Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA FORCE DE LA VÉRITÉ.

DEUXIÈME PARTIE.


Changement qui eut lieu dans les opinions de l'auteur. manière dont il s'opéra et moyens qui servirent à l'effectuer.

EN
janvier 1774, deux de mes paroissiens, un homme et sa femme, se trouvaient près de la mort. J'en eus connaissance ; mais, selon ma coutume, n'ayant pas été appelé auprès d'eux je n'y allai point. Un soir, on vint m'annoncer que la femme était morte, et que son mari allait mourir, et l'on m'apprit en même temps que mon voisin M. Newton leur avait fait plusieurs visites. Ma conscience me reprocha aussitôt la négligence dont je m'étais rendu coupable, en ne visitant pas des personnes mourantes, qui ne demeuraient qu'à quelques pas de ma cure, et qui étaient du nombre de mes auditeurs accoutumés.

Quelque mépris que j'eusse pour les doctrines que professait M. Newton, je fus forcé d'avouer que sa conduite était plus conforme que la mienne au caractère d'un ministre de Jésus-Christ. Il faut, me dis-je alors, qu'il ait bien plus de zèle, et d'amour pour les âmes que je n'en ai moi-même, puisqu'il fait tant de chemin pour suppléer à ma négligence, et visiter des gens que mon insouciance exposait à périr sans secours pastoraux!

Cette réflexion me toucha profondément ; je priai avec larmes le Seigneur de me pardonner une omission si criminelle, et je résolus de m'acquitter fidèlement à l'avenir de cet important devoir. Dieu a daigné me donner la force d'exécuter une résolution que j'avais formée dans une confiance téméraire en mes propres moyens. J'allai donc sans délai visiter celui des deux époux qui vivait encore, et le touchant spectacle d'une personne déjà morte et d'une autre qui expirait dans la même chambre, fortifia beaucoup la résolution sérieuse que j'avais prise. Dès ce moment j'ai constamment visité les malades de ma paroisse, et je me suis efforcé de remplir avec exactitude cette partie importante des fonctions du pasteur.

Quelque temps après, un ami me recommanda de lire, dans l'ouvrage de l'Évêque Burnet, intitulé : l'Histoire de son temps, la partie de la conclusion. qui regarde le Clergé. Cette lecture eut l'effet qu'il en avait attendu ; elle m'instruisit beaucoup, et me fit une profonde impression. Je fus convaincu que mon entrée dans le saint ministère était le résultat de motifs très-mauvais ; qu'elle avait été précédée d'une préparation, et suivie d'une conduite, très-peu convenables. Ces réflexions, en me faisant sentir combien je négligeais les devoirs importans de la plus sublime vocation, réveillèrent en moi une salutaire inquiétude. Trop esclave du péché, et trop plein de l'amour du monde, je ne changeai pas le cours de ma vie et de mes études, et je n'abandonnai point mon plan favori d'avancement et de gloire; mais j'eus de temps en temps le désir et formai la résolution de me dévouer un jour entièrement à l'oeuvre du ministère.

Toutes ces choses réunies augmentèrent les reproches de ma conscience ; car je vivais alors sans aucun culte privé, n'osant adresser des prières au Seigneur avant d'avoir commencé la réforme de ma conduite. Mais je ne pus étouffer plus longtemps mes remords, et je résolus de nouveau de faire les plus grands efforts pour m'amender. Je travaillai donc sérieusement, en implorant le secours du Seigneur, à rompre les fers dont Satan m'avait jusqu'alors tenu captif; et il plut à Dieu de me faire obtenir quelques succès dans cette pénible lutte, en m'aidant à renoncer à mes péchés les plus condamnables, et à pratiquer une sorte de dévotion.

Hélas ! ce n'était guère, à bien des égards, qu'une forme de dévotion ; car je ne connaissais ni ce Médiateur, ni cet Esprit-Saint qui seuls peuvent rendre nos prières efficaces. Cependant, je suis persuadé que, même alors, je pouvais quelquefois m'élever au-dessus d'une froide dévotion, et offrir à Dieu des prières assez spirituelles et ferventes pour être exaucées.

