LA FORCE DE LA
VÉRITÉ.
DEUXIÈME PARTIE. (Suite 2 )
Après avoir avancé de la sorte
dans la connaissance de la vérité, je
me rapprochai de M. Newton. Nos relations,
avaient presque entièrement cessé,
dès l'interruption qui eut lieu dans notre
correspondance, c'est-à-dire, depuis
décembre 1775 jusqu'en avril 1777. À
parler franchement, je me souciais fort peu de son
amitié; je ne pouvais souffrir qu'il
fût mon directeur ; et je
ne voulais pas que le monde nous crût unis en
aucune manière. Mais j'eus occasion de
recourir à lui dans de pénibles
circonstances ; et ses pieuses conversations
me fortifièrent et
m'édifièrent tellement, que je
m'attachai à sa personne. Dès ce
moment, je fus intérieurement satisfait de
l'avoir pour mon ami, quoique je ne trouvasse pas
alors le même plaisir que je trouve
aujourd'hui à lui donner ce titre. En me
rapprochant de lui, je n'étais pas dans le
dessein de lui demander des instructions sur la
doctrine. Craignant d'être surpris dans sa
compagnie, j'allais le voir de temps en temps
à la dérobée. Je l'entendis
une fois prononcer un discours ; mais sa
prédication me parut encore une folie, parce
qu'elle roulait principalement sur les
expériences chrétiennes et sur
quelques détails auxquels j'étais
étranger ; ensorte que, tout en aimant
et en estimant sa personne, je le croyais encore
égaré par
l'enthousiasme ; et je soutenais fortement que
nous ne pourrions penser de la même
manière que dans le ciel.
À mesure que j'acquérais
de nouvelles lumières sur ces doctrines, les
inquiétudes que j'éprouvais sur ma
réputation allaient en croissant. Je me
voyais toujours pencher davantage vers le
système que le monde appelle
Méthodisme, et je ne pouvais
l'éviter sans aller contre ma
conscience ; car j'avais pris la ferme
résolution de chercher sincèrement la
vérité, et de l'embrasser partout
où je pourrais la découvrir, sans
écouter aucune considération
mondaine. Soutenu par le Seigneur et par le
sentiment que j'avais agi avec
intégrité, j'avais vu, avec
résignation, et même avec joie,
s'évanouir la perspective de mon futur
avancement. Cependant, je n'oserais assurer que mon
orgueil ne tirât pas quelque consolation du
vain espoir que ma
réputation ne serait pas
perdue ; car la soif des louanges l'emportait
en moi sur celle de l'or. J'avais toujours entendu
représenter les Méthodistes
comme des gens ignorans et abusés, et
quelquefois comme des fanatiques furieux ; et,
en m'applaudissant moi-même de la
supériorité de mon jugement, je les
avais jusqu'alors méprisés comme de
misérables enthousiastes. Aussi je
commençais alors à craindre que la
censure ne se dirigeât contre moi-même,
si je professais leur doctrine. Dès-lors je
ne devais plus être considéré
comme un homme d'un jugement sain, et je devais
passer pour être de ces gens dont la
tête, naturellement faible, a
été tournée par les
études religieuses, et qui, tombés
dans l'enthousiasme, ne sont plus que des fous on
des frénétiques.
Cette épreuve fut la plus
terrible de toutes celles que j'eus à
supporter ; car je n'avais pas encore appris
que nous sommes heureux quand
on nous insulte pour le nom de
Christ. Je ne me souvenais pas que les
Apôtres ont été aussi
regardés comme fous pour l'amour de
lui ; qu'ils ont été
considérés comme ayant perdu le
sens ; qu'ils ont été les
objets de la calomnie comme de la bonne
renommée ; qu'ils ont
été traités de
séducteurs, quoiqu'ils ne dissent que la
vérité ; que partout ils ont
été décriés et
méprisés comme des hommes qui
troublaient les peuples, comme de vains
discoureurs, comme les balayures du monde et le
rebut de la terre.
Je ne considérais pas que
Jésus lui-même, la splendeur de la
gloire du Père, et l'image empreinte de sa
personne, Jésus, la parole et la sagesse de
Dieu, Jésus, qui allait de lieu en lieu
faisant du bien, qui parlait comme aucun homme n'a
jamais parlé, a été
rejeté et méprisé comme ne
méritant pas même d'être
entendu, comme étant
possédé du Diable, et
ligué avec lui, comme un
samaritain, un
frénétique, un
blasphémateur, un
démon.
Mon esprit ne comprenait pas encore ces
déclarations positives :
« Si vous étiez du
monde, le monde vous aimerait ; mais parce que
vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai
choisis d'entre le monde, c'est pour cela que le
monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que je
vous ai dite : le serviteur n'est pas plus
grand que son maître ; s'ils m'ont
persécuté, ils vous
persécuteront aussi
(Jean XV. 19.)
Le disciple n'est pas au-dessus de
son maître, ni le serviteur au-dessus de son
Seigneur. S'ils ont appelé le Maître
de la maison Belzébut, combien plus
donneront-ils ce nom à ses
domestiques ? (
Matth. X : 24. 25. ).
