LA FORCE DE LA
VÉRITÉ.
TROISIÈME PARTIE.
Observations sur le récit
précédent.
EN faisant connaître au public mes
recherches religieuses et le changement de mes
opinions, j'ai en dessein de lui présenter
l'exemple d'une personne conduite à adopter,
contre toute vraisemblance, un système pour
lequel elle avait auparavant le plus grand
mépris. Convaincu que ce changement s'est
opéré sous la direction du
Saint-Esprit, j'ai eu l'espoir que le récit
circonstancié que j'en ferais pourrait, d'un
côté, encourager et consoler tous ceux
qui connaissent et qui aiment le Seigneur, et de
l'autre, engager d'autres personnes, avec le
secours de Dieu, à un examen sérieux
de leurs sentimens, et les
déterminer à faire usage des moyens
dont il s'est servi pour me faire connaître
la vérité. Dans ce dessein, je vais
proposer quelques réflexions sur le
récit précédent. Veuille le
Dieu de miséricorde guider l'écrivain
et le lecteur dans les sentiers de la
vérité, de la justice et de la paix
I
Tout lecteur non prévenu le comprendra
sans peine, humainement parlant il était
bien invraisemblable que j'embrasserais les
doctrines qui viennent d'être
exposées. - Les considérations
suivantes ne laisseront aucun doute à cet
égard.
1. Mes opinions furent long-temps
diamétralement opposées à ce
système. Doué d'un esprit
méditatif, j'avais une haute idée de
la force de notre raison ; et, sur des
principes raisonnés, je m'étais fait
une religion qui flattait à la fois ma
conscience et mon orgueil. Je m'étais rendu
familiers les
interprétations et les argumens
ordinairement employés par les partisans de
l'orthodoxie, et j'avais entassé les
objections spécieuses qu'on
élève contre leur esprit et leur
doctrine. Mais jugeant que leur croyance
était trop évidemment fausse pour en
supporter une seule, je ne m'étais pas
donné la peine d'examiner ce qu'on pouvait
avancer pour sa défense ; et Dieu
permit que je m'enfonçasse dans un
abîme d'erreurs dont peu de gens ont
été retirés.
Plein de confiance en ma cause et dans
les argumens par lesquels je la défendais,
je désirais vivement entrer en controverse
avec les Calvinistes. Je déclamais
fréquemment, du haut de la chaire, contre
leurs personnes, ainsi que contre leurs principes,
auxquels j'attribuais les conséquences les
plus absurdes et les plus fâcheuses.
Néanmoins, après beaucoup
d'inquiétudes, d'activité et de
recherches, j'ai embrassé, comme des
vérités révélées
dans la parole de Dieu, toutes
les doctrines de ce système
méprisé.
2. Mon esprit et mon caractère
s'opposaient à ce changement.
J'étais, plus que personne, plein de
suffisance et décidé dans mes
opinions. Aimant à l'excès la
discussion, je ne négligeais aucune occasion
de me livrer à ce penchant. Rarement je
suspectais ou reconnaissais mon erreur, et je ne
posais les armes que lorsque mes raisonnemens ou
mon obstination avaient fermé la bouche
à mon adversaire. On me disait un jour que
j'étais comme une pierre qui roule du haut
d'une colline, et qu'on ne peut ni détourner
ni arrêter. Ce n'était que trop
vrai ; mais ce qui est impossible à
l'homme est facile à Dieu. Je suis
maintenant détourné et
arrêté. L'homme n'eût pu le
faire, mais Dieu l'a opéré, et c'est
un prodige à mes propres yeux, autant
qu'à ceux de tout le monde. Je portais la
même opiniâtreté dans mes
recherches ; car je
n'abandonnai jamais un seul de
mes sentimens que lorsque je ne pouvais plus le
défendre, et je ne me rendais à la
conviction que lorsque je ne pouvais plus
résister. L'homme fort et armé
s'était bâti lui-même plusieurs
forteresses dans mon coeur, et lorsqu'un plus
fort que lui vint le combattre, il soutint un
long siège jusqu'à ce que,
chassé, de place en place, et
dépouillé de toute l'armure en
laquelle il se confiait, il fut enfin obligé
de s'enfuir
(Luc XI. 21. 22). De sorte que, quand
le Seigneur, au jour de son triomphe, eût
soumis ma volonté, je fus forcé de
lui faire cette confession :
« 0 Seigneur ! tu es plus
fort que moi, et tu as
prévalu. »
3. Ma situation rendait un tel
changement tout-à-fait impossible. Je
n'avais, pour entretenir une nombreuse famille,
qu'un modique revenu, et la protection des amis que
ma conduite me procurerait ou me conserverait.
