Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



« Il y a un Dieu pour les buveurs ... »

CHAPITRE XII
David et Goliath

 

Il peut sembler, à en juger d'après mon expérience, que la seule voie possible à mon pays, pour sortir de ses difficultés économiques, serait de pratiquer l'abstinence totale.

Il est bien vrai, en tout cas, que peu après mon entrée dans le camp des buveurs de thé, j'eus le moyen de me procurer quantité de bonnes choses dont la boisson m'avait interdit la possession.

Tout d'abord, mon emploi s'en trouva assuré. Au moment de ma conversion, mes employeurs avaient décidé, à mon insu, de me congédier. Après m'avoir donné de nombreux avertissements, tous restés sans effet, ils en étaient venus à me tenir pour un cas désespéré.

Cependant, à la nouvelle de ma conversion, ils m'accordèrent quelques semaines de sursis, au bout desquelles je passai au rang des ouvriers qualifiés et dignes d'un bon salaire. Depuis lors, je suis toujours resté au service du port de Londres.

Pour les miens, cette nouvelle économie a apporté une meilleure nourriture, de meilleurs habits, plus de confort et de fréquentes petites gâteries. Enfin et surtout, une ambiance heureuse à la maison. Pour mes gosses, c'était comme si on leur avait donné un nouveau papa.

Je dois veiller toutefois à ne pas brosser un tableau trop idyllique de ma nouvelle vie. Il y eut des pièges et des écueils, et je ne les ai pas tous passés sans heurt.
De graves troubles digestifs m'obligèrent à consulter.
«Vous n'auriez pas dû arrêter de boire si brusquement», me dit le médecin. Hélas ! avec moi, c'était tout ou rien. Ma soif n'aurait jamais été dominée par degrés! De plus, comme je le dis au docteur, l'Armée du Salut demandait un arrêt net et définitif.

Je le soupçonnai fort d'avoir une petite soif à lui, ou bien de posséder des actions dans les brasseries, car il m'avertit que je serais un homme mort en l'espace d'un mois si je m'abstenais tout à fait de boire. Heureusement je n'en crus rien.

Aujourd'hui, après vingt-cinq ans d'abstinence complète, ma santé est meilleure que jamais. À la vérité, «mon» homme était bien mauvais prophète.

Il est vrai qu'alors, peu après mon changement de vie, j'étais réellement malade; mais une vie régulière, les soins d'une gentille femme, une nourriture simple et bien préparée - tout cela, avec l'aide de Dieu, eut bientôt raison de ces troubles gastriques.

Mes anciennes habitudes avaient laissé en moi des traces singulières. Plus d'une fois, je me surpris en train d'aller au café. Un jour, je pénétrai dans un estaminet avant de me rendre compte de ce que je faisais. Je balbutiai : « Excusez, je me suis trompé... la force de l'habitude... ».
Le tenancier était au courant de ma conversion; il ne chercha pas à me garder : « C'est en ordre, Harry. Tu peux venir jeter un coup d'oeil par ici quand tu veux : mais chez moi, on ne te servira pas à boire. Reste chez les Salutistes, mon garçon, et bonne chance !»

Une fois passée l'agonie des premières semaines, je compris combien fausse et stupide est la croyance si répandue ne le bien est chose monotone.

De temps à autre, le dimanche, pendant que ma femme et mes enfants étaient à la réunion, je prenais mon tour aux travaux du ménage. J'y trouvais plus de plaisir qu'à mes bombances les plus déchaînées. Il m'est impossible d'exprimer toute la joie que j'avais à préparer mes deux galopins pour l'école du dimanche et à les regarder descendre la rue tout contents.

Un matin, j'étais absorbé dans cette occupation délicieuse quand plusieurs de mes anciens camarades de pinte arrivèrent, des chopes pleines de bière à la main. Ils voulurent me pousser à en « siffler rien qu'une ». Mais « rien qu'une» aurait été la fin de tout. Je n'aurais jamais su m'arrêter et je serais retombé plus bas qu'auparavant.

Vraiment, le salut sert à quelque chose ! Je n'avais aucune envie de leur marchandise : « Vous savez bien qu'à l'Armée du Salut, on ne boit pas. Je ne veux rien de votre bière, merci! » Ils s'éloignèrent en me souhaitant bien du bonheur...

Mais un jour, en pleine ville, j'appris que la bataille décisive ne se gagne pas si vite ni si facilement. Au temps de mes excès de boisson, j'avais été d'un tempérament violent et emporté; mais je présumais que ce défaut s'en était allé avec mon intempérance.

