Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



En Canot et en traîneau
À CHIENS
Parmi les Indiens CREE et SALTEAUX


 CHAPITRE XV

 

Je n'ai pas parlé encore des tourmentes, de neige - « blizzards » - qui parfois font rage dans ces vastes solitudes désolées où j'ai été appelé à tant circuler. À vrai dire, il est difficile d'en donner, par description, une idée exacte, seules les personnes qui en ont été assaillies, dans ce qu'on appelle les Sauvages Territoires du Nord ou du Nord-Ouest, peuvent dire qu'elles les connaissent.
Une particularité qui les différencie de toute autre tempête, c'est que le vent semble vous arriver constamment par remous saturés de neige qui vous empêchent absolument de vous rendre compte de sa direction réelle. Vous le sentez souffler directement contre votre figure, vous faites volte-face et vous voilà ébahi d'éprouver exactement la même impression. Un jour, sur le Lac Winnipeg, nous vîmes un de ces tourbillons s'abattre sur nous. Son aspect était celui d'un brouillard très dense chassé par le vent de l'Océan. Bien, bien rares sont ceux qui parviennent à se guider au sein de ces tourmentes ; habituellement, quand ce malheur arrive, on est très vite entièrement ahuri et presque aveuglé par la fine poussière sèche et dure qui vous cingle impitoyablement le visage et qui remplit les yeux, le nez, et même les oreilles et la bouche, s'ils y sont exposés, si peu que ce soit.

CÉRÉMONIE PAÏENNE DES INDIENS PENDANT UNE FÊTE DE CHIENS

En traversant une fois le même lac pour visiter quelques sauvages, qu'à notre arrivée nous devions trouver absorbés par les hideuses cérémonies d'un « festin de chien », j'en fis la dure expérience. Le trajet ne paraissait présenter aucun danger, mes hommes avaient pris les devants pour préparer notre repas. Ils avaient emmené les chiens, me laissant seul à cheminer, sur mes raquettes. Tout d'un coup, la tempête fondit sur moi du nord avec furie. Je poursuivis mon chemin, aussi vite que possible, jusqu'à ce que je fusse tout éperdu ; alors, ne pouvant ni continuer, de peur de m'égarer sans espoir, ni m'arrêter, sans risquer d'être terrassé par le froid, j'enlevai une de mes raquettes et la fixai dans un trou que je taillai dans la glace et me mis en devoir de marcher en cercle autour de ce point, de repaire. Par bonheur, j'entendis bientôt les « halô ! » de mes compagnons qui, me sachant en danger, avaient rapidement tourné bride, exposant leur vie pour sauver la mienne, car, avec les chiens, ils eussent pu atteindre le rivage et se mettre à l'abri. Nous demeurâmes là des heures, jusqu'à ce que nous puissions reprendre notre route en sécurité.

Dans une autre occasion, la Providence se servit, pour nous sauver, de mon étonnant Jack. Qu'on me permette de raconter ce fait en détail :
Cette fois-là, je me proposais de visiter les petits groupes de natifs qui luttaient pour leur existence le long de la côte orientale du grand lac et chez lesquels ma présence était toujours la bienvenue. Pour économiser les fonds de mon comité, je n'avais emmené avec moi, pour cette longue tournée, que le jeune homme dont j'ai déjà parlé. Comme il était fidèle et dévoué et comme j'avais passé moi-même déjà plusieurs années dans la contrée, traversé bien des tempêtes et campé nombre de fois dans la neige, j'avais escompté le succès.

Nous avions deux splendides attelages. Mon leader était un esquimau vif et malin, d'un blanc de neige. Il portait bien son nom de Koona qui en Cree signifie précisément neige ; ses trois suivants étaient mes favoris de l'Ontario, cadeaux personnels d'amis de mon oeuvre. L'autre équipage, conduit par Alec, se composait de Saint-Bernards que m'avait procurés un frère de Montréal. Le plus grand et le plus endurant de ces huit, était mon Jack, le héros de cette aventure, que j'avais placé au second rang de ceux que je conduisais moi-même. Nous avions quitté le bivouac de bonne heure et nous étions dirigés vers le nord, avec l'espoir de couvrir quatre-vingt-dix à cent kilomètres, avant que les ombres de la nuit vinssent nous envelopper. Pendant un temps, nous glissâmes en effet, très rapidement, les yeux toujours fixés sur les promontoires, pour conserver la direction. J'ai dit ailleurs que ce lac est découpé de baies, les unes larges de quarante à cinquante kilomètres, les autres plus étroites, mais très profondes et que, pour gagner du temps, au lieu de suivre la côte, on suit la ligne imaginaire qui serait la corde de tous ces arcs consécutifs. Les chiens, habitués à cette pratique, pointent d'eux-mêmes, avec une exactitude remarquable d'un cap à un autre.

