Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...


COMME ON SE LAMENTAIT AU COUVENT DE SAINTE-CLAIRE.

Le dimanche dans l'octave de la visitation de Notre Dame les syndics vinrent avec ces chétifs prédicateurs, Farel, Viret et un misérable frère cordelier, qui ressemblait mieux un diable qu'un homme, et une douzaine des principaux de la cité, tous hérétiques, à dix heures du matin que les pauvres soeurs voulaient dîner, vinrent au couvent, demandant d'entrer pour notre bien, disant qu'ils étaient nos pères et bons amis. Les soeurs laissèrent la table et coururent à l'église. La mère abbesse et la mère vicaire allèrent au tournet.
« Messieurs, dit la mère vicaire, or dites-nous, s'il vous plaît, la cause pourquoi êtes venus céans? faites-nous cette grâce de nous laisser servir Dieu sans plus d'empêchement. »

Le syndic répondit en colère : « Nous vous avons dit que nous venons pour bien faire, ouvrez-nous donc; que si vous ne le faites nous romprons vos portes et vous vous en repentirez. » Ce qu'entendant la mère abbesse, elle dit: « il vaut mieux que leur ouvrions, de peur qu'ils ne nous fassent méchief; » et pour éviter leur fureur, les portes furent ouvertes.

Puis entrèrent au chapitre, et le syndic dit: « Mère abbesse, faites venir ici toutes vos soeurs ensemble et sans délai, autrement nous-mêmes les irons quérir. » Lors la mère vicaire dit : « Ah! Messieurs, vous nous avez trahies, » et dit toutes les raisons possibles; mais la mère abbesse et le père confesseur contraignirent par sainte obédience toutes les soeurs d'y venir, jeunes et vieilles, saines et malades. Et toutes étant assemblées, les jeunes furent mises devant ce maudit Farel et ses évangélistes, pour les flatter et décevoir. Silence fut donné et ce maudit Farel prit son texte de ces paroles - Maria abiii in montana, disant que la vierge Marie n'avait point tenu vie solitaire mais se montrait diligente à faire service à sa cousine, et sur ce passage dégradait la sainte clausure et l'état de sainte virginité vitupérablement, ce qui transperçait le coeur des pauvres soeurs.

Adonc la mère vicaire, voyant que ces séducteurs parlementaient et flattaient les jeunes soeurs, se lève droite d'entre les anciennes, disant : « Monsieur le syndic, puisque vos gens ne gardent le silence, je ne le garderai non plus, mais je saurai ce qu'ils disent là à mes soeurs, et s'alla mettre entre les jeunes devant ces gallans, disant : « Vous ne gagnerez rien ici. » Sur ce tous furent indignés, et les syndics étant troublés et en colère, commandèrent que la mère vicaire fût mise dehors. Lors plusieurs la prirent et la sortirent hors du chapitre, et toutes les soeurs se levèrent pour vouloir sortir après elle; mais la porte leur fut fermée, dont se prirent à pleurer, criant, miséricorde, mais derechef fut commandé silence par le père confesseur, qui craignait plus qu'elles, et par la mère abbesse qu'ils tenaient entr'eux.

Alors le prédicateur reprit sa parole dissimulative du bien de mariage et liberté, avec propos damnables et de grands abus. Et quand il parla de corruption, charnelle, les soeurs commencèrent à crier : « C'est menterie, » et surtout les jeunes soeurs, disant : « Nous ne pouvons plus ouïr ces erreurs. » Et vainement le confesseur et la mère abbesse leur commandèrent le silence, disant que St-Paul a ordonné à la femme de se taire. Elles continuaient de crier, et la mère vicaire frappait de ses deux poings contre la muraille, de grand'force, criant: « Hé, chétif et maudit homme, tu perds bien tes feintes paroles. Tu n'y gagneras rien. Je vous prie que vous n'entendiez point à lui. » Et criait si fort que le prédicateur perdait sa mémoire et propos.

