En Canot et en traîneau
À CHIENS
Parmi les Indiens CREE et SALTEAUX
CHAPITRE PREMIER
La question de l'évangélisation
des peuplades de l'Amérique septentrionale
est, depuis bien des années, une de celles
qui préoccupent l'Église
chrétienne. Quelques-uns des serviteurs de
Dieu les plus éminents se sont
consacrés à cette oeuvre ; les
plus dures privations et les plus grandes
souffrances y ont été
endurées. Quelques-uns des plus beaux
trophées y ont été
obtenus.
Il est regrettable qu'il existe si peu
de biographies des hommes héroïques qui
ont travaillé parmi les Indiens. Tout en
nous réjouissant de posséder celles
d'Eliot, de Brainerd et d'autres des premiers
ouvriers qui ont lutté vaillamment et non
sans succès parmi les Peaux-Rouges, nous
déplorons qu'on ait publié si peu sur
Evans, Rundle, Mac Dougall, Steinheur et d'autres
dont le courage, l'endurance, la
patience et le labeur fructueux rendraient les
biographies aussi saisissantes et aussi profitables
à l'église que celles de Carey, de
Judson, de Hunt ou de Morrisson.
Les travaux de ces missionnaires parmi
les aborigènes du continent américain
méritent d'autant plus d'honneur qu'ils ont
eu pour objet une race généralement
considérée comme mourante, un peuple
en voie de disparaître. Trop souvent, on leur
a fait entendre le sifflement des boulets au lieu
de la prédication de l'Évangile
d'amour. Les lois qui leur ont été
imposées ont tendu plus à les
anéantir qu'à les élever au
rang de nation chrétienne et à la
jouissance d'un christianisme conséquent. Il
est bien humiliant de constater que, dans les pays
dits chrétiens, ils sont nombreux ceux qui,
oubliant la doctrine de la fraternité
universelle du genre humain, et aussi
l'universalité de l'expiation, ont eu
l'esprit si plein de préjugés et si
rapetissé en ce qui concerne l'homme rouge,
qu'ils l'ont exclu de l'humanité et
placé en dehors de l'atteinte de la
miséricorde divine, déclarant avec
assurance que le seul bon Indien est l'Indien
mort ; ou bien, ainsi que cela m'a
été dit un jour brutalement par un
officier : « L'Indien est une
vermine qui n'est bonne qu'à être
exterminée. »
TRAÎNEAU À CHIENS
À TOUTE VITESSE
Quel sujet de reconnaissance, tandis que
l'ignorance, la terreur, l'ambition ou
l'avidité inspiraient à leur
égard de tels sentiments, que beaucoup de
chrétiens, animés d'autres
dispositions, se soient sentis appelés
à vivre au milieu d'eux et à leur
faire du bien. Et ils n'ont pas complètement
échoué. Indépendamment des
efforts faits par les prêtres catholiques qui
accompagnaient Cortez, Pizarre et d'autres
aventuriers militaires, des religieux ont
travaillé dès le début du XVIe
siècle en Floride et dans la région
du Rio-Grande à la conversion des natifs, et
longtemps avant qu'aucune colonie
considérable de langue anglaise eût
été constituée sur le
continent, leurs convertis se comptaient par
milliers. Puis dans les siècles suivants se
déroule l'histoire des labeurs et des
tribulations des jésuites et d'autres
organisations de I'Eglise romaine parmi les Hurons
du Canada, les Iroquois de New-York, les Abenakis
du Maine et différentes autres tribus. Les
pages éloquentes et attachantes où
Parkman les retrace semblent un roman bien plus
qu'un récit de faits réels. Lors des
premiers établissements dans le Maryland, la
nécessité de s'occuper de la
conversion des Indiens attira de suite l'attention
et ceux qui s'y appliquèrent ne
travaillèrent pas en vain.
On trouve ces mots dans la charte qui fut
donnée aux aventuriers qui en 1607 se
fixèrent en Virginie :
« Employez tous les moyens convenables
pour amener la population sauvage et païenne
à la vraie connaissance de Dieu et à
son service. »
Les Pères, pèlerins
étaient à peine arrivés
à Plymouth-Rock depuis un an, que l'un de
leurs anciens, écrivant à ses amis
d'Angleterre, mentionne les dispositions favorables
des adolescents, et la possibilité d'obtenir
des résultats parmi eux. Ces hommes hardis
et admirables, qui émigraient en pays
sauvage par motif de conscience, avaient du reste
déclaré qu'ils passaient en
Amérique pour des raisons solides et
importantes parmi lesquelles celles-ci :
« Travailler à la propagation de
l'Évangile et à l'avancement du
règne de Christ. »
Dès l'abord, ils
s'appliquèrent consciencieusement à
la poursuite de ce but. On a beaucoup écrit
sur les remarquables réveils dont David et
John Brainerd furent les témoins. Leur
zèle fervent et leurs grands succès
enflammèrent des hommes tels que Wesley,
Whitefield et Jonathan Edwards. Un auteur
éminent a déclaré que l'oeuvre
de Dieu parmi les Indiens à cette
époque fut probablement sans
parallèle dans l'histoire des missions en
terre païenne depuis les
temps apostoliques. D. Brainerd
écrit : « La puissance de
Dieu semblait descendre sur eux comme un vent
violent de tempête, balayant tout devant
elle. Les effets en furent surprenants. Des
vieillards, hommes et femmes, étaient dans
une angoisse profonde au sujet de leur âme,
les coeurs les plus endurcis se fondaient et des
milliers de personnes furent converties à
Dieu. »
John Wesley fut si profondément
impressionné que nous lisons dans un de ses
ouvrages la question et la réponse
suivantes : « Qu'est-ce qui pourrait
être tenté pour vivifier le
zèle pour Dieu là où il est en
déclin ? Que chaque prédicateur
lise attentivement la vie de D.