Nous avançâmes ainsi une couple d'heures. Lorsque le froid très vif menaçait de nous engourdir, nous sautions à bas de nos traîneaux et courions à côté, jusqu'à ce que là chaleur revînt. Cependant, le vent du nord-ouest se leva bientôt : il remplit l'atmosphère de cette neige fine et sèche qui ne laisse pas que d'être fort incommodante. Avant longtemps, il prit l'allure d'une tempête, et nous voilà enveloppés par la tourmente à une grande distance du rivage. Que faire ? Peut-être le plan le plus sage eût-il été de virer immédiatement vers l'Est, pour nous en rapprocher, et de tenter d'y trouver un refuge. Toutefois, la baie que nous franchissions était précisément l'une des plus profondes et j'estimai que le cap vers lequel nous nous dirigions, n'était probablement pas plus éloigné que ne l'était le fond du golfe ; aussi, je crus bien faire de courir la chance de poursuivre notre premier dessein. Pour éviter que nous fussions séparés, j'attachai ce que nous appelons la corde de queue de mon traîneau au collier du leader d'Alec et nous trottâmes ainsi plusieurs heures encore. Aucune terre ne se montrant, à la longue, je compris que la neige nous avait joué un de ses tours et que nous nous étions sans doute égarés. Nous avions dû prendre le large sans nous en apercevoir. Enfin, je stoppai et criai à mon suivant : « Alec, je crains que nous ne soyons égarés. Oui, missionnaire, nous sommes certainement égarés. » Je délibérai alors avec lui sur les mesures à prendre. Tout ce que nous pouvions faire, c'était d'avoir recours à la Providence de notre Dieu et de nous fier à l'instinct de nos chiens.

Le milieu du jour étant passé, et la faim se faisant sentir, je déboucle le sac à provisions et nous faisons honneur, tant bien que mal, à la nourriture gelée. Nos bêtes, groupées autour de nous, en obtiennent aussi leur part. Le principe qui veut qu'on ne leur donne qu'un repas dans les vingt-quatre heures et cela après qu'ils ont fourni leur journée de travail, reçoit ainsi une entorse, mais qui sait si jamais aucun de nous aura besoin d'un autre repas ?
Comme il le faisait d'habitude en de telles occurrences, Jack était venu se poster à mon côté. J'avais grande confiance en lui, ayant eu précédemment l'occasion d'admirer sa sagacité et sa noblesse de caractère, si l'on me permet cette expression. Tandis que tous réunis nous satisfaisions les exigences de nos estomacs, j'eus avec lui un entretien que beaucoup de mes congénères auraient qualifié d'insensé :
« Jack, mon vieux camarade, lui dis-je, comprends-tu que nous sommes perdus ; et qu'il est bien douteux que nous voyions jamais plus la maison missionnaire ? Il se peut que la neige nous serve bientôt de linceul et que des yeux aimants guettent en vain notre retour. Selon toute probabilité, tu ne t'étendras plus sur la peau de loup devant le feu de mon cabinet de travail. Lève-toi mon brave, et conduis-nous en lieu sûr ; c'est sur ton intelligence et sur ta vaillance seules que je puis compter. »

Les arrangements nécessaires furent vite faits : Alec s'entortilla au mieux dans sa pelisse de lapin et je le calai sur son traîneau que je rattachai au mien comme auparavant, car il fallait à tout prix éviter qu'il restât en arrière ou fût entraîné dans une autre direction. Puis, enveloppé moi-même autant que faire se pouvait ; et installé sur mon siège, je saisis les rênes et ordonnai : « Marchez ! » L'intelligent Koona placé en tête, se retourna et me regarda comme ahuri ; il attendait « Chaw ! » ou « Yee ! » les mots qui signifient « à droite ! » ou « à gauche ! » Alors je criai : « Jack, en route ! » Sentant l'hésitation de son leader, Jack partit alors d'un trait dans la direction qu'il choisit, et Koona, les guides détendues se mit à galoper à son côté, heureux de lui céder la responsabilité en même temps que l'honneur.