J'avais, contre toute
espérance, formé
des liaisons avec quelques-uns de ces personnages
dont la faveur peut contribuer beaucoup à
notre élévation ; et
j'étais fort sensible aux avantages que je
pouvais en attendre, si, par ma condescendance, je
me conservais leur amitié. Je partageais
moi-même l'opinion que le monde se forme de
ceux qui prêchent les doctrines dont j'ai
parlé, et j'étais presque sûr
que si je les embrassais, je me priverais de tout
avancement. Mais lorsque, par le résultat de
mes recherches, je fus convaincu, qu'il
était absolument de mon devoir de les
professer et de les prêcher, je les embrassai
et les prêchai ouvertement, quelque
défavorables qu'elles fussent à mes
intérêts dans le monde.
4. La grande attention que je mettais
à soutenir ma réputation ne
s'opposait pas peu au changement de mes
idées. J'ambitionnais beaucoup l'honneur
qui vient des hommes, et je ne voyais rien que
de légitime et de
vertueux dans le désir des louanges. Cet
amour de la vaine gloire m'avait engagé
à poursuivre avec ardeur mes études
fort au-delà de mon inclination
naturelle ; il influençait
entièrement ma conduite, et se faisait
remarquer dans toutes mes conversations.
Accoutumé à entendre avec
complaisance donner aux Calvinistes les
épithètes les plus injurieuses, je
sentais avec effroi qu'en m'approchant de leurs
principes, j'allais m'attirer les plus mortifiantes
dénominations. Hélas ! je n'ai
que trop long-temps recherché, par orgueil,
les applaudissemens du monde. Maintenant j'y
renonce, et je consens volontiers à
être regardé comme un esprit faible,
un cerveau dérangé, un enthousiaste.
Je sais qu'en mon absence, et souvent même en
face, on m'applique ces titres injurieux ;
mais. je bénis Dieu de ce que je n'en suis
point ébranlé : je lui rends
grâce de ce qu'il me juge
digne d'être exposé
à l'opprobre pour l'amour de lui. Cette
épreuve m'effrayait beaucoup ; et je
puis le dire avec vérité, la
conviction seule que j'avais embrassé la
cause de Dieu, a pu m'engager à faire le
sacrifice de ma réputation, et à
encourir les mépris et l'opprobre du
monde.
5. Pour raisonner, sur leurs propres
principes, avec ceux qui nous méprisent, il
faut convenir que si je suis tombé dans
l'erreur et dans l'enthousiasme, cet accident
était bien invraisemblable lorsque je
commençai mes recherches. Ma
résolution était de chercher avec
soin la vérité, de l'embrasser
partout où je la trouverais, et à
quelque prix que ce fût. Je n'eus pas
plutôt commencé cet examen, que je fus
appelé à donner des preuves de ma
sincérité ; je la montrai en
renonçant, par un principe de conscience,
à la perspective d'un prochain avancement.
Dès ce moment, je sacrifiai la
considération dont je
jouissais dans le monde, et je m'exposai à
la perte de mes anciens amis. Après cela, je
cherchai la vérité, principalement
dans les Saints Livres, en demandant à Dieu
la lumière de son Saint-Esprit, et je suis
maintenant arrivé à des conclusions
diamétralement opposées à
celles que j'attendais. Rassemblez maintenant
toutes ces considérations pesez-les
attentivement, et que votre conscience
détermine quel degré de
probabilité il y a qu'une personne, qui
cherche la vérité de cette
manière, se soit laissée abuser
jusqu'à croire de funestes mensonges.