Vous serez heureux, lorsqu'à
mon sujet on vous chargera d'injures, qu'on vous
persécutera, et qu'on dira faussement de
vous toute sorte de mal :
réjouissez-vous alors, et
faites éclater votre joie,
parce qu'une grande récompense vous attend
dans le ciel ; car c'est ainsi qu'on a
persécuté les Prophètes qui
ont été avant vous
(Matth. V. 11. 12.). Et c'est
ainsi que tous ceux qui veulent vivre selon la
piété en Jésus-Christ seront
persécutés. »
(2. Tim. III. 12).
Quand je formai la résolution de
chercher la vérité, je n'avais pas
prévu ces conséquences ;
j'étais semblable en cela à un homme
qui a commencé à bâtir sans
calculer les frais de son entreprise ; aussi
je fus bien troublé, lors que je vis l'idole
favorite de mon coeur, ma réputation,
exposée à un danger imminent.
On comprend sans peine que cette crainte
m'empêchait de recevoir à la
légère, pour importantes et pour
vraies, des doctrines qui devaient sûrement
me nuire, et qu'elle me rendait
très-circonspect sur la manière de
les prêcher.
La lutte fût, en
général, opiniâtre ; mais
Dieu me donna la force de
demeurer fidèle.
« La
nécessité m'en est imposée, et
malheur a moi, si je ne prêche
l'Évangile. »
Telles étaient les paroles
ordinairement présentes à mon esprit,
lorsque j'écrivais mes sermons, et que je
montais en chaire pour les prêcher. J'avais
secrètement résolu, pour me
soustraire à l'opprobre, d'être plus
considéré, lorsqu'une
déclaration hardie de mes sentimens, et une
exhortation vive, adressée aux consciences,
m'attireraient des reproches, et me mettraient en
butte à la calomnie. Mais, quand ce moment
fut venu, ma conscience ne me permit pas de cacher
rien de ce que je croyais vrai et utile. Tout en
accomplissant, au milieu de vives
inquiétudes, la mission qui m'était
confiée, j'avais soin d'accuser
d'enthousiasme ceux qui prêchaient les
doctrines que je n'avais pas encore reçues,
afin de moins blesser mes auditeurs, et de me
mettre moi-même à
couvert de l'accusation de
Méthodisme. D'un autre
côté, le grand désir que
j'avais de conserver ma réputation animait
beaucoup mes prières, et me rendait plus
attentif dans l'examen des Écritures ;
car je voulais bien m'assurer que je ne sacrifiais
pas mon honneur à la profession publique de
« fables inventées avec
art. »
Dans cette disposition d'esprit, que
l'expérience, mieux que toutes les
descriptions qu'on en pourrait faire, fait
comprendre, je lus l'Essai de M. Venn sur la
prophétie de Zacharie (
Luc 1. 67 -79). Je n'ignorais pas le
peu d'estime qu'on en fait dans le monde ;
aussi je ne mis pas beaucoup d'empressement
à le lire, et ne m'attendis pas à en
recueillir un grand fruit. Toutefois, les sujets
intéressans qu'il y traite fixèrent
mon attention ; en sorte que je le lus d'une
manière très-réfléchie,
et avec quelque impartialité. J'y
désapprouvais beaucoup de choses ; mais
l'importance et la
vérité de plusieurs autres
frappèrent mon esprit et ma conscience. J'y
trouvai quelques mots sur ma fausse honte et sur
les précautions insensées que je
prenais pour ménager ma réputation.
Ils firent une profonde impression sur mon
coeur :
« Si l'esprit de
mondanité, d'orgueil, d'indolence
relativement au salut des âmes, et
d'indifférence envers Christ, n'est pas
odieux au Seigneur, et souverainement, funeste aux
hommes, l'Évangile est faux. Avez-vous donc
en horreur la pensée blasphématoire
que la parole de Dieu n'est qu'une vaine
fable ? Eh bien, vous devez également
avoir en horreur de cajoler Christ, chaque jour,
dans votre cabinet ; de l'appeler là
votre Seigneur, votre Dieu, votre bon Sauveur,
votre ami, et d'en sortir ensuite pour entrer en
accommodement avec le monde, et demander aux enfans
du siècle jusqu'à quel
point ils vous permettront
d'obéir aux ordres précis de votre
maître, sans vous appeler Méthodiste.
Cessez de témoigner extérieurement
une fausse fidélité envers Christ,
plutôt que de le traiter avec autant de
mépris, tout en faisant profession de
l'honorer. Plût à Dieu, dit-il
à l'Ange de l'Eglise de Laodicée, que
tu fusses froid ou bouillant ; mais parce que
tu es tiède, et que tu n'es ni froid ni
bouillant, je te vomirai de 'ma bouche. »
Il eût été aussi difficile
de me persuader que le St.-Esprit n'était
pas dans mon âme, lorsque je lus ces paroles,
que de me prouver qu'il n'y a pas de Saint-Esprit.
Elles parlèrent si fortement à mon
coeur, qu'elles m'élevèrent au-dessus
du monde, et me procurèrent cette victoire
que la foi seule donne ; cette liberté
qui accompagne ordinairement la présence de
l'Esprit du Seigneur. Je fus enfin confus de mon
ingratitude et de ma ridicule timidité, et
rempli de consolation et de
joie, à la vue du sacrifice que j'allais
faire de ma réputation, et de l'opprobre
auquel j'allais être exposé.
Dès-lors, à l'exception de quelques
momens d'incrédulité, je ne me suis
point mis en souci de ce qu'on pourrait m'appeler
enthousiaste ou
Méthodiste.
