Ténèbres et
Lumières
NOUVEAUX SOUVENIRS
DE MATHILDA WREDE
«Mathilda... l'amie de tous.
» (1)
Un jour, on sonna à la porte de Mathilda
; un homme long et maigre entra, le visage
rayonnant. C'était un vieil ami qu'elle
avait rencontré pour la première fois
en 1890 et dont elle avait fait la connaissance
lorsqu'il était en prison préventive.
À cette époque-là,
après un entretien qu'ils avaient eu
ensemble, son Dieu à elle était
devenu son Dieu à lui. Pendant toute la
longue période de son séjour à
Kakola, il avait cherché loyalement à
mener une vie sans reproche sous le regard de
Dieu.
Mathilda lui demanda d'où il
venait et ce qui motivait sa présence
à Helsingfors. Il raconta qu'un désir
si intense de voir Mlle Wrede s'était
emparé de lui qu'il avait résolu
d'entreprendre le long voyage de Nord-Savolax.
À la maison, il avait donné comme
raison de son voyage la vente du beurre, mais, en
réalité, il n'avait pris avec lui
que deux kilos de cette
denrée. Mathilda, touchée, lui offrit
la plus cordiale hospitalité et finit par
lui montrer une petite pierre polie, de couleur
grise qui occupait une place d'honneur sur la
cheminée ; elle lui demanda s'il
reconnaissait ce modèle de monument
funéraire que lui-même, à
Kakola, il y avait fort longtemps, avait promis de
tailler pour son tombeau. Puis ils prirent place et
le visiteur raconta tout ce qui s'était
passé depuis leur dernière rencontre,
la maladie de son frère aliéné
et les événements de son
pays.
Lorsqu'enfin il prit congé,
Mathilda le remercia de sa fidélité
et de la grande amabilité dont il avait fait
preuve en entreprenant pour elle un aussi long
voyage ; elle le pria de bien vouloir accepter le
remboursement de ses frais de route, en
récompense du grand plaisir qu'il venait de
lui procurer. Mais le regard de cet homme,
l'expression de son visage lui montrèrent
clairement à quel point cette proposition
lui déplaisait. « Vous voulez me donner
de l'argent !... C'est moi qui devrais, tout au
contraire, vous apporter ce que le possède !
» Survint un appel
téléphonique:
- Qui est là ?
- L.
- Quel L. ? je connais plusieurs
personnes de ce nom.
- Vous me connaissez.
- C'est sans doute cet L. qui m'a
trompée.
Pas de réponse.
- Eh ! bien, soit. Soyez le
bienvenu, qui que vous soyez. Mais si vous
êtes bien cet L. qui m'a trompée,
attendez-vous à être grondé. Si
vous êtes quelqu'un
d'autre, alors je vous dis simplement Soyez le
bienvenu.
Cet homme était cordonnier de
son état ; un jour Mathilda lui avait
confié une paire de bottes pour les
raccommoder et lui avait, en outre,
prêté de l'argent ; mais elle n'avait
revu ni l'argent, ni les bottes !
Dans le courant de la
journée, un monsieur vint trouver Mathilda
pour une affaire importante; à peine
avait-il eu le temps d'enlever son pardessus que L.
entra.
«Vous êtes bien cet L.
qui doit recevoir une réprimande », fut
la salutation que Mathilda lui adressa. « Il y
a deux ans déjà que vous m'avez
trompée, et, dès lors, vous ne vous
êtes plus jamais montré chez moi.
Prenez place ici et attendez que j'aie du temps
à vous consacrer ». Elle lui indiqua
une chaise près de la fenêtre et lui
remit un numéro d'un bon journal. «
J'en ai pour un quart d'heure environ à
causer avec ce monsieur ; après quoi, ce
sera votre tour». Puis elle le laissa.
À peine avait-elle fermé la porte que
le premier visiteur dit à Mathilda : «
Jamais encore, dans ma vie, je n'ai assisté
à pareille réception. Il est
remarquable qu'il ne vous ait rien répondu.