« Qui est le père
d'entre vous qui donne à son fils une
pierre, lorsqu'il lui demande du pain ? Ou,
s'il lui demande du poisson, lui donnera-t-il un
serpent, au lieu d'un poisson ? Ou, s'il lui
demande un oeuf, lui donnera-t-il un
scorpion ? Si donc, vous, tout méchans
que vous êtes, savez donner de bonnes choses
a vos enfans, combien plus votre Père
céleste donnera-t-il le
Saint-Esprit à ceux qui le lui
demandent ? »
Après avoir adressé au
Seigneur tant de prières ferventes, pour
obtenir l'accomplissement de cette promesse,
peut-on supposer qu'il l'ait violée, et
m'ait abandonné au Prince des
ténèbres ? Vous pouvez vous
moquer de ce récit, jeter de
côté ce livre, sans prêter
aucune attention à un argument de cette
espèce. Vous pouvez prétendre que
nous ne devons pas compter sur de telles promesses,
bien qu'elles soient contenues dans la Bible, ce
qui n'est pas moins que nier sa divinité, et
l'exposer à la risée des
Infidèles et des
Athées. Pour moi, je suis
persuadé que, si vous voulez rendre raison
du changement de mes opinions, vous serez
obligés de convenir que la substance des
doctrines que j'ai adoptées est
véritablement dans la Bible ; qu'elles
ne sont mêlées d'aucune erreur qui
puisse exposer le salut de mon âme, ou, celui
des âmes qui me sont
confiées. Ce n'est que dans cette
dernière, supposition que toute
difficulté s'évanouit. Le Seigneur
m'a inspiré un désir sincère
de connaître la doctrine salutaire de
l'Évangile ; et, malgré mon
extrême ignorance, mon
opiniâtreté et mes préventions,
ce désir m'a conduit à la parole de
Dieu, et m'a engagé à implorer la
lumière de son Saint-Esprit. Enfin,
fidèle à ses promesses, le Seigneur a
réalisé envers moi cette parole de sa
bouche : « Celui qui demande
reçoit, et celui qui cherche
trouve. » Ma sincérité
suffisait pour convaincre toute personne
initiée dans les vérités
religieuses, que mes recherches m'y conduiraient
finalement ; aussi mon ami me l'avait-il
positivement annoncé.
Qui que tu sois, cher lecteur, si tu
désires sincèrement connaître
la vérité, si tu es résolu
à l'embrasser partout où tu la
trouveras, et malgré tous les sacrifices
qu'elle pourrait te coûter ; si,
appuyé sur les promesses
du Seigneur, tu cherches, par une lecture
habituelle de la parole de Dieu, et par de
ferventes prières, à en obtenir
l'accomplissement, je puis te l'annoncer avec
assurance, quels que soient aujourd'hui tes
sentimens religieux, tu adopteras un jour les
mêmes doctrines. Veuille le Seigneur
t'inspirer le désir d'en faire
l'expérience, et te donner pour cela une
véritable candeur !
On me fera peut-être l'objection
que je propose cet argument avec trop de confiance,
et on m'opposera ce que des hommes divisés
d'opinions, ont avancé pour la
défense de leurs systèmes
respectifs.
Vous qui me faites cette objection,
examinez, je vous en conjure, avec soin et avec
impartialité, combien, cet argument est
solide à tous égards ; et
essayez de rendre raison, autrement que je ne l'ai
indiqué, du changement dont je vous ai
entretenu. Voici donc comme je raisonne
recevant ce récit comme
véritable, et à cet égard j'en
appelle au Dieu qui sonde les coeurs, croyant que
Dieu nous exhorte lui demander son Saint-Esprit de
vérité, et le promet à des
prières qui lui sont faites avec
sincérité de coeur, l'on est
forcé de conclure l'une de ces deux choses,
ou que Dieu a manqué à sa promesse,
ou que, par l'influence de son Saint-Esprit, il a
conduit l'auteur de ce livre à la
connaissance des vérités essentielles
au salut.