Brainerd.... »
Ce serait une oeuvre d'amour, et
intéressante au plus haut point, que de
retracer ce qui a été accompli par
les églises en faveur de ces
déshérités, mais cela
demanderait des volumes. Qu'il nous suffise de
dire, avant de parler des Missions du Canada qui
nous sont personnellement connues, que les
États-Unis y poursuivent vigoureusement et
avec fruit une grande entreprise. Des écoles
excellentes forment de nobles chrétiens, des
deux sexes, qui donnent une nouvelle impulsion
à cette oeuvre bénie et
amènent les restes de ces tribus jadis
florissantes à la possession de la vraie
religion et à un niveau plus
élevé de
civilisation. C'est aussi un
signe des temps des plus encourageants que de voir
la plus puissante république du monde
s'éveiller au sentiment de sa
responsabilité et, comme pour réparer
les méfaits de ses agents et les fatales
erreurs du passé, entrer dans une nouvelle
voie, résolue à étendre
à ses sujets rouges la justice qui leur a
été trop longtemps
refusée.
La politique dite « du fer et
du sang » a été une tache
sur la civilisation américaine et sur
l'ensemble de la chrétienté. Elle a
du reste complètement échoué.
Les bons procédés et les bons
exemples sont bien plus efficaces, et les gens de
sens droit se souviendront avec reconnaissance du
général Grant qui inaugura la
politique de paix. Lorsque de prétendus amis
insistaient auprès de lui pour l'en
détourner, il répondait :
« Si la ligne de conduite que nous
suivons actuellement à leur égard
peut être améliorée de quelque
manière, je suis tout prêt à
accueillir des conseils à ce sujet. Je ne
crois pas que notre Créateur ait
placé sur la terre des races d'hommes
différentes, pour voir les plus fortes
appliquer leur énergie à
l'extermination des plus faibles. Si le
gouvernement modifie sa tactique à
l'égard des Indiens pendant que je suis au
pouvoir, cela ne sera que dans le sens
humanitaire. »
.
CHAPITRE II
L'Église méthodiste du Canada
s'était intéressée depuis un
certain nombre d'années à
l'évangélisation des peuplades
indiennes du « grand
territoire » ; mais, pendant
longtemps, les efforts étant faibles, les
résultats demeuraient peu importants. Ce fut
en 1823 que la conversion d'un jeune garçon,
devenu, par la suite, le révérend
Peter Jones, missionnaire dévoué et
béni, imprima un nouvel élan à
l'oeuvre parmi son peuple. Nous raconterons tout
à l'heure cette conversion.
En 1840 la Société
mère des missions wesleyennes, en
Angleterre, stimulée à l'ouïe de
ce qui se passait dans cette ancienne province du
Haut-Canada, envoya dans ce que l'on appelait alors
les territoires de la Baie d'Hudson les
missionnaires Barnley, Rundle, et d'autres pour y
travailler sous la direction de
James Evans. Celui-ci n'hésita pas à
quitter la contrée où il remportait
alors des succès réjouissants pour
prendre la tête de cette troupe qui,
animée d'un zèle tout apostolique,
allait pénétrer au coeur même
de cette région encore inconnue.
Avec sa famille, il franchit dans un
canot d'écorce de bouleau les centaines de
kilomètres qui séparaient sa station,
sur le Lac Supérieur, de Norway-House
à l'extrémité septentrionale
du lac Winnipeg. Sa bibliothèque et ses
effets durent être expédiés
à Londres pour y être embarqués
sur un vaisseau de la Compagnie de la Baie d'Hudson
à destination de la factorerie d'York, sur
la côte occidentale. De ce port, Ils
suivirent sur un parcours de plus de huit cents
kilomètres une voie bien périlleuse
dans des bateaux découverts. À
soixante-dix reprises on dut les décharger
et les transporter à dos d'hommes à
travers ou au delà de chutes, de rapides ou
de rivières traîtresses jusqu'à
ce que finalement ils atteignissent leur
propriétaire. Il avait fallu bien des mois,
une double traversée de l'Atlantique, un
trajet de deux mille kilomètres pour
accomplir un voyage qui se fait aujourd'hui
à l'aide d'un steamer et d'une vole
ferrée en cinq jours.
Dans cette vaste contrée, les
noms d'Evans, de Rundle et de
Barnlev sont encore comme
pénétrés d'un parfum
céleste. Leur vie héroïque et
pleine de foi n'est point oubliée. Nombreux
sont les habitants encore vivants qui font dater du
ministère de ces frères leur
entrée dans la vie nouvelle, tandis qu'une
cohorte non moins nombreuse a été
recueillie dans les rangs de l'église
triomphante.