Dont voyant le prédicateur que nulle ne faisait estime de lui, il cessa ; et à voir sa contenance, il eût voulu n'être jamais entré là dedans, et ne pensait être assez tôt dehors. Et moi qui ait écrit ceci étant présente et regardant curieusement sa mine (en ferme propos de ne varier en l'amour de Dieu et de ma vocation), je connus bien que le diable et tous ses adhérens ne purent endurer la compagnie des vraies épouses de Jésus-Christ, et le signe de la sainte croix, que continuellement les soeurs faisaient, malgré lui et tous ses semblables.

Depuis par plusieurs fois voulurent revenir, mais Farel ne le voulut, ni aucun autre prédicateur, disant que c'était temps perdu de prêcher ces hypocrites; « mais mettez-les hors de leur tanière, disait-il, et les contraignez de venir au prêche public, en tant que cela est en votre puissance. »

Plusieurs gens de bien nous venaient avertir des menaces qu'ils faisaient de venir prendre les jeunes soeurs pour les marier. Et les pauvrettes, conseillées de notre Seigneur, s'assemblèrent un jour toutes au chapitre, invoquant l'aide de notre Sauveur Jésus-Christ et du benoît St-Esprit, de la sacrée Vierge Marie et toute la cour céleste, et en telle abondance de larmes que l'une n'entendait point l'autre, et fut demandé aux jeunes si elles voulaient persévérer. Adonc toutes prosternées en terre, à haute voix se promirent et donnèrent la foi. Toutes, excepté la mal avisée soeur Blaisine, qui fut pensive et puis se riait, et n'en eut pas grande estime. Il lui fut demandé ce qu'elle pensait de faire. Elle avait deux tantes vraies catholiques, qui la demandaient pour la sauver et la voulaient conduire au couvent de Vincy bien honnêtement. Mais elle répondit qu'elle n'avait que faire de ses tantes, et qu'elle savait très bien ce qu'elle devait faire. Alors les pauvres mères connurent bien son mauvais propos; et les jeunes lui disaient : « Très aimée compagne, ayez pitié de votre pauvre âme, et croyez les bonnes mères; car vous êtes en grand péril. » Elle répondit en riant ; «Vous désirez vous défaire de moi; mais ne pourrez pas par le moyen que pensez de vous-mêmes.

De ces paroles les soeurs furent plus dolentes que devant, et ont de telles angoisses qu'aucune fois l'une ne connaît l'autre. Il n'y a entr'elles que pleurs et douleurs, et n'y a moyen de le faire savoir à personne, vu que la ville a mis trente-six hommes en armes, à la maison de M. de Codré, tout devant le couvent, et ne passe pas un petit enfant qu'ils ne le visitent. Toutefois par subtils moyens et l'aide de notre Seigneur, avons fait signifier notre danger et infortune à Monseigneur le Duc, qui nous porte une grande affection, et Madame pareillement. Et nous ont fait dire que n'eussions autre pensement que de nous sauver d'entre ces hérétiques, qu'ils nous préparaient leur monastère d'Annecy et nous fourniront de meubles et de toutes nos nécessités. Et toutes ensemble avons résolu d'attendre le bon plaisir de notre Seigneur, qui ne délaisse jamais les siens.

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S'EN SUIVENT LES VIOLENCES FAITES DANS LE COUVENT DES DAMES DE SAINTE-CLAIRE.

Le jour de Monsieur St-Barthelémy apôtre (24 août), vinrent grande compagnie tous armés, heurter tout doucement à la grande porte du couvent. - « Qui êtes-vous ? demanda le pauvre convers. - « Un ami de la religion, répondit un méchant meurtrier ; ouvre-moi sans doute, car je suis un de tes bons amis et viens pour la consolation des soeurs. »

Le frère ouvre de bonne intention et aussitôt cette multitude entra, dont le pauvre convers demeura comme transi, ils pénétrèrent et coururent par le couvent, rompant, brisant ce qu'ils trouvèrent, livres, images, et allèrent avec grosses haches frapper le bénoît crucifix qui était merveilleusement beau et n'y laissèrent rien d'entier.