Quant à l'autorité des
hommes qui ont des sentimens opposés, je
ferai observer que, plusieurs de ceux qui parlent
pompeusement de leur sincérité et de
leur bonne foi, condamnent sans hésiter, et
traitent d'enthousiasme cette confiance que nous
avons dans les promesses de Dieu, et cette
manière de chercher la vérité.
On ne peut donc supposer qu'ils la cherchent
eux-mêmes par des moyens qu'ils condamnent
dans les autres. Plusieurs passent
légèrement sur ces
choses. Dans le sentiment intime qu'ils ne l'ont
pas cherchée de cette manière, ils
esquivent avec soin un argument qui leur est
personnel. D'ailleurs les écrits d'un grand
nombre d'auteurs qui disent la chercher, montrent
évidemment qu'ils n'espèrent pas la
trouver « en se reposant de toute leur
âme sur le Seigneur, » en
sondant les Écritures et en implorant la
lumière du Saint-Esprit. Ils ne la cherchent
qu'en « s'appuyant sur leur propre
jugement, » en se fondant sur des
raisonnemens philosophiques, sur l'autorité
de quelques auteurs renommés, sur des
critiques et des interprétations hardies et
forcées de la parole de Dieu. De-là,
tant de gens qui osent en appeler de la
révélation à la raison et
à la philosophie. De-là, tant
d'objections qu'on élève contre des
vérités clairement
révélées dans les saintes
Écritures. De-là, tant de
conséquences impies qu'on attribue à
ces doctrines, afin d'en
affaiblir l'autorité. De-là enfin,
cette liberté que l'on a dans
l'interprétation et dans la critique de la
parole de Dieu, et que les savans ne se
permettraient jamais dans l'interprétation
et dans la critique de Virgile ou
d'Horace.
Tout cela prouve clairement que ces
personnes sont étrangères à ce
désir vif et sincère de
connaître la vérité, qui nous
porte à nous laisser instruire par le
Seigneur, et nous inspire une humble
docilité aux leçons de sa parole.
Plusieurs de ceux qui se disent guidés par
ce désir ne soupçonnent pas
même qu'ils sont, ou peuvent être dans
l'erreur. Avant de se livrer à aucune
recherche, ils sont décidés à
ne pas faire la moindre concession ; à
défendre, dans le cours de la controverse
jusqu'au plus petit point ; et à faire
usage, si les argumens leur manquent, de tous les
artifices que la subtilité et la passion
peuvent leur suggérer. Une pareille
conduite n'annonce certainement
pas ce désir ardent de connaître la
vérité, cette crainte inquiète
de se méprendre et cette défiance de
soi-même, qui portent les personnes
sincères à implorer le secours de
Dieu, et à chercher, dans sa parole, les
lumières dont elles ont besoin.
Quant à ceux qui ont vraiment de
la candeur, je les prie, s'ils ne s'accordent pas
avec moi sur tous les points de doctrine, de se
rappeler la distinction que j'ai établie
entre les dogmes absolument nécessaires au
salut, et ceux qui ne le sont pas. À
l'égard des premiers, ils ne peuvent
différer essentiellement de moi. S'ils les
reçoivent, je reconnais qu'ils sont
enseignés de Dieu ; et je leur demande
de me juger avec la même charité. Nous
devons supposer que le même Dieu, qui, selon
ses promesses, nous a tous conduits dans la route
du salut, a permis que nous différassions
à quelques égards, afin de nous
donner lieu d'exercer, les uns
envers les autres, le support et la
tolérance.
II.
Le changement de mes opinions s'est
opéré d'une manière lente et
graduelle. Lorsqu'un homme change
tout-à-coup de sentimens religieux, le
monde, qui ne sait pas que souvent le Saint-Esprit
convertit une âme tout-à-coup, comme
cela eut lieu à l'égard de
Saint-Paul, peut croire qu'il est d'un
caractère inconstant et léger. Il
peut soupçonner qu'il n'était pas
affermi dans ses premiers principes, et qu'il les
avait pris sur parole, sans connaître les
argumens qui les appuient, ni les objections qu'on
leur oppose. S'il arrive que le désir de la
considération, l'intérêt, ou
des convenances particulières, aient
favorisé ce changement, on a lieu de
présumer que ces motifs impurs l'ont
entièrement opéré. S'ils ne
paraissent pas y avoir contribué,
on peut conjecturer que c'et
homme s'est laissé séduire par des
apparences spécieuses, et n'a fait que
changer un système pour un autre, sans en
avoir considéré aucun attentivement.