Mais, délivré de la
crainte de me voir en butte à des insultes
non méritées, je continuai à
redouter l'enthousiasme réel et je devins
toujours plus ennemi de tout ce qui peut justement
porter ce nom ; ensorte que plus mes opinions
se rapprochaient de celles que je regardais
injustement autrefois comme le fruit de
l'enthousiasme, plus j'appréhendais que mon
zèle et mon caractère ardent ne me
jetassent dans des erreurs. Je ne pouvais, me
délivrer de cette crainte qu'en m'attachant
plus étroitement à la parole de Dieu
et en priant le Seigneur avec zèle de me
préserver de toute illusion, et de
m'apprendre à discerner
les vérités de sa parole des
inventions de l'homme, des imaginations de mon
coeur et des séductions de l'esprit de
mensonge.
La doctrine de trois personnes
égales dans l'unité divine n'entrait
pas encore dans ma profession de foi. Je
méprisais le grand mystère de
piété. Je blâmai d'abord
les articles de notre liturgie relatifs à
cette doctrine, et, à cause des objections
que me présentait ma raison
téméraire, je finis par les rejeter.
Mais, en 1777, je commençai à
concevoir des doutes sur la solidité de mes
opinions, et sur l'hypothèse du docteur
Clarke. Je venais de lire l'Apologie de
Lindsey, et les prières qui la
suivirent. Avant de connaître ces
traités, j'avais tourné en ridicule
les personnes qui prétendaient
réfuter Clarke., et j'avais même
songé à défendre son
système. Mais quand je vis que
Lindsey accusait hautement ce docteur de
Socialisme, ma surprise
fut extrême, et je résolus d'examiner
le sujet avec plus de soin. Il s'éleva
alors, pour la première fois dans mon
esprit, de fortes objections contre mes propres
idées, et j'aperçus avec
étonnement que j'étais incapable de
défendre mon système. La conviction
et l'orgueil se disputèrent
opiniâtrement la victoire. D'un
côté, je ne voulais, à aucun
prix, devenir Trinitaire dans le sens strict de
ce mot (car dans mon propre sens j'avais
pendant quelque temps prétendu
l'être) ; de l'autre, plus je
considérais mes opinions, plus j'en
étais mécontent.
Jusqu'alors j'avais caché
à M. Newton mes sentimens à cet
égard ; mais mon estime pour lui
s'étant beaucoup accrue, je désirais
m'entretenir avec lui sur ce sujet. En
général, j'avais tâché
d'acquérir la connaissance des
vérités religieuses, recourir
à ses instructions mais sachant que son
opinion sur la Trinité était celle
que l'Eglise avait reçue
dans les premiers
siècles, tandis qu'elle avait toujours
condamné, comme une hérésie,
celle que j'admettais, je cherchai à
profiter des lumières qu'il avait sur cette
importante doctrine. Dans l'anxiété
que me causaient mes doutes, je m'adressai
fréquemment au Seigneur, et je le suppliai
de me faire connaître la
vérité.
Enfin, après de longues
méditations, et un examen attentif des
Écritures, je reconnus que mes anciennes
opinions étaient tout-à-fait
insoutenables, et j'y renonçai pour
embrasser un dogme que j'avais long-temps
méprisé. Je vis, et je ne pus
m'empêcher de voir, que les perfections, les
charges et les oeuvres attribuées, dans
l'Écriture, au Fils et au Saint-Esprit, ne
pouvaient appartenir qu'à Dieu.
J'aperçus qu'il y avait une contradiction
manifeste à nier que Jésus-Christ
fût le vrai Dieu, lorsqu'on croyait à
la satisfaction réelle et
infinie qu'il a offerte par sa mort à
la justice divine.
Je compris également que le
Saint-Esprit ne pouvait être, pour les
croyans, la source de la vie spirituelle, et
habiter dans leur coeur, pour les
régénérer, les
éclairer, les convaincre, les sanctifier ou
les consoler, sans être le Dieu
Tout-Puissant, Tout-Sage, présent en tous
lieux. Convaincu, d'un autre côté, par
la raison et par l'Écriture, qu'il n'y a et
ne peut y avoir qu'un seul Dieu, et sentant que
Dieu peut seul connaître pleinement le mode
de son existence, et les mystères
impénétrables de sa nature, j'adoptai
enfin la doctrine de la Trinité, telle
qu'elle est révélée dans
l'Écriture sainte. Une raison moins
importante, qui contribua à me la faire
recevoir, c'est qu'il la fallait
nécessairement pour mettre de l'harmonie
dans mon système. Cependant, toutes les
difficultés que j'avais rencontrées
sur ce sujet ne disparurent que long-temps
après.
J'avais eu, jusqu'alors, de fortes
préventions contre M.
Hervey ; tout en reconnaissant son
éminente piété, et en
goûtant quelques-unes de ses
méditations je le regardais comme un
enthousiaste en fait de doctrine, et ce
préjugé m'avait ôté le
désir de connaître ses autres
écrits. En juillet 1777, j'ouvris
heureusement ses dialogues intitulés
Theron et Aspasio, et le premier
passage qui se présenta à moi
m'enchanta et m'engagea à lire tout
l'ouvrage avec une attention extraordinaire. Je le
lus deux fois d'un bout à l'autre, et,
à mesure que je rencontrais des choses
contraires à mes sentimens, je priais Dieu
de me faire connaître si j'étais dans
l'erreur. Il daigna exaucer mes
prières ; et, quoique je
différasse, en quelques points, de M.
