Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Ténèbres et Lumières
NOUVEAUX SOUVENIRS DE MATHILDA WREDE

Simples réflexions.


 Un jour, Mathilda se rendit à l'infirmerie de la prison de Kakola. Dix hommes malades se trouvaient dans une des salles. Un certain malaise l'oppressa, dès qu'elle ouvrit la porte. Elle supplia le Seigneur de lui prêter son secours pour conduire comme il fallait qu'ils le fussent, ces pauvres êtres humains.

La voici au milieu de la chambre : elle s'assit et prit la parole : « Chers amis ! Savez-vous que chacun de nous, pour peu qu'il le veuille, peut aider le monde à marcher de l'avant. » Frappés et pourtant méfiants, ces hommes devinrent attentifs. « Il est tout à fait certain », continua-t-elle, « que nous pouvons, par de bonnes et lumineuses pensées, faire avancer l'humanité, comme aussi, avec des pensées ténébreuses et mauvaises, lui causer un grave préjudice. Voyez-vous! chers amis, nous émettons sans interruption des pensées de tout genre. Les plus basses sont celles qu'inspirent la haine, la vengeance, l'amertume. Si vous tous qui êtes ici, en nourrissez de telles, comme par exemple : « Cet inspecteur est un gaillard sans entrailles ! »; « Le directeur est un homme injuste ! » il se pourrait que ces affirmations fussent la vérité même, mais il n'en est pas moins certain que ce sont là paroles ténébreuses et dépourvues de bienveillance. De cette manière, nous tissons une toile faite de haine et d'amertume, une toile qui est dommage et piège à nous-mêmes et aux autres. »

Quelques hommes s'assirent dans leurs lits où, jusqu'alors, ils étaient demeurés couchés; ils redoublèrent d'attention et d'intérêt pour des propos tout nouveaux pour eux. « Si vous pensez à vos foyers, à vos femmes, à vos enfants, vos pensées au contraire s'élèvent. Vous tissez aussi une toile, mais qui est d'une tout autre qualité, c'est une toile faite d'amabilité et d'amour. Si tous nous sommes alors animés des mêmes dispositions, de cet ensemble naît naturellement une atmosphère générale faite de toutes ces dispositions particulières réunies, et qui est pleine de bonté et de douce chaleur : cette disposition générale dont je parle ne reste pas confinée ici, mais elle s'étend loin, bien loin. Ces pensées ressemblent à des vagues qui atteignent, comme une précieuse caresse, ceux que nous aimons. Maïs il y a des pensées qui vont plus haut encore jusqu'au Très-Haut. Je suis originaire de la province d'Oesterbotten et je suis une Wrede; c'est dire que mes sentiments sont étrangement violents. J'ai eu à mener un dur combat contre des pensées laides et amères. je sais que, lorsque je m'y suis abandonnée, j'ai nul aux autres hommes, mais bien davantage encore à ma propre âme et J'ai contristé le Saint-Esprit. Mais je puis aussi émettre des pensées aimables et chaleureuses et souvent en retour j'ai reçu de l'objet même de ces pensées une vague de chaleur réconfortante ».

« Oui », s'écria un des auditeurs en l'interrompant, « c'est bien là l'impression que moi-même et beaucoup d'entre nous nous éprouvons. En voulez-vous un exemple ? Hier, quand le train arriva vers midi, nous entendîmes, par la fenêtre ouverte, siffler la locomotive. À nos oreilles ce sifflet nous annonçait une joyeuse nouvelle Mathilda Wrede arrive ! Mathilda Wrede arrive Et vous êtes vraiment venue avec ce train ».

« Il en est réellement ainsi », répondit Mathilda, « mais j'ai fait aussi une autre expérience : nos pensées peuvent monter directement jusqu'à Dieu et je sais qu'avec notre Père céleste nous sommes capables d'entrer en une vivante communion; si nous persistons à entretenir les vivantes relations dont je parle, si nous obéissons à Dieu, si nous répandons dans le monde son amour, nous appartenons alors à ceux qui portent secours au monde pour qu'il marche dans la lumière, dans la bonté, dans la paix».

