Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Ténèbres et Lumières
NOUVEAUX SOUVENIRS DE MATHILDA WREDE

Expédients.

 

C'était au temps du changement de résidence d'automne ; Mathilda Wrede venait de rentrer de la campagne pour s'établir de nouveau en ville ; tout était sens dessus dessous dans la maison. On sonna et un fonctionnaire de la prison demanda à lui parler immédiatement. Très surexcite, il s'effondra sur une chaise, cacha sa figure dans ses mains et se mit à pleurer abondamment.

Quand il fut un peu calmé, il raconta qu'il s'était laissé entraîner à puiser dans la caisse de la prison. Dans quelques jours devait avoir lieu la révision des comptes ; alors sa faute serait découverte, son nom souillé et son avenir anéanti. C'est pour tenter de parfaire la somme qui lui manquait encore qu'il avait fait le voyage d'Helsingfors.

- Non ! Mathilda n'avait rien.

L'homme continua :

- Demain, je dois être de retour. Si je ne réussis pas à me procurer cet argent, je devrai alors me dénoncer moi-même car il vaut mieux que j'avoue la vérité, plutôt que de laisser à la commission de révision le soin de découvrir mon forfait.

La première pensée de Mathilda avait été celle-ci: « cet homme a vu souffrir plus d'un détenu pour des crimes semblables au sien ; il a été un de ceux qui leur a fait subir leur peine. S'il y a, au monde, quelqu'un qui ait mérité de supporter les conséquences de ses actes, c'est bien lui.» Mais une autre voix intérieure lui disait : « Comment veux-tu t'approcher plus tard de n'importe quel détenu avec des paroles d'espérance si tu n'as pas fait auparavant tout ce qui était en ton pouvoir pour préserver un homme du sort qui l'attend ?»

Elle se tourna vers lui :

- Ne vous dénoncez pas encore ce soir. Retournez à la maison. Après-demain vous recevrez une lettre vous annonçant si j'ai pu me procurer la somme qui manque encore.

L'homme prit congé et partit.
Que faire ? De l'argent, elle n'en avait pas. Mais le carnet qu'elle possédait comme pensionnée de l'État pouvait servir de garantie pour contracter un emprunt. Aussitôt dit que fait ! De cette manière elle réussit à envoyer sans retard un chèque du montant de la somme nécessaire. Le fonctionnaire écrivit une lettre débordante de reconnaissance et la commission de révision trouva tout en bon ordre.

Mais, à sa très grande surprise, Mathilda n'entendit plus parler de son débiteur ; il n'écrivit pas, il ne téléphona pas non plus, quand bien même, à ce qu'elle apprit, il était venu en ville. Des mois s'écoulèrent. Un jour, Mathilda, son parapluie ouvert, luttait contre un épouvantable ouragan. Tout à coup, au coin d'une rue, elle se heurta violemment à un passant, et, levant les yeux, elle reconnut en lui l'homme auquel elle avait procuré de l'argent.

- Tiens dit-elle, Dieu devait envoyer une pareille tempête pour nous jeter en face l'un de l'autre. Vous ne m'avez plus donné le moindre signe de vie : pas une visite, pas un appel téléphonique, pas une lettre ! Et pourtant, je le sais, vos affaires, depuis que nous nous sommes rencontrés la dernière fois, sont assez bien allées. Vous n'avez pas fait le plus léger effort pour vous acquitter de votre dette, quand bien même vous ne pouviez pas ignorer que j'ai dû emprunter de l'argent pour vous secourir. Et vous savez aussi, que chaque petite somme que je possède m'est absolument indispensable pour ceux qui sortent de vos prisons.

L'homme, tout penaud, chercha à s'excuser : il voulait, sans tarder, commencer à payer son dû. Il le fit, du reste, tout à fait consciencieusement jusqu'à ce qu'il eût acquitté intégralement sa dette.

