Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA FORCE DE LA VÉRITÉ.

DEUXIÈME PARTIE. (Suite 1 )


À cette époque je m'engageai follement dans une suite de visites et de distractions, qui me détournèrent de la prière et de la méditation, et me rendirent les Écritures et les études théologiques insipides et ennuyeuses ; funeste mais inévitable conséquence d'une vaine complaisance pour le monde. Quelque temps, mon ardeur fut éteinte, mon anxiété dissipée, et mes recherches ralenties. Je ne suspendis pas néanmoins entièrement mes méditations chrétiennes, et je continuai, en général, mes dévotions journalières et la lecture des saints livres ; mais ces exercices manquaient d'ardeur et de vie. Peu de temps après, méditant avec attention le discours de notre Seigneur à Nicodème, (Jean III. ) je sentis un désir inquiet de comprendre cette intéressante partie des Écritures, et surtout de connaître ce qu'il fallait entendre par cette naissance nouvelle, ou naissance de l'Esprit, que notre Seigneur déclare absolument nécessaire au salut. Je compris bien qu'il était absurde de supposer, que des expressions aussi fortes n'eussent rapport qu'au baptême d'eau. Les sermons de Tillotson sur ce point ne me satisfirent nullement. Je m'imaginais qu'il fallait entendre par la régénération un changement entier non-seulement dans la conduite, mais aussi dans le coeur; néanmoins ne le connaissant pas alors par ma propre expérience, je ne pouvais en comprendre la nature. Toutefois, après avoir imploré les lumières du St.-Esprit, j'entrepris de prêcher sur ce sujet ; mais je n'en parlai que d'une manière obscure, et j'employai une partie considérable de mon discours à déclamer contre les visionnaires et les enthousiastes. Je fus cependant si satisfait de mon ouvrage, que je l'envoyai à Mr. Newton avec qui je correspondais, et qui me fit part à son tour de quelques discours qu'il avait composés sur la même matière. Mais quoique le désir que j'avais de comprendre la pensée du Sauveur sur ce point important fût vif et sincère, j'étais trop orgueilleux pour me laisser instruire par un autre. Je jetai donc négligemment les yeux sur quelques-uns de ses sermons et je lui rendis son manuscrit, sans l'avoir sérieusement examiné.

Il ne m'arriva rien de remarquable jusqu'au printemps suivant 1776, époque à laquelle j'établis, d'après le conseil de l'Évêque Burnet, une lecture de la Bible dans chacune de mes paroisses. Cette lecture, qui se faisait une fois par semaine, était destinée à l'explication de nos saints livres et elle me fournit l'occasion d'examiner attentivement plusieurs passages qui jusqu'alors avaient échappé à mon examen. Ce fut pour moi une grande occupation d'esprit que de concilier ces passages les uns avec les autres, et de les rattacher convenablement au système que je m'étais formé. Je n'avais fait que de légers progrès dans la connaissance de la vérité, lorsque l'entendis recommander dans un sermon l'ouvrage qui a pour titre : Vue sur l'évidence intérieure du Christianisme, par Mr. Jenyns.
Je le lus sur cette recommandation ; et cette lecture imprima profondément, dans mon esprit et dans mon coeur, la vérité et l'importance de la révélation évangélique, et me donna des vues plus claires sur le dessein que Dieu s'était proposé en accordant aux hommes son Évangile. Enfin, après beaucoup de réflexions sérieuses et de prières ferventes, je fus éclairé sur la réalité et sur la vraie nature, de la propitiation que Jésus-Christ a faite par sa mort pour les péchés du monde ; car jusqu'alors je n'avais guère eu, sur ce point fondamental du Christianisme, d'autres sentimens que ceux de Socin.

Malheureusement, cet avantage fût bientôt contrebalancé par la publication de l'ouvrage intitulé : Doctrine de nos Saints Livres sur la Trinité par le Docteur Clarke, et par la controverse dont elle fut suivie. Cet ouvrage devint à cette époque l'objet de mon étude favorite. Le système Arien est si incompatible avec la raison, que l'on a sujet de s'étonner que les hommes qui l'ont embrassé pour éviter des conclusions qui, selon eux, sont mystiques et déraisonnables, n'aient pas adopté, pour la même raison, le système de Socin.

