LE
DÉLUGE
ou
MÉDITATIONS SUR LES
CHAPITRES VI ET VII DE LA
GENÈSE.
II
PATIENCE DE DIEU ENVERS LES HOMMES QUI
VIVAIENT AVANT LE DÉLUGE.
Quoique Dieu soit toujours juste quand Il punit
(Rom. III, 5, 6), parce qu'Il « rend
à chacun selon son train et selon le fruit
de ses actions»
(Jérém. XVII, 10. -
Job XXXIV, 11), cependant ce qui
complète sa justification dans les punitions
qu'Il inflige, c'est la patience avec laquelle Il
supporte ses ennemis avant de les frapper.
« Et que sera-ce, » dit l'Esprit
saint, « si Dieu voulant montrer sa
colère et faire connaître ce qu'Il
peut, supporta avec une grande patience les vases
de colère disposés pour la perdition
» (1)
(Rom. lX, 22) ?
Si la justice de Dieu crie qu'elle ne
peut tenir le coupable pour innocent, si elle
demande vengeance pour la loi de Dieu
outragée, pour ses bienfaits
méconnus, pour sa majesté
foulée aux pieds ; si elle dit : frappe et
punis, la miséricorde
demande grâce, du moins
elle plaide pour obtenir en faveur des coupables un
temps de patience et des délais plus ou
moins prolongés.
Comme le dit l'Écriture, la
miséricorde s'élève par-dessus
la condamnation, et elle obtient pour le
pécheur, qui ne le demande pas même et
qui souvent le méprise, un temps de patience
et de longue attente qui l'invite a se convertir.
Si la justice dit de l'arbre qui ne
porte point de bon fruit : « Pourquoi
occuperait-il inutilement la terre, coupe-le et le
jette au feu »
(Luc XIII, 7), la miséricorde
réplique : « Laisse-le encore cette
année ; je le déchausserai, j'y
mettrai du fumier ; peut-être portera-t-il du
fruit. »
La miséricorde est
écoutée, et souvent pendant une
longue suite d'années, la patience de Dieu
« attend pour faire grâce »
(Esaïe XXX, 18). C'est ainsi
qu'elle attendit pendant cent vingt ans la
repentance des hommes qui vivaient avant le
déluge.
L'Esprit saint fait remarquer, par
l'apôtre Pierre, cette longue attente de Dieu
envers eux, en nous disant que du temps de
Noé « la patience de Dieu les
attendait pour la dernière fois »
(1 Pierre III, 20). Elle attendit
cent vingt ans avant de détruire une race
entièrement corrompue et dont l'imagination
des pensées n'était que mal en tout
temps. On reconnaît là le Dieu qui ne
voulait pas déposséder les
Amorrhéens parce que leur iniquité
n'était pas encore venue à son comble
(Gen. XV, -16), et qui, pour leur
donner du temps, fit séjourner son peuple
pendant quatre cents ans en Égypte. On
reconnaît le Dieu qui est « patient
envers nous, ne voulant point qu'aucun
périsse, mais que tous se convertissent
»
(2 Pierre III, 9).
« La patience de Dieu ; tel est le
trait le plus touchant de ses voies envers une
génération corrompue. Tardif à
la colère, voilà comment Moïse
caractérise cette perfection de Dieu, ce qui
suppose que l'homme provoque sans cesse sa
colère. C'est en cela que la bonté de
Dieu apparaît dans tout son lustre, surtout
si nous considérons combien le
péché lui est
odieux, combien Il est puissant pour le punir, et
qu'un mot lui suffirait pour anéantir tous
les impies de dessus la face de la terre. Quelle
n'est pas sa patience ! Quel n'est pas son support!
Oh ! que d'innombrables iniquités se
commettent journellement dans chaque pays, dans
chaque ville, chaque village, chaque famille - Et
Dieu ne frappe pas sur l'heure les coupables de ses
plus terribles jugements ! Non-seulement Il les
supporte avec patience, mais encore Il leur
multiplie ses bénédictions :
« Il fait lever son soleil sur eux, il leur
envoie les pluies du ciel et les saisons fertiles.