Je réformai à quelques égards ma conduite extérieure ; mais le renouvellement de mon esprit, si toutefois il avait commencé, était à peine sensible ; car mon coeur infecté d'orgueil, le devenait tous les jours. davantage, à mesure que ma conduite me paraissait moins impie et moins déréglée. Le moi était l'idole chérie à laquelle je rendais hommage, et mes succès dans le monde devenaient plus que jamais l'objet de mes plus grands efforts. À cette même époque, tout concourait, à accroître la bonne opinion que j'avais de moi-même; j'étais traité avec bienveillance des personnes de qui je n'avais pas sujet de l'attendre ; ma prédication était goûtée, et mon amitié recherchée. Insensé ! j'attribuais tous ces succès à la supériorité de mon mérite. Ma conscience, dont les accusations avaient maintenu jusqu'alors dans mon âme le sentiment de mon indignité, gardait maintenant le silence, ou semblait autoriser mon orgueil.
Conversant habituellement avec des personnes qui favorisaient mes opinions ne les contredisaient pas, je conclus que mon système était la règle même de la vérité, et que j'avais, par mes talens supérieurs, convaincu ou confondu tous ceux qui pensaient autrement que moi. Dans cette idée, Je désirais vivement entrer en controverse avec des Calvinistes (1) ; il s'en trouvait plusieurs dans mon voisinage et j'avais beaucoup ouï parler de leur doctrine. Ce fut à cette époque que j'entrai en correspondance avec M. Newton, dont je fis connaissance dans le mois de mai 1775, à une réunion annuelle du Clergé de l'Évêché de Londres. J'eus alors un moment d'entretien avec lui sur un sujet de controverse ; ce qui attira sur nous l'attention de plusieurs personnes. M. Newton esquiva prudemment une trop longue conversation et il m'envoya quelques jours après une courte note, avec un petit ouvrage dont il me recommandait la lecture Je saisis avec joie une occasion qui répondait si bien à mes désirs, bien persuadé que mes argumens seraient irrésistibles, et que j'aurais l'honneur de dissiper les illusions d'une personne d'ailleurs sensée.

Comme je savais que M. Newton jouissait alors d'une grande considération, même auprès de quelques personnes qui désapprouvaient ses sentimens religieux, j'en avais moi-même une opinion très-favorable. On louait en effet sa douceur, sa bienveillance, son désintéressement, son zèle infatigable à remplir les fonctions de son ministère. Mais, tout en lui rendant justice à ces divers égards, je regardais comme un fanatisme ses sentimens religieux, et je parlais de ses talens avec beaucoup de mépris. Un jour, j'eus la curiosité de l'entendre prêcher; mais, n'ayant pas compris son sermon, j'en plaisantai beaucoup partout où je pus le faire sans offenser personne. J'avais aussi lu une de ses adresses imprimées; mais j'y trouvai, par la même raison beaucoup d'idées bizarres, paradoxales et inintelligibles.
Cachant donc les vrais motifs de ma conduite sous le prétexte d'entrer avec lui en relations amicales, et de chercher la vérité, je lui écrivis une longue lettre, où j'affectai de montrer beaucoup de candeur et un esprit ouvert à la conviction. Je me proposais par-là d'obtenir de lui une exposition de ses sentimens, afin d'entrer ensuite en controverse.
L'événement ne répondit point à mon attente. Il me fit une réponse très-longue et très-affectueuse ; mais il évita avec soin de parler des doctrines qui auraient pu me scandaliser. Il me déclara qu'il me croyait un homme craignant Dieu, et placé sous la direction de son St.-Esprit ; qu'il acceptait avec joie mes offres amicales, mais qu'il ne voulait m'indiquer aucune voie particulière. Il ajouta qu'en même temps qu'il me laissait ainsi sous la direction du Seigneur, il serait charmé, toutes les fois que l'occasion s'en présenterait, de rendre hommage aux vérités de l'Évangile, et de me communiquer ses sentimens avec toute la confiance de l'amitié.