Hervey, comme j'en diffère encore
aujourd'hui, les preuves et les explications qu'il
présente servirent à la fois à
me convaincre de la chute de l'homme et de son
état de misère, et à
m'instruire sur la
manière dont le croyant est justifié
devant Dieu. La description animée de la
partie de chasse, et l'heureuse application qu'il
en fait, m'éclairèrent beaucoup plus
sur ce sujet que tout ce que j'avais lu
jusqu'alors.
J'avais donc enfin adopté la
plupart des doctrines que je crois et que je
prêche actuellement, à l'exception de
l'élection personnelle et des
vérités qui y sont liées
intimément. Elles m'étaient encore
une folie, et je déclarai même
à M. Newton, en août 1777, que
j'étais assuré de ne jamais admettre
ses sentimens à cet égard. Il me
répondit qu'il n'avait point voulu m'en
entretenir le premier, vu que nous étions
maintenant d'accord sur toutes les
vérités qu'il jugeait absolument
nécessaires au salut ; mais qu'il ne
doutait nullement que je ne devinsse bientôt
Calviniste, parce que je reconnaîtrais
que, sans l'élection, mon système
demeurerait incomplet et
incohérent. Après
avoir été obligé de
reconnaître mes erreurs sur tant d'articles,
à l'égard desquels je me croyais
autrefois dans la vérité, je
commençai à me défier de
moi-même touchant ceux sur lesquels je
différais des Chrétiens de ma
connaissance. Cette disposition ne me portait pas
à adopter aveuglément leurs opinions
sur leur simple autorité, mais à les
examiner avec plus de soin, et à prier Dieu
de me préserver de l'erreur.
Dans le même temps, je fus plus
fréquemment consulté par des
personnes qui étaient fort alarmées
touchant l'état de leur âme. Je
mettais le plus vif intérêt à
cette nouvelle occupation. Touché de leurs
doutes et de leurs peines, le désirais
sincèrement les bien dissiper, et leur
fournir de solides consolations ; mais je
n'avais à leur offrir que des conseils, qui,
loin de les rassurer, ne faisaient qu'augmenter
leurs angoisses. Dans cette position embarrassante,
je priai ardemment le Seigneur
de me donner lui-même les moyens de les
consoler efficacement.
Dans ces circonstances, je lus
l'Économie des deux Alliances, de
Witsius ; je remarquai l'usage qu'il
fait de la doctrine de l'élection, et je
conclus que si cette doctrine était vraie,
elle fournirait à ces fidèles les
encouragemens solides dont ils avaient besoin.
Sortis de leur ignorance, et sentant combien
étaient vaines les formalités
dont s'étaient contentés jusqu'alors,
ou bien, arrachés à une
impiété ouverte et à une
conduite vicieuse, ou enfin, tirés d'une
profonde indifférence sur la religion, ils
avaient été amenés à
s'occuper de leur salut avec sollicitude et ardeur.
Ils paraissaient maintenant avoir une foi
sincère et véritable ; ils
désiraient rester appuyés sur le
sacrifice et les mérites du Seigneur ;
mais, alarmés de leur faiblesse et de leur
malice, ils craignaient de
succomber encore aux
séductions du monde et aux tentations de
Satan, et tremblaient d'être
entraînés de nouveau dans la
carrière du péché. Si leurs
dispositions actuelles étaient
sincères, elles étaient l'aurore de
la grâce ; elles étaient l'effet
du dessein arrêté de Dieu ; et,
la nature entièrement libre et gratuite de
ce don qu'ils avaient reçu pendant qu'ils
étaient dans un état de
rébellion contre lui, l'immutabilité
de ses desseins, et la fidélité de
ses promesses, étaient des gages
assurés qu'il achèverait en eux la
bonne oeuvre qu'il avait commencée, et les
garderait puissamment par la foi, pour leur faire
obtenir le salut.
Découvrant l'usage qu'on pouvait
faire de cette doctrine, après l'avoir
auparavant considérée comme inutile,
et même comme pernicieuse, j'examinai les
objections que j'avais élevées contre
elle. Je commençai à l'envisager
comme un mystère que la
raison de l'homme ne peut
comprendre, et qu'elle ne doit pas sonder avec trop
de curiosité, mais. que la foi doit recevoir
humblement, sur le témoignage de la parole
infaillible de Dieu. Je me vis ainsi contraint de
laisser non résolues plusieurs de mes
objections, ou de les résoudre par la
considération de la nature
incompréhensible de Dieu, dont les desseins
sont impénétrables ; de sa
souveraineté, en vertu de laquelle il est le
maître absolu de ses créatures, et ne
rend compte de ses actions à personne ;
et enfin, par lés déclarations de sa
parole, qui nous enseigne que ses pensées
et ses voies sont autant au-dessus des nôtres
que les cieux sont au-dessus de la
terre.