Ils trottèrent ainsi des heures durant. La tempête hurlait et faisait rage, mais Jack n'eut aucune hésitation ni aucune défaillance. Koona ne lui était d'aucun secours, mais les deux autres semblaient avoir saisi sa pensée et le secondaient vaillamment. Je craignais seulement que pendant ce temps nous ne gelions à mort. Le vent du nord nous transperçait. Emmitouflés comme nous l'étions, il était difficile de se donner du mouvement et courir à l'allure de nos coursiers était impossible. De temps à autre, je hélais mon compagnon : « Alec ! ne t'endors pas ; si tu te laisses aller, tu ne t'éveilleras qu'au jour du jugement ! - Bien, missionnaire ! je tâcherai de résister. »

Bientôt la nuit nous enveloppa. Quelle situation ! Cependant mon Père céleste me préserva de l'abattement, du désespoir, qui, du reste, n'eût rien amélioré. Une douce paix remplissait mon âme, et mon coeur s'assurait en Lui. Tant qu'il y a vie, il y a espoir, me disais-je ; et je continuais à appeler Alec par intervalles et à donner une bonne parole à mon attelage que je ne pouvais plus même voir maintenant.

Environ trois heures après la tombée de la nuit, mes chiens quittèrent le trot pour le galop et firent comprendre par leur excitation, qu'ils sentaient le voisinage du rivage et du salut. Tôt après, ils nous tirèrent sur un amoncellement de quartiers de glace qui marquait l'endroit où des humains avaient dû venir pendant quelques mois puiser de l'eau pour les besoins du ménage. Là, tournant délibérément vers une piste qui menait effectivement à la rive, ils franchirent encore quelques centaines de mètres, puis nous firent gravir la berge, et nous introduisirent dans la forêt où, au bout de peu de minutes, nous nous trouvâmes au centre d'un groupe de wigwams, et parmi des amis qui nous firent le plus chaleureux accueil et célébrèrent avec nous notre délivrance.

Cette tempête fut la plus forte de l'année. Pendant trois jours, je restai avec ces braves gens et leur tins des services religieux, après quoi, je poursuivis mon voyage, de campement en campement. Tout le monde était heureux de nous voir et la Parole de Dieu fut reçue avec avidité.

L'oeuvre avançait lentement ; seul missionnaire pour une contrée plus vaste que l'Angleterre, je ne pouvais, soit en canot, soit en traîneau, venir à bout de visiter les stations du dehors plus de deux fois l'an. Les pauvres âmes devaient attendre six mois le messager et le message. À ce sujet, il me faut raconter un trait qui m'a profondément ému au cours de cette même tournée.

Dans l'un des villages, je demandai avant même d'avoir terminé le premier service : « Où est le vieillard à la perruque de neige ? » car il me manquait une tête blanche qui, à chacune de mes visites, avait assisté à tous les services et qui avait, dès sa conversion, montré un ardent désir d'apprendre tout ce qu'on pouvait lui enseigner sur le salut. Au début, il avait été ennuyé que je vinsse chez son peuple et il avait fait de l'opposition. Toutefois, dans la suite, il avait reconnu son erreur et il était devenu un chrétien décidé. À quelque moment que j'abordasse à son village, il me recevait avec bonheur. Non content de profiter des différentes réunions et d'être toujours à proximité lorsque j'enseignais les caractères syllabiques pour que mes auditeurs pussent lire eux-mêmes le Saint Livre, il me suivait comme mon ombre et prêtait attention à mes moindres paroles. J'avais été un peu saisi un soir, lorsque, après une rude journée passée à prêcher, à enseigner, à consoler, je m'agenouillai auprès de mon lit de camp, avant de goûter quelques heures de repos, d'entendre murmurer à mon oreille : « Missionnaire, prie en indien et assez haut pour que je puisse t'entendre. » Et le matin, comme je me recueillais encore à mon lever, il était là de nouveau et j'entendais la même requête : « Missionnaire, je t'en prie, prie à haute voix et dans ma langue ! »
Est-il étonnant que je me sois beaucoup attaché à ce vieillard affamé et altéré des enseignements divins ? Lui et son clan ne me voyaient non plus que deux fois dans l'année aussi s'appliquaient-ils, si je puis ainsi dire, à tirer de leur visiteur tout ce qu'ils pouvaient, et les quelques jours que je passais avec eux étaient très remplis. Leur empressement faisait déborder mon coeur de reconnaissance et compensait les souffrances du voyage.