Nous continuâmes cette correspondance, par un échange de neuf ou dix lettres, jusqu'au mois de décembre de la même année. Dans toutes ces lettres nous suivîmes l'un et l'autre le plan que nous nous étions formé. Pour moi, je faisais tous mes efforts pour l'amener à la controverse je remplissais mes lettres de recherches de définitions, d'argumens, de conséquences et d'objections, et je demandais des réponses précises. De son côté, il évitait autant que possible toute espèce de controverse, et remplissait les siennes des instructions les plus utiles et les moins propres à m'offenser. Il jetait seulement çà et là quelques idées sur la nécessité de la foi, sur sa vraie nature et son efficacité, sur la manière dont il faut la chercher et dont on l'obtient « et sur quelques autres sujets qu'il jugeait propres à m'aider dans la recherche. de la vérité. Mais ces sages réflexions. loin, de m'être utiles, ne faisaient que blesser mes préjugés et me fournir de nouveaux sujets de dispute.

Choqué de plusieurs de ses assertions, je le combattis, durant toute cette correspondance, avec tous les argumens que je puis imaginer. Je lus avec beaucoup de mépris et d'indifférence la plupart de ses lettres et des livres qu'il m'envoya. Prenant pour un aveu de sa faiblesse le soin avec lequel il esquivait toute controverse, je proclamais mon triomphe en plusieurs compagnies, avec autant d'assurance que si j'eusse réfuté sans réplique tous ses argumens. Enfin, ne pouvant atteindre le but que je m'étais proposé, je cessai de lui écrire, et je rompis le premier notre correspondance.

Le compte que je viens de rendre au lecteur de nos relations a été fait fidèlement d'après tous les souvenirs qui m'en sont restés, et d'après une lecture attentive des lettres de M. Newton et de mes réponses, que j'ai conservées avec soin. J'espère publier bientôt ces lettres, convaincu qu'elles seront plus utiles à d'autres qu'elles ne l'ont été à moi-même, à cause de mon esprit vain et contentieux. Les miennes ne méritent que l'oubli, et ne peuvent avoir d'autre usage que celui de me rappeler ce que je fus et de mortifier mon orgueil : elles montrent clairement, d'un côté, la patience et la candeur avec lesquelles mon ami a supporté long-temps ma présomption et mon ignorance ; et de l'autre, le caractère indocile et querelleur que j'opposais toujours aux généreux efforts qu'il faisait pour m'éclairer. Elles me rappellent surtout la bonté de ce Dieu qui, tout en résistant aux orgueilleux, sait humilier leur coeur superbe, non-seulement par la verge de fer de sa justice, mais encore par le sceptre d'or de sa miséricorde.

Nos liaisons d'amitié cessèrent presqu'entièrement avec notre correspondance. Dans les rares entrevues que nous avions, notre conversation ne roulait que sur des sujets indifférens. Pendant tout ce temps de froideur, M. Newton ne cessa de me dire qu'il avait été dans les mêmes dispositions que moi, et que j'embrasserais un jour ses principes religieux. Il répétait souvent à ses amis que j'approchais de la vérité, quoique d'une manière lente et insensible; tant il discernait clairement, au milieu de toutes les ténèbres de ma nature dépravée, et de mon opiniâtre résistance à la volonté de Dieu, l'aurore de la grâce qui se levait dans mon âme.
Il fondait principalement son espoir sur la conduite que je tins peu après que nous eûmes commencé à nous écrire, dans un temps où mon esprit était fortement préoccupé de quelques espérances d'avancement. Un dimanche, après avoir indiqué le psaume je feuilletai la liturgie et, accidentellement ou par une direction de la Providence, je l'ouvris à l'endroit où sont exposés les articles de doctrine; le huitième, relatif à l'autorité du symbole d'Athanase, attira immédiatement mon attention. Mes prétentions à la candeur et l'incrédulité touchant la doctrine d'une Trinité de personnes égales dans l'unité de Dieu, se réunissaient pour exciter ma haine contre ce symbole : aussi j'avais coutume d'en parler avec mépris et d'en négliger la lecture dans le service divin.