En 1854, les missions de ce territoire
passèrent de l'Église wesleyenne
anglaise à l'Église méthodiste
canadienne. Le temps et la place nous manqueraient
si nous voulions énumérer tous les
hommes de valeur, européens, canadiens ou
indigènes, qui ont donné leur vie
pour le salut de ces populations ; toutefois,
avant de commencer mon histoire personnelle, je
désire donner ici de brèves notices
sur trois missionnaires indigènes.
Peter Jones, dont il a été
question plus haut, naquit le 1er janvier 1802 sur
les hauteurs de la baie de Burlington dans le
Canada occidental et fut élevé par sa
mère selon les coutumes et les superstitions
de son peuple. Pendant quatorze ans, il erra dans
les forêts du Canada ou des États-Unis
avec des bandes de sauvages, endurant toutes les
privations et les souffrances inhérentes
à cette vie païenne.
Son nom était Kah-ké-wa-quon-a-by, ce
qui signifie Plumes sacrées mouvantes. Comme
tous ses congénères, il apprit
à manier l'arc et les flèches ;
plus tard, il devint habile tireur de fusil et fut
canotier et pêcheur distingué. En
1816, il eut la bonne fortune de suivre une
école anglaise où il apprit à
lire et à écrire, puis il
s'établit parmi les Mohawk. Quatre ans plus
tard, il commença à fréquenter
un service religieux et à avoir de la
religion chrétienne une impression
favorable. Mais lorsqu'il vit les blancs s'enivrer,
se quereller entre eux, maltraiter et tromper ses
infortunés compatriotes, il changea d'avis
et trouva que celle de ses pères
était préférable. Cependant,
il ne tomba jamais dans le vice païen de
l'ivrognerie. En 1823, il fit la connaissance d'un
ouvrier pieux qui avait très à coeur
l'âme des indigènes. La
fidélité de sa conduite et la
sympathie qu'il leur témoignait firent une
profonde impression sur l'esprit du jeune homme.
Tôt après, les méthodistes
primitifs tinrent, dans un district voisin, ce
qu'ils appellent un
« Camp-Meeting »,
assemblée en plein air. La curiosité
y attira beaucoup de monde, et dans le nombre
Plumes sacrées mouvantes et l'une de ses
soeurs qui voulaient voir comment les
méthodistes adoraient le
Grand-Esprit dans leurs solitudes sauvages.
RÉVÉREND JOHN
SUNDAY
William Case, qu'on surnomma plus tard avec
raison l'apôtre des Indiens du Canada, avait
la direction générale du
« Camp-Meeting ». Il
était assisté d'un certain nombre de
prédicateurs qui alternaient sur l'estrade
rustique pour faire entendre à la foule des
discours incisifs et vibrants.
En général il y avait
chaque jour trois sermons, suivis de
réunions de prières et d'entretiens
personnels dans lesquels on exhortait les
inconvertis à accepter Christ comme Sauveur.
Peter Jones décrit la chose ainsi :
« En arrivant au campement, je fus de
suite frappé de l'attitude solennelle des
gens, dont beaucoup étaient occupés
à chanter et à prier. Un sentiment
étrange s'empara de moi et j'en vins
à croire que l'Être suprême
était là, au milieu de son peuple qui
l'adorait. Nous plantâmes notre tente
d'étoffe grossière sur l'emplacement
qu'on nous attribua. Le camp comprenait environ
deux acres de terrain entourés d'une sorte
de hâle. Les tentes étaient
dispersées dans cet enclos dont on avait
enlevé les broussailles et les arbustes,
conservant seulement les arbres qui donnaient une
ombre magnifique. On y pénétrait par
trois portes. Durant la nuit, des foyers ardents,
brillant à travers le feuillage des grands
arbres, illuminaient toute la contrée et lui
communiquaient quelque chose d'imposant. Les gens
affluaient de quinze, de trente, même de
soixante-quinze kilomètres de distance, dans
leurs wagons, avec fils et filles, dans l'intention
de les présenter au Seigneur en vue de leur
conversion. Je pense qu'il y avait bien là
un millier de personnes.
Au son d'un cor, nous allâmes
prendre place en face de l'estrade pour entendre un
sermon. Ensuite il y eut une réunion de
prières, à laquelle tous ceux qui s'y
sentirent appelés prirent part, soit en
priant pour ceux qu'on appelait « les
pénitents », soit en les
exhortant. Le lendemain qui était le samedi
2 juin, se tinrent plusieurs prédications
dans l'intervalle desquelles eurent lieu des
réunions du même genre. Je
commençais à me sentir très
mal à l'aise, mon coeur était malade,
mais je ne laissais pas voir mes sentiments. Le
dimanche, il y eut un concours de peuple plus grand
encore, et j'entendis beaucoup de discours dont
quelques-uns m'impressionnèrent vivement, vu
que j'en pouvais comprendre la plus grande partie.
