LA FORCE DE LA
VÉRITÉ.
PREMIÈRE PARTIE.
Mais l'homme vide de sens
devient intelligent, quoique l'homme naisse comme
un ânon sauvage. (Job XI. 12.)
Quand Dieu
élève par sa puissance, qui peut
instruire comme lui? (Job XXXVI. 22.)
État de l'esprit et de la conscience
de l'auteur dans la première période
de sa vie ; cet exposé sert à faire
connaître quels étaient ses sentimens
et sa conduite, à l'époque où
commença le changement dont il se propose de
faire le récit.
JE n'ai pas été
élevé dans cette ignorance, totale
des principes religieux, qui est
considérée par le monde même
comme l'oubli Dieu et de la religion ; cependant il
ne me souvient pas d'avoir eu, avant ma
seizième année, aucune conviction
profonde de mon état de
pécheur, du danger de la colère
à venir, ou du besoin de la
miséricorde de Dieu. Je ne crois pas avoir,
durant toute cette période de ma vie, offert
à Dieu une seule prière qui
partît du coeur. «
Éloigné de lui, par l'ignorance qui
était en moi », je vivais sans lui
dans le monde, aussi peu porté à lui
rendre un culte, que si j'eusse été
athée par principe.
Mais, à ma seizième
année, je commençai à
m'apercevoir que j'étais un pécheur.
Parmi plusieurs indices antérieurs de ma
corruption, ma conscience me reprochait surtout un
péché particulier, et me faisait
redouter, pour la première fois, la
colère de Dieu. Je devais, à cette
époque, m'approcher de la table du Seigneur.
Quoique j'ignorasse entièrement la
signification et le but de cette sainte
cérémonie, cette circonstance, jointe
aux accusations de: ma conscience, ne laissa pas de
frapper mon esprit, et de suspendre le
cours d'une vie criminelle,
jusqu'alors non interrompue.
Ignorant entièrement la
dépravation et l'incapacité de notre
nature déchue, je ne doutais pas qu'il ne me
fût possible de réformer ma vie,
dès que j'en aurais la volonté.
J'entrepris donc, avant de communier, une
espèce de réforme ; et, à
l'aide d'un formulaire de prières, j'essayai
de m'adresser en secret au Tout-Puissant.
Les troubles de ma conscience ainsi
apaisés, je participai à la
cène du Seigneur, et je résolus de
mieux vivre à l'avenir. Je continuai en
effet, pendant quelque temps, mes nouvelles
dévotions; mais elles étaient pour
moi un fardeau accablant, et, à la
première tentation, je succombai ; je mis de
côté mon livre de prières, et
ne le repris qu'à la communion suivante, qui
vint exciter de nouveau les troubles de mon
âme.
Mêmes résolutions;
mêmes rechutes. « Ma
piété était comme la
rosée du matin qui s'en va.
» J'abandonnai encore mes devoirs
religieux, et me livrai au péché,
comme « la truie, qui, après avoir
été lavée, se vautre de
nouveau dans la fange. »
Tel fut, avec quelques
légères variations, le cours de ma
vie pendant neuf années. J'eus à
cette époque des preuves convaincantes de ma
faiblesse et de la force victorieuse des passions,
et je conclus que, dans l'état où
j'étais, une réforme était
impraticable. « L'éthiopien peut-il
changer sa peau, ou, le léopard ses taches ?
» Je fus convaincu, par mon
expérience, que j'étais incapable de
réprimer, par le frein des
résolutions et du devoir, mes inclinations
fougueuses, quand elles étaient
excitées par des tentations
réitérées et puissantes.
Ignorant que Dieu se fût
réservé cette oeuvre, et qu'il se
fût engagé à l'accomplir envers
le pauvre pécheur, qui, sentant son
incapacité, attend de lui seul la
réforme, de son âme, je fis tous mes
efforts pour repousser la
conviction de ma faiblesse, et je remis à un
temps plus favorable l'oeuvre de ma conversion.
Mais, souvent livré à mes
réflexions, j'étais dans une
inquiétude d'esprit presque continuelle.
Frappé de l'incertitude de la
vie, commençant à craindre que ce
temps plus favorable n'arrivât jamais,
j'étais en proie à une vive
anxiété. Cette sollicitude
était souvent augmentée par la
perspective prochaine de la mort et de ses suites,
perspective que m'offrit souvent, le faible
état de ma santé.