Après l'avoir parcouru, mon esprit fut profondément frappé de ces paroles qui le suivent : « Il doit être entièrement cru et reçu, parce qu'on peut le prouver par les témoignages les plus positifs des saintes Écritures. » La manière dont j'y avais souscrit, se présenta aussitôt à ma pensée ; et, dès-lors, j'eus, sur ce point les scrupules les plus inquiétans, jusqu'au moment où mes vues sur le système évangélique eurent été complètement changées.
Le Fils de Sirach a dit sagement : « Mon fils, si tu t'approches pour servir le Seigneur, prépare ton âme à la tentation. »

J'avais déjà souscrit deux fois à ces articles, dans un temps où mes principes religieux étaient mauvais. Dans le sommeil de ma conscience, avec le peu d'intérêt que j'apportais au service de Dieu, je n'avais envisagé cet engagement que comme une chose d'usage, et une formalité nécessaire : mais actuellement, quoique je fusse encore influencé par l'orgueil, l'ambition et l'amour du monde, mon coeur était plus sincère envers le Seigneur, et je n'osais commettre avec délibération, pour mon intérêt temporel, un péché qui m'était connu. Souscrire à des articles que je ne croyais pas, et cela pour m'avancer dans l'Eglise, commença à me paraître un mensonge impie, un crime odieux, dont je ne pouvais témoigner un vrai repentir qu'en renonçant au salaire d'iniquité. Plus je considérais la chose, plus ma conscience protestait avec force contre une telle conduite.

Enfin, après une longue lutte entre l'intérêt et le devoir, je déclarai mes scrupules à mon supérieur, et je lui fis connaître la résolution où j'étais de ne plus souscrire aux articles de doctrine. J'abandonnai ainsi mes projets d'avancement, et je demeurai, avec une famille croissante, sans d'autre perspective que celle de la misère. Quoique mes objections contre ces articles fussent mal fondées, je montrai dans cette affaire beaucoup de suffisance et d'obstination. Je reconnais maintenant mon erreur ; mais je ne me repens pas et le ne me repentirai jamais d'avoir obéi à la voix de ma conscience, et conservé mon intégrité dans ces circonstances difficiles.

Ma résolution ne fut pas plutôt connue que je fus en butte à la censure de plusieurs de mes amis : tous, j'en suis certain, ne consultaient que leur amitié ; mais aucune de leurs raisons ne put me convaincre.

Cette décision eut pour moi un grand avantage ; elle servit à me déterminer à ne recevoir aucune vérité religieuse sur la simple autorité d'un homme ; elle m'engagea à examiner la parole de Dieu, dans l'intention de reconnaître si les articles de foi de l'Eglise Anglicane, en général, et si le symbole d'Athanase, en particulier, étaient conformes on non aux Écritures. Je les avais déjà étudiées jusqu'à un certain degré, soit pour en connaître les langues originales, soit pour en tirer des passages propres à défendre mon système. Je connaissais assez bien la partie historique de la Bible et celles qui traitent des préceptes ; mais je n'avais point sondé ce précieux dépôt de science divine dans le dessein exprès d'y chercher des lumières touchant les points de doctrine contestés. À peine me doutais-je que je me trompais ou que je pouvais me tromper. En m'appliquant de nouveau à l'étude des Écritures, je songeais moins à modifier mes opinions qu'à mieux connaître les passages qui les établissaient.