Je me figurais que les « redingotes
noires » savaient tout ce qui se passait
en moi et s'adressaient personnellement à
moi. Le fardeau qui m'oppressait devenait de plus
en plus lourd et mon coeur s'écriait
« que dois-je faire pour être
sauvé ? » car je me voyais
dans un bourbier affreux et dans les liens de
l'iniquité. Mieux je comprenais le plan du
salut par notre Seigneur Jésus-Christ, plus
j'étais convaincu de la vérité
de la religion chrétienne et du besoin que
j'avais de ce salut. En dépit de mon vieux
coeur indien, des larmes sillonnaient mes joues
à la pensée de mes
péchés. Je voyais beaucoup de blancs
sérieusement réveillés et je
les entendais demander grâce à haute
voix, tandis que d'autres les considéraient
avec étonnement et que quelques-uns
même riaient et se moquaient.
Les réunions continuèrent
le lundi de la même manière. Pendant
les allocutions je pleurais beaucoup et je
m'efforçais de n'en rien laisser voir,
baissant la tête derrière les
épaules des autres. Si mes compatriotes, qui
considèrent les larmes comme une faiblesse
indigne d'un homme, m'avaient vu pleurer comme une
vieille femme ! Dans l'après-midi mon
chagrin ou plutôt l'angoisse de mon âme
était au comble ; mes
péchés m'apparaissaient effrayants et
je sentais combien le Grand-Esprit en était
offensé ; aussi me semblait-il que
j'allais descendre en enfer. J'avais la conviction
que si je ne trouvais grâce par ce Seigneur
Jésus dont on parlait beaucoup,
j'étais perdu pour toujours. J'avais
l'idée que, si je pouvais amener ces braves
gens à prier pour moi dans l'une des
réunions intimes, je trouverais du
soulagement, mais le courage me manquait pour faire
connaître mon désir. Oh ! quelle
bénédiction que Christ ne m'ait pas
abandonné quand j'étais si lent
à le recevoir comme mon Seigneur et mon
Sauveur !
Vers le soir, je me retirai dans un
endroit tout à fait désert et
j'essayai de prier moi-même le Grand-Esprit.
Je m'agenouillai auprès d'un arbre abattu,
mais le bruissement des feuilles agitées par
le vent au-dessus de ma tête me
troublait ; je pénétrai plus
avant dans la forêt et là je luttai
avec Dieu. Il m'aida à prendre la
résolution de retourner au camp et de
demander qu'on le priât en ma faveur. J'y
allai, en effet, mais au moment décisif, la
timidité me fit encore hésiter et je
m'arrêtai, appuyé à un tronc
d'arbre, examinant ma situation et me demandant si
je ne ferais pas mieux de renoncer tout à
fait à chercher le Seigneur.
La nuit tombait ; tandis que
j'étais là, ne sachant quel parti
prendre, un bon vieillard vint à moi et me
dit : « Est-ce que tu désires
trouver la vraie religion et servir Dieu ?
Oui, répondis-je. - Alors désires-tu
que le peuple de Dieu prie pour
toi ? » Et comme Je lui dis que
c'était précisément ce que je
souhaitais ardemment, il me conduisit à la
réunion de prières. Je tombai
à genoux et me mis à invoquer le nom
du Seigneur de mon mieux. Le vieillard pria pour
moi et m'exhorta à croire au Seigneur
Jésus-Christ qui, dit-il, est mort pour les
Peaux-Rouges aussi bien que pour les blancs.
Plusieurs des prédicateurs
prièrent aussi pour moi. Lorsque je
commençai moi-même à prier, mon
coeur était attendri et je versai
d'abondantes larmes ; mais, chose
étrange, peu après il devint dur
comme la pierre. J'essayai de regarder en haut,
mais les cieux semblaient d'airain. Alors je me
pris à dire Il n'y a pas de
miséricorde pour le pauvre
Indien. » Je me sentais un
réprouvé, un pécheur
condamné à l'enfer.
