnant à nos relations avec eux une teinte de sérieux. Mais quand la tristesse dégénère. en quelque chose d'âpre ou de fâcheux à l'égard des autres, elle devient un véritable péché ; c'est alors la tristesse selon le monde qui donne la mort.

Adieu, chère soeur, demandez à Dieu le contentement d'esprit, qui avec la piété est un grand gain !

LETTRE XXV
1836.

Ne pleurez pas comme ceux qui sont sans espérance

Chère Madame et soeur,
Que vous dirai-je que ne vous aient déjà dit les amis chrétiens qui vous entourent, et le Consolateur que le Seigneur a promis aux siens et qui les console dans toutes leurs afflictions, ensorte que si l'affliction abonde, les consolations abondent aussi par Jésus-Christ. Cependant, peut-être que le témoignage de mon amitié vous fera plaisir et soulagera pour un moment votre coeur ; et quant à moi j'ai besoin de vous le donner.

Je comprends bien tout ce que vous aurez éprouvé de pénible, en voyant les angoisses de votre chère enfant ; mais grâces à Dieu elle en a fini pour jamais avez les souffrances.
« La douleur et le gémissement se sont enfuis » pour elle et « une allégresse éternelle est sur sa tête. » Elle est maintenant là où il n'y a plus ni deuil, ni cri, ni travail. Elle comprend maintenant, non plus par la foi, mais par la vue, que les « légères, afflictions du temps présent ne sont point à comparer à la gloire qui doit être révélée en nous. » -

Je comprends bien qu'il doive vous être pénible, à vous qui étiez si unis, de ne plus retrouver au milieu de vous le visage de cette chère enfant. Hé bien oui, pleurez, mais ne pleurez pas comme ceux qui sont sans espérance. Pleurez, car il est des jours où le Seigneur nous appelle au deuil et la tristesse, comme un moyen de nous rapprocher de Lui.
Son Esprit a dit, que « le coeur du sage est dans la maison de deuil, » et « qu'il vaut mieux aller dans la maison de deuil que dans la maison de festin, » parce qu'en celle-là, on voit la fin de tout homme, et que le vivant met cela dans son coeur. Les pleurs que nous fait verser la mort des nôtres, nous appellent à haïr le péché qui est la véritable cause de la mort, et de ces séparations qui ont quelque chose de si déchirant et de si douloureux ! « Par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, parce que tous ont péché. »

Les jours de deuil sont aussi des jours où le Seigneur nous appelle à rentrer sérieusement en nous-mêmes, pour voir si nous avons de l'huile dans nos lampes ; ce sont des jours où l'âme est appelée à sentir davantage le prix de ce Sauveur qui a été la seule consolation de ceux qui ont délogé, et qui sera notre unique appui à notre dernière heure.

Ce sont des jours où le besoin de consolations rapproche l'âme de Celui qui seul peut lui en donner d'efficaces, ce sont des jours où ceux qui restent, se serrent les uns contre les autres, et apprécient davantage le bonheur de pouvoir se consoler ensemble par la foi qui leur est commune.

Ce sont des jours où souvent, à cause de la tristesse du visage, le coeur devient joyeux ; car tout comme la fausse joie, quand elle s'empare de nous, finit par l'ennui, et que même en riant le coeur est triste, ainsi le sérieux, et même la tristesse du chrétien qui se réfugie vers son Dieu, finissent par produire en lui une joie qui, pour être sérieuse, n'en est pas moins vraie et profonde. Ensorte qu'on peut dire avec l'apôtre : « Attristé et toutefois joyeux. »

Chère mère, quand vous serez attristée de ne plus voir le visage mortel de votre enfant, demandez au Seigneur de la voir telle que vous la retrouverez au dernier jour, revêtue de son corps glorieux, spirituel, incorruptible et plein de force. Ne cherchez point parmi les morts celle qui est parmi les vivants. Réjouissez-vous en Celui qui a dit : « Tes morts vivront, même mon corps mort vivra, et ils se relèveront. » « Réveillez-vous habitants de la poussière et réjouissez-vous avec chant de triomphe ; car la rosée de l'Éternel est, comme celle qui fait pousser les herbes, et la terre jettera dehors les trépassés. »
Que d'actions de grâces, vous avez à rendre à Dieu, chère mère, pour tous ses bienfaits qui sont sur vous ! Quel bonheur d'avoir donné le jour à une élue qui est maintenant dans la gloire ! Quelle grâce à rendre à Dieu pour tous les moments de douceur que vous avez goûtés auprès d'elle, pendant qu'elle était ici-bas ! Quelle grâce d'être encore entourée d'enfants qui sont au Seigneur, avec lesquels vous jouissez des consolations qui sont en Christ, et du soulagement qui se trouve dans la Charité ! Repassez dans votre mémoire les bienfaits de Dieu à votre égard, et récitez-les devant Lui, quoique vous puissiez dire avec David : « Je n'en sais pas le nombre. » C'est une douce occupation dans les temps de deuil, de repasser tout ce que le Seigneur a fait pour nous dans son amour, afin de pouvoir, dans le sentiment de toutes ces gratuités, s'écrier avec Job : « Quoi, nous recevrions de Dieu les biens et nous n'en recevrions pas les maux ! »