Les résultats ordinaires des changemens
précipités ne justifient que trop ces
objections. Mais, quoique j'aie toujours
été, et que je sois encore d'un
naturel impétueux, je me suis conduit, en ce
cas particulier, d'une manière directement
opposée à mon caractère. Il
est vrai que je dévoilai ma fougue naturelle
dans un temps où je plaisais la cause de
l'erreur, croyant plaider celle de la
vérité, et où je ne songeais
pas plus à devenir ce qu'on appelle
Méthodiste qu'à me convertir
à la religion de Mahomet.
Mais après ce premier essor, la
pensée que si j'étais dans l'erreur
à quelques égards, je parviendrais
bientôt à la vérité, me
rendit tranquille et content. Ce ne furent pas les
craintes que j'avais sur mon
salut, mais le prix des âmes confiées
à ma direction, et le compte redoutable que
je devais en rendre, qui me
déterminèrent à entreprendre
cette recherche.
Ce fut donc avec calme que je me mis
à chercher la vérité ; et
j'avançai par degrés dans cette
étude, et en usant d'une extrême
précaution. Je ne reçus aucun article
de foi sur parole ; je n'abandonnai mes
opinions que lorsque, par de bonnes
réfutations, on avait renversé mes
argumens et je n'admis aucun dogme nouveau dans ma
confession de foi que lorsque toutes mes objections
eurent été résolues, ou que je
me vis pressé par des objections encore plus
difficiles à résoudre. Je ne
renonçai à une opinion, pour en
embrasser une autre, qu'après beaucoup de
prières et de méditations ; et
je restai près de trois ans, à dater
du commencement de mes recherches, avant de
décider où était la
vérité. J'ai bien lieu de rougir de
mon indocilité, car, si
j'eusse profité des occasions de
m'instruire, je serais arrivé beaucoup
plutôt à la foi. Mais le Seigneur ne
m'a abandonné si long-temps à mon
orgueil que pour me montrer, avec plus
d'évidence, que ce n'est pas de l'homme que
j'ai appris les doctrines que je professe, mais de
la parole et de l'Esprit de vérité.
III
Ce changement s'est fait sans que j'aie
été instruit ni influencé par
les personnes dont j'ai adopté les
principes. Tel était mon éloignement
pour les Calvinistes, que long-temps
après avoir commencé mes recherches,
je ne voulais pas même lire leurs
écrits. Si j'entrai en correspondance avec
M. Newton, ce ne fut pas pour profiter de
ses lumières, mais pour disputer ;
aussi, dès qu'il esquiva la controverse, je
rompis avec lui, et j'évitai sa compagnie
autant que ses prédications ; non que
je prétende insinuer
par-là qu'il n'a été pour moi
d'aucune utilité ; je bénis Dieu
continuellement, au contraire, de m'avoir
donné un tel ami. Mais je sais bien que lors
même que je ne l'aurais jamais connu, je
serais également parvenu à la
connaissance des vérités
évangéliques. Il m'a toujours
été utile dans les sujets sur
lesquels nous étions à peu
près d'accord. Mais quant à ceux sur
lesquels nous différions, mon esprit altier
dédaignait de recevoir ses
lumières.
L'on m'avait envoyé, à
cette époque, plusieurs écrits des
Dissidens ; mais je refusai de les
lire ; et pendant près de deux ans, je
n'en parcourus aucun avec assez d'attention pour en
recueillir aucune instruction importante. Je ne dis
point cela pour les déprécier, car je
reconnais que plusieurs de ceux que, dans mon
ignorance, je méprisais alors, contiennent
une théologie solide et judicieuse. Mais ce
ne fut pas de là que je tirai mon
système ; il
était presque complet au moment où je
me déterminai à les lire. Mes
études, indépendamment de la Bible,
se bornaient aux auteurs renommés de
l'Église Anglicane. Lorsqu'ils
différaient entr'eux, comme Tillotson
et Hooker, Jortin et
Beveridge, Bull et Hall, je les
jugeais par moi-même, en les comparant avec
la parole de Dieu, avec les Articles, les
Homélies et la Liturgie de
l'Eglise.