Croyez-vous vraiment que cet homme, avec la
perspective de la réprimande que vous lui
avez annoncée, va rester tranquillement
assis ? ». - «Ah ! je connaîtrais
bien mal mes jeunes amis si celui-ci partait. Il
restera sûrement où il est
jusqu'à ce que J'aie terminé avec
vous l'affaire qui vous a amené chez moi
», répondit-elle.
Rabbeleyre, la maison paternelle de
Mathilda Wrede.
Quand l'entretien fut achevé et que
Mathilda conduisit son hôte dans
l'antichambre, l'homme
était toujours là. « À
présent, je vois que vous êtes devenu
un autre homme que celui d'il y a deux ans. Humble
et patient vous avez attendu, en dépit des
reproches que je vous avais promis de vous
adresser. Si fâcheux qu'aient
été les procédés dont
vous avez jadis usé envers moi, que tout
soit pardonné et n'en parlons plus.
Approchez-vous et prenons du café. Ils se
mirent à table et cet homme raconta qu'il
avait passé en prison la plus grande partie
du temps qui s'était écoulé
depuis leur dernière rencontre. Au moment de
prendre congé de lui, Mathilda lui tendit
une paire de souliers, en lui disant : «Soyez
assez aimable de les ressemeler. Mais n'oubliez pas
!... C'est mardi matin que j'en ai besoin
».
Au jour fixé, L. arriva avec
des souliers proprement raccommodés et
cirés avec soin.
- Grand merci, dit Mathilda, mais
êtes-vous d'avis que je doive vous les payer
?
- Oui, sans doute, c'est bien ainsi
que je l'entends.
- Mais, quand pensez-vous payer
vous-même votre dette ?
- Quand j'aurai fait de meilleures
affaires, répondit-il.
Il reçut son argent, prit
congé et sortit.
La domestique se précipita
dans la chambre et s'écria : « Une dame
élégante est entrée dans la
cuisine et voudrait parler, sans retard, à
mademoiselle. » Mathilda se rendit à
cet appel et se trouva en
présence d'une dame fort
bien habillée, qui, les yeux pleins de
larmes, lui tendit les deux mains : « Je suis
désespérée. Il faut absolument
que je m'entretienne avec vous, mademoiselle. je
dispose d'une demi-heure et, si j'ai passé
par l'escalier de service, c'est pour n'être
pas remarquée. »
Elle avait à parler de
grandes et pénibles épreuves,
d'expériences désagréables et
fort amères : elle avait un intense besoin
de rencontrer quelqu'un à qui elle puisse
confier toutes les peines de son coeur. Ce qu'elle
raconta fit à Mathilda une impression
douloureuse au plus haut degré.
Quelques jours après, on
tendit à Mathilda une carte de visite :
cette fois-ci, c'était un monsieur qui lui
demandait un entretien. Elle fut grandement
surprise de découvrir que c'était le
mari de la dame qui était venue la trouver
quelques jours auparavant ; elle avait toute raison
de redouter que quelques nouvelles scènes
n'aient troublé l'harmonie de ce
foyer.
L'homme commença son
récit ; et ce qu'il disait de sa femme
était très fâcheux; à
l'en croire, celle-ci avait des défauts et
des faiblesses de toutes sortes, et il attendait de
Mathilda sympathie, consolation et
conseils.
Mais, Mathilda avait entendu sur le
compte de cet homme des bruits peu honorables. Il
acheva l'énumération de tous les
travers de sa femme, par cette question
:
- N'est-ce pas épouvantable
?
- Oui, il me semble qu'il en est
réellement ainsi, fut la réponse,
mais combien de ces tristesses ne sont-elles pas
imputables au malheur que cette
femme a de vous avoir pour mari ?
Tout ce que j'ai entendu dire autrefois de vous,
comme aussi la manière dont vous parlez de
votre femme, me prouve que vous êtes un fort
mauvais époux.
Pâle, il la regardait
furieux.
- Il m'est dur d'avoir à vous
dire de si pénibles et si cuisantes
vérités, continua-t-elle, mais
essayez de plonger vos regards dans votre propre
coeur ! Faîtes-le avec courage et jusqu'au
fond. Vous y découvrirez des choses qui vous
feront rougir et j'espère que l'effroi que
vous éprouverez à la vue de votre
propre perversion éveillera en vous la soif
d'une vie nouvelle, la soif de Dieu.