Puis montèrent avec une échelle à un grand crucifix de merveilleuse beauté et pitoyable à regarder, et firent grand effort pour l'abattre, et étaient à l'entour plus de cinquante, mais ne le purent jamais endommager, ni dépendre, dequoi furent bien troublés.

Les pauvres soeurs entendant ce bruit, s'allèrent toutes retirer à l'église, dolentes et craintives. Et se joignirent l'une contre l'autre en un monceau, prosternées en terre, la face couverte, au milieu du choeur, en pitoyable douleur et soupirs incomparables, attendant la mort corporelle ou le péril de l'âme, et sans espoir ni réconfort humain. Cependant, Baudichon, Vandel et tous ces méchans hérétiques entrent, au nombre de plus de cent cinquante, après avoir rompu trois portes, et étant entrés, ils vont courir par troupes dans le couvent, tous à dessein de mal faire. Et ne laissèrent image ni forme de dévotion au dortoir, à l'infirmerie, ni en aucun lieu, et venant au choeur où étaient les pauvres soeurs vont briser les belles images devant leurs yeux, en faisant tomber des morceaux par dessus elles, qui leur donnaient de méchans coups. Plus rompirent les formes et chaires des soeurs, qui étaient fort belles et aussi brisèrent le pupitre et le livre qui était dessus. Je crois que jamais ne fut faite si grande insolence, vitupère et dissolution. Et ne fut jamais ouï si piteux cri et lamentation, et plusieurs de cette angoisse s'évanouissaient et perdaient la parole. Cependant pour cette heure-là ces iniques ne nous ont fait aucun mal, mais se sont rassemblés et sont sortis tous de compagnie, laissant tout le couvent ouvert, que chacun y pouvait entrer.

Et les pauvres soeurs se voyant tant fatiguées et affligées ne sachant que faire, notre Seigneur inspira à deux bourgeoises notables catholiques de nous venir consoler. L'une est la femme de notre apothicaire, Ami de la Rive, l'autre, Léonarde Vinret, la femme d'un riche marchand. Elles entrèrent résolument, et quand les entendîmes, recommençâmes nos cris : Miséricorde, pensant que derechef fussent ces méchantes gens ; mais les pauvres dames éplorées crièrent : « - N'ayez peur de rien car nous sommes vos bonnes amies et venons pour vous consoler. » Alors nous retournâmes vers elles, en piteux soupirs et lamentations, montrant par signes l'insolence et violence. Et ces bonnes dames disaient : « Certes, très chères dames, nous en sommes grandement fâchées, et s'il était en notre pouvoir, nous les chasserions bien tous. Mais vous savez que force n'est pas droit, Les méchans sont maintenant en puissance sur les serviteurs de Dieu. Consolez-vous en Dieu et prenez bon courage, car ce n'est qu'un commencement de douleurs. Et vous autres jeunes, telles et telles, prenez bon courage et vous confiez en notre Seigneur, car vous sera livrée rude bataille. »

Elles se retiraient après avoir ainsi parlé, quand elles virent entrer cette malheureuse capitaine de malice, la soeur de Blaisine et quantité de ces hérétiques, ce qui fut un renouvellement d'angoisses aux pauvres soeurs. « Eh, nos vraies mères et amies, dirent-elles, pourquoi reviennent ces malheureux ? Vous voyez qu'ils nous ont déjà fait tout au pis. Que nous veulent-ils plus ? - Recourez à notre Seigneur, dirent ces dames, et vous, Blaisine, bon courage, car votre soeur guide cette troupe pour vous avoir. » Et sur ce la mère abbesse la prit par la main lui disant ; « Mon enfant, si vous faites résistance, nous vous aiderons toutes jusques à la mort. Venez et que je vous cache au giron de votre pauvre mère. »