J'entrepris donc cette recherche ; le premier passage qui me fit soupçonner que je pouvais être dans l'erreur fut celui-ci : (Jacques I. 5.)
« Si quelqu'un de vous a besoin de sagesse, qu'il la demande à Dieu qui la donne à tous 'libéralement, et ne la reproche point, et elle lui sera donnée. »
En le considérant avec attention je sentis que bien que je fusse sage à mes yeux, ma sagesse ne venait point d'en haut, puisque je n'avais jamais adressé à Dieu une seule prière pour la lui demander.
Je vis aussi dans, ce passage une promesse qu'il m'adressait pour me diriger et m'encourager dans mes recherches, et dès-lors je commençai à lui demander cette sagesse qu'il ne refuse à personne.
Peu de temps après, je méditai et je prêchai sur ce texte de St. Jean VII. 16. 17 :
« Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé; si quelqu'un veut faire sa volonté, il connaîtra, si ma doctrine est de Dieu, ou si je parle de mon chef. »

Surpris de n'avoir jamais fait attention à des paroles aussi remarquables, j'y découvris la promesse consolante d'une direction, qui, semblable à un fil salutaire, devait conduire mes pas au travers de ce labyrinthe de controverses, dans lequel je risquais de m'égarer. Mais, trop livré à mes vains raisonnemens, je ne tirai point de ce précieux passage tout le fruit qu'en peut recueillir celui qui se laisse humblement instruire par le Seigneur.
Néanmoins, disposé à tout risquer pour faire ce que je croyais la volonté de Dieu, ces paroles m'encouragèrent, en me donnant l'assurance que si j'étais actuellement dans quelque erreur, je le découvrirais tôt ou tard.

Un passage des proverbes me donna lieu aussi de soupçonnée que je m'étais égaré dans une mauvaise voie, pour n'avoir pas cherché la vérité d'une manière convenable (Prov. III. 5. 6.
« Confie-toi de tout ton coeur en l'Éternel, et ne t'appuie point sur ton entendement ; reconnais-le en toutes les voies, et il dirigera les sentiers. »
Je fus forcé de reconnaître que jusqu'alors je ne m'étais point confié en l'Éternel ; que je ne l'avais point reconnu dans toutes mes voies ; qu'il n'avait point dirigé tous mes sentiers ; mais que, dans toutes mes spéculations théologiques, je ne m'étais appuyé que sur mon propre entendement.

Ces passages, et d'autres semblables, firent sur moi une profonde impression, et m'apprirent quelles étaient les choses que je devais demander chaque jour à Dieu dans mes prières, pour parvenir à bien entendre sa parole. Mais l'orgueil et' l'amour de la controverse avaient tellement infecté mon âme, qu'il était impossible de guérir en un moment un mal aussi invétéré. Il s'en fallait bien que je fusse un petit enfant, assis humblement aux pieds du Seigneur, pour apprendre de lui les premiers rudimens de la science divine. Je ne soupçonnais pas encore que tout ce que j'avais jusqu'alors estimé sagesse n'était que folie, et qu'il fallait l'oublier et le regarder comme une perte, afin de parvenir à l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ. Je commençais bien à reconnaître que je pouvais être dans l'erreur à quelques égards; mais j'étais encore persuadé que mon système était vrai dans les points, capitaux.
Lorsqu'on parvenait à m'inspirer des doutes sur l'une de mes opinions, je rappelais à mon esprit, pour les dissiper, tous les raisonnemens et toutes les interprétations de l'Écriture qui étaient en ma faveur ; et lorsque cet expédient ne pouvait me satisfaire, je recourais à des écrits de controverse. Cette habitude, en alimentant mon orgueil, me détournait de la parole de Dieu, me faisait négliger la prière, et me fournissait des armes contre la conviction de mon esprit et de mon coeur. L'Accord du Christianisme avec la Raison, par Locke, et la Défense de la Religion Chrétienne, par le même auteur, devinrent à cette époque mes ouvrages favoris. J'étudiai plusieurs autres écrits de ce philosophe avec une attention extrême, et avec une sorte d'engouement, le prenant aveuglément pour mon maître, adoptant implicitement ses principes et ses conclusions, empruntant ses argumens, et montrant une, sorte d'antipathie contre tous ceux qui n'embrassaient pas ses opinions avec la même partialité que moi. Mais l'étude de Locke me nuisit beaucoup ; car, au lieu d'avancer dans la recherche de la vérité, je puisai dans cet auteur des argumens plus subtils et plus ingénieux pour la défense de mes erreurs (2).