À mon arrivée dans ce lieu, on s'était attroupé pour m'accueillir joyeusement, et aussitôt que possible nous avions commencé un service. Ne voyant pas dans l'assemblée la figure familière de mon vieillard, je le réclamai donc. Ma question resta sans réponse et les têtes se courbèrent. Je répétai : « Qu'est devenue la vieille tête blanche ? » Il y eut alors un chuchotement et l'un d'eux dit doucement : « Il n'est plus parmi les vivants. » Ces pauvres gens, qui n'ont pas encore compris que la mort est un ennemi vaincu, n'aiment pas à prononcer son nom : aussi s'expriment-ils toujours ainsi en parlant de ceux qui les ont quittés.
En apprenant que mon ami était mort, j'eus le coeur serré comme je voyais que l'était le leur. Après une pause, je dis : « Racontez-moi comment il est mort. » Ils montrèrent une grande répugnance à répondre à ma question; cependant, voyant que non seulement je désirais vivement savoir ce qui en était, mais que j'y étais décidé, ils m'emmenèrent dans un wigwam où se trouvaient la plupart des membres de sa famille, et là, un jeune homme, l'un de ses petits-fils, me conta cette émouvante histoire :
« Missionnaire, ton canot n'était pas parti depuis longtemps l'été passé que Mismis - grand-père - tomba malade et, après quelques semaines, il sembla qu'il allait nous quitter. Il nous appela alors auprès de lui et nous dit quantité de choses. Je ne me souviens pas de toutes, car il nous parla à différentes reprises, mais je me souviens de ceci:
«Combien j'aimerais que le missionnaire revint bientôt vers moi et me réconfortât ! Il est bien loin et ma mémoire est mauvaise ; j'ai oublié ce qu'il me disait, mon corps se détruit et ma mémoire se perd. Dites-lui que sa venue était comme le soleil brillant sur les eaux, mais c'était si rare que tout est devenu sombre dans mon esprit ; ma mémoire est si mauvaise, j'ai tout oublié. Les bonnes choses qu'il nous disait du Grand Esprit et de son Fils et de ce que nous devons faire se sont écoulées. Oh ! que n'est-il ici pour m'aider ! Dites-lui que, aussi longtemps que je l'ai pu, j'ai été sur la pointe de terre qui s'avance dans le lac et que j'ai guetté son canot, mais il n'est pas venu. Dites-lui que depuis que l'hiver a régné de nouveau, J'ai prêté l'oreille au son des grelots de ses chiens, mais je ne les ai pas entendus. Oh ! que n'est-il là, il m'aiderait ; mais il est bien loin ! Mes enfants, apportez-moi mon vieux tambour et mon sac de médecines et laissez-moi mourir comme sont morts mes pères ! Mais vous, jeunes gens, qui avez de bonnes mémoires et qui pouvez vous souvenir des paroles du missionnaire, écoutez-les, et adorez le Grand Esprit et son Fils, comme il vous l'enseigne et ne faites pas comme moi. »

Alors nous avons compris que son esprit était affaibli ; sans cela il n'aurait pas réclamé ces choses d'autrefois ; nous avons été chercher le vieux tambour et nous l'avons placé devant lui par terre, là où il était assis, et nous avons suspendu son sac de médecines en face de lui, dans le wigwam, et il a commencé à battre du tambour. En battant, il est tombé et, en tombant, il est mort, mais ses dernières paroles ont été pour les jeunes aux bonnes mémoires, pour les presser d'écouter le missionnaire et d'abandonner leur paganisme coupable. »

Lorsque le jeune homme cessa de parler et se rassit, un profond silence tomba sur nous. Nous devions présenter un tableau peu banal, blottis dans cette tente d'écorce, sous la tempête glacée. Pendant plusieurs minutes, on n'entendit par intervalles qu'un sanglot échappé à quelque parent du défunt. Moi-même j'étais profondément affecté par ce récit et par d'autres détails que je ne puis rapporter maintenant. Au bout d'un moment, je demandai : « Où l'avez-vous enseveli ? » On me montra l'endroit, c'était sur l'emplacement de son wigwam. La puissance du roi de l'hiver est si grande sous ces latitudes, qu'on ne saurait creuser une fosse en plein air, autant vaudrait essayer de la tailler dans le granit. C'était donc dans sa tente, là où son feu avait tenu le sol dégelé, qu'ils avaient creusé sa tombe. On avait ensuite déplacé l'habitation et bientôt la rafale et la neige en avaient fait disparaître toute trace.