Ce jour-là, tout à fait inopinément, un énorme gaillard, tapageur et mauvais coucheur notoire, se mit à malmener votre humble serviteur. Les gens doués de prudence s'étaient toujours bien gardés de me provoquer, même après ma conversion. On n'avait pas oublié mes qualités de boxeur...

Cet homme-là, un de mes anciens compagnons, la boisson l'égarait complètement. Il se mit à me couvrir de moqueries et d'injures. Je le laissai dire pendant un moment, mais il en profitait par trop : certains de ses gros mots passaient la mesure. Aussi bien, avant de savoir au juste où j'en étais, je cognais comme un sourd contre ce malotru. Il pesait deux fois plus que moi, mais ça ne l'empêcha pas de se faire battre comme plâtre.

Mon adversaire me dépassait beaucoup en longueur et en largeur - je suis plutôt petit de taille. Aussi, pendant que nous nous affrontions dans la rue, les commentaires allaient bon train. La différence de poids chez les deux combattants fit penser aux curieux de Grays que nous méritions bien les noms de David et Goliath !

Pour moi, l'incident n'avait rien d'amusant. D'un côté, j'étais très sensible à l'opinion d'autrui et de l'autre, je sentais bien que cette justice sommaire n'était pas la marche à suivre pour un disciple de Jésus-Christ. De retour chez moi, je fus bien triste d'avoir failli à mon devoir.

Les Salutistes se joignirent à ma femme pour me montrer qu'un recul n'équivalait pas à la défaite. Avec l'aide du Seigneur tout miséricordieux, j'appris une leçon de patience et dès ce jour jusqu'à maintenant, je n'ai plus fait pareil usage de mes poings.

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CHAPITRE XIII
Un piano et un amour tout neuf

« Attendez toujours ! Balai neuf balaie bien... » disaient les sceptiques en voyant cette ganache de Harry Bass tout feu et flamme pour l'Armée du Salut.

Mais les jours devinrent des mois dans cette vie d'incroyable bonheur. C'était comme si je venais de naître; il me semblait être sorti d'un lourd et pénible sommeil, d'une nuit hantée d'affreux cauchemars. Et voici que maintenant, j'étais mystérieusement éveillé, heureux et libre !

Je fis la découverte des merveilles de la Bible. J'y trouvai cette parole : « Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. » Pour sûr que c'était vrai ! La peur avait disparu des yeux de mes enfants; de même la pâleur et l'angoisse du visage de ma femme.

Un jour, il y eut sensation dans le quartier où j'avais déménagé dans un logement confortable, loué par de l'argent autrefois employé à grossir le revenu des fabricants de bière. Pensez ! on apportait un canapé et un piano chez les Bass !... - Dans le voisinage, on savait ce que j'avais été. Dans l'esprit de beaucoup de gens, l'arrivée du piano décida de mon sort : « Ce Bass entend vraiment s'abstenir pour toujours de la boisson et persévérer chez les Salutistes. »

Bien sûr, je n'ai pas acheté ces pièces d'ameublement à crédit. L'Armée du Salut est très catégorique sur la question des dettes. D'ailleurs, rien ne m'obligeait à en faire. Par le gaspillage insensé de mon argent, j'avais fait ma part pour créer plusieurs barons de la bière et enrichir les parieurs de profession. Mon transfert chez les buveurs d'eau fut comme la découverte d'un filon d'or au Klondike ! Je roulais sur l'argent, sur mon argent à moi ! Tout ce que j'avais à faire, c'était de le gagner, puis de le dépenser à embellir mon intérieur et à procurer du bonheur à mes bien-aimés, autrefois si négligés.

Pardonnez-moi si, dans mon inexpérience, je parais me glorifier. Souvenez-vous que je suis mécanicien sur grue et pas écrivain! Au fond, même en cherchant les expressions les plus savantes, vous ne pourriez pas dire mieux ce que je répète souvent : « Tout cela vient de Dieu; c'est Lui qui a fait de Harry Bass un homme nouveau ».

Ce trésor de la vie nouvelle m'était si précieux que je voulais le partager avec tout le monde. Pendant des années, je n'avais eu que des jurons pour les Salutistes comme pour d'autres chrétiens qui cherchaient à me persuader par leurs exhortations et leurs prières. Maintenant, ces choses me sont devenues claires. Quand un homme pénètre dans le mystère sublime du salut en Jésus-Christ, il est comme celui qui tire un billet gagnant. En regard de cette richesse, toute autre chose devient comme de la bière d'après-guerre : fade, éventée, coupée d'eau !