Vers minuit, j'étais si
fatigué et si découragé que je
quittai notre réunion et gagnai ma tente
où je m'endormis immédiatement. Je ne
sais pas combien de temps avait duré mon
sommeil lorsque le pasteur et Mr. F. qui
s'étaient aperçus de mon absence
arrivèrent à ma recherche avec une
lumière et Mr. S. me dit :
« Lève-toi,
Kah-ké-wa-quon-a-by, viens avec nous
à la réunion de prières et
fais en sorte que ton âme se convertisse. Ta
soeur a déjà obtenu l'Esprit
d'adoption, et tu dois rechercher la même
bénédiction. »
RÉVÉREND HENRY
STEINHEUR
En entendant que ma soeur Mary était
convertie et avait trouvé la paix, elle dont
je n'avais pas même su qu'elle cherchât
le Seigneur, je sautai sur mes pieds et suivis les
deux excellents hommes, bien décidé,
s'il y avait encore une miséricorde pour
moi, à la chercher jusqu'à ce que je
l'eusse trouvée. À la réunion
je vis Mary au comble du
bonheur ; elle vint à ma rencontre et,
très émue, m'engagea à me
donner à Dieu en me disant comment elle
l'avait fait elle-même. Ses paroles me
touchaient profondément et, tombant de
nouveau à genoux, je criai à Dieu
pour obtenir sa grâce. Ma soeur pria pour moi
de même que d'autres bonnes
gens et surtout Mr. S. dont je n'oublierai jamais
le zèle pour ma conversion. À l'aube
je pus enfin me remettre entièrement au
Seigneur et me réclamer de Jésus
comme de mon parfait Sauveur qui avait porté
mes propres péchés en son corps sur
la croix. À l'instant même mon fardeau
me fut enlevé et une joie indicible envahit
tout mon être je pus m'écrier :
« Abba, mon
Père »
L'amour de Dieu était maintenant
répandu largement dans mon coeur, je
l'aimais ardemment en retour et je le louais au
milieu du peuple. Tout m'apparaissait
désormais sous un jour nouveau et
c'était comme si la création
s'unissait à moi pour le
célébrer. Les gens, les arbres de la
forêt, la douce brise, le gazouillement des
oiseaux, l'aurore, tout proclamait la puissance et
la bonté du Grand-Esprit. Et
qu'étais-je pour ne pas élever la
voix à mon tour pour lui donner gloire,
à Lui qui avait fait pour moi des choses si
étonnantes ! je me sentais plein de
compassion pour tout le monde et
particulièrement pour mes parents, mes
frères, mes soeurs, mes compatriotes, pour
la conversion desquels je priais afin qu'eux aussi
trouvassent ce grand salut. Je croyais maintenant
de toute mon âme à Dieu le
Père, le Fils et le
Saint-Esprit, et je
renonçais joyeusement au monde, à la
chair et au diable. Je ne puis décrire ce
que j'éprouvais à ce moment ;
j'étais pour moi-même un sujet
d'émerveillement. Oh ! la bonté
de Dieu donnant son Fils unique et bien-aimé
à la mort et faisant ainsi de moi son
enfant. Puissé-je ne jamais perdre de vue
les grandes choses qu'il m'a faites en cette
glorieuse matinée du 5 juin 1823.
Avant la clôture du
« Camp-meeting » ce même
mardi, on tint encore une réunion dite de
fraternité et le révérend Case
demanda à tous ceux qui avaient fait
l'expérience de la justification de se
lever. Il y en eut un bon nombre, parmi lesquels ma
soeur et moi. En me reconnaissant, il
s'écria : « Gloire à
Dieu ! Voilà parmi les convertis un
fils de Jones de la Grande Rivière.
Maintenant la porte est ouverte pour la conversion
de sa nation ! »
Nous rentrâmes à la maison
et avec beaucoup d'émotion nous
racontâmes à nos parents ce que Dieu
avait fait pour nous notre simple récit les
toucha beaucoup au milieu de leurs larmes, ils nous
dirent qu'ils étaient heureux que nous nous
fussions donnés au Seigneur et nous
exhortèrent à
persévérer dans la bonne
voie.
Quelques jours après, le mauvais
esprit me tenta de douter de la
réalité du
changement que le Saint-Esprit
avait opéré dans mon âme, mais
cela ne fit que me pousser à rechercher
d'autant plus le Seigneur. Je sondai ses
Écritures et le priai beaucoup, attendant
une manifestation plus évidente de son
action sur moi. Un jour que je m'étais
retiré dans un vallon solitaire, recherchant
sa présence, tous mes doutes et mes craintes
s'évanouirent et je pus recevoir
l'attestation du Saint-Esprit rendant
témoignage avec mon esprit que
j'étais un enfant de Dieu, que
j'étais passé de la mort à la
vie et qu'en vérité la bonne oeuvre
était commencée dans mon
coeur. »
Une des conversions les plus
remarquables parmi les Indiens du Canada fut celle
de John Sunday, si connu et si justement
aimé aussi bien en Angleterre que dans son
pays, où il fut missionnaire nombre
d'années et devint l'instrument de centaines
de conversions. Il était
particulièrement recherché pour la
célébration d'anniversaires
missionnaires et, partout où son nom
figurait dans le programme, d'immenses foules
s'assemblaient. Il tenait son auditoire sous le
charme de son éloquence tantôt
pathétique, tantôt finement originale.
Sa vie conséquente a été un
beau témoignage rendu à la puissance
de l'Évangile pour relever
et sauver un infortuné païen, ignorant
et ivrogne.
Le récit qu'il a fait
lui-même de sa conversion est d'un
intérêt si vif que nous le
reproduisons ici dans son propre style. Cela
donnera une idée de sa manière de
s'exprimer dans ses allocutions
inimitables.
« Frère Scott veut que
j'écrive ma conversion qui se produisit il y
a à peu près neuf ans.
Premièrement, nous campions dans le
voisinage d'un fermier, un matin, et j'allai chez
lui pour avoir du whisky ; j'en eus en effet
un peu. Après que je l'eus bue, cette eau de
feu, je me sentis très content. Peu à
peu le fermier me dit : « As-tu
envie d'aller voir ces Indiens prêcheurs
à Belleville ; ils désirent voir
tous les Indiens. » je lui dis :
« Pourquoi faire désirer voir les
Indiens ? » Il me dit :
« Ils parlent de leur Dieu. »
Alors je vais à mon wigwam pour le dire aux
autres et nous prenons quelques-unes de nos
couvertures. Avec nos couvertures nous louons le
fermier et son attelage pour nous porter à
Belleville. Nous arrivons là vers 9 heures.