Aller de l'Arianisme au Socinianisme, du Socinianisme au Déisme, et du Déisme à l'Athéisme, telle est la marche naturelle d'une raison orgueilleuse. Ils ne sont hélas ! que trop nombreux les tristes exemples de ces hommes qui n'ont montré les titres qu'ils s'arrogent à la qualité d'esprits forts, qu'en suivant, du moins en partie, cette route glissante et fatale. Mais lorsqu'un homme est descendu jusqu'au Socinianisme, non par un défaut de lumière, ou en adoptant en aveugle les opinions d'autres hommes, mais en s'appuyant sur son propre jugement, et en préférant les décisions de sa raison aux déclarations infaillibles de l'Esprit-Saint, il est rare de le voir revenir graduellement du Socinianisme à l'Arianisme, et de l'Arianisme à la doctrine reçue de la Trinité. Tel a été cependant mon cas.
Le docteur Clarke me parut établir son opinion d'une manière si irréfragable, l'appuyer de témoignages si exprès des Écritures, défendre si bien son système et l'entourer d'un si grand nombre d'autorités, que je ne pus garder plus long-temps mes principes sociniens, et me vis contraint de les abandonner. Je ne m'aperçus pas alors du vice qu'il y avait dans le raisonnement qu'il fait et dans la conséquence qu'il tire, savoir: que le Fils et le St.-Esprit, bien que souverainement exaltés, et honorés des noms et des titres les plus sublimes, sont nécessairement de simples créatures, sans quoi il y aurait trois Dieux. N'apercevant pas la fausseté de cette conclusion et trouvant ce système fort commode, et fort propre à concilier le respect que j'avais acquis récemment pour les Écritures avec la passion que j'avais de raisonner partout, j'accédai de bon coeur à la doctrine dé Clarke, et pendant long-temps je n'en pus souffrir aucune autre.

Il ne m'arriva rien de remarquable jusqu'en Décembre 1776. À cette époque, je vins à ouvrir nonchalamment l'Appel Sérieux de Mr. Law, ouvrage que j'avais jusqu'alors regardé avec mépris ; mais à peine eu eus-je parcouru quelques pages, que je fus frappé de l'originalité, de l'esprit, et de la force d'argumentation qui y règnent. Je ne veux parler ici que de la forme de cet ouvrage ; car il renferme plusieurs choses que je suis loin d'approuver ; et assurément je connais peu de livres religieux qui contiennent moins l'Évangile que celui-là. Mais, quoiqu'il n'ait presque aucune utilité pour une personne profondément convaincue de péché, et alarmée touchant l'état de son âme, il en a une grande pour préparer les voies à la conversion ; il nous montre le besoin que nous avons d'un Sauveur et nous excite à une diligence proportionnée aux grands intérêts du salut. Ce fut là l'usage que j'en fis. Cette lecture me convainquit que j'étais coupable d'une extrême négligence et d'un délai criminel ; que les devoirs de dévotion privée exigeaient beaucoup plus de temps et d'attention que je n'y en avais mis jusqu'alors ; et que si je voulais sauver mon âme et celles de mes auditeurs, je devais réformer ma conduite à cet égard, et redoubler d'activité dans la recherche et le service du Seigneur. Dès-lors, je m'étudiai à rendre mes dévotions plus ferventes et plus utiles ; j'écrivis et j'appris par coeur des prières prises de l'Écriture ; je lus des manuels de dévotion, et j'essayai d'en composer moi-même ; en un mot, je devins plus zélé, plus assidu, et j'ose croire, plus spirituel dans mes dévotions et dans mes prières.

Enfin, après bien des délais, j'obéis à la voix de ma conscience, et je renonçai à toutes les occupations étrangères aux fonctions pastorales, fermement résolu d'abandonner au Seigneur le soin de mes intérêts temporels, et de me dévouer entièrement à l'oeuvre de ma vocation. Je dirigeai alors toutes mes réflexions et mes recherches vers la religion ; et, pendant plusieurs années, je n'ouvris guère un seul livre qui traitât d'un autre sujet.

Pour faciliter ces recherches, je fis usage de deux livres de notes ; l'un me servait à recueillir les passages remarquables de divers auteurs, et je notais dans l'autre les passages de l'Écriture qui sont relatifs aux dogmes les plus importans et les plus contestés. Mais, quand mes occupations se multiplièrent, j'abandonnai cette méthode. Cependant elle servit à me faire connaître plusieurs passages auxquels je n'avais donné auparavant aucune attention, et me prépara un recueil de témoignages puisés dans l'Écriture, qui m'aidèrent à composer mes sermons de doctrine.