» Bien plus, la longue patience de Dieu le
fait méconnaître et cela encore Il le
supporte. « Sa patience les attendait,
» dit l'Esprit saint. »
(2)
Non-seulement Dieu attendit patiemment
les hommes du temps de Noé, mais de plus, Il
chercha à leur rendre cette patience utile,
par des avertissements et par des faits. Comme plus
tard Il fit avertir Ninive que dans quarante jours
elle serait détruite, comme plus tard,
encore, le Seigneur avertit les Juifs de son temps
qu'au bout d'une génération,
Jérusalem serait ruinée de fond en
comble et que le jour de la vengeance arriverait
(Matth. XXIV, 34. -
Luc XXI, 20-24 et
32); de même du temps de
Noé Il dit : « Mon esprit ne
plaidera point à toujours avec les hommes,
car aussi ils ne sont que chair, mais leurs jours
seront six-vingts ans » (Gen. VI, 3).
( note de "Regard": six-vingt
ans = 6 X 20 ans soit 120 ans)
Il est très-probable, quoique
cela ne soit pas dit expressément, que ce
terme de la patience de Dieu fut
dénoncé par Noé aux hommes de
son temps. Ce juste est appelé par
l'Esprit saint « le
prédicateur de la justice »
(2 Pierre II, 5), et c'est par lui
que l'Esprit de Dieu prêcha aux esprits qui
sont maintenant en prison,
(3) et qu'il
plaida avec eux pendant cent et
vingt ans. Toujours repoussé, il revenait
à la charge, et tant par ses mouvements
intérieurs que par ses appels
extérieurs il les conviait à profiter
du temps qui leur était donné et
à ne pas abuser des richesses
de sa bonté, de sa
patience et de son long support. Si les gens de ce
temps-là eussent écouté, si,
comme Ninive, ils eussent jeûné en
prenant le sac et la cendre, et si
chacund'eux se fût
détourné de sa mauvaise voie,
certainement ils n'eussent point péri, car
l'Éternel dit : « Je suis vivant que
je ne prends point plaisir à la mort du
méchant, mais plutôt
à ce qu'il se détourne de son train
et qu'il vive »
(Ezéch. XVIII, 23).
Aux avertissements de son Esprit, Dieu
ajouta ceux que donnait aux hommes de ce
temps-là un fait qui appuyait fortement
toutes les prédications de Noé, c'est
la construction de l'arche où ce juste
devait se retirer avec toute sa famille. Il est dit
dans les Hébreux que, par cette arche,
Noé condamna le monde, c'est-à-dire
qu'il le rendit inexcusable, en lui montrant
l'exemple de sa foi et un témoignage vivant
du déluge qui bientôt allait fondre
sur un monde incrédule.
« Le long travail de l'homme de
Dieu exprimait aux yeux de tous la pensée du
Seigneur, et chaque coup de marteau était
pour les contemporains de Noé un
avertissement des jugements de Dieu et une
exhortation à les prévenir. C'est
ainsi que Dieu attendait, comme s'exprime encore
l'apôtre Pierre, attendait, dis-je, que les
hommes corrompus crussent sa parole et se
détournassent de leurs
iniquités.»
(4)
Les hommes de ce temps-là ne
pouvaient pas dire, comme on l'a fait en d'autres
temps, quelquefois avec trop de raison : Cet homme
prêche bien, mais sa conduite n'est pas en
harmonie avec ses discours ; il nous parle de la
fin du monde actuel, mais il ne pense qu'à
s'y établir lui et les siens, et il vit
comme si le monde devait durer toujours. Il nous
parle sans cesse du déluge, mais
lui-même ne paraît prendre aucune
précaution contre ce terrible fléau.