Après une période de labeur très pénible, Mathilda Wrede s'était rendue auprès de ses frères et soeurs à la campagne, où l'on célébrait une fête de famille. La conversation était fort animée ; comme cela arrivait fréquemment, Mathilda fut seule de son opinion, ce qui ne l'empêcha pas de la soutenir courageusement.

Sur ces entrefaites, la poste arriva ; il y avait quelques lettres pour elle et, parmi ces messages, il s'en trouvait un d'un jeune homme qui avait émigré en Angleterre, afin d'y trouver de l'ouvrage. Il écrivait que tous les efforts qu'il avait tentés pour se procurer un gagne-pain, étaient demeurés stériles et que la dernière ressource qui lui restait encore, c'était de partir pour l'Amérique ; une fois le prix de son passage payé, il n'aurait plus, dans sa bourse, que quelques francs. Mathilda conclut de cette lettre que le jeune homme arriverait à New-York dans deux jours. Cette nouvelle la secoua profondément, car elle n'ignorait pas qu'aucun émigrant ne peut débarquer en Amérique sans posséder au moins quelques centaines de francs. Son jeune ami ne le savait sûrement pas ; aussi, selon toute probabilité, serait-il refoulé sur l'heure.

Préoccupée au suprême degré de cette pensée qui l'agitait, elle ne suivait plus guère la conversation ; elle entendit pourtant - et ce fut un vrai soulagement pour elle - son frère dire qu'il fallait immédiatement envoyer une voiture à la gare, pour chercher des hôtes encore attendus. Ce fut pour Mathilda l'indication qu'elle devait partir immédiatement pour Helsingfors afin de régler cette question d'argent. Elle se leva, disant :

- Je me rendrai à la station avec la voiture.

Tous parurent consternés; elle entendit une dame âgée s'écrier :

- Non ! que Mathilda est pourtant de mauvaise humeur 1 Là voilà qui s'en va, parce que nous ne sommes pas de son avis.

Mais aucune des personnes présentes ne s'informa des raisons de ce brusque départ et elle-même ne fournit aucune explication.
Alors recommença pour elle un voyage fatigant.

Toute la nuit, son cerveau travailla : comment arriverait-elle à mener à bien son dessein ? Le matin, elle se précipita, en toute hâte, au comptoir de la Société de Navigation ; elle s'informa s'il n'y avait pas d'émigrant à bord du vapeur qui était en route de Liverpool à New-York et aborderait le lendemain soir dans le port de cette dernière ville. La réponse fut affirmative.

- Avez-vous un agent pour recevoir ces émigrants ?
- Oui.
- Ne serait-il pas possible, par son entremise, de remettre de l'argent à un Finlandais, qui se trouve à bord de ce navire ?
- Oui, nous pouvons, par télégraphe, faire effectuer ce paiement, si l'argent nous est remis aujourd'hui même avant midi.

Mathilda se rendit, presque en courant, auprès d'une de ses parentes au noble coeur, qui avait toujours montré une réelle compréhension de son activité et de ses propres sentiments ; Mathilda ne trouva pas d'autre moyen de se tirer d'affaire, que d'offrir à nouveau en garantie le livret qu'elle possédait comme pensionnée de l'État. La vieille dame remit l'argent qu'on lui demandait, mais refusa d'accepter la garantie offerte. La parole de Mathilda lui suffisait pleinement. Quelques minutes après, celle-ci apportait la somme exigée au comptoir, où les employés se montrèrent de la plus grande prévenance et désireux de l'aider.

Quelque temps après, arriva d'Amérique une lettre, dans laquelle le jeune homme racontait son effroi, lorsqu'à New-York, dès que le bateau était entré dans le port, un monsieur était monté à bord et l'avait appelé, à haute voix, par son nom : c'était l'agent de la compagnie d'émigration, qui venait lui remettre en mains propres une forte somme d'argent. Le jeune homme n'avait pas tardé à comprendre d'où cela venait.


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