Je lus à cette époque les Devoirs Pastoraux de l'Évêque Burnet, ouvrage que Locke cite avec éloge ; J'y trouvai peu de choses qui blessassent mes préjugés, mais beaucoup de conseils excellens touchant les obligations du ministre. Plusieurs parlèrent à ma conscience, et c'est ce qui m'engage à faire part au lecteur de quelques-uns des passages qui firent sur moi le plus d'impression.
Il parle ainsi d'un faux ministre de l'Évangile :

« Toute sa vie n'a été qu'une carrière d'hypocrisie, dans le sens le plus strict de ce mot. Ses péchés réunissent tout ce qui peut les aggraver il les commet contre sa connaissance ses voeux, contre le caractère dont il est revêtu; il prouve un mépris, réfléchi de toutes les vérités, et de toutes les obligations religieuses. S'il périt, il ne périt pas seul, mais il entraîne dans sa ruine les âmes qu'il a laissées croupir dans l'ignorance, et celles que son mauvais exemple a endurcies dans le péché ! »

Après avoir parlé des études nécessaires nécessaires aux ministres de la parole de Dieu, et surtout de celle de la Bible, il ajoute :

« Mais, afin de donner à toutes ces études leur plein effet, un ministre doit employer une grande partie de son temps à des prières secrètes et ferventes, pour implorer la direction et la bénédiction de Dieu, solliciter constamment les secours du Saint-Esprit, et conserver un vif sentiment des vérités divines. C'est ainsi seulement qu'il pourra continuer ses travaux sans ennui, et les poursuivre toujours avec joie et avec succès. »

La lecture de cet ouvrage dirigea mon attention vers les passages des Écritures, qui établissent les devoirs et les obligations du pasteur. L'importance de la direction des âmes qui m'étaient confiées, et le compte redoutable que je devais en rendre à Dieu, me frappèrent particulièrement quand je lus ces paroles d'Ezéchiel (XXXIII. 7-9-):
« Toi donc, ô fils de l'homme ! Je t'ai établi pour sentinelle sur la maison d'Israël ; tu écouteras donc la parole de ma bouche, et tu les avertiras de ma part. Quand j'aurai dit au méchant: méchant tu mourras certainement, et que tu ne lui auras point parlé, pour l'avertir de se détourner de sa voie, il mourra dans son iniquité, et je le redemanderai son sang. Mais, si tu l'as averti de se détourner de sa voie, et qu'il ne s'en soit point détourné, il mourra dans son iniquité, mais tu auras délivré ton âme. »

Je fus pleinement convaincu, avec l'Évêque Burnet, que cet avis regarde tous les ministres, aussi bien que le Prophète lui-même.

Le passage des Actes XX. 18. - 36. parla aussi fortement à ma conscience. Je remarquai surtout les versets 26, 27 et 28, qui semblent faire allusion au passage d'Ezéchiel :
« C'est pourquoi je vous prends aujourd'hui à témoin que je suis net du sang de vous tous ; car je n'ai point évité de vous annoncer tout le conseil de Dieu. Prenez donc garde à vous-mêmes et à tout le troupeau, sur lequel le Saint-Esprit vous a établis Évêques, pour paître l'Eglise de Dieu, qu'il s'est acquise par son propre sang. »

Les conseils de l'Évêque Burnet m'engagèrent à lire attentivement, et à plusieurs reprises, les Épîtres à Tite et à Timothée, qui contiennent l'abrégé des devoirs d'un ministre de Jésus-Christ. En examinant les différens passages de l'Écriture qui se rapportent à ce sujet, celui-ci laissa dans mon coeur une impression profonde ( I. Cor.IX. 16.)
« Car la nécessité. m'en est imposée, et malheur à moi si je ne prêche pas l'Évangile. »
Je ne fus pas moins frappé de celui-ci ( Colos. IV. 17. ) :
« Recommande à Archippe qu'il sente bien l'importance du ministère qu'il a reçu du Seigneur, afin qu'il l'accomplisse. »