Nous n'avons aucune chance d'entrer dans la maison
des réunions, alors nous allons vers le gros
tas de bois ; nous sommes là assis tout
le jour dans le tas de bois jusque vers cinq heures
du soir. Peu à peu, eux
sortent de la maison de réunion ; alors
nous allons vers eux et leur serrons la main.
À peu près à sept heures, dans
la soirée, nous allons à la
réunion. J'ai très grande envie de
les entendre, savoir ce qu'ils nous diront. Peu
à peu l'un d'eux se lève et nous
parle. Il commence à parler de Dieu, de
l'âme, du corps. Il dit ceci :
« Pour tous les hommes il n'y a que deux
chemins, où nous devrons aller quand nous
mourrons. L'un est chemin large, l'autre est chemin
étroit. Tous les méchants hommes
blancs et tous les méchants Indiens, les
ivrognes, vont là ; mais les hommes
blancs qui sont bons iront dans le chemin
étroit, mais si les Indiens deviennent aussi
bons, s'ils servent le Seigneur, ils peuvent aussi
aller dans ce chemin étroit. »
Alors je commence à penser en
moi-même, à me sentir mal dans mon
coeur. Je pense : voilà, j'en suis un
pour aller dans le chemin large, parce que j'avais
beaucoup bu le soir précédent. Mon
père et ma mère m'avaient
enseigné depuis que j'étais un petit
garçon : Tous les Indiens iront
là où le soleil se couche, mais tous
les blancs iront dans un lieu de tourments. J'avais
donc le coeur troublé. Le lendemain matin
encore ils parlent avec nous, puis ils partent loin
de nous. Aussitôt qu'ils sont loin,
quelques-uns des Indiens disent :
« Allons chercher encore
un peu de whisky pour le
boire ; ce que ces gens nous disent, nous ne
voulons pas le faire ; il nous faut continuer
de vivre à notre manière. »
Ainsi ils allèrent chercher du whisky ;
ainsi j'en prends un peu avec eux et de suite
après que je l'ai bu, je vais à la
maison avec Moïse. C'est à peu
près à douze kilomètres. Tout
le long de la route je pense à ces deux
chemins. Pendant quatre nuits je ne dors pas
beaucoup. Le samedi nous allons tous de nouveau
à Belleville. Là je vois le
frère Case, Il me dit :
« Comment trouves-tu ce que dit Peter
Jones ? » je lui dis :
« Quatre nuits passées je n'ai pas
beaucoup dormi. » Et il commence à
me parler de la religion de Jésus-Christ. Oh
je me sens très mal de nouveau ; je
pense je suis un des hommes du diable parce que je
suis si méchant.
Et le lundi nous retournâmes tous
de nouveau à la maison. Cette nuit je pensai
que je voulais essayer de prier ; c'est la
première fois que j'ai eu l'intention de
prier ; je ne sais pas comment le faire, mon
coeur est trop dur ; je ne puis dire que
quelques mots. Je dis comme ceci :
« Oh Seigneur, je suis
méchant ; je suis un méchant
homme ; sors-moi de ce feu éternel et
de cet endroit tout noir, » Le lendemain
matin, je vais dans les bois pour prier. Il n'y a
point encore de paix dans mon coeur.
Peu à peu je vais vers les autres
Indiens pour leur parler de ce que ces gens nous
ont dit à Belleville, puis je m'en retourne
à la maison. Ces jours-là nous
traversons la Baie pour aller à l'île
de Sahgegwin, et des Indiens viennent là sur
l'île. Peu à peu nous
commençons à avoir des
réunions de prières dans la
soirée et aussi le matin. Je leur parle tout
le temps. J'avais un garçon d'environ six
ans ; peu à peu il devient malade et
meurt. Je me sentais très malheureux et je
pensais ceci : je ferais mieux de ne pas
m'arrêter de prier Dieu. J'allai alors
à Belleville pour demander à tous ces
méthodistes de venir sur notre île
prier pour nous ; et comme je demandais
à l'un de ces hommes méthodistes de
me donner un verre de bière pour me
réconforter, cet homme me dit :
« La bière n'est pas bonne pour
toi, tu ferais mieux d'avoir le Bon Esprit dans ton
coeur. » Aucun d'eux ne désira
venir à notre wigwam et je m'en allai sans
mon verre de bière. Ainsi nous avons des
réunions de prières, mais aucun de
nous n'avait encore de religion.
Après cela, j'allai à une
réunion trimestrielle qui avait lieu chez M.