Silencieux, et sans prononcer aucune
parole, le visiteur s'inclina devant Mathilda Wrede
et sortit. Leurs chemins ne devaient plus se
rencontrer.
Mathilda est seule à la
maison ; entendant du bruit dehors, près de
la porte d'entrée, elle ouvre. Au même
instant un homme de taille gigantesque, à
l'expression cynique et méchante, se
précipite dans l'antichambre. Un autre
homme, d'un extérieur un peu moins
déplaisant, se tient dans l'escalier. Comme
d'habitude, Mathilda ne perdit pas contenance.
« Entrez, vous aussi, je vous en prie et
fermez la porte, car il fait froid.
»
Tous deux portaient l'uniforme des
soldats anglais, d'où elle conclut qu'ils
venaient de la côte Mourmane. C'était
en automne 1919, aussi s'écria-t-elle
impulsive : « Ah ! je vais entendre quelques
nouvelles fraîches de la Russie. » Les
deux hommes se regardèrent interdits et
paraissaient désarmés, incapables de
répondre.
- Approchez; prenez Place, dit-elle.
Il faut que vous me racontiez d'abord tout ce que
vous savez de la Russie et ensuite
j'écouterai ce que vous avez à me
demander. Ils prirent place sur les sièges
qui leur étaient offerts, mais
continuèrent à garder le
silence.
Ne venez-vous pas de Mourmane ? leur
demanda-t-elle.
- Oui, répondit le
géant.
- Qu'en est-il, là-bas, de la
nourriture
- Certes, nous avions tout à
notre disposition, pourvu que nous le volions. Et,
tout en parlant, il promenait dans la chambre des
regards de convoitise, comme pour épier et,
quasi machinalement ses mains palpaient ce qui se
trouvait sur la table : livres, bibelots,
etc.
- Ayez l'obligeance de ne pas
toucher aux objets qui sont sur mon
secrétaire; plus tard je ne retrouverais
plus ce dont J'aurai besoin, dit Mathilda, puis
elle continua :
- Savez-vous que, dans le journal
d'hier, il y avait un entrefilet sur Mourmane.
À peu près 300 Finnois du parti
rouge, voulant pénétrer de force sur
un vaisseau anglais, ont été
tués.
Elle espérait qu'une corde
sensible vibrerait, au fond de leurs coeurs, en
entendant parler du sort de leurs camarades, mais
elle se trompait. Éclatant d'un rire
grossier, l'homme répondit
- Qu'est-ce que cela me fait ? Nous
sommes habitués à des aventures
pareilles. Il arrive chaque jour et à chaque
heure que des hommes soient tués.
Mathilda n'avait rencontré
que très rarement une
pareille dureté, un être dans
l'âme duquel tout sentiment humain fût
anéanti. Sans pouvoir se souvenir d'avoir
jamais vu cet homme, par pure intuition, elle lui
dit:
- Nous sommes-nous
déjà rencontrés
précédemment ? Avez-vous
été à Kakola ?
- Oui, mais il y a fort longtemps de
cela et mademoiselle n'a été qu'une
seule fois auprès de moi.
Se tournant alors vers l'autre
soldat resté silencieux durant tout le temps
qu'avait duré l'entretien :
- Mais vous avez été
là, vous aussi ?
- Oui, mais Je ne suis arrivé
à Kakola qu'après l'interdiction
faite à mademoiselle de visiter les
prisons.
Puis ils lui demandèrent de
l'argent. Mathilda Wrede comprit qu'il serait Plus
prudent de satisfaire à la demande de
l'homme à l'expression cruelle et inhumaine,
mais elle estima qu'il était cependant plus
juste de la refuser
- Vous, des hommes robustes, vous
devez travailler ! Il y a beaucoup de foyers
pauvres, et le peu que le puis donner c'est
à eux que je le réserve. Aujourd'hui,
malheureusement, je n'ai rien à vous offrir,
attendu que le n'ai rien à la
maison.
Puis elle leur tendit la main et les
congédia.