C'est jusqu'à mon amour pour ma femme qui prit une saveur nouvelle. Malgré les douloureuses déceptions des premières années, elle était restée à mes côtés au travers de tout. Maintenant, comme pour le phénix d'autrefois, il sortit des cendres de notre idylle perdue un amour renouvelé, dont le regard était sobre et la sincérité éprouvée. Miriam naquit, l'enfant de la délivrance !

Ce n'est pas tout. Dans la maison de Harry Bass à Grays, l'ancien possédé du démon de la boisson, on instaura, pour la gloire de Dieu et pour l'instruction de toute la maisonnée, le « culte de famille». Cette habitude ajoute beaucoup à la bonne harmonie du foyer; mais il se peut que de nos jours, elle ne soit plus très connue. Comme cela se fait chez beaucoup de Salutistes, nous nous réunissons chaque soir autour de la table de famille pour lire une portion de la Bible, chanter un cantique et prier chacun à tour de rôle.

La boisson ne doit pas développer l'intelligence car tant que j'étais un tonneau de bière ambulant, j'avais à peine conscience de posséder un cerveau. Par contre, après m'être habitué au régime de la nourriture saine et régulière, je me découvris assez d'énergie pour faire un travail d'homme et pour réfléchir un peu, par-dessus le marché.

Je ne me prends pas pour le premier venu, qu'en dites-vous ? Un piano neuf au salon, une bibliothèque, des livres et de sérieux !... Quelques-uns sur des sujets comme la sainteté, la doctrine chrétienne. Et je les comprenais ! Parmi les meilleurs, il y en avait un dont l'auteur était une personnalité remarquable de l'Armée du Salut, aux États-Unis: Samuel Brengle. Comme je l'appris, il était un homme de haute culture et en même temps assez humble pour cirer les souliers et frotter les planchers avec le premier venu des élèves de l'École des officiers. Et je vous prie, il savait écrire !

Après la lecture de son livre intitulé «Vers la sainteté», je me sentis comme un homme auquel on venait remettre la clé du ciel, du ciel sur la terre ! Même sans instruction, j'arrivais à comprendre des livres tels que celui-là. J'avais de la joie à m'instruire sur la manière dont un homme peut, avec l'aide de Dieu, passer de l'esclavage du mal à une expérience chrétienne de grande classe, où même les désirs et penchants mauvais sont enlevés. Comme beaucoup d'autres croyants - les Méthodistes, par exemple - les Salutistes appellent ce degré supérieur de la vie chrétienne la sainteté, la sanctification, la seconde bénédiction. Après tout, peu importe le nom; l'essentiel, c'est de vivre cette expérience.

Par mes lectures, je compris qu'il s'agissait là d'une chose merveilleuse et en observant les chrétiens réputés « sanctifiés », je constatai que certaines personnes parvenaient réellement à ce niveau spirituel, grâce à la méditation des saintes écritures et à la lecture des livres de Brengle.

Ce que ces gens possédaient par la grâce de Dieu, je pouvais aussi l'obtenir. Je me mis à la recherche de la sanctification.

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CHAPITRE XIV
De pilier de café à vendeur du «Cri de Guerre»

Comme nous l'avons vu, il me fut aisé de faire un usage intelligent des économies réalisées grâce à mon abstinence; par contre, j'eus de la peine à savoir que faire de mes loisirs. Le samedi après-midi, je roulais dans ma tête une terrible envie d'aller faire une partie de football. Pour mes amis sportifs, il n'y avait aucun mal à cela ; mais les Salutistes me dissuadèrent de suivre ce projet.
« Il se peut qu'il n'y ait rien de mal au football; mais vous courez le danger de vous retrouver dans la compagnie des anciens camarades et aussi de vos anciennes habitudes», me disaient-ils.

L'Armée du Salut s'y connaît dans l'art d'occuper ses nouveaux convertis et de les empêcher de retourner en arrière. L'officier me mit dans les mains un paquet de « Cri de Guerre » et de « Jeune Soldat» : « Allez vendre ces journaux» - comme ça, sans autre explication!

Et voici Harry Bass, peu auparavant le plus grand pochard de l'endroit, changé en marchand de journaux dans ses loisirs - et de quels journaux! On y parlait beaucoup des méfaits de la boisson et de la guérison des ivrognes.