Si nous périssons, il périra aussi
bien que nous. Non, ils ne pouvaient rien dire de
semblable. À la louange de Noé et
à leur confusion, ou pouvait dire que sa
conduite lés condamnait. Il était net
de leur sang, et ils
étaient inexcusables, puisque le
déluge fut mis en quelque sorte sous leurs
yeux, par la construction de l'arche qui devait
servir de refuge au patriarche et à sa
famille.
La patience de Dieu, si admirable envers
les hommes du déluge, ne se montre-t-elle
pas aussi admirable envers les hommes de nos jours?
Son Esprit conteste
intérieurement dans la conscience de chaque
homme, même dans celle des païens qui
n'ont point la loi et dont les pensées les
accusent
(Rom. II, 14, 15). De plus, Dieu
conteste et plaide avec les pécheurs par le
moyen de sa Parole écrite ou
prêchée, par laquelle Il va chercher
dans le fond des coeurs quelques sentiments de
repentir, et inviter les pécheurs à
retourner à Lui en leur criant : Si vous ne
vous amendez, vous périrez tous. -
Vous vous trompez étrangement,
vous, à qui la Parole de Dieu est
adressée, en n'y voyant qu'un homme qui vous
parle, qu'un discours dont vous pouvez faire ce
que vous voulez, et qui ne tire pas à
conséquence. Non, il n'en est pas ainsi. Cet
homme qui vous parle, ce discours que vous
entendez, cette Parole qui vous est
prêchée, c'est Dieu, c'est Christ qui,
par sa Parole et par son Esprit, va, comme du temps
de Noé, avertir les pécheurs que la
fin vient bientôt, que « le Juge est
à la porte »
(Jacq. V, 9), que «il y aura
affliction et angoisse sur toute âme d'homme
qui fait le mal »
(Rom. II, 9). C'est Christ qui vient
à vous, comme Il est venu vers les
Éphésiens par l'apôtre Paul,
pour vous « annoncer la paix »
(Ephés. II, 17), et pour vous
supplier de fuir la colère à venir.
C'est « pour Christ que nous sommes
ambassadeurs, comme si Dieu exhortait par notre
moyen, et nous vous supplions, pour Christ, que
vous soyez réconciliés avec Dieu
»
(2 Cor. V, 20).
À ces avertissements
intérieurs et extérieurs, Dieu joint
ceux que donne l'exemple des chrétiens
sérieux et sincères comme Noé,
qui, par leur vie, condamnent les oeuvres de
ténèbres et
convainquent le monde de jugement. Si parmi les
hommes qui font profession de croire que toutes
choses doivent se dissoudre, et d'attendre, selon
la promesse du Seigneur, de nouveaux cieux et une
nouvelle terre où la justice habite, il en
est malheureusement qui contredisent leur
profession par une vie terrestre et mondaine,
convenez que toits n'en sont pas là.
N'en connaissez-vous point dont
l'exemple vous donne du malaise, parce qu'il est un
reproche pour votre conscience? N'en
connaissez-vous point dont vous blâmez la
sévérité de moeurs, parce
qu'elle vous gêne ? N'en connaissez-vous
point dont vous disiez que ce sont des gens de
l'autre monde, qu'ils ne sont presque plus de cette
terre et qu'ils sont inutiles à là
société, parce qu'ils se tiennent
à l'écart des agitations du
présent siècle ? Ne connaissez-Vous
point d'hommes qui réalisent jusqu'à
un certain point cette exhortation de
l'apôtre Pierre :
« Puisque toutes choses se
doivent dissoudre, quels
(5) ne devez-vous
pas être en sainte conduite et en
piété? En attendant ces choses,
appliquez-vous à être trouvés
par Lui sans tache, sans souillure et dans la paix
»
(2 Pierre III, 11 -14).