Ici, j'abandonnai le sujet,
intimément persuadé que la
connaissance de ce mystère surpassait
infiniment la portée de mon intelligence, et
que, puisque Dieu l'avait
révélé, ce n'était pas
à moi à contester
avec lui. Je sais qu'une
pareille soumission ne satisfait pas l'orgueilleuse
curiosité de l'homme, qui voudrait
connaître autant que Dieu, et qui ose
même critiquer les oeuvres de son
Créateur. Moi-même J'ai de la peine
quelquefois à me contenter de cette
solution. mais certes, il nous sied bien mieux,
à nous créatures dont l'entendement
est si limité, de nous soumettre aux
déclarations précises que le Dieu
Tout-Sage nous fait dans sa parole, que de
l'accuser de mensonge par notre
incrédulité ; et c'est aussi ce
que l'Écriture sainte exige positivement de
nous, car notre Seigneur déclare
« que si nous ne recevons le royaume
de Dieu comme de petits enfans, nous n'y entrerons
point. » Le jour viendra où
toutes les objections seront résolues.
« Ici nous marchons par la foi. Nous
ne connaissons qu'en partie et nous voyons à
travers un verre obscur mais alors nous verrons
face à face, et nous
connaîtrons comme nous avons
été connus. »
Espérant donc de trouver, dans ce
monde de lumière, l'éclaircissement
de toutes ces difficultés
métaphysiques, je commençai à
examiner les abus de cette doctrine, car ils
m'avaient toujours paru une des objections les plus
formidables. Mais je reconnus bientôt que, si
des hommes impies, couverts du masque de la
piété, tournent quelquefois la
grâce de Dieu en dissolution, il est
cependant possible d'exposer la doctrine de
l'élection de telle manière que les
pécheurs ne puissent pas en abuser, sans
être réprouvés par leur
conscience, et sans dévoiler eux-mêmes
leur hypocrisie. Je craignis d'abord qu'elle ne
troublât l'esprit du petit nombre de mes
auditeurs bien disposés ; mais je vis
que je pourrais prévenir, en grande partie,
cet inconvénient, en l'exposant avec
circonspection, et surtout en dissipant, par les
promesses
générales faites
à tous ceux qui croient, les craintes que
cette doctrine pourrait inspirer aux
fidèles. D'ailleurs, pour de telles
personnes, une conférence privée ne
manquerait pas de les satisfaire, et leur
montrerait les consolations qu'elles peuvent en
retirer ; et quant à celles qui vivent
dans un état d'impénitence,
l'élection les effrayerait : or, c'est
là le grand but de la
prédication.
Il me restait donc uniquement à
résoudre cette grande question : Cette
vérité est-elle dans la Bible ?
Jusqu'alors j'avais opiniâtrement
négligé de méditer les parties
des Écritures qui en parlent
expressément, ou je m'étais
efforcé de leur donner un sens
différent de celui qu ! elles
présentent. Je me mis donc à les
examiner et à implorer les lumières
du Saint-Esprit ; et bientôt je reconnus
que mes anciennes opinions étaient
insoutenables, et qu'en dépit de toutes les
explications subtiles que je
faisais de ces parties de nos
saints Livres, et de toutes les peines que je
prenais pour en tordre le sens, elles contenaient
la prédestination, l'élection et la
persévérance finale des
saints.
Je reconnus que ces grands dogmes,
décrédités de nos jours,
étaient universellement reçus par nos
vénérables Réformateurs ;
qu'ils étaient, à l'époque de
la réforme, admis dans toutes les
confessions de foi, et dans tous les
catéchismes des Églises
Protestantes ; et en particulier dans nos
Articles et dans nos
Homélies.
Je vis qu'après un mur examen, un
grand nombre d'hommes sages et profonds les avaient
adoptés, non-seulement comme vrais et comme
utiles, mais encore comme des articles de foi que
devaient recevoir nécessairement ceux qui se
jugeaient appelés aux fonctions du saint
ministère.
Je m'aperçus aussi que, sans ces
doctrines, mou système religieux demeurait
incomplet. En effet, je croyais
que les hommes, nés dans le
péché, enfans de colère par
nature, ennemis de Dieu par leurs mauvaises
actions, impies et sans force par
eux-mêmes, sont sauvés par pure
grâce ; je croyais que cette
grâce non méritée leur est
accordée uniquement en vertu de
l'obéissance de Jésus-Christ,
laquelle ils embrassent par la foi, qui est un don
et une oeuvre de l'Esprit-Saint ; je croyais
enfin, qu'en conséquence de cette
grâce, ils sont nés de Dieu,
réformés à son image,
par la puissance de son Esprit, et
créés de nouveau pour les bonnes
oeuvres. C'est pourquoi il me vint dans
l'esprit de chercher de quelle source
étaient originairement
découlées ces précieuses
bénédictions, gratuitement
répandues sur les pécheurs. Je fus
ainsi conduit de la considération des effets
à celle de la cause, et des promesses faites
à l'homme déchu au dessein qui avait
engagé Dieu à les lui faire ; je
fus appelé à
méditer sur sa toute-science, son
immutabilité, son éternité, et
sur la manifestation de ses glorieux attributs,
manifestation qu'il s'est toujours proposée
dans toutes ses oeuvres ; et je compris que,
« toutes les oeuvres de Dieu lui
étant connues de toute
éternité, » la
rédemption devait être aussi
l'accomplissement du dessein éternel qu'il
avait formé d'exalter sa grâce et sa
miséricorde, en même temps que sa
justice et sa sainteté.