Je lus, en janvier 1777, un pompeux éloge des ouvrages de M. Hooker, qu'on honorait du titre de judicieux. Cet éloge piqua ma curiosité et m'engagea à les lire. Je rencontrai, dans son Discours sur la justification, un passage remarquable que je transcrirai ici, à cause de sa beauté et de l'influence qu'il eut sur mes principes religieux :

« Quand bien même nos mains ne feraient jamais violence à nos frères, une pensée haineuse suffit pour nous rendre meurtriers devant Dieu (1). Quand bien même nos bouches ne s'ouvriraient jamais pour prononcer de parole scandaleuse, injurieuse ou méchante, le cri de nos pensées secrètes est entendu de l'Éternel. Quand bien même nous n'aurions pas commis ces péchés où nous retombons chaque jour et à chaque instant, combien de défauts qui souillent nos meilleures actions ?
C'est à la volonté et à l'intention que Dieu regarde. Si donc nous retranchons du nombre de nos bonnes oeuvres toutes celles dans lesquelles nous n'avons eu en vue que notre propre gloire, et nous ne nous sommes proposés que de plaire aux hommes ; en un mot, si nous retranchons toutes celles que nous avons faites par un autre motif que par amour pour Dieu, que nous restera-t-il ? Examinons ensuite la plus sainte et la plus juste de nos actions : certes, nous ne sommes jamais mieux disposés envers Dieu que lorsque nous le prions ; et cependant, combien, dans cet acte si solennel, nos affections sont détournées de lui ! Quel peu de respect pour l'infinie Majesté du Dieu à qui nous parlons ! Quel faible regret de l'avoir offensé ! Combien de fois ne sommes-nous pas ennuyés de commencer nos prières, et joyeux de les finir ; comme si Dieu, en nous disant invoque-moi, ne nous eût imposé qu'une tâche pénible et fastidieuse ! Je ne vous proposerai qu'une question : Si Dieu vous offrait de faire grâce, je ne dis pas à une seule ville, comme il l'offrit jadis à Abraham, à condition qu'elle compterait cinquante, quarante, trente, vingt, ou ni même dix justes mais aux hommes et aux anges rebelles, à condition qu'il y aurait, dans toutes les générations humaines un seul homme qui eût fait une seule action parfaitement pure croyez-vous que vous le trouveriez parmi les fils d'Adam ?

Si donc il y a dans nos meilleures actions mêmes un vice, une tache qui a besoin d'être pardonnée, comment pourrions-nous faire une oeuvre qui fût méritoire et digne de récompense ? Il est vrai que Dieu promet libéralement tout ce qui appartient à la vie et à la piété à ceux qui gardent sa loi aussi parfaitement qu'ils le peuvent, quoiqu'ils soient incapables de l'observer entièrement ; aussi reconnaissons-nous la nécessité de bien faire. Mais nous nions absolument que nos bonnes actions aient rien de méritoire. Nous voyons combien nous sommes loin de la justice parfaite que la loi exige, et Dieu sait combien il y a de corruption et de souillure dans le peu de fruit que nous portons. C'est pourquoi nous n'avons garde d'y mettre aucune confiance quelconque. Nous n'avons garde de rien réclamer auprès de Dieu, pour de si misérables bonnes oeuvres, et nous n'osons l'appeler à entrer en compte avec nous, comme s'il était notre débiteur. Mais le sujet continuel des prières que nous lui adressons est, et doit être, qu'il supporte nos infirmités, et pardonne nos offenses. »

En lisant ce passage, je fus frappé de la rigueur et de la spiritualité de la loi divine, et de la perfection qu'un Dieu saint et juste peut exiger de ses créatures ; et je fus convaincu que les devoirs que j'avais le mieux remplis et dans lesquels j'avais placé ma confiance, n'étaient autre chose que des péchés cachés sons de belles apparences, et que toute ma vie n'était qu'un enchaînement de transgressions. Je compris alors le sens de cette parole de l'Apôtre :
« Nulle chair ne sera justifiée devant Dieu par les oeuvres de la loi ; car la loi donne la connaissance du péché. » (Rom. III. 20.) Toutes les difficultés que je m'étais formées sur ce sujet s'évanouirent ; toutes les distinctions que je m'étais créées, tous les raisonnemens que j'avais faits sur le sens des mots loi et justification tombèrent à la fois : je ne m'en amusai pas davantage, pleinement persuadé que tous les hommes sont si manifestement transgresseurs de tous les commandemens de la loi divine, que nul d'entr'eux ne peut être justifié devant Dieu par l'obéissance à cette loi. Je sentis que si Dieu m'eût alors appelé à comparaître devant son tribunal, j'aurais été condamné, selon la rigueur de sa loi, comme un transgresseur, pour le devoir même que j'avais le mieux rempli ; car ce devoir, pesé dans la balance du sanctuaire, eût été trouvé infiniment léger ; et ainsi je vis que je ne pouvais être sauvé que par la pure miséricorde de Dieu. Mais ce ne fut que long-temps après que j'appris à connaître la voie de la grâce.