Du reste, chère soeur, si vous éprouvez des moments d'abattement, ne vous en étonnez pas : « La chair est faible, » a dit Jésus. Lui-même a connu ce que c'est que l'abattement et la douleur, et Il a été saisi d'une amère tristesse. Le Seigneur n'accable point et ne gronde point les abattus ; car au contraire, Il s'appelle dans la Parole : « Le Dieu qui console les abattus ; » et Il dit qu'Il « se tient près des coeurs déchirés par la douleur et qu'Il délivre ceux qui sont abattus. « « Confiez-vous donc en Dieu en tout temps, et déchargez votre coeur devant Lui. Dieu est notre retraite. »

Quant au regret de n'avoir pas vu chez votre chère enfant plus de cette joie triomphante, qui est le privilège de quelques enfants de Dieu, ce n'est pas à nous à dire à Dieu : Pourquoi l'as-tu fait ainsi ? Nous pouvons être sûrs qu'Il distribue à chacun de ses enfants la joie, dans le degré le plus convenable à son vrai bonheur et au bien général de l'Israël de Dieu, et cela doit nous suffire. « Les voies de Dieu ne sont pas nos voies. » « Ces choses sont trop merveilleuses pour nous et nous n'y connaissons rien. » L'essentiel pour nous est de savoir que ce n'est pas le plus ou moins de joie à l'heure de la mort, qui donne la certitude d'être enfant de Dieu, mais bien plutôt l'habitude d'un humble recours à Christ, comme a son unique espérance, et un désir sincère de faire sa volonté. « Le sceau de Dieu est que quiconque invoque le nom de Christ, se retire de l'iniquité. »

J'ai été vraiment bien sensible à tout ce que cette chère soeur a bien voulu dire pour moi. Je suis bien heureux de penser que le Seigneur ait voulu me donner d'être un instrument dans sa main pour faire quelque bien à une âme qui est maintenant dans la bienheureuse Éternité. Je souhaite que cela m'encourage à saisir toutes les occasions d'annoncer à mes pauvres compagnons de misère en Adam, les richesses incompréhensibles de Christ ; et pour cela je désire premièrement les apprécier beaucoup mieux pour moi-même.
Saluez affectueusement toute votre chère famille.

Adieu, chère soeur, Paix vous soit au nom du Seigneur.

LETTRE XXVI
1836.

Sois une chrétienne de la Parole ; examine tout, juge de tout selon la Parole de Dieu

Ma bien chère enfant, je suis très-heureux dans l'espérance que la bonne oeuvre est commencée en toi. Rien ne me serait plus doux que de t'appeler en même temps ma soeur et mon enfant. Que le Seigneur confirme de plus en plus en toi les marques de son élection. Si tu as déjà goûté combien le Seigneur est doux en L'approchant de Lui comme de la pierre vive, désire avec ardeur le lait spirituel et pur de la Parole, afin de croître par son moyen.

On te fera sans doute de bonnes et nombreuses exhortations à ta réception ; pour moi, je réduirai toutes les miennes à celle-ci : Sois une chrétienne de la Parole ; examine tout, juge de tout selon la Parole de Dieu. Prends pour ta devise ce passage d'Esaïe 8, 20 A la loi et au témoignage. » Recherche ta force, ta croissance, ta consolation dans la Parole de Dieu, beaucoup plus que dans les livres des hommes. Aie un profond respect pour toutes les décisions de la Parole, lorsqu'elle te paraîtra avoir parlé clairement sur un point.

Dis oui, là où elle dit oui, et non, là où elle dit non.

Ne raisonne jamais que pour en trouver le sens ; ne raisonne jamais pour en détourner ou en esquiver le sens clair et simple. Si nous parvenons à force d'adresse, à détourner la pointe de cette épée de dessus notre coeur, encore nous coupe-t-elle avec le tranchant. Pour en trouver le vrai sens, consulte Dieu plus que les hommes. Consulte-Le dans sa Parole elle-même, en conférant les Écritures. Consulte-Le dans la prière, en lui disant : « Ouvre mes yeux, afin qu'ils découvrent les merveilles de ta Loi. »