Qu'il me soit permis de faire observer
en passant que, plus on remonte vers la source de
ces précieux ruisseaux, qui est la
bienheureuse Réformation, plus ils sont
purs. L'on peut prouver, d'une manière aussi
facile qu'incontestable, que plusieurs
ecclésiastiques réguliers de l'Eglise
établie, qu'on qualifie du nom de
Méthodistes, ne prêchent aucun
dogme important que n'aient formellement
enseigné ces excellents hommes, qui,
après avoir jeté les fondemens de
notre Église, ont livré leurs
corps au supplice, pour rendre
hommage à leur doctrine. Il serait bien
à désirer que l'histoire de leur vie
et de leur mort, et les ouvrages qu'ils ont
écrits, fussent plus connus parmi
nous ; qu'ils ne demeurassent pas, hors de la
portée du public dans de grands in-folio,
dans des ouvrages composés en langues
savantes, dans des livres qu'on ne trouve plus, ou
qui du moins sont devenus extrêmement rares.
Voilà, pourquoi tant de membres de notre
Église nationale ignorent entièrement
les principales doctrines de l'Évangile, et
flétrissent, par ignorance, du nom
d'enthousiastes, ceux qui prêchent
avec zèle les doctrines de la
Réformation.
IV.
L'étude des Écritures a eu une
grande influence dans ce changement. Nous ne sommes
que trop disposés à adopter, sans
examen, les opinions religieuses ; à
nous former un système
d'après les idées des autres ou
d'après nos propres raisonnemens. Nous nous
contentons de l'appuyer de quelques passages
détachés qui paraissent l'autoriser,
et nous négligeons, ou nous
considérons légèrement les
parties de la parole de Dieu, qui ne paraissent pas
le favoriser. Nous ne sommes également que
trop disposés à nous prévaloir
des travaux des critiques et des commentateurs,
pour nous soumettre aveuglément à
leurs décisions. Nous pensons qu'une
doctrine est assez bien prouvée, dès
qu'elle peut produire, en sa faveur,
l'autorité de quelque grand nom ; et
nous ne prenons pas la peine d'examiner si elle est
vraie ou fausse. N'est-ce pas rendre au jugement de
l'homme un hommage qui n'est dût qu'à
la parole de Dieu ? Nous surtout, ministres de
Jésus-Christ, qui promettons solennellement,
à notre consécration, de faire de ce
divin livre l'objet principal de nos
méditations, nous
consumons trop souvent notre vie à des
études qui sont étrangères ou
même opposées à notre vocation,
et qui absorbent presque entièrement nos
pensées, tandis que nous ne donnons à
cette parole qu'une attention secondaire. Trop
souvent nous mettons beaucoup de soin à des
objets qui sont infiniment moins utiles que la
méditation de l'Écriture sainte, et
que la comparaison de cette divine parole avec
elle-même, avec ce que nous éprouvons
dans notre coeur, et avec ce que nous voyons et que
nous entendons dans le monde. Examinons-la
attentivement, et nous la trouverons bien
différente de ce que nous la croyons. C'est
ce qui m'est arrivé ; c'est aussi ce
qui arrivera à bien d'autres.