Immédiatement après, je pris pour texte ce passage des Galates ( III. 22) :
« L'Écriture a tout renfermé dans le péché, afin que la promesse par la foi en Jésus-Christ fût donnée à ceux qui croient ; » et je prêchai conformément à la doctrine de Hooker. Pour prouver de la manière la plus convaincante que le salut vient de la grâce par la foi, et non des oeuvres, afin que personne ne se glorifie je m'attachai à montrer à mes auditeurs aussi fortement que je le pus, que nos meilleures oeuvres mêmes sont, souillées, et que nous avons toujours besoin de la miséricorde divine.
Mais je n'étais pas encore capable d'adopter le vigoureux passage de Hooker, qui vient immédiatement après celui que j'ai cité :

« Si nous voulons être justifiés devant Dieu, ne parlons pas de notre propre justice ; nous ne pouvons être justifiés par aucune qualité qui nous soit inhérente ; mais Christ est la justice de tous ceux qui sont en lui. C'est à cause de notre union avec lui que Dieu nous trouve justes ; et c'est par la foi en son sacrifice que nous sommes incorporés à lui. Ainsi, quoique nous ne soyons, par nous-mêmes, que péché, si nous sommes trouvés en Christ par la foi, Dieu nous voit d'un oeil de miséricorde ; efface nos péchés, en ne nous les imputant point ; nous exempte du châtiment qui nous était dû ; et nous accepte en Jésus-Christ, comme si nous étions parfaitement justes, et que nous eussions accompli toute la loi ; dirai-je plus parfaitement justes que si nous l'eussions accomplie nous-mêmes ?

Je dois prendre garde à mes paroles. Mais l'Apôtre déclare que Dieu a fait que celui qui n'a point connu le péché devînt péché pour nous, afin que nous fussions justice de Dieu en lui. (2) Nous sommes donc aux yeux de Dieu le Père comme le Fils de Dieu lui-même. Qu'on estime cela folie, fanatisme ou enthousiasme, n'importe ; c'est notre consolation et notre sagesse ; et nous ne voulons savoir autre chose que cette vérité : c'est que l'homme a péché, et que Christ a souffert ; c'est que Dieu a traité le Juste comme un pécheur, afin que nous qui sommes pécheurs fussions traités comme justes. »

Les paroles suivantes, du même auteur, sont également positives et frappantes :

« Tous ceux, dit-il, qui soutiennent, avec l'Eglise de Rome, que nous ne pouvons être sauvés sans une justice personnelle, rejettent, non par une série de conséquences éloignées, mais directement, la grande vérité qui fait le fondement de la foi ; ils ne la retiennent pas même par un simple fil. »

Si l'on admet le jugement du judicieux Hooker sur ce point important, et je crois qu'il n'est pas facile de le réfuter, je crains fort que le fondement de la foi ne soit conservé que par une bien petite partie de l'Eglise qui a secoué le joug de Rome.
Voici comment il défend sa doctrine contre les objections des Papistes ; car il n'y avait alors que les Papistes qui la combattissent ouvertement :

« C'est une objection bien puérile que celle que nos adversaires nous opposent continuellement au sujet de la justification, lorsqu'ils s'écrient : que nous foulons aux pieds toutes les vertus chrétiennes ; que nous n'exigeons des Chrétiens que la foi, en enseignant que la foi seule justifie. Mais nous n'avons jamais voulu prétendre que dans l'homme justifié l'espérance et la charité. soient séparées de la foi, et que les oeuvres ne doivent pas y être jointes comme des devoirs nécessairement requis de tout homme justifié. Nous avons seulement voulu dire que. la foi nous revêt de la justice de Jésus-Christ ; que ses mérites sont le seul vêtement, qui, mis sur nous couvre la honte de notre nature souillée, cache les imperfections de nos oeuvres, et noirs présente, sans tache aux yeux de Dieu. Autrement, la faiblesse seule de notre foi suffirait pour nous rendre coupables devant l'Éternel, et nous exclure du Royaume des cieux, où rien d'imparfait ne peut entrer. »