Pendant long-temps je crus, sans aucun
doute que les pécheurs impénitens
seraient pour toujours malheureux dans l'enfer ; et
les réflexions que je faisais sur de
redoutable sujet m'accablaient quelquefois et me
devenaient insupportables. Dans ces momens
d'angoisse, les prières que j'adressais
à Dieu pour obtenir miséricorde
étaient si animées et si instantes
que je les interrompais avec peine; mais,
hors ces momens de vive
inquiétude, je ne priais presque jamais.
Néanmoins, dans le temps même de mon
plus grand abattement, lorsque ma conscience me
découvrait de plus en plus la grandeur de ma
corruption, il me restait encore l'espoir qu'un
jour je me repentirais et reviendrais à
Dieu. Si cet espoir venait de moi, il était
la preuve d'une grande présomption ; mais
l'événement me fait croire qu'il
venait du Seigneur : car, souvent en proie à
un orgueilleux mécontentement de mon sort
dans ce monde, et à un désespoir
insensé sur mon sort à venir,
j'aurais, sans cette pensée salutaire,
cédé tôt on tard à la
tentation de mettre fin à ma vie.
Un hymne du docteur Watts
(contenu dans son admirable petit livre pour les
enfans, intitulé : Le Dieu qui voit
tout), me tomba alors entre les mains, et fit
sur moi une impression profonde. Je l'appris par
coeur, et, comme je le répétais
fréquemment, il servit
à entretenir en moi la continuelle
pensée de mes péchés et du
danger que je courais. Cette petite circonstance
peut apprendre aux parens combien il est important
de meubler la mémoire de leurs enfans de
choses utiles, au lieu de confier à leur
souvenir ces misérables histoires qu'on leur
enseigné communément, et qui ne
servent qu'à les corrompre. Nous ignorons
quel usage Dieu peut faire, dans un âge plus
avancé, de ces premiers rudimens de
l'éducation.
Comme ma conscience n'était pas
tranquille, que mes principes n'étaient pas
encore très-corrompus ; on pouvait, ce
semble, ne pas entièrement
désespérer de moi, quoique je fusse
engagé dans les liens du vice ; mais Satan
trouva enfin un artifice très-propre
à imposer silence aux craintes que j'avais
eues, et à m'endormir dans mes
péchés.
Je vins à connaître un
commentaire socinien sur les
Écritures; j'y bus avec avidité un
poison qui servit à la fois à calmer
mes angoisses, et à flatter mon orgueil.
Tout ce système était exactement en
harmonie avec mes inclinations et avec
l'état de mon esprit.
À mesure que je lisais cet
ouvrage, le péché me paraissait
perdre sa laideur naturelle, et n'être qu'un
mal très-léger et
très-supportable. L'obéissance
imparfaite de l'homme me paraissait briller d'un
éclat presque divin ; et Dieu me semblait si
entièrement et si miséricordieux,
qu'il ne pouvait rendre aucune créature,
misérable, sans contredire sa nature.
Ces nouvelles idées eurent une
influence si puissante sur mon esprit, que je fus
disposé à me reconnaître un
grand mérite, en avouant néanmoins
qu'il était légèrement terni
par quelques taches.
En accédant à un
système où les mystères de
l'Évangile sont ou retranchés, ou
rabaissés au niveau d'intelligence humaine
par des raisonnemens vains et
spécieux, je me jugeais fort
élevé au-dessus de la
généralité des hommes, par la
supériorité de mon intelligence et de
ma pénétration ; et je me plaisais
à regarder avec mépris ceux qui
étaient assez faibles pour croire les dogmes
orthodoxes. Je flattais ainsi ma conscience et
lorsque la pensée que je ne méritais
pas encore entièrement le bonheur
céleste, et que je n'étais pas
tout-à-fait préparé pour le
ciel, élevait des inquiétudes dans
mon esprit, le même livre m'offrait un
coussin commode sur lequel je me plaisais à
me reposer, il prétendait, et, comme je
pensais alors, prouvait sans réplique qu'il
n'y à point de peines éternelles; il
insinuait qu'il n'y a de punition que pour les plus
grands pêcheurs, et que ceux qui seraient
privés du ciel rentreraient dans le
néant.