Il me parut qu'il s'était
proposé de manifester sa sagesse
infiniment variée, en glorifiant
à la fois toutes les perfections qu'il
paraissait impossible de concilier entr'elles. En
effet, avant que la chute de l'homme et sa
rédemption eussent fait éclater la
miséricorde divine, cette perfection, autant
que nous en pouvons juger, n'avait point
été mise en évidence, et
n'était connue que de Dieu seul. Il
n'eût donc pu la faire briller, s'il
n'eût choisi des objets
sur lesquels elle pût
s'exercer, et s'il n'eût mis en oeuvre
quelque moyen de la manifester, en exaltant ses
autres attributs. Mais, tous les hommes ayant
transgressé la loi divine et étant
déchus de la gloire de Dieu ; aucun
d'eux n'étant disposé de
lui-même à embrasser le salut que Dieu
lui offre par Jésus-Christ, ou seulement
à s'en occuper, je fus convaincu que la
miséricorde seule de Dieu avait pu le porter
à choisir un certain nombre de
pécheurs parmi les hommes déchus,
pour en faire les objets de son amour, et que
son bon plaisir et sa volonté souveraine
sont les seules raisons pour lesquelles il
élit l'un plutôt que l'autre. Je vis
que le salut est entièrement l'oeuvre de
Dieu ; que sa sagesse en a conçu le
plan ; que son amour et sa puissance ont
pourvu, dans la personne, dans les offices et dans
l'oeuvre de Jésus-Christ, à tout ce
qui est nécessaire pour
l'opérer ; que sa providence, pour
appeler ceux qu'elle avait
choisis, a veillé à ce que
l'Évangile fût prêché
partout ; et que son Saint-Esprit seul incline
et dispose leur âme à accepter ce
salut par la foi. De-là, je conclus que
Dieu, qui peut faire ce qu'il veut de ses
créatures, parce qu'aucune d'elles ne
mérite rien,
« nous a élus
(chaque fidèle individuellement) en
Christ, avant la fondation du monde, afin que nous
fussions saints et irrépréhensibles
devant lui en charité ; nous ayant
prédestinés pour nous adopter
à lui par Jésus-Christ, selon le bon
plaisir de sa volonté, à la louange
de la gloire de sa grâce, par laquelle il
nous a rendus agréables en son
Bien-aimé. »
(Eph. I. 4-6.)
En un mot, malgré mes nombreuses
objections, ma longue résistance et ma
grande anxiété, je fus enfin
convaincu, par la parole de Dieu et par mes propres
méditations, de la vérité de
ces doctrines. Dieu sait avec quelle agitation et
quelle crainte, après les avoir
méprisées
jusqu'alors, je leur accordai
une place dans ma confession de foi.
À Noël 1777, je
commençai à les exposer avec
circonspection, pour la consolation de pauvres
fidèles dont l'âme était
timorée. Alors, je ne les croyais propres
qu'à cet usage ; mais je vois
maintenant qu'elles sont intimement liées
à toutes les parties du système
évangélique. Dès-lors, j'ai
continué de les professer, en me renfermant
dans les limites de la parole de Dieu, ne voulant
pas m'élever, par mes propres raisonnemens,
à des choses qu'elle n'a point
révélées.
Ici je dois dire que, bien que je les
croie fermement, et que je les regarde comme
absolument nécessaires à mon
système, soit pour bien m'acquitter de mes
fonctions pastorales, soit pour me consoler et me
rassurer contre les séductions de mon coeur,
contre les illusions du monde, et contre les
pièges d'un méchant
et rusé séducteur,
je suis loin de leur donner la même
importance qu'à celles dont j'ai
déjà parlé. Je puis
aisément concevoir qu'un chrétien
humble, pieux et spirituel, puisse être
entièrement étranger à ces
doctrines, ou même ne les pas recevoir, parce
que, faute de lumière, il en redoute les
conséquences. Mais j'ai peine à
concevoir qu'un homme qui se dit chrétien
puisse méconnaître son état de
chute, la corruption de son coeur, son
éloignement naturel de Dieu, et les
souillures qui entachent ses meilleures
actions : j'ai peine à concevoir qu'il
puisse chercher, en tout ou en partie, sa
justification et son pardon en autre chose que dans
le sang et la justice du Dieu Sauveur,
manifesté en chair ; et
espérer parvenir à
l'héritage des saints dans la
lumière, par une autre voie que par la
régénération et la
sanctification, qui sont opérées par
la vertu du Saint-Esprit.
En novembre 1777, un ami m'envoya un
nombre considérable de livres
composés, la plupart, par d'anciens
théologiens, les uns Dissidens, les
autres membres de l'Eglise Anglicane. La lecture de
ces ouvrages me convainquit de plus en plus que les
doctrines taxées aujourd'hui d'innovations,
et attribuées aux Méthodistes,
étaient alors des vérités
généralement connues et
adoptées, et que le système que je
n'avais voulu apprendre d'aucun homme, et que je ne
m'étais formé qu'après trois
ans de travaux et de sollicitudes, était
universellement reçu à
l'époque de la Réformation.
Je ne m'étonne pas que les
membres de l'Église Anglicane aient, en
général, une grande prévention
contre les écrits des Dissidens, car
moi-même je l'ai éprouvée
à un degré extrême ; et
nous la suçons tous avec le lait de nos
mères. Cependant, tout ami sincère de
la vérité doit en
redouter l'influence, et faire
tous ses efforts pour la rejeter. Comment, en
effet, pourrions-nous savoir où est la
vérité, si nous refusions d'examiner
les deux partis ? Tous ceux qui connaissent
l'histoire de notre Église savent que,
jusqu'au règne de Jacques 1er, il n'y eut
point de controverse touchant la doctrine, entre
les Chrétiens qu'on nomma dans la suite
Puritains, et l'Église
établie.