Si j'eusse rencontré de semblables passages dans les écrits des Dissidens, ou dans quelques-unes de ces pièces modernes que le monde condamne sans les lire, en les flétrissant du titre d'ouvrages méthodistes, ou qu'il ne lit qu'avec une prévention insupportable, je les eusse rejetés avec mépris comme les productions d'une imagination échauffée ou d'un grossier enthousiasme. Mais je savais que Hooker était reconnu pour être parfaitement orthodoxe, et qu'il passait pour un écrivain du premier mérite chez les prélats de l'église de son temps. J'avais appris, par sa dispute avec M. Travers, que les zélés Protestans de son siècle l'avaient publiquement accusé de faire de trop grandes concessions à l'Eglise Romaine, au sujet de la justification. Je n'avais jamais oui dire qu'il dit été taxé d'enthousiasme ; et d'ailleurs, la solidité de son jugement, et la pénétration de son esprit se manifestaient assez dans ses ouvrages. Ainsi, l'opinion de ce docteur fut une grande autorité pour moi; elle m'inspira des doutes sur mes premiers sentimens, m'engagea à faire de sérieuses recherches sur ce sujet, et à prier le Seigneur de me faire connaître la vérité. Après beaucoup de doutes et d'objections, et l'examen attentif de la parole de Dieu, j'accédai en partie aux sentimens de Hooker.

Mon opinion est présentement celle qu'expriment les passages mentionnés de cet auteur, et elle se fonde sur les mêmes raisonnemens. Quiconque voudra renverser notre doctrine de la justification par la foi seule, sera donc obligé de répondre d'abord à ces passages de M. Hooker.

De toutes les doctrines que je prêche maintenant, au déplaisir de plusieurs personnes, à peine s'en trouve-t-il une seule qui ne soit clairement enseignée dans les écrits de ce célèbre docteur. Je citerai pour exemple son Sermon sur la perpétuité de la foi dans les élus, où il prouve, par des passages de l'Écriture, la persévérance finale des vrais croyans, et qu'il termine par ces belles paroles, qui sont le triomphe de la foi chrétienne :

« Je sais en qui j'ai cru. Je n'ignore pas combien est précieux le sang qui a été versé pour moi ; j'ai un pasteur plein de bonté, de miséricorde et de puissance, en qui j'ai mis tout mon espoir. Il a gravé de son doigt, sur la table de mon coeur, ces paroles consolantes : Satan a demandé à te cribler comme on crible. le blé; mais j'ai prié pour toi de peur que ta foi ne défaille. Par la puissance de la prière, et avec les secours de mon Dieu, je m'efforcerai donc de garder jusqu'à la fin, comme un précieux joyau, cette douce espérance. »

Je souhaite vivre, et j'espère mourir avec ces paroles dans ma bouche, et avec cette assurance dans mon coeur. Il n'est pas besoin, je pense, que je m'excuse d'avoir cité ici les paroles de cet ancien auteur. Les passages que j'en ai extraits sont dignes de l'attention du lecteur, et pourront, peut-être, engager quelques personnes à lire son ouvrage dont elles ont jusqu'ici ignoré le mérite. Je recommande surtout l'examen impartial de sa doctrine à ceux qui admirent en lui le défenseur de la discipline de notre Église, et qui lui accordent volontiers l'honorable titre de judicieux. Cela mettrait, fin à toutes les déclamations de l'ignorance et de la malice ; et l'on cesserait de taxer d'innovations les doctrines que je viens d'expliquer et de défendre par les propres paroles de M. Hooker.

Cet auteur, je l'avoue, admet beaucoup de choses auxquelles je suis loin de souscrire ; cependant, je bénis Dieu, du fond de mon coeur, de me l'avoir fait connaître à cette époque ; car le premier changement heureux qui s'opéra dans mes vues sur l'Évangile, fut le résultat de cette lecture.
Avant de quitter M. Hooker, je citerai encore un passage tiré de son 2e Sermon sur une partie de l'Épître de St. Jude. Il s'adresse ainsi aux Pasteurs chargés de paître les Élus d'Israël :