Quand il n'y en aurait qu'un seul dans
l'univers qui rendît ce témoignage par
la sainteté de sa vie et en se
préparant sérieusement à la
venue du Christ, ce seul homme sérieux
suffirait pour vous condamner. Avant le
déluge, il n'y eut qu'un seul homme, oui un
seul , qui crut au déluge et qui bâtit
l'arche pour sauver sa famille, et par cette arche,
ce seul homme « condamna le monde
»
(Hébr. XI, 7), oui le monde
entier des impies
(2 Pierre II, 5), qui ne voulut pas
recevoir instruction de ses prédications et
de son exemple.
Vous êtes donc avertis comme les
hommes avant. le déluge.
Vous avez entendu plusieurs appels
intérieurs, votre conscience vous a
parlé et peut-être effrayés
plus souvent que vous ne l'auriez voulu. Les
prédicateurs de l'Évangile, les
personnes qui s'intéressent à votre
âme vous ont peut-être lassés
par leurs avertissements trop nombreux, trop
pressants à votre gré. Des exemples
réveillants et qui rendent parlantes les
vérités que l'Évangile vous
annonce, ont été mis sous vos yeux,
et la patience de Dieu vous attend.
Qu'avez-vous fait de tout cela? Comment
en avez-vous profité?
Hélas ! vous avez mis autant de
persévérance à résister
à Dieu qu'il en a mis à vous
solliciter. Vous avez semblé chercher votre
ruine avec autant de constance qu'il cherchait
votre salut.
Dieu vous avertit par sa Parole, et vous
êtes sourds à sa voix ; par son
Esprit, et vous lui résistez; par ses
serviteurs, et vous les repoussez; par les
événements, et vous n'y prenez point
garde ; par les reproches de votre conscience, et
vous les étouffez ; par les exemples des
justes, et vous n'en tirez aucune instruction
salutaire.
Ils cherchent à vous
éclairer, et vous vous entourez d'illusions
; ils soulèvent le voile qui est sur vos
yeux, et vous vous efforcez de le retenir. -
Malgré cela, sa patience attend.
Les années s'écoulent et
s'entassent les unes sur les autres; vos compagnons
de voyage et peut-être de jeunesse tombent
à votre droite et à votre gauche; les
cheveux gris sont peut-être
déjà parsemés sur votre
tête; le monde s'écroule en quelque
sorte sous vos pieds chancelants; et pourtant vous
êtes toujours le même, vous ne vous
convertissez pas, vous ne répondez pas
à la voix de Jésus qui vous appelle
à Lui pour avoir la vie.
Peut-être même vous
endurcissez-vous toujours davantage.
Peut-être les délais de Dieu ne
servent-ils qu'à vous endormir on à
vous faire marcher avec plus d'audace dans la voie
large que vous suivez. Peut-être
insultez-vous dans le fond de votre coeur au Dieu
qui vous supporte. Peut-être le bravez-vous
comme si sa bonté était
une faiblesse qui l'empêche
de punir, ou une lâche indulgence qui
l'engage à fermer les yeux sur vos
péchés. Cependant Dieu supporte vos
mépris, Il supporte l'abus que vous faites
de sa patience. Toujours méconnue ou
méprisée sa patience attend ; l'arbre
qui ne porte point de bon fruit n'a pas encore
été coupé et jeté au
feu, parce que les richesses de la patience et de
la longue attente de Dieu ne sont pas encore
épuisées.
Penseriez-vous, peut-être, que
vous vivez par une loi de la nature,
indépendante de la volonté. de Dieu,
et par un effet de votre bonne constitution?
Mais détrompez-vous; d'autres
plus robustes que vous ont déjà
succombé. « En Dieu nous avons la
vie, le mouvement et l'être. » «
Toute chair est comme l'herbe, toute sa grâce
est comme la fleur de l'herbe. L'herbe sèche
et sa fleur tombe quand le vent de l'Éternel
souffle dessus »
(Esaïe XL, 6, 7).
Penseriez-vous, peut-être, que
vous vivez parce que Dieu ne vous trouve pas assez
coupable pour vous retrancher, et prendriez-vous la
conservation de voire vie pour une preuve que vos
péchés ne l'irritent pas ? En cela
vous vous tromperiez étrangement. Il est
écrit que «si Dieu y regardait de
près, Il retirerait à Lui son Esprit
et son souffle; toute chair expirerait ensemble et
l'homme retournerait dans la poudre »
(Job XXXIV, 14, 15).