Après l'introduction de
l'Arminianisme, ceux qui restèrent
fidèles à la doctrine des
Réformateurs, et en particulier à
celle de Calvin, furent appelés
Puritains. Jusqu'alors, tous nos
écrivains ecclésiastiques avaient
été Calvinistes ; et
même, après l'époque dont je
viens de parler, plusieurs docteurs de l'Eglise
Anglicane s'opposèrent à ces
innovations, et continuèrent à
professer la doctrine évangélique
telle que je l'ai exposée. Il suffira de
citer entr'autres les ouvrages du docteur
Reynolds, et ceux de
l'Évêque Hall, et en
particulier, l'excellent ouvrage de ce dernier
auteur, qui a pour titre : Contemplation de
la vie de Jésus. Il n'est aucun partisan
de l'Église Anglicane qui puisse
élever d'objections raisonnables contre ces
deux docteurs : or, en général,
Je n'enseigne rien qu'ils n'aient clairement
enseigné avant moi.
Les traits principaux de mon
système étaient déjà
formés ; mais les recherches auxquelles
je m'étais livré sur la doctrine,
m'avaient tellement occupé, que j'avais
négligé l'étude de mon propre
coeur, et que je connaissais à peine, par
expérience, les vérités que je
venais d'admettre. Mon orgueil, et la vaine
pensée que j'avais un esprit
supérieur, exerçaient encore sur moi
une grande influence. Jusqu'alors, persuadé
qu'il n'y avait, dans tout le cercle de mes
connaissances, personne qui fût capable de me
donner les instructions dont
j'avais besoin, je n'avais pas
été entendre les prédicateurs
de mon voisinage. Mais considérant enfin que
M. Newton m'avait
précédé dans la connaissance
de la vérité, je compris qu'il devait
posséder, sur ces doctrines, dont il faisait
depuis long-temps l'objet de sa prédication,
des connaissances que je n'avais pas encore. En
conséquence, je résolus de suivre ses
prédications et celles de quelques autres
ministres ; mais je ne pus me
dépouiller entièrement de toutes mes
préventions, et j'assistai à leurs
discours, autant avec les dispositions d'un juge
qu'avec celles d'un écolier. J'en reconnus
bientôt l'avantage, car j'y vis
dévoiler les secrets de mon coeur ; et
je m'en retournais rarement sans avoir acquis une
connaissance plus étendue de mes
défauts, de mes faiblesses et de mes
besoins, sans avoir une moindre opinion de
moi-même, sans avoir trouvé de
nouveaux motifs de prier et de veiller. J'appris en
même temps l'usage l'usage
qu'on pouvait faire des expériences
chrétiennes dans la prédication, et
je fus convaincu que le meilleur moyen
d'émouvoir les coeurs était de parler
d'après ce qu'on avait éprouvé
soi-même. Je sentis de plus en plus le besoin
que j'avais d'instruction, et je m'aperçus
que je n'étais encore qu'aux premiers
élémens de la science du salut. Je
commençai à comprendre, par
expérience, le sens de ces paroles du
Sauveur
« Si vous ne recevez le
royaume de Dieu comme de petits enfans, vous n'y
entrerez point..»
Car, quoique mon coeur se
révoltât souvent, et que ma
présomption s'efforçât
d'édifier de nouveau son ancienne
Babel, je priais Dieu continuellement, et je
le prie encore, d'abattre mon orgueil, et de me
rendre un petit enfant, humblement assis aux pieds
de son maître, pour en écouter les
paroles avec empressement et avec docilité.
Dès ce moment, j'ai pu regarder, comme des
pères et de
précieux conseillers, ceux dont les
années et l'expérience ont mûri
les connaissances ; je pus goûter leur
compagnie, apprécier leurs avis, et suivre
avec plaisir leurs prédications.
Ainsi, cet édifice d'erreurs que
j'avais fondé s'écroulait, et le
nouveau, bâti par la main de Dieu,
commençait à s'élever.
« Les choses vieilles
passaient : toutes choses devenaient
nouvelles. Tout ce que j'avais regardé comme
un gain, je l'estimais actuellement une
perte. »
Je reconnus que ma raison avait
été pour moi un conducteur aveugle,
jusqu'au moment où mon coeur fut
humilié, éclairé et
sanctifié par le Saint-Esprit ; je
reconnus que toute ma sagesse n'était que
folie et mon prétendu savoir qu'une
véritable ignorance. Depuis ce temps, tout
ce que j'ai éprouvé, tout ce que j'ai
lu ou entendu, tout ce que j'ai observé
autour de moi, m'a affermi dans ces doctrines. Je
ne doute pas plus maintenant,
qu'elles ne viennent de Dieu, que je doute que le
soleil m'éclaire et me réchauffe,
quand je vois sa lumière et que
j'éprouve la salutaire influence de ses
rayons. Je vois tous les jours les grands effets
qu'elles produisent sur ceux à qui je les
prêche, et moi-même j'en goûte
constamment les bons fruits. En les
méditant, « en me glorifiant en
la croix de Christ, j'éprouve que le monde
m'est crucifié, et que je suis
crucifié au monde. » Je vois
que quand le leur prêche Jésus-Christ,
et Jésus-Christ crucifié, des hommes
dont l'immoralité était reconnue,
« apprennent de la grâce
salutaire à renoncer à
l'impiété et aux passions mondaines,
pour vivre dans le siècle présent,
selon la tempérance, la justice et la
piété. »
Éclairés et
sanctifiés par le Saint-Esprit ils
édifient ceux pour qui ils furent autrefois
des sujets de scandale.