Au moment de sortir, le géant
fit mine d'obliquer pour pénétrer
dans une autre chambre, mais il en fut
empêché par Mathilda .
- Pas par là ! La porte
d'entrée est de l'autre
côté.
Quand Mathilda fit le récit
de cette visite, elle ajouta -
« Il avait un regard d'envie extraordinaire,
rempli de convoitise, mais il n'a rien
emporté. »
Quelques jours plus tard, l'homme
revint ; C'était encore de l'argent qu'il
voulait.
De l'argent, je ne puis pas vous en
donner mais vous paraissez être
enrhumé ; vous recevrez un
mouchoir.
Il l'accepta avec reconnaissance et
partit après avoir causé avec elle
durant quelques instants.
Un matin, Mathilda sortit. Elle
avait ce jour-là, de multiples courses
à faire ; aussi avait-elle formé le
dessein de s'absenter jusqu'au soir. Mais, une
heure à peine s'était
écoulée qu'elle revint à la
maison malade et épuisée.
« Je ne comprends pas ce que
cela signifie », dit-elle. « Tandis que
je parcourais la rue, la tête commença
à me faire mal, sans aucune cause apparente,
si bien que je me vis contrainte de rentrer
à la maison. C'est sûrement Dieu qui a
quelque chose à me faire faire. » Elle
rentra dans sa chambre, prit une poudre et
s'étendit sur sa chaise-longue, pour se
reposer. Au même moment, un appel
téléphonique ! C'était un de
ses amis du temps de Kakola, qui était
arrivé d'Oesterbotten avec le train du
matin. L'après-midi, il devait continuer sa
route vers Karelen, mais, avant de poursuivre son
voyage, il était, pour lui, d'une urgente
nécessité de rencontrer Mathilda
Wrede. « 0 toi, mon Dieu, admirable en
conseils et magnifique en moyens ! maintenant je
sais pourquoi tu m'as renvoyée à la
maison ! »
Tandis que Mathilda attendait son
hôte, une maman entra dans
sa chambre avec sa fille sourde. muette ;
c'était aussi une ancienne connaissance. Son
fils avait séjourné à Kakola
comme détenu à vie et pendant les
mois qu'il était malade, atteint de
tuberculose, Mathilda avait pu lui montrer, avant
sa mort, le chemin qui mène au pardon du
Père céleste. La mère, elle
aussi, avait cherché consolation et conseils
auprès de celle qui avait été
un appui pour son fils. Entre ces deux femmes des
liens d'une étroite amitié
s'étaient noués pour la
vie.
Pendant qu'assises l'une
auprès de l'autre, elles s'entretenaient de
l'avenir de l'enfant infirme, le voyageur
d'Oesterbotten, en passage à Helsingfors,
entra. Mathilda éprouva une si grande joie
de cette Visite, que ses maux de tête
disparurent.
Mathilda éprouvait parfois
quelque crainte de voir se rencontrer chez elle des
gens qui pouvaient ne pas s'entendre. Mais elle
savait, qu'il en serait tout autrement pour les
deux visiteurs et qu'ils seraient heureux de se
trouver ensemble. Le fils de cette femme et le
nouvel arrivé s'étaient
trouvés à Kakola en même temps.
À cette époque Mathilda Wrede
était en séjour chez l'auteur de ce
livre; J'avais beaucoup entendu parler de cet homme
et désirais vivement faire sa
connaissance.
On prépara le café et
j'entrai dans la chambre avec un plateau. L'homme
âgé se leva aussitôt, me tendit
sa main large et rugueuse, en me disant d'un ton
cordial : «Que Dieu vous bénisse de ce
que vous soyez si bonne pour notre demoiselle. Elle
va dans les prisons et parcourt le pays pour
visiter le peuple des campagnes ; partout où
elle va elle apporte la paix de
Dieu, et celui qui a rencontré Mathilda
Wrede ne l'oublie jamais. Elle m'a aussi
réconforté et à plus d'une
reprise. À genoux, tous les deux, nous avons
lutté avec Dieu. Mais à l'occasion
elle m'a gourmandé et je l'avais bien
mérité. Le Seigneur a entendu ses
prières : il y a aujourd'hui vingt-neuf ans
qu'une goutte d'eau-de-vie n'a effleuré mes
lèvres. Et, jour après jour, Dieu
m'aide à demeurer son enfant.