Ces paroles atteignirent aussi efficacement ma conscience que si l'Apôtre me les eût adressées. Je trouvai à la fois de l'instruction et de l'encouragement dans cette exhortation de l'Apôtre ( I. Pierre V. 2. -5.) :
« Paissez le troupeau de Dieu dont vous êtes chargés, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré ; non en vue d'un gain sordide, mais par affection ; non en dominant sur les héritages du Seigneur, mais en vous rendant les modèles du troupeau ; et lorsque le Souverain Pasteur paraîtra, vous recevrez la couronne incorruptible de gloire. »

J'espère que le lecteur excusera ces détails, en considération de la grande importance de ce sujet. La lecture des Devoirs Pastoraux ne me donna pas, il est vrai, de nouvelles vues sur les vérités de l'Évangile ; mais elle me pénétra de la difficulté et de l'importance du ministère dans lequel je m'étais légèrement engagé, et du danger auquel mon âme était exposée, si je négligeais de m'y dévouer entièrement. Ces pensées servirent à préparer et à amener les changemens qui survinrent ensuite dans mes opinions. Je me rendis coupable, il est vrai, d'un délai très-criminel ; et trop livré à des occupations étrangères à ma vocation, je négligeai, quelque temps, de céder aux sommations de ma conscience. Mais je ne perdis jamais de vue l'instruction que j'avais recueillie de cette lecture, et ne pus goûter de repos que lorsque, renonçant à toute autre occupation, je m'adonnai uniquement aux études et aux devoirs du saint ministère.

Cependant la confiance que j'avais en moi-même n'avait que très-peu diminué, et mes premiers pas dans la connaissance de la vérité n'avaient pas été accompagnés de progrès ultérieurs. Je lus les sermons de Tillotson et les ouvrages de Jortin ; et, comme les occupations étrangères aux quelles je me livrais absorbaient tout mon temps, je me permis de transcrire leurs discours et de les prêcher à mon troupeau. avec quelques modifications. Cette habitude de paresse m'empêchait de méditer l'Écriture sainte, et m'accoutumait à régler mes opinions sur l'autorité des hommes, plutôt que sur la parole de Dieu. Ma prédication était, en général, un mélange de la loi et de l'Évangile ; et je corrompais l'un et l'autre, en faisant de l'Évangile une loi radoucie qui se contente d'une obéissance imparfaite pourvu qu'elle soit sincère. Ce système, en caressant l'orgueil et les préjugés, et flattant la conscience, plaît au pécheur indolent, et au formaliste qui se repose sur sa justice personnelle ; mais il ne produit aucun bien véritable, et n'est en réalité qu'un Antinomianisme (3) spécieux et déguisé.


Table des matières

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PREMIÈRE PARTIE. État de l'esprit et de la conscience de l'auteur dans la première période de sa vie
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DEUXIÈME PARTIE. Changement qui eut lieu dans les opinions de l'auteur. (Suite 1

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(1) En Angleterre, les personnes qui croient aux doctrines de Calvin sont appelées Calvinistes, et on les appelle ainsi par opposition aux Sociniens, aux Ariens et aux Arminiens. (Note du traducteur.)
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(2) Cependant, il est juste que je reconnaisse ici l'immense service que ce grand homme a rendu au monde religieux par ses Lettres sur la tolérance. Les fondemens de la liberté religieuse, et les raisons pour lesquelles on doit laisser chaque homme adorer Dieu selon son choix et selon sa conscience, n'avaient peut-être jamais été généralement compris. Locke les a établis d'une manière inébranlable.
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(3) Ce mot désigne un système religieux qui renverse et annule la loi de Dieu. (Note du traducteur.)

 

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