K. ; j'y vis un homme et une femme qui
s'exclamaient bruyamment et je pensai qu'ils
étaient ivres ; mais non, me
dis-je ; ils ne peuvent être ivres
puisqu'ils sont chrétiens ; il doit
y avoir en eux quelque chose. Le
frère B. prêcha ce
jour-là : « Si un homme est
un grand pécheur, dit-il, le Seigneur lui
pardonnera pourvu qu'il croie en lui. »
Moi je pensais : si je fais bien,
peut-être que Dieu me pardonnera. Environ une
semaine après, autre réunion
trimestrielle dans la grande grange de M. D. Dans
la matinée ils eurent un repas
d'amour ; ils se donnent les uns aux autres un
petit morceau de pain, ils nous en donnent aussi un
peu, de l'eau et un peu de pain. Je ne sais pas
pourquoi ils le font. Quand je l'ai pris, le pain
me reste au gosier, il m'étrangle.
Oh comme je me sentais dans mon coeur je
le sentais bien malade et je me dis :
Certainement j'appartiens au diable puisque le pain
du Seigneur m'étrangle ; je comprends
que le Grand Esprit est en colère contre moi
et je me dis de nouveau : je ne sais pas ce
que je dois faire pour sauver mon âme du feu
éternel ; j'essaierai encore !
Puis je prends un autre morceau de pain, mais pas
celui du Seigneur ; j'allai le chercher dans
une maison et je l'avalai très bien.
J'éprouvai encore plus de chagrin d'avoir pu
avaler ce pain-là. Oh ! que mon coeur
était donc malade, c'était comme si
j'étais sous l'eau.
Dans l'après-midi, nous allons
à une autre réunion
de prières dans la vieille maison et Peter
Jones dit à tout le monde :
« Élevons nos coeurs à
Dieu ! » je le regarde et je n'y
comprends rien. Je pense : si je fais cela,
sortir mon coeur de ma poitrine, je serai mort.
Cependant je m'agenouille pour prier Dieu. Je ne
sais pas comment il faut faire pour demander de la
religion et je dis seulement : 0 Keshamunedo
shahnanemeshim ! - (Seigneur, aie pitié
de moi pauvre pécheur !) Et peu
à peu le bon Dieu verse son Esprit sur mon
pauvre misérable coeur. Alors je me mets
à crier de joie, je me sens bien
léger et après la réunion je
vais dire à Peter Jones tout ce qui se passe
dans mon coeur et Peter me dit :
« Le Seigneur te bénisse
désormais ! » Oh ! comme
je suis heureux ! Je regarde autour de moi et
de l'autre côté de la baie et en haut
et vers la forêt ; tout est nouveau pour
moi. Je pense que ce jour-là j'ai
reçu la religion et je remercie le Grand
Esprit d'avoir fait cela pour moi. Je désire
être comme l'homme qui a bâti sa maison
sur le roc. Amen. »
John Sunday a vécu de longues
années, fidèle et pieux, ainsi que
nous l'avons dit, aimé de tous ceux qui
l'ont connu. Il est mort d'une mort triomphante
à un âge avancé. Sa
dépouille repose dans le beau petit
cimetière d'Alnwick au bord du lac
Rice, auprès de la tombe
du révérend Case, son
bien-aimé père spirituel.
Le missionnaire indigène Henry Steinheur
fut recueilli alors qu'il était un enfant
païen, négligé et
misérable, par ce même
révérend Case, qui prit soin de lui
avec une grande patience et non seulement lui
enseigna les simples vérités de
l'Évangile, mais posa les fondements d'une
bonne éducation qui devait plus tard se
développer si bien que plus d'un homme blanc
eût pu honnêtement lui porter
envie.
Remarquant que ce jeune garçon
avait une voix très musicale, son protecteur
l'incorpora dans une petite troupe d'autres enfants
du pays avec lesquels il voyageait passablement
dans les États du Nord, leur faisant chanter
leurs chants nationaux et adresser quelques paroles
à de nombreux auditoires, montrant par
là ce qu'on pouvait obtenir de ces peuplades
trop généralement
considérées comme des fléaux
et contre lesquelles il était
désirable de sévir afin de les
exterminer le plus rapidement possible. Dans une
des villes que visita cette petite troupe, elle
rencontra un monsieur du nom d'Henry Steinheur,
lequel fut si frappé de ce qu'il voyait et
entendait, qu'il désira s'intéresser
particulièrement à
l'un de ces joyeux petits compagnons. Il offrit de
se charger de tous les frais qu'entraînerait
une éducation supérieure, à
condition que notre petit ami, qui était
encore connu que sous son nom indien, prît le
sien propre. Une telle proposition n'était
pas à dédaigner. C'est ainsi que
l'enfant s'appela désormais Henry Steinheur
et que, une fois la tournée finie et
après quelques temps d'études
préparatoires dans l'école de la
mission, il fut envoyé pour plusieurs
années au collège de l'une des
grandes villes du Canada.
Il y devint en même temps un
chrétien sincère et un homme
très instruit, témoignant ainsi que
sa race est aussi capable que n'importe laquelle de
s'assimiler un enseignement supérieur ;
car, longtemps après, je l'ai entendu
moi-même avec le plus grand plaisir
prêcher un magnifique sermon (si je puis
qualifier ainsi un sermon) devant un auditoire
considérable où l'on remarquait un
certain nombre d'ecclésiastiques. Il lut son
texte en anglais et en grec de manière
à satisfaire ses auditeurs les plus
compétents, bien qu'il rentrât alors
d'une mission lointaine au cours de laquelle il
n'avait entendu et parlé durant plusieurs
années que son dialecte maternel.