Avec ce système flatteur,
j'imposais silence à toutes mes craintes, et
lorsque ma conscience réveillée
m'accusait, je lui disais : si
j'ai le malheur dé perdre le ciel, je serai
anéanti, et ainsi je n'en sentirai point la
perte.
Je sais maintenant, par
expérience dans quelle intention Satan
emploie un si grand nombre de ses ministres
à inventer et à propager ces erreurs,
soit de spéculation, soit de pratique, qui,
dans tous les âges, ont corrompu et
énervé la doctrine pure et efficace
de l'Évangile ; car ces erreurs, conduisent
à l'oubli de Dieu et à une fausse
sécurité, et deviennent un poison
mortel pour toute âme qui s'en nourrit,
à moins qu'un miracle de la grâce ne
la tire de ce dangereux état.
Telles, sont, d'un côté,
toutes les doctrines superstitieuses du Papisme, le
purgatoire, les pénitences, les absolutions,
les indulgences, le mérite des bonnes
oeuvres et l'observance de choses qui ne sont pas
commandées. Toutes ces doctrines ne
sont-elles pas visiblement des artifices du diable,
pour entretenir les
pécheurs dans la sécurité ?
L'homme résolu de suivre ses
inclinations dépravées, et de ne pas
renfermer ses désirs et ses jouissances dans
les limites prescrites par la sainte loi de Dieu,
s'attache à tout ce qui peut adoucir
l'affreuse image d'une misère
éternelle. Une misère
éternelle! voilà la réflexion
cruelle dont Satan s'efforce, par toutes sortes
d'artifices, de détruire l'influence,
sachant bien qu'il ne peut être tranquille
possesseur d'une âme, tant qu'elle est en
proie à ces alarmes. C'est par de telles
inventions qu'il a soin de fournir aux
pécheurs ce qu'ils cherchent, et, leur
facilite les moyens de vivre selon le train de
ce monde corrompu, et selon les désirs
de la nature dépravée, sans
être troublés par des pensées
effrayantes. Telle est aussi, d'un autre
côté, la tendance de la doctrine de
ces hommes qui mettent les attributs de Dieu en
opposition les tins avec les autres ; qui font le
Monarque suprême tellement
miséricordieux qu'il n'a égard, ni
aux réclamations de sa justice ni à
sa gloire, ni à la véracité de
sa parole, ni à l'ordre et à
l'harmonie de l'univers ; qui font
disparaître tous les mystères de
l'Évangile ; qui représentent le
péché, cette racine féconde de
tout mal, cet ennemi de Dieu, ce favori de Satan,
comme une chose fort légère, et
à laquelle le Tout-Puissant fait à
peine attention; et qui enfin, contre le
témoignage des Écritures, contre
l'expérience et l'observation universelle,
voudraient nous persuader que l'homme n'est point
une créature dépravée.
Ces principes flattaient ma conscience,
m'affranchissaient de la crainte insupportable
table de la damnation, et me donnaient une opinion
favorable de moi-même ; Je les embrassai
donc, je les défendis de toutes mes forces
et m'y fortifiai par tous les raisonnemens qu'il me
fut possible de trouver. Je désirais les
croire ; mon désir fut
satisfait, car je les crus finalement avec la plus
aveugle confiance. Pris ainsi dans le piège
que Satan m'avait tendu, je serais mort, en me
reposant sur un espoir mensonger, si le Seigneur,
que j'outrageais ne m'eut retiré du feu
comme un tison.
Ce fut dans cet état horrible que
j'aspirai aux Saints ordres ! Ébloui
par l'idée orgueilleuse de la dignité
humaine, je ne voyais plus de mal dans le
péché, et je songeais peu à ma
propre corruption. Rempli d'une haute opinion de
mon mérite et de la profondeur de mon
intelligence j'avais exclus tout mystère de
mon système de religion, et je regardais
avec un extrême mépris tous ceux qui
avaient la simplicité d'y croire.
J'étais à peu près
Socinien et Pélagien, et
tout-à-fait Arminien
(1).