« S'il y a en vous quelque sentiment chrétien, quelques étincelles du feu sacré de l'Esprit-Saint, ranimez-les ; travaillez avec zèle à vous fortifier vous-mêmes dans la foi, et à édifier votre troupeau. Je dis d'abord à vous fortifier vous-mêmes, car celui qui voudra embraser de l'amour de Christ les autres hommes doit brûler lui-même de cet amour.
C'est notre défaut de foi, mes frères, qui nous rend insoucians à l'égard de l'édification des autres. Pourquoi abandonnons-nous l'héritage du Seigneur, et négligeons-nous de paître ses brebis ? C'est que nous portons nos désirs là où ils ne devraient pas être; c'est que, semblables à ces créatures humaines qui se repaissent de cendres on d'ordures, lorsqu'elles pourraient se rassasier de la meilleure nourriture, nous sommes affamés, les uns d'honneurs, les autres de plaisirs, les autres de richesses; et, de cette manière, l'Évangile nous devient insipide. Comment pourrions-nous donc nourrir les autres d'un aliment pour lequel nous n'avons point de goût ? Si la foi devient faible et languissante dans le coeur du prophète, elle défaillera bientôt chez le peuple. »

Il est inutile que je propose mes réflexions sur ce passage ; il suffit que je rappelle les paroles de Salomon ( Ecclés. I. 9. 10.) :
« Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Est-il quelque objet dont on puisse dire: voyez, ceci est nouveau ? Ne ne l'a-t-on pas déjà vu dans les siècles passés ? ( Eccl. III. 15. ). Ce qui a été autrefois est aujourd'hui : ce qui doit être a déjà été. » Je le répète à ma honte, quoique j'eusse souscrit deux fois aux Articles qui déclarent que le Livre des Homélies (3) contient la saine et véritable doctrine je n'avais jamais lu ce livre; et, quant à cette doctrine, je ne la comprenais pas. Mais enfin, sérieusement engagé dans la recherche de la vérité, et, ayant conçu, par la lecture des ouvrages de Hooker, une opinion plus favorable des anciens théologiens, je fus disposé à examiner ces Homélies, et j'en lus une partie avec attention. Plusieurs choses, il est vrai, me semblèrent dures à entendre, et difficiles à recevoir; d'autres cependant servirent à m'instruire, surtout sur la justification. J'aperçus que cette' doctrine, que j'avais jusqu'alors méprisée comme étant particulière aux Méthodistes, était incontestablement celle de l'Eglise établie, au moment où les Homélies furent composées ; d'où je conclus qu'elle devait l'être encore aujourd'hui, puisque, bien que décriée, elle n'a rien perdu de son autorité pour tous ceux qui souscrivent aux trente-neuf articles : ensorte que, si la lecture du Livre des Homélies n'acheva pas de me convaincre pleinement de la vérité de cette doctrine, elle servit du moins à dissiper les préventions que j'avais contre elle.

À cette époque, ma prédication produisit un effet nouveau et inattendu. Je m'étais contenté jusqu'alors de voir les gens assister régulièrement à l'Eglise, écouter attentivement ce qu'on y disait, et tenir une conduite décente et honnête. Conduit moi-même par le Seigneur d'une manière douce et progressive, sans avoir éprouvé beaucoup de sollicitude à l'égard de mon âme, je n'avais pas fait la réflexion que mes auditeurs ne suivraient pas une voie aussi graduelle et aussi insensible. Aussi, dès que je prêchai la rigueur, la spiritualité et la sanction de la loi de Dieu, de manière à troubler les consciences, je fus très-surpris de me voir consulté par plusieurs d'entre eux vivement inquiets sur le salut de leur âme. Leur conscience s'étant réveillée à la vue de la condamnation sous laquelle ils étaient par leur nature et par leur conduite, ils recherchaient avec alarme ce qu'ils avaient à faire pour être sauvés. Je ne savais guère que leur dire ; car je n'avais alors de l'Évangile que des vues très-obscures, et mes idées sur la justification étaient encore très-confuses. Incapable de les instruire sur la vraie nature de la foi et sur les moyens de l'acquérir, je les exhortais, d'une manière générale, à croire au Seigneur Jésus-Christ. Je les invitais aussi, et c'était avec plus de connaissance, à amender leur vie, et à étudier les Écritures, en priant Dieu de leur en donner lui-même l'intelligence. Par ces moyens, le Seigneur les appela tout doucement à lui. Privés d'un bon directeur, ils furent long-temps avant d'être affermis dans la foi. Quelques-uns cependant, plus indépendans des préjugés et d'une raison orgueilleuse, me devancèrent dans la connaissance de la doctrine évangélique et dans la pratique de la piété; et, sans en avoir l'intention, ils m'instruisirent sur plusieurs points, et me rendirent ainsi un service important.