La prolongation de votre vie a une autre
cause. Dieu est patient envers vous. Il vous donne
du temps pour vous convertir. Il déploie
à votre égard les richesses de son
long support. Sa patience attend.
Elle vous attend aussi, vous, enfants de
Dieu languissans et en chute, qui avez besoin
d'écouter cette parole d'avertissement :
« Souviens-toi d'où tu es
déchu et te repens,
(6)
et fais les premières
oeuvres »
(Apoc. II, 5).
Depuis long-temps, vous faites souffrir
le coeur de votre Père céleste et
celui de ses enfants qui sont vos frères.
Depuis Iong-temps vous affligez le bon
Berger qui se donne pour vous et qui court à
travers les montagnes pour vous chercher.
Depuis Iong-temps, vous êtes par
vos chutes, par vos langueurs, par votre
mondanité un sujet de scandale pour un monde
que vous devriez édifier.
Depuis long-temps, au lieu d'engager les
hommes à glorifier votre Père
céleste, vous êtes cause que le nom de
Dieu est blasphémé parmi ceux qui ne
le connaissent pas et qui disent : Sont-ce
là les oeuvres que produit la foi ?
Cependant vous vivez encore ; Dieu
supporte de votre part cette ingratitude, cette
dureté de coeur, ces opprobres dont vous le
couvrez, ces blessures qu'Il reçoit dans la
maison de ses intimes amis. Vous vivez. La
grâce ne s'est pas retirée de vous.
Christ se tient encore à la porte et Il
frappe. Si Dieu vous châtie, c'est dans sa
fidélité ; s'Il vous frappe de ses
verges, en cela Il vous traite comme un enfant
qu'il daigne avouer
(Hébr. XII, 6). Les bras du
Père céleste vous sont ouverts. Il
n'attend que votre retour pour courir au-devant de
vous, et se réjouir avec tout ce qui est
dans le ciel, de ce que son fils qui était
mort est ressuscité et de ce que son fils
qui était perdu est retrouvé. La
patience de Dieu vous attend.
Elle nous attend tous, qui que nous
soyons, car nous avons tous besoin de patience pour
nos langueurs, pour nos rechutes sans cesse
répétées, pour ce profond
égoïsme qui souille
tout ce que nous faisons, pour ce penchant
incroyable à la
légèreté, à la
mondanité et à l'assoupissement, qui
nous gagne continuellement. Nous avons surtout
besoin de patience pour cet incorrigible orgueil
qui, lorsqu'il est poursuivi, se transforme, se
déguise pour éviter de mourir et
prend même les apparences de
l'humilité ; pour ce monstrueux orgueil
tour-à-tour lâche et insolent,
lâche quand il est sous la main de Dieu et en
face du châtiment, et de nouveau insolent
dès qu'il lui est accordé quelque
répit.
Sous l'épreuve ou l'humiliation
il s'irrite ou s'abat, mais il ne faut qu'un
succès obtenu, qu'un éloge
peut-être usurpé, pour lui rendre
toute son audace et sa disposition à traiter
par fois avec une dureté dédaigneuse
les enfants de Dieu, qui manifestent quelques
infirmités.
Nous avons besoin de la patience
inépuisable de Dieu pour toutes ces
misères, et pour beaucoup d'autres encore.
Eh bien, nous la trouvons en ce Dieu qui est de
longue attente, plein de compassion et de
miséricorde, qui ne nous fait point selon
nos péchés, et ne nous rend point
selon nos iniquités. La patience de Dieu
nous attend.