Le meilleur explicateur de la Parole, c'est sûrement Celui qui l'a faite. Lis, feuillette, use, souligne ta Bible. Qu'elle devienne pour toi, dans toutes ses parties, un pays de connaissance ; que pour ainsi dire chaque page te rappelle un souvenir, une impression, et se rattache à quelque événement de ta vie spirituelle. Si tu suis mon conseil, tu deviendras semblable à cet arbre planté le long des ruisseaux d'eau, qui rend son fruit en sa saison, et dont le feuillage ne se flétrit jamais. Tu seras un enfant de Dieu ferme, et qui pourra dire avec David : « Ayant affermi mes pas sur ta Parole, mes pieds n'ont pas chancelé. Il y a une différence bien grande entre celui qui croit, parce qu'il a entendu la Parole par la bouche des hommes, et celui qui croit, parce qu'il a vu de ses yeux, touché de ses mains, et contemplé dans la Parole de vie même les choses qui tiennent au salut éternel. Ce dernier peut dire ce que les Samaritains disaient à la femme par qui ils avaient d'abord été enseignés : « Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit, que nous croyons, car nous l'avons entendu Lui-même, et nous savons qu'Il est le Christ, le Sauveur du monde. »

Chère enfant, « je te recommande à Dieu et à la parole de sa Grâce, lequel peut t'édifier encore, et te donner l'héritage avec tous les saints » (Act. 20, 32). Puisses-tu, par une douce et habituelle méditation de la Parole de Dieu, en venir à pouvoir dire avec David : « Tu m'as rendu plus intelligent par tes commandements que ceux qui m'ont enseigné ! » Puisses-tu, dans un plein sentiment du haut prix de la Parole de Dieu, t'écrier aussi avec lui : « Elle est plus désirable que l'or, même que beaucoup de fin or ; plus douce à mon palais que le miel, même que ce qui distille des rayons de miel, » (Ps. XIX, 10) ! Puisses-tu, comme Marie, être souvent assise aux pieds du Sauveur, pour entendre sa Parole ! Puisse ton âme, habituellement arrosée par ces eaux qui sont sorties du Sanctuaire, être toujours en bon point et verdoyante, et n'être point en peine, même en l'année de la sécheresse !

Ton père affectionné.

LETTRE XXVII
1836.

Notre Dieu sait qu'il faut semer avec larmes pour moissonner avec chant de triomphe

Je désire, mes chers amis, que vous soyez bien persuadés que tout ce que Dieu a fait, il l'a bien fait, et que sa visitation, quoique sous une apparence sévère, est pourtant une visitation d'amour de votre Père qui est dans les cieux, qui fait que toutes choses concourent ensemble à votre bien.

D'abord, quant à vos enfants, vous pouvez être assurés que, quoi qu'il en soit, c'était ce qu'il y avait de mieux pour eux que d'être retirés jeunes, puisque Dieu leur a assigné cette part. Vous avez la consolation de penser qu'ils étaient sous la bénédiction de la promesse faite aux enfants des chrétiens, et que vous avez eu le bonheur de pouvoir leur donner dès leur enfance, la connaissance des saintes Écritures qui ont pu les rendre sages à salut par la foi qui est en Jésus-Christ. C'est un grand sujet d'action de grâces, que vous devez à Dieu, d'avoir pu faire connaître à vos enfants le seul nom par lequel on puisse être sauvé. Le Seigneur a dit : « L'âme du père est à moi, l'âme de l'enfant est à moi » (Ezéch. XVIII, 4).

Quant à vous, soyez bien persuadés que Celui qui n'afflige pas volontiers les fils des hommes, ne vous eût pas envoyé cette épreuve, si elle ne vous eût été absolument nécessaire. Nous appelons ordinairement bénédictions la santé, la prospérité, la conservation de la vie, et en général les événements qui éloignent de nous la souffrance. En effet, ce sont des bénédictions de Celui qui ne se laisse pas sans témoignage en nous faisant du bien, en nous envoyant les pluies du ciel et les saisons fertiles, en nous donnant la nourriture en abondance, et en remplissant nos coeurs de joie. Mais hélas ! nos coeurs désespérément malins tournent souvent ces bénédictions en véritables maux, par l'abus qu'ils en font, en en prenant occasion de s'attacher beaucoup trop fortement aux choses de la terre, et en s'endormant dans la prospérité.
Or, notre Dieu qui est trop sage pour sacrifier notre avantage éternel au désir de nous épargner quelques larmes ici-bas, notre Dieu qui sait qu'il faut semer avec larmes pour moissonner avec chant de triomphe, nous envoie des jours de deuil qui sont plus véritablement pour nous des bénédictions, que ce que nous appelons ordinairement de ce nom.