La pensée que je devais exhorter mes semblables à s'occuper avec ardeur de leur salut, lorsque j'entendais moi-même si peu le véritable Évangile de Jésus-Christ, accroissait beaucoup ma perplexité. Craignant d'égarer ceux qui me confiaient la direction de leur âme, je redoublai d'ardeur pour connaître la vérité : Je lus et je méditai plus exactement la parole de Dieu et j'adressai au Seigneur des prières plus ferventes, pour obtenir sa bénédiction et la lumière de son Saint-Esprit. Toutes les fois que je rencontrais, quelque difficulté, je le priais de me préserver de l'erreur, et de me rendre capable de discerner les vérités révélées dans sa parole des inventions et des traditions des hommes.

À cette époque, j'établis dans ma seconde paroisse une lecture de la Bible, pour chaque semaine, et cet exercice servit à me rendre plus familières les diverses parties de la parole de Dieu. En écrivant les réflexions que je faisais, j'avais coutume de comparer tous les passages qui étaient cités à la marge de ma Bible, et de les expliquer les uns par les autres. Cette méthode enrichit ma mémoire de plusieurs portions des Écritures, et me mit en état de traiter avec plus d'exactitude les sujets de doctrine.

Dans le cours de l'hiver de 1777, je fus appelé à méditer sur le passage de St. Luc ( XI. 9 - 13.), relatif au Saint-Esprit que Dieu accorde, à ceux qui le lui demandent.
Après avoir recueilli tous les passages que je pus trouver sur cet important sujet, après les avoir attentivement comparés les uns avec les autres, après les avoir médités et avoir ardemment prié le Seigneur d'accomplir sa promesse à mon égard, j'écrivis deux sermons ; le premier avait pour texte ces paroles (Luc XI. 13.) : « Si donc, vous qui êtes méchans, savez bien donner de bonnes choses à vos enfans, combien plus votre Père céleste donnera-t-il le Saint-Esprit à ceux qui le lui demandent. )

Le texte du second était ce passage de St. Jacques (1. 16. 17-):
« Mes frères bien-aimés, ne vous abusez point : toute grâce excellente et tout don parfait vient d'en haut, et descend du Père des lumières. »
J'acquis par-là de nouvelles idées sur les privilèges et les devoirs des Chrétiens à cet égard; et dès-lors, je présentai mes requêtes au Seigneur avec plus d'exactitude et plus de foi qu'auparavant.

Je dois ici reconnaître les obligations que j'ai à l'Évêque Beveridge. - Lorsque je commençai à lire ses sermons, je conçus de lui une opinion défavorable, et ce ne fut que long-temps après que je pus me résoudre à examiner plus attentivement ses écrits. Mais, quand j'eus fait plus de progrès dans la recherche de la vérité, les singularités, qui me choquaient d'abord, me déplurent beaucoup moins ; je commençai même à goûter la simplicité, la spiritualité, l'amour de Christ et des âmes que cet auteur manifeste dans la plupart de ses écrits. Ils furent pour moi une source de grandes lumières ; en particulier son sermon sur la satisfaction réelle, opérée par la mort de Christ, pour les péchés des croyans, fut l'heureux moyen dont Dieu se servit pour affermir ma foi en cette doctrine fondamentale du Christianisme. Le Vendredi-Saint 1777, je prêchai sur ce sujet, en prenant pour texte le passage d'Ésaïe ( LIII. 6. ) :
«Nous avons tous été errans comme des brebis; nous nous sommes détournés chacun en son propre chemin, et l'Éternel a fait venir sur lui l'iniquité de nous tous. »

Je m'efforçai de prouver que Christ a porté les péchés de tous ceux qui croient en lui; qu'il a souffert, en son âme et en son corps, à Gethsémané et sur la croix, la peine qu'ils avaient méritée. Je professai ouvertement que Christ, notre rançon et notre répondant auprès de Dieu, a satisfait pour nous à la justice divine et aux réclamations de la loi. Je désavouai ainsi publiquement toutes les explications que j'avais autrefois données de la satisfaction opérée par la mort de Christ : et dès lors cette doctrine, telle que je viens de l'exposer, a été le seul fondement de mes espérances. Ce fut elle qui me conduisit pleinement à la connaissance de la vérité. Je l'avais cherchée avec zèle pendant trois ans, sans la trouver, tant mon jugement aveuglé était rempli de préventions contre les grands dogmes révélés dans la parole de Dieu. Hélas ! ils avaient été jusqu'alors pour moi une folie ; mais, instruit par le Seigneur, je commençai à y découvrir, quoique obscurément, une sagesse divine.
Je dis obscurément, car j'étais encore dans de grandes erreurs, et l'ignorais plusieurs vérités très-importantes. Je savais que le péché est la transgression de la loi; mais je n'en apercevais pas l'odieuse difformité; je ne sentais pas qu'il est une rébellion ouverte contre l'autorité souveraine de Dieu; qu'il accuse le Créateur de manquer de sagesse ou de bonté; d'imposer aux créatures humaines un joug qu'elles ne peuvent porter; enfin qu'il tend à abolir toute subordination, et à introduire dans l'univers la confusion, l'anarchie et la misère. J'avais reconnu que mes meilleures actions étaient souillées ; mais je ne comprenais pas qu'elles le fussent par une suite de ma dépravation naturelle.
La corruption héréditaire de notre nature, provenant de la chute de l'homme, cette corruption, source féconde de tant de misères, n'entrait pas encore dans ma profession de foi. Relativement à mes sentimens sur la nature de Jésus-Christ, et sur celle du Saint-Esprit, j'étais Clarkiste ou Arien. J'avais quelque faible idée de l'oeuvre sanctifiante que cet Esprit opère dans le coeur du fidèle; mais je n'en comprenais pas bien les commencemens, et je continuais à conserver une implacable inimitié contre la doctrine de l'élection et contre les vérités qui y sont intimement liées.