La mère vicaire prit aussi l'une des soeurs sous son habit, elle en donna une autre en garde à l'une de ces dames dévotes ; et les pauvres soeurs se mirent à crier de voix enrouée pitoyablement : Miséricorde. « Hélas, Messieurs, dit la dame catholique à ces méchantes gens, que voulez-vous à ces pauvres soeurs, qui ne nuisent à personne ? Dame Emma, voyez ce que vous faites d'ôter votre soeur; gardez que mal ne vous en advienne. » La dame Emma répondit : « Nous ne la voulons pas contraindre; mais quand nous lui aurons parlé, vous verrez bien son vouloir et la tyrannie de ces cafardes. » Et puis se prirent à chercher et dire : « Soeur Blaisine, montrez-vous. » Mais la malheureuse n'osait répondre. Et les lamentations des soeurs donnaient tel épouvantement qu'ils ne s'entendaient l'un l'autre. Alors sans mot dire, ils firent signe aux femmes qu'elles se missent entre les soeurs, et elles allèrent, demandant à l'une après l'autre :
Êtes-vous soeur Blaisine ? - Nenny, et ne la voudrions être.
Allez la chercher autre part. » - Et finalement la trouvent auprès de l'abbesse, qui lui dit : « Soeur Blaisine, mon enfant je vous prie de vous montrer bonne championne de notre Seigneur; car en cette bataille je ne vous peux secourir. » Adonc ils la vont prendre et tirer d'entre les autres et la mettre à part pour lui parler.

Lors les soeurs firent un grand cri piteux : « Ah ! soeur Blaisine, vous laissez-vous décevoir ? Revanchez-vous et si vous voulez, nous sommes délibérées de mourir pour vous retirer » Et la voulaient enlever d'entre leurs mains. Mais sans mot dire, elle se retirait tant plus vers ces méchans, qui prirent les bois des formes et en frappèrent la mère vicaire et une jeune soeur qui la voulait à toute force retirer La mère portière y fut renversée et foulée aux pieds. Enfin ils emmenèrent la malheureuse et la conduisirent chez un pauvre savetier pour lui ôter l'habit de la religion.

Les soeurs firent appeler les syndics. prosternées devant eux, elles leur demandèrent justice et sauvegarde. - Ah Messieurs, avez-vous consenti à nous faire telle violence, vous que nous tenons pour nos pères et protecteurs » Un syndic répondit : «, Certes, belles dames, nous sommes grandement fâchés de votre affliction. Nous n'y sommes pour rien. Ce sont les enfans de la ville, qui ne se gouvernent pas par nous, qui font ces choses. Mais pourquoi vous tenez-vous ici recluses, faisant vos hypocrisies? ne savez-vous pas que MM. de Berne ont commandé qu'il nous faut tous venir à union de foi ? De votre soeur, prenez-en patience, car la teniez contre son gré, et autant en voudrions faire de celles qui se tourneront à la lumière de vérité. »

La mère vicaire répondit : « Quant à nous, nous le tenons à grande violence, et vous supplions de vouloir nous maintenir en notre Sainte clausure, on nous donner sauf-conduit de sortir de votre ville toutes ensemble. - Eh, comment ? dirent les syndics, et où voulez-vous aller ? La ville vous permet bien de demeurer en votre maison, sans y dire offices, ni messes ; mais ne pensez pas qu'il vous soit permis de sortir. » Ce qui fut propos bien douloureux aux oreilles des pauvres soeurs.

La mère vicaire dit encore : « Hélas, Messieurs, ayez pitié de nos pauvres filles, et qu'il vous plaise ordonner quel que sûreté de sauvegarde. - Or bien, dirent les syndics, nous aviserons de vous garder. » Et deux sergens de ville furent ordonnés pour garder le couvent, se disaient-ils ; mais il est à croire qu'ils le faisaient plus pour garder que les meubles ne fussent pillés, que pour notre consolation. Et ainsi nous ne pouvions faire savoir nos doléances à personne; car ni noblesse, ni bon catholique n'osait entrer en la ville, et par ce moyen n'y avait à attendre que la grâce de Dieu.


MIETTE.

« Les descriptions que les prophètes nous font des désordres qui de leur temps étaient dans l'Eglise sont horribles à lire. La religion était en partie méprisée, en partie souillée et corrompue; et cependant, grâces au ministère de la Parole, il n'a pas cessé d'y avoir des hommes qui ont élevé au ciel des mains pures au milieu de l'assemblée des impies »

(Calvin).



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