Mathilda se tut. Tous les malades s'étaient assis dans leurs lits et on discernait, sur leurs traits amaigris et douloureux, une soif ardente de quelque chose de plus élevé et de meilleur. Elle se leva : « Que Dieu bénisse chacun d'entre vous et qu'Il veuille lui-même diriger vos pensées ! » Puis elle leur serra à tous la main avant de partir.

Elle visita ensuite les cellules : dans l'une d'entre elles, elle trouva un prisonnier, la tête cachée dans ses mains. C'était un de ces enfants du désert, qui, loin de la bruyante agitation de la grande cité, passent toute leur vie dans l'impressionnant silence de la nature.

Là, bien loin dans le Nord, à l'occasion d'une noce, on lui avait donné de l'eau-de-vie, et, dans son ivresse, il avait causé la mort d'un homme. Maintenant, il était détenu. L'effroi et le désespoir s'étaient emparés de lui : il se sentait le plus malheureux des hommes. Comme il venait tout récemment d'arriver en prison, Mathilda ne connaissait pas encore sa vie passée. Elle le salua amicalement; il la considéra d'un regard étonné, à peu près comme un ermite qui aurait été dérangé dans sa méditation. À l'instant même, elle comprit que cet homme, comme du reste la plupart des fils du désert, n'avait que très rarement rencontré une réelle compréhension de ses joies et de ses soucis et, moins encore saisi cette vérité qu'il était un fils de l'éternité. L'âme de Mathilda s'éleva en une fervente prière vers le Dieu d'amour auquel elle demanda de lui prêter son secours, afin qu'elle pût guider ce pauvre solitaire.

Puis, se tournant vers cet homme, elle lui demanda: «D'où venez-vous ?». - Du Sud de la Laponie ». Et il nomma une contrée désolée et pauvre, que Mathilda avait visitée quelques années auparavant. « Que vos pensées doivent donc avoir été étrangement élevées ! » lui dit-elle. Aucune réponse, rien qu'un regard long, interrogateur, effarouché ! Mathilda continua: « J'ai été, moi aussi, dans votre patrie. La nature entière fait naître, là-bas, des pensées élevées ; celui qui est appelé à passer sa vie dans un pays comme celui-là, devrait, à ce que je crois, mieux que d'autres êtres humains, comprendre l'Être divin ! »

L'homme alors gémit sourdement et s'écria avec un profond désespoir, « je suis un meurtrier ! » Mathilda se sentit saisie d'un profond sentiment de compassion au spectacle de cette poignante souffrance. Continuant le cours de ses réflexions, elle ajouta : « Quand on traverse, en bateau à rames, le lac de T-Järvi, aux eaux claires comme le cristal et d'une telle transparence qu'on en voit toute la profondeur, on doit éprouver un irrésistible désir de pureté, d'une pureté réelle. Et je comprends aussi que celui qui a traversé la forêt silencieuse et austère, celui qui 'a gravi le S-tunturi et le K-vaara, et a pu contempler le merveilleux spectacle du soleil de minuit doit avoir une vie intérieure d'une intensité toute particulière. C'est là l'aspiration à l'éternité du Père céleste, c'est un appel adressé à Dieu : nous comprenons ou nous ne comprenons pas ! »

Mathilda entendait que cet homme respirait profondément et péniblement ; elle ne voulait pas le troubler, même d'un regard ; elle avait le sentiment que cette âme était parvenue au moment de s'éveiller ; elle savait aussi que les fils du désert préfèrent supporter leurs luttes intérieures sans témoins ; elle lui tendit la main et lui dit : « Je reviendrai demain. »

Quand elle pénétra dans sa cellule, le jour suivant, il vint à elle, les bras tendus et s'écria :

- Êtes-vous une prophétesse ?
- Qu'entendez-vous par là ?
- Je n'avais pas compris que je pouvais penser, je n'avais jamais su qu'il y avait en moi des aspirations. Mais, hier, quand vous avez parlé du lac et des montagnes, alors c'est moi-même que vous avez décrit. Comment pouviez-vous lire en mon âme que j'avais soif de Dieu ?

Ils s'entretinrent, ils luttèrent, ils prièrent ensemble, et, sur cette âme, un rayon de lumière se leva.


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