Quoique je blasphémasse le nom de Jésus-Christ, en niant sa divinité, ma foi en un Sauveur crucifié était maintenant affermie et je désirais sincèrement me dévouer au Seigneur. Il accepta l'oeuvre qu'il avait lui-même opérée dans mon âme; pardonna, dans sa miséricorde, tout ce qui venait de moi, et me délivra enfin de mes perplexités, en me tirant du labyrinthe de contradictions et d'erreurs dans lequel je m'égarais.

Dans le cours de mes lectures, le discours de notre Seigneur à Nicodème s'offrit de nouveau à mon examen. Je ne pus obtenir, par mes prières et mes méditations, des idées satisfaisantes sur cet important sujet. Convaincu que les expressions « né de nouveau » et « né de l'Esprit » devaient désigner quelque changement intérieur, je m'efforçai de l'expliquer d'après ce que j'avais éprouvé moi-même. Mais mes réflexions étaient encore très-confuses, et ne me satisfirent pas.

Le traité de Leland sur les Écrivains Déistes était le seul écrit fait par un Dissident que j'eusse lu avec attention et candeur. À cette époque, je lus, à la recommandation d'un de mes amis, le premier volume des sermons d'Evans, intitulé le Caractère du Chrétien, mais non sans une extrême prévention, parce que l'auteur était un Dissident. Néanmoins Dieu daigna bénir cette lecture. Je reconnus enfin que l'homme déchu est charnel, et que son corps et son âme sont vendus au péché ; que la partie la plus excellente de notre être est, par nature, destituée d'affections spirituelles, plongée dans la matière, et, par une déplorable prostitution, occupée du soin de la chair, pour en satisfaire les convoitises ; et je fus convaincu que l'homme qui n'est pas né de l'Esprit de Dieu, renouvelé dans son entendement créé de nouveau pour les bonnes oeuvres et fait participant de la nature divine, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Toutes les difficultés que j'avais rencontrées touchant cette vérité s'évanouirent en peu de temps ; je la vis bientôt dans le plus grand jour, et je fus persuadé que tout homme qui l'entendrait exposer avec netteté et précision ne pourrait refuser de l'admettre. Cette doctrine, que j'ai dès-lors invariablement prêchée, a eu d'heureux effets ; elle a servi à ouvrir les yeux d'un grand nombre de pécheurs, et à les convertir des ténèbres à la lumière, et de la puissance de Satan à Dieu ( Act. XXVI. 18.)


Table des matières

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PREMIÈRE PARTIE. État de l'esprit et de la conscience de l'auteur dans la première période de sa vie (Début)
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DEUXIÈME PARTIE. Changement qui eut lieu dans les opinions de l'auteur. (Suite 2)

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(1) 1. Jean III. 15. Quiconque hait son frère est homicide, et vous savez qu'aucun homicide n'a en soi la vie éternelle.
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(2) « Dieu a traité celui qui ne connaissait pas le péché comme s'il eût été le péché même, afin qu'en lui. nous devinssions justes de la justice de Dieu. » Version de Le Maistre de Sacy. (Note du traducteur.)
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(3) Dans l'Église Anglicane, le candidat au saint ministère s'engage, en souscrivant aux Articles et à la Liturgie de cette Église, à prêcher la saine doctrine, telle qu'elle est contenue dans le Livre des Homélies.Ce livre est un recueil de discours, sur tous les points de doctrine, faits par différens docteurs des premiers temps de la réforme.

 

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