Néanmoins, soit dit
à ma honte, je cherchais à être
admis au saint ministère, dans une
église dont la doctrine est
diamétralement opposée à celle
que je venais d'embrasser. Je n'avais jamais
réfléchi aux obstacles que la sagesse
de nos ancêtres avait mis à
l'admission d'hérétiques aussi
dangereux que je l'étais alors. Tandis que
je me préparais à
cet acte solennel, je vivais, comme auparavant,
dans le péché et dans l'oubli absolu
de la prière. Toute ma préparation se
bornait aux études plus immédiatement
requises, pour soutenir honorablement l'examen
d'admission.
Ainsi, plein d'orgueil et de malice,
souillé de plusieurs péchés
dont je ne m'étais point repenti et dont je
n'avais point obtenu le pardon,
négligeant, d'implorer la miséricorde
de Dieu et de demander, par des prières, son
secours et ses bénédictions, je fus
ordonné Diacre le 20 septembre 1772; et
cela, après avoir caché mes sentimens
réels sous des expressions vagues,
après avoir souscrit à des articles
directement contraires à ma croyance, et
faussement déclaré, en la
présence de Dieu et de l'assemblée,
scélant ma déclaration par la
célébration de la cène que je
me sentais poussé intérieurement par
le Saint-Esprit à me charger de cet office
tandis que je niais qu'il y eût un
Saint-Esprit!
Qu'il soit à jamais béni
le Dieu de bonté et de longue patience, qui
a supporté avec tant de miséricorde
un rebelle, un blasphémateur, un
sacrilège usurpateur de son saint
ministère ! Je n'ai jamais songé
à cette criminelle audace sans
m'étonner de n'avoir point été
dès long-temps précipité
dans l'enfer, et sans adorer ce
Dieu plein de gratuité, qui a permis de
vivre à un si grand pécheur, afin
qu'il pût le servir comme son ministre,
l'appeler avec confiance son Père, et
s'écrier avec une vive gratitude :
« Mon âme,
bénis l'Éternel, et que tout ce qui
est en moi bénisse son saint nom. Mon
âme, bénis l'Éternel, et
n'oublie aucun de ses bienfaits; c'est lui qui
pardonne toutes tes iniquités, et
guérit tous tes maux ; qui rachète ta
vie de la destruction, et te couronne de
bienveillance et de miséricorde »
Puissé-je l'aimer avec ferveur, et le
servir avec confiance, avec humilité et avec
un entier dévoûment, ce Dieu qui a
fait surabonder la grâce là ou
avaient abondé les transgressions
!
Pour obtenir l'admission au saint
ministère, j'eus à surmonter de
grandes difficultés, qui naissaient de la
nature de mes principes, et
l'opiniâtreté que je mis à les
franchir me rendit
tout-à-fait inexcusable. J'avais alors,
autant que je puis m'en rendre compte, trois buts
principaux en aspirant au saint ministère le
désir de me procurer une existence plus
douce que je n'aurais pu le faire dans une autre
vocation; - l'espoir d'un loisir qui me permettrait
de satisfaire mon goût décidé
pour la lecture enfin, imbu d'une vaine opinion de
mes talens, j'avais l'ambition de me distinguer un
jour dans le monde littéraire. Tels furent
les principaux motifs qui me
déterminèrent à prendre
témérairement cette résolution
; motifs aussi éloignés de ceux qui
animent un vrai serviteur de Jésus-Christ,
que l'orgueil est opposé à
l'humilité, et l'ambition à la
modération des désirs ; motifs qui ne
pouvaient pas plus s'accorder avec ma nouvelle
vocation, que l'amour de soi-même, du monde,
d'un gain sordide, ou d'une oisive indolence, ne
peut s'allier avec l'amour de Dieu,
celui des âmes et des
fonctions laborieuses du ministère
sacré. Qu'à moi donc soit la honte de
cet odieux péché, et à Dieu
toute la gloire de l'avoir fait servir à mon
bien, quelqu'indigne que j'en fusse et à
celui de son peuple chéri, de «
l'Eglise qu'il s'est acquise par son propre sang !
»
Ma conduite extérieure fut
conforme à ces motifs ; car, dès que
je fus fixé dans une cure, je m'adonnai,
avec la plus grande application, à
l'étude des langues savantes, et d'autres
travaux que j'estimais propres à
préparer mon futur avancement dans le monde.
Oh ! que ne suis-je maintenant aussi
zélé à servir Dieu, que je
l'étais alors à servir mon ambition !