Comme bien vous pensez, j'en ai eu un trac formidable !Mes débuts n'ont pas été sans me donner la chair de poule. Il y avait à quelque distance de la localité un campement de bohémiens. Ces gens ne me connaissaient pas; ils ne verraient donc rien d'extraordinaire à ce que Harry Bass vende de la littérature évangélique. Je me risquai aussi dans des villages plus ou moins isolés, et je frappai aux portes avec un courage toujours plus grand. Mes journaux se vendirent comme du sucre.
« Il m'en faut davantage», déclarai-je à l'officier commandant.

Sans vouloir me vanter, je suis heureux de dire que peu après mon enrôlement dans l'Armée du Salut, je «gagnai ma première âme», comme on dit chez les Salutistes.

Il s'agissait d'une vieille tzigane. En visitant le campement, je portais un jersey rouge avec, bien en évidence, la devise «Sang et Feu».

«Est-ce qu'on peut vous demander de prier avec elle ? » me dirent les bohémiens. « Elle n'est pas allée à l'église pendant des années et elle n'est pas prête à mourir. » Ces pauvres gens eux-mêmes savaient l'Armée du Salut spécialisée pour les urgences de cette espèce.

Ainsi, par un beau samedi après-midi, on a pu voir Harry Bass, novice dans la foi chrétienne, conduire en hésitant, en tremblant, une femme à la repentance pendant ses derniers moments.

Le jour vint où l'officier put me laisser pénétrer dans les citadelles-mêmes du danger. Lord Tennyson dit de ses « Six cents braves » que ce n'est point à eux de connaître la raison; le devoir les appelle à vaincre ou mourir... - C'est dans cet esprit que je retournai dans les estaminets d'autrefois en missionnaire de l'Armée du Salut.

Scotland Yard a, dit-on, pour devise : « Prenez un voleur pour attraper un voleur». De même, l'idée est certainement bonne d'envoyer un buveur converti faire de la propagande chrétienne dans les cafés. Dans le passé, j'avais fait des kilomètres à vélo pour trouver quelques décis de bière. Ce que j'avais pu faire à moitié ivre, je pouvais l'accomplir en état de sobriété.
Pour la plupart, les cafetiers étaient la bonté même.
« Il ne te faut pas nous demander de la bière», me dit l'un d'entre eux. « On ne t'en donnerait pas! Tu as fait la honte de notre métier... » Mais il me permit de parler et de chanter.

L'Armée du Salut a une méthode qui convient bien à ce genre de travail : c'est d'adapter des chants religieux à des mélodies populaires. Ainsi, il me fut encore possible d'exécuter mes chansons favorites «Étoile du soir», «Au moment du combat» - avec des paroles salutistes. Je les chantais probablement mieux que dans le passé, car on chante mieux de sang-froid qu'en étant gris.

En tête de liste, mon répertoire comptait un chant décrivant l'expérience chrétienne sur une mélodie intitulée « Douce Geneviève ! ». Ce cantique était très écouté, non seulement par le fait de sa mélodie émouvante, mais aussi à cause de la profonde vérité des paroles.

... Cette histoire devra bientôt finir : elle tourne trop au genre « m'as-tu vu ? » et elle risque d'agacer mes lecteurs.

Il faut pourtant que je vous parle du converti numéro deux dans la collection de mes «captures». Ce fut un agent de police; il lui était fréquemment arrivé de me conduire au poste après mes libations du samedi soir. Plus tard, il avait observé mon changement de conduite avec un certain scepticisme. « Qui a bu boira... » Une fois convaincu de la fermeté de mes intentions, il m'avait témoigné son approbation. C'est à son domicile qu'il me fut donné de conduire cet homme à Dieu.

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CHAPITRE XV
Attrapé « en beauté »

Est-il vrai que la vertu ne présente pas autant d'intérêt que le vice ? Plusieurs journalistes de ma connaissance ont tablé sur un prétendu goût de la nature humaine pour l'ordure. La chose certaine, c'est que mon histoire se rapporte maintenant à une vie d'honnête sobriété; elle parle d'efforts entrepris pour secourir des gens exposés aux tourments d'une vie où Dieu ne règne pas.

Un mourant me fit demander. Il voulait que je prie avec lui. Sur son lit de mort, il ressemblait à un îlot perdu au milieu d'un océan de verre, autrement dit de bouteilles. Le médecin, sachant son cas désespéré - le pauvre bougre s'était tué de boisson - avait prescrit encore plus de liqueur pour adoucir les dernières heures de cette misérable existence. C'est pourquoi il y avait des bouteilles partout.