Ses années de collège
terminées, il se consacra de tout coeur
à répandre la
connaissance de l'Évangile
parmi ses compatriotes. Pendant plus de quarante
ans il fut un missionnaire modeste, sans
prétentions, mais zélé et
béni. Lorsque je me rendis dans son champ de
travail, bien des années après son
départ, son nom y était encore
vénéré, et en réponse
aux questions affectueuses que je posais à
son sujet, un grand nombre me répondaient
que c'était lui qui avait été
dans la main de Dieu l'instrument pour les faire
sortir de la profonde obscurité de leur vie
de péché et les amener à la
lumière bénie de
l'Évangile.
Il avait passé les
dernières années de sa belle
carrière dans là vaste région
du Saskatchewan, au nord-ouest du pays, parmi les
Cree et les Stoney. De même que Sunday, ce
fut comme en triomphe qu'il passa du travail
à la rémunération,
expérimentant dans ses dernières
heures la grande puissance de cette
« Bonne Nouvelle » qu'il avait
prêchée fidèlement et avec
amour.
Le récit suivant que j'ai
recueilli des lèvres de Steinheur donnera
une idée de la persévérance de
quelques convertis. Précisément dans
cette contrée du Saskatchewan, le
révérend Rundle avait amené
à la conversion un certain nombre d'Indiens,
puis les circonstances l'avaient obligé
à rentrer en Angleterre, et ces
braves gens étaient
restés des années sans voir de
missionnaire ou d'instructeur quelconque,
même en visite. Le moment vint enfin
où Steinheur leur fut envoyé et voici
comment il les trouva. Après bien des jours
d'une marche pénible à travers les
prairies, il approcha de leur village perdu dans le
désert. L'heure de camper le surprit
à plusieurs milles du village, mais il lui
tardait tellement de voir les gens parmi lesquels
il venait travailler et de terminer son voyage de
dix semaines, qu'il ne put supporter l'idée
de camper une fois de plus et cela si près
du but ainsi il devança ses compagnons et
poursuivit sa route au crépuscule, dans la
direction où il voyait un certain nombre de
wigwams dressés sur la prairie. En
approchant du premier, un peu à
l'écart et plus grand que les autres, il
entendit chanter et fut surpris de
reconnaître, au lieu d'une incantation
monotone de païens conjureurs de sorts ou
prétendus médecins, une
mélodie religieuse qui lui était
familière. Le chant fini, il y eut une
petite pause, puis une voix claire commença
à prier.
C'était une prière
d'actions de grâces puis tout d'un coup une
requête ardente. « Seigneur,
envoie-nous un autre missionnaire comme Rundle.
Seigneur, envoie-nous un missionnaire pour nous
expliquer ta Parole et pour nous
enseigner davantage sur toi et sur ton Fils
Jésus. » L'auditeur
inaperçu fut si saisi et si
pénétré de joie qu'il souleva
la tenture de cuir qui formait porte, entra
doucement et s'agenouilla près de ceux qui
étaient en prière. Quand ils se
relevèrent, il leur dit qui il était
et qu'il venait pour demeurer avec eux comme leur
missionnaire. Leur bonheur et leur exaltation
furent grands, on peut le penser ; plusieurs
l'embrassèrent et tous l'accueillirent avec
des cris de joie et des pleurs d'attendrissement,
comme s'ils le voyaient descendre directement du
ciel pour partager leur vie.
Et comme je m'étonnais, sachant
que ces gens avaient été
abandonnés durant des années et que
les tribus qui les entouraient étaient
demeurées païennes, mon ami
ajouta : « C'était tout comme
pour un changement d'ouvrier décidé
par la Conférence, comme si mon
prédécesseur ne fût parti que
depuis deux ou trois semaines. Ils s'étaient
souvenus du jour du Seigneur et l'avaient
observé. Ils n'avaient négligé
aucun de leurs services religieux et vivaient d'une
vie chrétienne, comme de vrais enfants de
Dieu de n'importe quelle
contrée ».
La gravure ci-contre représente
trois chrétiens de cette mission
occidentale. Jonas est un Stoney de la montagne.
Samson et Pakan sont des Cree. Ce dernier est le
chef, digne successeur de Maskepetoon dont le
récit de la conversion a fait vibrer tant de
coeurs et qui fut lâchement assassiné
par Nah-doos, le chef Pied-Noir. Autour d'un feu de
bivouac, en plein désert, Maskepetoon avait
entendu lire le magnifique chapitre qui renferme la
prière du Sauveur pour ses meurtriers :
« Père, pardonne-leur car ils ne
savent ce qu'ils font, » et le
missionnaire avait insisté sur cet exemple
que doivent suivre tous ceux qui veulent être
de vrais disciples. Le chef belliqueux
écoutait, saisi, cette exigence si contraire
à l'esprit vindicatif du sauvage mais
après une profonde méditation, il
décida de l'accepter et, peu de jours
après, il montra la réalité de
sa décision en pardonnant au meurtrier de
son fils unique.
JONAS
- SAMSON - PAKAN.
|