Dans le moment même de l'épreuve, nous avons de la peine à nous le persuader, parce que toute affliction semble au premier moment un sujet de tristesse et non de joie. Mais quand nous aurons atteint le lieu du repos, et qu'il nous sera donné de connaître comme nous aurons été connus, alors, en regardant en arrière et voyant la liaison de nos épreuves avec le bonheur dont nous jouirons, nous pourrons éclater en actions de grâces envers Celui qui nous aura assez aimés pour se montrer quelquefois sévère à notre égard, et pour nous envoyer, malgré nos cris, des épreuves et des châtiments qui ont été pour nous des barrières mises au devant d'un précipice où nous allions tomber, ou des ailes que Dieu nous a données pour nous aider a nous élever en haut.

Ne pourrions-nous pas, avec un peu de foi, en être persuadés déjà ici-bas, et dire avec David : « O Dieu, je reconnais que tu m'as affligé dans ta fidélité ? » Ne pourrions-nous pas dire avec l'apôtre : « Nous nous glorifions, même dans les afflictions, sachant que l'affliction produit la patience, la patience l'épreuve, l'épreuve l'espérance, et que l'espérance ne confond point, parce que l'amour de Dieu est répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit ? Ne pourrions-nous pas entrevoir quelque but miséricordieux dans les sévères dispensations de notre Dieu à notre égard ? Ne pourrions-nous pas, du moins, reconnaître sa souveraineté absolue, le droit qu'il avait de nous ôter ce qu'il nous avait donné, et dont peut-être nous n'avons pas toujours été bien reconnaissants ?
Ne pourrions-nous pas dire avec Job : « L'Éternel l'avait donné, l'Éternel l'a ôté, que le nom de l'Éternel soit béni ? » Qu'il vous soit donné et à moi aussi, de mettre en toute chose la main sur la bouche, parce que c'est Dieu qui l'a fait.

Du reste, Celui qui défend de murmurer, ne défend pas de pleurer. Jésus a eu un coeur d'homme, capable de tendresse et de souffrance comme le nôtre. Il a été homme de douleur, Il a pleuré. Son âme a été saisie de tristesse, Il a offert avec de grands cris et avec larmes, des prières. Son coeur fait comme le nôtre dans tout ce qui tient aux affections innocentes, peut comprendre le nôtre, et comme Il est parfaitement saint, Il est parfaitement compatissant, et aucune douleur des siens ne le trouve insensible.

Heureux celui à qui il est donné de répandre tout son coeur devant Lui, de Lui raconter toute sa souffrance, et de Lui dire : Seigneur, console-moi, réjouis l'âme de ton serviteur ! Je suis en détresse, Hâte-toi, délivre-moi, réponds-moi, selon ta miséricorde ! Certainement, celui qui s'approche ainsi de Jésus avec confiance, recevra secours en temps convenable, et ayant été soulagé, il pourra dire : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes, le Dieu de toute consolation, qui me console dans toutes mes afflictions, et qui fait qu'à mesure que mes afflictions abondent, ses consolations abondent aussi par Jésus-Christ ! »

Il ne me reste plus, chers amis, qu'à exprimer un voeu à votre égard, c'est que le Seigneur prenne Lui-même la place que vos enfants viennent de laisser dans votre coeur. Il faut qu'Il remplisse toutes choses, et c'est pour cela que souvent Il ôte ce qu'Il appelle dans sa Parole : l'objet de nos coeurs, nos fils et nos filles. « Mes petits enfants, gardez-vous des idoles, » est une parole que le Seigneur nous adresse en tout temps, et surtout quand Il nous ôte ce que nos yeux aimaient le mieux voir.

Puissions-nous l'écouter et, reporter sur Lui, et non sur la créature, la part d'affection que possédait l'être qu'il nous a retiré. Après tout, il faut bien en venir à ce que Dieu soit tout en chacun des siens. C'est seulement alors qu'Il aura véritablement la place qui lui est due, et c'est seulement alors aussi que notre coeur trouvera vraiment le repos ; car pour autant qu'il est partagé, il est combattu ; et tant que les affections terrestres dépassent la limite qui leur est assignée, elles sont péché et par conséquent souffrance ; et comme elles font opposition à la pleine possession que Dieu veut prendre de nos coeurs, elles deviennent pour nous des sujets d'épreuves et de châtiments de la part de Celui qui a dit : « Je suis un Dieu jaloux. »
Mais qui est suffisant pour ces choses ? Hélas ! hélas ! ce n'est pas notre pauvre coeur qui peut par lui-même se vider ainsi des créatures et se remplir de Dieu. Il n'y a rien qui lui répugne autant par sa nature. Il est comme ces plantes qui vont s'accrocher et s'entortiller par des fils à tout ce qui les entoure. Heureusement que ce qui est impossible à l'homme est possible à Dieu, et que sa grâce s'accomplit dans l'infirmité de ceux qui se portent devant Lui avec toutes leurs infirmités et toutes leurs résistances, et qui réclament l'effet de cette promesse : « Je vous nettoierai de toutes vos souillures et de toutes vos idoles. »


Table des matières

Page précédente:
Page suivante:
 

- haut de page -