« Croyez, » dit un
apôtre, « que la longue patience de
notre Seigneur est pour votre salut. »
(7) Oui,
croyez-le, soyez persuadés que vous en avez
besoin, et que, puisqu'elle vous est
accordée, elle est une preuve que Dieu veut
votre salut. La patience de Dieu vous prend en
quelque sorte, par la main pour vous conduire
à Lui. Elle vous dit : Il t'attend, Il veut
te faire grâce, c'est pour cela, et pour cela
seul qu'il t'a supporté jusqu'à
aujourd'hui. Va, cours, jette-toi dans ses bras
avec confiance, ton retour le comblera de joie. Ne
crains rien, te dis-je, cours vers le Dieu qui
t'attend depuis si long-temps. T'aurait-Il attendu
pour te repousser quand tu
viendras à Lui? N'a-t-Il pas un coeur de
miséricorde pour te pardonner, des pieds de
miséricorde pour courir au-devant de toi,
des bras de miséricorde pour t'embrasser, un
manteau de miséricorde pour le jeter sur toi
et couvrir tous tes péchés?
Va, cours, la patience de Dieu
t'attend.
Nous tous, encouragés par la
patience de Dieu, touchés de cette patience,
bénissons-la et profilons-en aujourd'hui,
oui, dès aujourd'hui, tandis que ce jour se
nomme. Il ne nous est pas dit, comme aux hommes
avant le déluge, que cette patience durera
cent vingt ans; il nous est dit que c'est
maintenant le temps favorable, aujourd'hui le jour
du salut.
Si donc aujourd'hui nous entendons la
voix de Dieu, n'endurcissons pas nos coeurs. Il
nous est dit que le Seigneur peut venir à
l'heure où nous ne l'attendons pas et au
jour que nous ne savons pas. Ainsi, nous le
répétons, aujourd'hui, dès
aujourd'hui, retournons jusqu'à notre Dieu,
puisque sa patience nous garantit qu'Il veut notre
salut. Dès aujourd'hui, s'il nous arrive de
nous écarter de Lui, que ce ne soit jamais
pour long-temps. Retournons promptement, retournons
autant de fois que nous nous serons
écartés, à Celui qui nous
attend, et dont la patience nous est salut.
«Si nous connaissons le prix de
cette patience de Dieu, sachons l'imiter. Sachons
modérer notre sévérité,
même à l'égard des
pécheurs les plus obstinés. Soyons
tristes de leur égarement, nous le devons;
mais ne nous irritons point de ce qu'ils continuent
à abuser de la patience de Dieu, ni de ce
que Dieu les supporte dans cet abus.
Le zèle est une bonne chose; mais
pour être vrai, il doit émaner de
l'amour et en porter les caractères. Or, si
nous aimons Dieu, nous aimerons aussi ses voies,
parce qu'elles sont ses voies; et si nous aimons
les hommes, nous nous réjouirons de la
patience de Dieu envers eux, parce qu'il est
possible encore qu'elle serve
à leur salut, et parce que nous savons que
Dieu sera glorifié de toutes
manières. «Veux-tu, »
s'écrièrent les deux disciples dans
leur zèle amer, «veux-tu que nous
appelions sur eux le feu du ciel, comme le fit
Elie? »
Mais l'Esprit de Dieu était descendu sous
la forme d'une colombe sur Celui qui leur
répondit: «Vous ne savez de quel
Esprit vous êtes animés »
(Luc IX, 55). 0 insensé !
ô orgueilleux ! Dieu ne t'a-t-il pas aussi
attendu pour te faire grâce? Que serais-tu
devenu s'il ne t'avait réservé pour
le temps de sa miséricorde, s'Il t'avait
retranché dans les jours de ton ignorance et
de tes péchés ? Et tu ne veux pas
qu'il accorde à d'autres la même
faveur à laquelle seule tu es redevable de
toit salut ! Tu voudrais couper le pont par
où la grâce divine t'a fait passer
au-delà de l'abîme! Ah! plutôt,
honore Dieu, aime Dieu d'autant plus que tu vois sa
patience envers les pécheurs. Imite-le,
apprends de Lui à supporter, à
attendre.»
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