Or, qu'ai-je perdu, même à
l'égard de cette vie, par
ce changement dont je redoutais si fort les
résultats ? J'ai perdu, il est vrai,
quelque degré de considération, et je
n'ai pas échappé à la
pitié, aux censures, au mépris,
à la persécution ; mais le
Seigneur m'a fait trouver de nouvelles relations,
plus désirables que les
précédentes, avec des hommes que le
St-Esprit a appelés « les
Excellents de la terre ; » ce
divin. Esprit a daigné devenir
lui-même mon
« consolateur. » Ma
conscience jouit, en général, d'une
paix solide, fruit du sang de l'Agneau de Dieu
qui ôte les péchés du
monde ; et de mon coeur, mort à
cause de mes doctrines erronées,
s'élèvent continuellement des
prières et des actions de grâces,
inspirées par le Saint-Esprit.
J'éprouve un doux contentement, et,
« déposant toutes mes
inquiétudes aux pieds de celui qui prend
soin de moi, je connais cette paix de Dieu qui
surpasse toute intelligence, » et je
ne suis pas tout-à-fait
étranger à « la joie
ineffable et glorieuse des enfans de
Dieu. » Le monde ne pourrait me
donner ces choses, si j'avais sa faveur ; et
ses dédains ne sauraient m'en priver. Mon
désir, Dieu le sait, est de vivre pour sa
gloire, de faire honneur, par toute ma
conduite, à la doctrine de Dieu mon
Sauveur, de célébrer les louanges de
celui qui m'a appelé des
ténèbres à sa merveilleuse
lumière, d'être utile, autant que
je le pourrai, à ses Bien-aimés, et
d'inviter les pauvres pécheurs
« qui marchent parmi ce qui n'a que
l'apparence, et se tourmentent pour néant,
à goûter et à savourer combien
le Seigneur est doux, et combien sont heureux ceux
qui. se confient en lui. »
C'est ainsi que le Seigneur m'a conduit,
moi pauvre et aveugle pécheur, par un chemin
que je ne connaissais pas ; c'est ainsi que
pour moi il a changé les
ténèbres en lumière ;
qu'il a redressé les chemins
tortus, aplani les montagnes et
comblé les vallées ; et
qu'il m'a amené dans un lieu
découlant de lait et de miel, où je
ne désirais point aller ; et puisqu'il
a tant fait pour moi, je crois et le suis
assuré qu'il ne me laissera point et ne
m'abandonnera point. Que la gloire soit donc au
Seigneur, à cause de cette grâce qu'il
a accordée au mortel le plus indigne ;
et à moi la confusion que je mérite,
à cause de mes péchés et de la
coupable résistance que j'ai opposée
aux dispensations de son amour. Mais Dieu a permis
tout cela pour humilier et dompter mon esprit et
mon cœur, et pour « me faire
ressouvenir de ma honte, afin que j'en fusse
confus, et que je n'ouvrisse plus la bouche
maintenant qu'il est apaisé envers moi,
à l'égard de tout ce que j'ai
fait. »
Je viens de donner, en la
présence de Dieu, qui sonde les coeurs, une
histoire fidèle de ce qu'il a fait à
mon âme ; et si cette
expression ne plaît pas au lecteur, je dirai
un récit du changement qui, à la
grande surprise de quelques-uns de mes amis, et
peut-être au déplaisir de quelques
autres, s'est opéré naguère
dans mes sentimens et dans ma conduite. On
prétend que les doctrines que j'ai
adoptées favorisent la licence, et
détruisent les principes. de la
morale ; mais, bien. que je sois convaincu que
toute « ma justice est comme un
vêtement souillé, » je
crois pouvoir remercier Dieu de ce qu'il m'a
soutenu par sa grâce depuis ce changement, et
n'a point permis que je déshonorasse, par
une conduite immorale, la cause que j'ai
embrassée. Je me réjouis de
« ce que je me suis conduit dans le
monde avec un cœur simple et sincère, devant
le Seigneur, non selon la sagesse de la chair, mais
selon la grâce de Dieu. » Je
puis dire, avec confiance. que la foi en ces
doctrines a produit sur moi un effet
tout-à-fait contraire à celui qu'on
leur attribue faussement ;
car le sujet de mes plus ardens désirs et de
mes prières les plus ferventes, c'est que
Dieu me rende capable de l'aimer, de garder ses
commandemens sans hypocrisie, et de pouvoir,
par une bonne conduite, imposer silence à
l'ignorance des hommes insensés. Si,
malgré cela, je pèche en beaucoup de
choses, ce n'est pas dans ces doctrines qu'il faut
en chercher la cause, mais dans la corruption du
vieil homme et les séductions de mon
coeur.
O Dieu ! créé en
moi un cœur net, et renouvelle au-dedans de moi un
esprit bien disposé !
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