Lorsqu'ils m'eurent conduit vers le lieu où reposait la dépouille de mon ami, je m'y attardai jusqu'à ce que mes compagnons eussent regagné leur abri, puis, tout seul avec Celui qui entend le cri de son peuple, je m'agenouillai dans la neige et je priai ou plutôt j'essayai de prier, car je ne pouvais que pleurer en pensant à cette âme précieuse, entrée dans l'éternité dans ces tristes circonstances. Ses dernières forces avaient été employées à exhorter ses bien-aimés à vivre en chrétiens, ce pendant que lui-même accomplissait les rites insensés du paganisme, non pas qu'il y ajoutât foi, mais parce que aucun messager de la grâce ne s'était trouvé là pour lui répéter l'histoire de l'amour de Jésus. Je pensai au cantique :

Redites-moi l'histoire
De l'amour de Jésus ;
Parlez-moi de la gloire
Qu'il promet aux élus.
J'ai besoin qu'on m'instruise
Car je suis ignorant,
Qu'à Christ on me conduise
Comme un petit enfant.
 
Redites-moi l'histoire
De la crèche à la croix ;
Éveillez ma mémoire
Oublieuse parfois.
Cette histoire si belle
Dites-la simplement ;
Elle est toujours nouvelle,
Répétez-la souvent !
 
Redites-moi l'histoire
De mon divin Sauveur
C'est Lui dont la victoire
Affranchit le pécheur.
Ce glorieux message,
Oh ! redites-le moi
Lorsque je perds courage,
Lorsque faiblit ma foi.
 
Redites-moi l'histoire,
Quand le monde trompeur
M'offre sa vaine gloire
Au prix de mon bonheur
Et quand, loin de la terre,
Je prendrai mon essor,
En fermant la paupière,
Que je l'entende encor !
 
Redites-moi l'histoire
De l'amour de Jésus !

Jamais auparavant la misère et la désolation des millions d'âmes chargées qui pleurent, qui attendent et qui périssent sur toute l'étendue de notre monde déchu, ne s'étaient dressées aussi saisissantes devant moi. À travers les larmes qui m'aveuglaient, il me semblait les voir défiler en rangs pressés : monde de ténèbres, sur lequel doit resplendir la lumière ; monde asservi, qui doit être affranchi ; monde pécheur, qui doit être rendu saint ; monde racheté, qui doit être sauvé !

Dans un sentiment peut-être trop entaché d'incrédulité, je m'écriai : « Jusques à quand, Seigneur ? Jusques à quand ? Pourquoi tardes-tu, ô Dieu ? »
Quelques-unes des précieuses promesses de la Parole me vinrent alors à l'esprit et firent sortir mon âme de cette obscurité. Je pus prier pour leur prompt accomplissement. Dans ma faiblesse, je demandai avec ardeur que le temps vînt bientôt où, non seulement tous les Peaux Rouges, mais aussi tous les innombrables millions d'êtres humains, qui descendent de l'obscurité du paganisme et de la superstition dans l'obscurité du tombeau, recevront sans retard des messagers fidèles qui feront résonner à leurs oreilles et à leur coeur l'histoire de la croix et qui leur montreront le Sauveur du monde.
Après avoir terminé les visites prévues pour cette expédition je retournai à mon home.

Quelques mois plus tard, nous arriva par le courrier du Manitoba la douloureuse nouvelle de la mort de George Mac Dougall, mon collègue de la Mission Victoria parmi les Saskatchewan, celui-même qui était à la tête de notre caravane missionnaire à son départ. Il avait été surpris par une tourmente de neige sur les grandes prairies. Soit le missionnaire, soit son cheval, avait sans doute été aveuglé et égaré et cet héroïque chrétien s'était étendu dans la vaste solitude glacée pour y dormir son dernier sommeil. Son corps n'avait été retrouvé qu'au bout de quinze jours d'actives recherches.

Après que ma femme et moi nous eûmes lu ce triste récit, que nous eûmes pleuré ce frère enlevé d'une manière si imprévue, si poignante, si mystérieuse, elle me demanda : « Où étais-tu toi-même pendant cette semaine-là ? » Je cherchai mon journal, et quel saisissement nous éprouvâmes en constatant que la tourmente qui m'avait assailli sur le Winnipeg, ainsi que je l'ai raconté dans ce chapitre, était, selon toute probabilité, la même que celle qui avait coûté la vie à mon frère.


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