Dans cette chambre pénétrée de l'odeur de la bière, il me vint à l'esprit, avec l'exactitude d'une photographie, l'image de ce qu'aurait été la fin de ma vie sans l'intervention de Dieu. Agenouillé au chevet de ce mourant, je saisis dans sa plénitude le miracle de ma libération et l'horreur de l'abîme où l'alcool peut précipiter sa victime.

Un matelot norvégien déserta son navire ancré dans les docks de Grays. Il avait dans ses poches un pistolet et un poignard. Excité par le whisky, il était dans une colère noire contre un individu qui lui avait causé un tort grave. Il se promenait en ville, attendant son occasion, quand je le rencontrai. Il me dit assez de son histoire pour me faire redouter une tragédie.

J'avoue n'avoir pas pris des gants pour raisonner ce candidat au crime... Des récits de pendaison et autres semblables peuvent avoir des effets assez dégrisants ! Toujours est-il que le Norvégien m'accompagna à la réunion et s'agenouilla au banc des pénitents. Ce soir-là, il n'y eut pas de meurtre.

Souvent, on voyait entrer dans notre salle des hommes curieux de savoir ce qui se passait chez nous. Parfois, leurs oreilles bourdonnaient encore des réprimandes de leurs femmes : « La meilleure chose que tu puisses faire, c'est d'entrer dans l'Armée du Salut, comme Harry Bass ! »

Certains venaient dans le but de nous estamper et s'en allaient boire ensuite la somme « empruntée ».

Le jour arriva où je fus nommé responsable de la cure d'âme au banc des pénitents. L'expérience m'enseigna peu à peu à discerner la repentance sincère de la contrition simulée. Il s'est produit que des gars venus nous soutirer de l'argent sont restés jusqu'à la fin de la réunion pour prier et trouver Dieu.

Le plus fort laboureur du comté d'Essex fut l'un des convertis gagnés dans une réunion en plein air. Il avait le pied ferme derrière sa charrue et une bonne paire de chevaux; mais le salaire qu'il recevait pour ce travail le privait de tout équilibre. Le soir où il s'arrêta près de notre groupe, il aurait eu Fine à distinguer un sillon du Grand Canyon du Colorado !

Un jour, la police m'arrêta sous l'inculpation de vol. Jugez de ma surprise ! Je n'avais pas touché une goutte d'alcool depuis neuf mois. Mes collègues de travail venaient de me faire un cadeau émouvant : une belle Bible; et à cette occasion, on m'avait demandé « Source féconde, Salut du monde », un chant évangélique sur la mélodie « Avant le combat». Je m'étais exécuté, avec un grand succès.

Au temps de mes filouteries, j'ai volé de droite et de gauche, sans me faire jamais prendre. Maintenant que j'essayais sincèrement de vivre dans l'honnêteté, la police m'appréhendait : « Cette fois-ci, on vous a attrapé en beauté ! » me dit l'un des agents.
Ils me conduisirent à une caisse de vin éventrée. Il y avait eu du pillage, de toute évidence. On avait fait sauter des caisses, cassé des bouteilles. Et sur le lieu du vol se trouvait ma clé anglaise avec les initiales «H.B.».

Je ne crois pas avoir eu bien peur. Dans la mesure du possible, j'avais réparé les larcins commis au temps de mes débauches. Rien de tel que ces actes précis de repentance pour vous donner une bonne conscience et une assurance ferme et tranquille. Les agents m'emmenèrent au poste de police - pour la dernière fois !

Des détectives partirent faire une enquête à mon domicile. Ils revinrent bredouilles. L'affaire n'était pas si facile à éclaircir; la police dut le reconnaître.
«Il dit la vérité», rapportèrent les détectives. « Un uniforme salutiste et un cornet à pistons, voilà ce qu'on a trouvé chez lui; mais pas une goutte de vin. Renseignements pris, cet homme n'a pas touché d'alcool depuis neuf mois. Il ne fume même pas ! Ses copains de travail se portent garants pour lui. Il ne jure plus. Il joue dans la fanfare de l'Armée du Salut... »

À leur manière de présenter ces faits, il semblait que pour eux ma nouvelle conduite était contre nature. Ces hommes m'avaient entendu jurer comme un païen; ils m'avaient tenu, avec raison, pour un vilain moineau. Maintenant, ils me toisaient comme si j'avais été le principal prévenu dans un grand jugement.

Ce fut la dernière fois qu'on me conduisit de force à un poste de police. Je n'y suis plus retourné depuis, sauf pour plaider la cause de camarades en difficultés.

... J'oublie ma promesse de mettre bientôt un point final à ce récit !

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