Je n'épargnais aucune peine ;
j'évitais, autant que possible, toute
distraction, toute nouvelle connaissance; je
retranchais même de mon sommeil, afin de me
livrer plus entièrement à mes
occupations favorites. Comme
ministre, je ne remplissais de
mes devoirs que ce qui était indispensable
pour m'attirer la considération du monde.
Sentant bien que l'estime publique seconderait mes
vues, j'affectais une grande moralité dans
ma conduite, et un air sérieux dans ma
conversation. Cependant, je ne me lassais pas de
violer la loi de Dieu, et je négligeais
entièrement tout culte privé. Si
quelquefois j'éprouvais le besoin de la
prière, le sentiment de mes
péchés me fermait la bouche, et je ne
pouvais guère prononcer que ces mots :
ô Dieu aie pitié de moi.
Apercevant que mes sentimens sociniens
étaient fort mal reçus, et intimement
persuadé, par ma propre expérience,
qu'ils n'étaient pas favorables aux bonnes
moeurs, je les cachai en grande partie, soit pour
mon propre crédit, soit dans le désir
d'inculquer à mes auditeurs des principes de
moralité. Quelque peu étendues que
fussent mes connaissances
théologiques, elles contredisaient mon
système relativement aux peines
réservées aux méchans dans un
autre monde. Les livres où j'avais
puisé mon opinion à cet égard
n'étant plus sous ma main, et les
raisonnemens par lesquels j'avais appris à
la défendre s'effaçant ainsi de ma
mémoire, ma confiance commença
à s'ébranler, et j'appréhendai
de nouveau la misère
éternelle.
Ma conscience me reprochait hautement,
comme une vile hypocrisie, de m'employer au service
extérieur de Dieu, tandis que je
négligeais de lui rendre l'hommage de mon
coeur, et que je le provoquais continuellement en
secret: aussi je commençais à me
persuader que, s'il y avait des pécheurs
condamnés aux peines éternelles, je
serais certainement du nombre. Ainsi, je fus de
nouveau en proie aux plus vives inquiétudes,
ayant sans cesse présente à l'esprit
la pensée des terribles châtimens
que j'aurais à endurer,
si, tout-à-coup, la mort venait à me
retirer de ce monde. Ma continuelle application
à l'étude ne pouvait point calmer mes
craintes et tranquilliser ma conscience ; et, sous
une gaîté apparente, je cachais une
âme angoissée.
Telle était ma situation à
l'époque où s'opéra le
changement dont je viens de commencer lé
récit. Je me propose, dans la seconde partie
de cet ouvrage, d'en montrer plus
particulièrement l'origine, et d'en raconter
les progrès et l'issue.
Je ferai observer, en finissant
celle-ci, que, bien que je fusse irrésolu
dans mon opinion, favorite, et que mes idées
sur la personne de Jésus-Christ penchassent
vers l'arianisme, j'étais cependant
plus affermi que jamais dans mes sentimens à
l'égard des autres dogmes. J'ai
déjà exposé en peu de mots ce
qu'étaient ces sentimens ils seront
développés avec plus d'étendue
à mesure que je ferai connaître au
lecteur comment je fus conduit
à les abandonner les uns après les
autres, pour embrasser ceux qui sont directement
contraires. Il suffira de dire pour le moment que
j'étais plein d'opiniâtreté et
d'une vaine suffisance. Placé dans le
voisinage de quelques-uns de ces hommes que l'on
appelle méthodistes
(2), je
partageais l'aversion
générale que l'on a
pour eux - je les considérais avec un
souverain mépris; j'en parlais avec
dérision, je déclamais contr'eux du
haut de la chaire, les appelant des orgueilleux,
des bigots, des enthousiastes ; et je
m'efforçais de prouver que les doctrines
dont je les supposais défenseurs (car je
n'avais jamais lu leurs ouvrages) étaient
injurieuses à Dieu, et funestes aux bonnes
moeurs. Et, bien que, dans certaines compagnies, je
cachasse une partie de ma haine, et que, dans
toutes, j'affectasse une parfaite tolérance,
il serait difficile d'être, plus que je ne
l'étais, prévenu avec orgueil,
inimitié et violence, contre leurs personnes
et contre leurs doctrines.
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