Elle nous apprend que la vraie sagesse,
la connaissance pratique et expérimentale
des choses saintes, ne peut s'acquérir sans
une recherche active et diligente :
« Mon
fils, si tu écoutes mes
leçons, si tu serres mes préceptes
dans ton coeur, si tu prêtes une oreille
attentive à la sagesse, et si tu inclines
ton coeur à la prudence ; si tu
appelles à toi l'intelligence, et si tu
t'adresses 'à la sagesse ; si tu la
cherches comme on cherche l'argent, et si tu y mets
autant d'ardeur qu'à découvrir des
trésors, tu comprendras alors ce que c'est
que la crainte de l'Éternel et tu acquerras
la connaissance de Dieu. »
(Prov. II. 1-6)
Si notre sagesse n'est pas le fruit
d'une ardeur et d'une diligence égales
à celles que l'homme avide des biens de ce
monde, met à les poursuivre, il est à
craindre qu'elle ne soit pas véritable. Une
fois, je m'imaginais posséder une sorte de
sagesse, qui semblait s'offrir à moi
d'elle-même, sans beaucoup de recherches.
Mais je suis maintenant persuadé que
c'était une véritable folie.
La vraie sagesse, celle que je regarde
maintenant comme, telle, ne
s'acquiert pas si aisément. Lorsque je
commençai à la désirer et
à la chercher, je fus convaincu qu'elle ne
se trouvait que dans la parole de Dieu, qui seul
peut nous rendre sages à salut ;
aussi je me considérais dans l'obligation
d'en faire mon étude particulière et
de la méditer en son entier, puisque
« toute l'Écriture, est
divinement inspirée et utile à
enseigner, a à convaincre, à
corriger, et à instruire des devoirs de la
justice. » J'appris à la
regarder comme un livre d'instruction, que mon
Seigneur et mon Maître m'avait remis avec les
fonctions du saint ministère, afin que j'en
tirasse la doctrine, les exhortations, les exemples
et les motifs je devais présenter à
mon troupeau. Je la considérai comme la
charte qui renferme les privilèges du
fidèle, les grandes et précieuses
promesses qui lui sont faites, et tout ce que Dieu
a révélé touchant les biens
ineffables que sa miséricorde a
préparés à
ses rachetés. Je jugeai que pour m'acquitter
fidèlement du message que le Tout-puissant
m'avait confié, il était
indispensable que je connusse toutes les parties de
cette parole, et que je la prisse pour
« une lampe à mes pieds, et
pour une lumière à mes
sentiers. » Je crus devoir donner
toute mon attention, non-seulement à la
lettre, mais aussi au vrai sens des
Écritures, et à l'intention de
l'esprit de Dieu. Cette tâche me parut exiger
beaucoup de temps, un mur examen et un esprit
exempt de préjugés.
Ce fut sous ce point de vue que je
m'appliquai chaque jour davantage à
étudier les Écritures, sans
négliger ni trop rechercher les
interprètes. J'ai employé à
cette étude une partie considérable
de mon temps. Dans le désir sincère
de connaître la vérité, je les
ai méditées, non comme la parole de
l'homme, mais comme celle de Dieu lui-même.
Pendant ces quatre années, j'ai
lu, à plusieurs reprises, toute la Bible, et
j'en ai examiné chaque partie avec toute
l'attention dont je suis capable. J'ai
médité, avec le plus grand soin, la
plupart des passages relatifs à la doctrine,
et je les ai comparés les uns aux autres.
J'ai rarement abandonné une partie des
Écritures avant de m'être rendu compte
de son vrai sens et de son accord avec le reste de
la Bible. Je puis dire avec vérité
que j'ai rempli des rames de papier de sermons, de
lettres et de discussions religieuses ; et
dans toutes ces recherches, je me suis toujours
efforcé de prendre pour mon guide la parole
de Dieu, Depuis ces dernières années,
j'ai à peine ouvert un seul livre qui
roulât sur des sujets étrangers
à la Religion, et je me suis occupé,
du matin jusqu'au soir, méditer sur les
grandes doctrines de l'Évangile. Toutes les
difficultés que Je rencontrais dans le cours
de mes méditations ou de
mes lectures, me conduisaient à la parole de
Dieu ; et jamais je n'échangeais mon
sentiment contre une nouvelle opinion, sans avoir
examiné avec soin tous les passages relatifs
à mon sujet.