Alors, il fit le poing, et nous
regardant avec sévérité, il
ajouta : « Que Dieu vous garde de jamais vous
quereller avec personne ! » Pendant qu'il
prononçait ces paroles, Mathilda laissait
reposer ses regards sur lui avec une tendresse
toute maternelle. Puis, de sa main, elle caressait
sa tête avec affection en disant avec douceur
: « Combien je les aime, mes chers amis !
»Puis on prit le café.
Le vieil homme demeura encore
auprès de Mathilda longtemps après
que la femme, accompagnée de sa fille,
sourde-muette nous eût quittés; ils
avaient à parler de tant de choses. Il
sentait peut-être que ses jours
étaient comptés et il avait besoin
d'encouragements et d'appui pour continuer son
chemin, à la rencontre de
l'éternité.
Un soir, déjà fort
tard, la femme de chambre entra en disant
:
- Il y a dans l'antichambre un homme
ivre qui tient des discours
étranges.
- Que dit-il donc ?
- Il a demandé s'il ne
pourrait pas parler à un des maîtres
de la maison ? Puis après une pause il a
ajouté: Ou bien plus volontiers à
mademoiselle Wrede...
Mademoiselle semble ne plus être
comptée, par lui, au nombre des
maîtres de la maison.
- Quelle demande avez-vous donc
à me présenter, P., pour venir me
trouver dans l'état où vous
êtes, dit Mathilda Wrede, lorsque, quelques
instants plus tard, elle se rendit dans
l'antichambre et vit devant elle un de ses vieux
amis, au bon coeur, mais obstiné au plus
haut point.
- je veux parler à
mademoiselle, répondit-il.
- Mais moi, je ne veux pas vous
parler. Allez maintenant à la maison et
revenez demain, quand vous serez de
sang-froid.
- Non, c'est aujourd'hui, que je
veux parler à mademoiselle.
- Je vous ai déjà dit
que je ne vous recevrai pas aujourd'hui. Allez
plutôt de votre propre volonté ; sans
quoi, vous pourriez avoir la honte d'être
chassé !
- ça, je ne le crois pas, dit
l'homme, s'arrêtant, puis faisant un pas pour
se rapprocher de son interlocutrice. Mathilda
empoigna par le bras l'homme qui chancelait, le
conduisit à la porte et d'une bourrade le
mit dehors.
Alors il se passa quelque chose
d'inattendu. L'homme perdit son équilibre et
tomba. Mathilda, effrayée, lui demanda
:
- P. vous êtes-vous fait mal
?
Tremblant, l'homme se releva, se
frotta le bras gauche et répondit
calmement
- Oui.
Mathilda se tranquillisa quand elle
le vit de nouveau sur ses jambes.
- C'était, sans doute,
très désagréable. Mais
maintenant, allez à la
maison et au revoir, à demain !
Le lendemain, il revint le bras en
écharpe.
- Qu'est-ce que cela veut dire ? lui
demanda Mathilda tout effrayée.
- Je viens de la clinique
chirurgicale.
- Comment ça ?
- Oui, de la clinique
chirurgicale.
- Comment donc ?
- il y a là un médecin
de ma connaissance quand il m'a vu, il m'a
posé cette question :
- Est-ce que P. s'est
mêlé à une bagarre ?
- Non, lui ai-je répondu,
mais mademoiselle Wrede m'a jeté en bas les
escaliers.
- Quelle demoiselle Wrede
?
- Eh! bien, quoi? la Mathilda. Et
tous les médecins ont éclaté
d'un rire formidable.
Quelques années plus tard,
cet homme était mourant à
l'hôpital. Il fit chercher Mathilda et
humblement lui demanda pardon d'avoir
été têtu,
désobéissant et négligent,
d'avoir vagabondé et de s'être
enivré. Mathilda s'assit auprès de
son lit et tous deux étaient
profondément émus.
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