C'est donc véritablement avec une
ardeur semblable à celle que l'on met
à la poursuite de l'or que j'ai
cherché la sagesse, ou la
connaissance salutaire des choses divines, dans la
parole de Dieu, seul champ où se
trouve ce précieux
trésor ; et quoique mes
connaissances soient encore celles d'un enfant qui
est à l'école de Christ, j'ose
espérer du moins, que relativement aux
vérités fondamentales de
l'Évangile, je suis parvenu
« à comprendre ce que c'est que
la crainte de l'Éternel, et que j'ai acquis
la connaissance de Dieu. »
Permets-moi, cher lecteur, de te
représenter que tu cours le risque de mal
juger des hommes et de leur croyance, si tu n'as
pas étudié avec exactitude toute la
parole de Dieu. Imite la sage
conduite des fidèles de
Bérée ; examine, sans
prévention, toute la Bible, afin de voir si
elle contient les doctrines que tu professes ou
celles que tu condamnes. Crains qu'en continuant
à en chérir quelques-unes, et
à en combattre d'autres, sans les avoir
examinées, tu ne sois un jour
trouvé avoir servi Satan et fait la
guerre à Dieu. - Oh ! daigne le
Seigneur exaucer ma requête et disposer, par
son Saint-Esprit, tous ceux qui lisent ces paroles,
à examiner attentivement la Bible, non
comme la parole des hommes, mais comme celle de
Dieu lui-même, qui leur parle et qui les
entretient des grands intérêts de
leurs âmes immortelles !
Reçois cet avis, quelque
méprisé et méprisable que soit
celui qui te le donne ; c'est un avis qui est
incontestablement bon ; C'est un avis qu'il ne
se repentira jamais de t'avoir donné,
à l'heure redoutable de la mort, et à
celle plus redoutable' encore du jugement ;
c'est un avis que tu ne te
repentiras jamais d'avoir suivi ; non, tu ne
t'en repentiras jamais, lors même que cette
occupation devrait te détourner
d'études agréables et plus à
la mode, auxquelles tu as jusqu'ici consacré
beaucoup de temps. Mais prends garde : si tu
négliges le conseil que je te donne, cette
négligence sera un nouveau sujet de remords
durant les périodes de
l'éternité.
Puisses-tu prendre en bonne part mes
instances et mes voeux ! Voici : le
souverain Berger de nos âmes vient ; il
va demander aux mauvais pasteurs toutes ces
précieuses brebis qu'ils auront
laissées périr par leur faute !
Veulent-ils les conserver ; qu'ils prennent,
dans la parole de Dieu, le remède et la
pâture. Pour cela, qu'ils consacrent une
grande partie de leur temps à l'étude
du plus excellent, mais trop souvent du plus
négligé de tous les livres. Que
sert-il aux ministres de l'Évangile
éternel d'être de savans docteurs
dans les langues classiques, de
profonds philosophes, des métaphysiciens et
des mathématiciens distingués, des
logiciens habiles, des hommes versés dans
les sciences les plus polies, s'ils ne connaissent
pas les saintes Écritures, ou s'ils n'en ont
qu'une notion superficielle et
erronée ? La littérature et la
philosophie peuvent, il est vrai, les amuser et
leur procurer de l'avancement et de la
réputation dans le monde ; mais la
connaissance de la Bible peut seule leur faire
obtenir le salut éternel de leurs âmes
et les faire travailler avec succès au salut
des âmes commises à leurs soins. Loin
de moi la folle présomption de vouloir
proposer mes opinions comme un modèle de
doctrine, comme une règle pour la foi et la
prédication des ministres mes
confrères. Mais que le pasteur qui
reconnaît qu'il a consacré trop de
temps à des occupations
étrangères à son
ministère, et à qui sa conscience
reproche de s'être plus
adonné à l'étude des ouvrages
des hommes qu'à celle de la parole de Dieu,
considère qu'il peut, par une suite de cette
criminelle négligence, s'être
mépris sur la doctrine
évangélique, et, en se
méprenant lui-même, avoir
égaré les âmes qui lui
étaient confiées. En effet, qui peut
s'assurer qu'il n'eût pas vu la Bible sous un
point de vue bien différent, s'il en avait
fait son unique étude pendant plusieurs
années ?
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