Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Parcours féminins



Une tentation
(Concerne Melissa Stiévenart)

 

Lors d'une visite que fit Anne-Laure à Melissa Stiévenart, celle-ci la mit au courant de leurs projets.

- Tu sais, Anne-Laure, mon mari et moi nous avons décidé de reprendre la petite mercerie qui se trouve à côté de notre magasin. En fait, c'est une idée de Loïc. Il pense qu'en prenant une apprentie pour vendre au magasin et en tenant cette boutique, nous nous en sortirons mieux.

- Êtes-vous bien sûrs que c'est la volonté de Dieu à votre égard ? demanda Anne-Laure.

- Nous aimerions que nos filles puissent se rendre dans une école évangélique qui vient d'ouvrir à Charleroi. Et pour cela, il nous faut une plus grosse voiture. En ouvrant la mercerie à 9 h.30', j'ai aussi tout le temps de les conduire et de revenir, poursuivit Melissa sans répondre à son amie.

- Tu te rends comptes de ce que tu dis ! Pour un bien, tu es prête à te mettre dans de plus grands maux.

- Nous avons visité cette école. C'est tout ce que nous voulons pour nos filles. Il s'agit d'un programme comme ailleurs, mais avec des professeurs chrétiens qui ont la même vision évangélique que nous. C'est inespéré ! continua Melissa toujours sans répondre aux remarques d'Anne-Laure.

- Melissa ! Ecoute-moi maintenant ! Est-ce que vous avez reçu l'approbation de Dieu pour cette entreprise ?

- Oui, je pense !

- Tu n'en es pas plus certaine que cela ?

- Si ! Si ! On a prié ensemble.

- Et alors ?

- Dieu ne nous a pas fermé la porte.

- Cela ne suffit pas, Melissa ! Le fait que vous n'ayez pas été arrêtés ne prouve pas que c'est le bon chemin. Il faut que l'Esprit Saint vous donne sa paix. Tu comprends ?

- Pas vraiment.

- Quand Dieu ouvre la voie devant nous, il place sa paix dans notre coeur. Si elle est absente, ou s'il y a quelque trouble dans notre coeur et dans notre esprit, c'est qu'il faut reconsidérer nos projets. L'Esprit Saint nous est en aide, non seulement pour prier et demander comme il convient, mais aussi pour nous assurer de la bonne direction. Est-ce que tu as cette paix qui vient de Dieu ? Réponds-moi franchement !

- Non ! murmura Melissa, tout timidement.

- Alors attendez avant de vous lancer dans une telle aventure !

- C'est trop tard, répondit Melissa rouge de honte.

- Comment ? Vous avez déjà signé ?

- Oui, hier. Et nous commençons dès le mois prochain.

- Ah ! Melissa ! J'espère que vous ne le regretterez pas. Que Dieu vous garde.

Hélas ! Les craintes d'Anne-Laure se vérifièrent dans les mois qui suivirent. Sous prétexte de prendre soin de leurs enfants, les Stiévenart s'étaient laissés entraîner dans la course aux affaires de ce monde 42. Dans l'espoir d'un plus à apporter à leur foyer, ils avaient introduit bien des tensions et des préoccupations qui leur étaient auparavant étrangères.

Il fallait maintenant faire tourner deux magasins, avec toutes les charges que cela occasionnait. Le temps et l'argent qu'ils pensaient gagner par ce changement de vie n'étaient que des leurres. Les enfants eux-mêmes souffraient de cette agitation permanente. La quiétude avait quitté cette maison.

Melissa commença à être sur les nerfs. Souvent, elle était oppressée et irritable. Ses filles ne la reconnaissaient plus. Et le bien qu'elles pouvaient recevoir de cette nouvelle école était largement inférieur aux désagréments causés par cette nouvelle situation.

Loïc et Melissa s'étaient placés sous un joug qui les écrasait petit à petit. Fatigués qu'ils étaient de leur semaine surchargée, ils ne prenaient plus le temps d'aller chez les Martin, ce qui n'était pas pour déplaire à la belle-mère de Melissa. Ils se coupèrent ainsi de leurs amis chrétiens. Ils s'étiolèrent peu à peu dans le chemin qu'ils avaient pris.

Après un an d'un tel éloignement du Seigneur, ils revinrent à eux. Dieu permit qu'ils se repentent de leur folie et qu'ils trouvent un repreneur pour la mercerie.

Dans sa miséricorde, Dieu eut pitié d'eux. Il les restaura, et la paix revint dans ce foyer. Les filles retournèrent à l'école à Erquelinnes, tristes de quitter leurs amies, mais très contentes de retrouver leurs parents comme avant.

Anne-Laure qui avait suivi cela de près se réjouit de ce retour. Et les Martin furent heureux de les accueillir de nouveau chez eux.

On ne les reprendrait plus à vouloir améliorer leur situation temporelle pour soi-disant le bien de leur famille !

Avoir succombé à cette tentation leur avait coûté si cher !

Loïc avait été particulièrement marqué par cette malheureuse expérience. Il en ressentait toute la culpabilité. Que de temps il avait perdu dans cette vaine recherche des biens de cette terre, en se mentant sous le prétexte de vouloir le bien de son épouse et de ses enfants.

Que d'énergie dépensée aux choses de ce monde tandis que le royaume de Dieu attend de s'étendre et de s'affermir ! Que de soirées perdues dans les comptes alors qu'il aurait dû s'occuper de l'éducation spirituelle des siens.

Loïc apprit aux pieds du Seigneur une grande leçon.

Dès lors, il chercha l'enrichissement spirituel avant toutes choses. Et il s'impliqua beaucoup plus dans les réunions bibliques du dimanche soir, à la plus grande joie de Philippe Martin qui tenait jusque-là toute la responsabilité de leurs entretiens.

Loïc s'ouvrit aux réalités du royaume de Dieu 43. Il comprit qu'il devait avant toutes choses chercher les moyens de son élargissement, non seulement dans sa maison, mais aussi en dehors.

Cette chute lui permit de repartir avec un nouveau zèle, un nouvel élan de foi que Melissa encourageait de tout son coeur, de toutes ses forces.

Ce couple se voyait alors comme missionnaires au sein de leur foyer et en dehors.

Ce grand changement frappa la mère de Loïc qui ne put que constater la beauté renouvelée du mariage de son fils. Elle en devint moins amère, et finit par montrer plus de tendresse envers sa belle-fille.

Une joie qui venait d'En haut régnait dans cette maison. Les deux chères petites avançaient en piété, malgré les combats qu'elles avaient à soutenir contre leurs défauts. Loïc et Melissa donnaient l'exemple d'un couple uni sous le regard et l'approbation du Seigneur. Tout cela touchait peu à peu le coeur de la mère, belle-mère et grand-mère, bien qu'elle se gardait d'en montrer quoi que ce soit !




Rapprochements et éloignement
(Concerne Zoé Giraud, Patricia Maillard et Melissa Stiévenart)

 

Zoé avait totalement changé de manière d'être avec son mari; autant elle s'était montrée hautaine et rebelle, autant elle devint humble et prévenante. Son époux était assez intrigué par ce brusque changement d'attitude. Embarrassé, il cherchait s'il n'y avait pas là-dessous quelque ruse dont Zoé se servait pour le duper. Il ne parvenait pas à deviner que toute l'envie de sa femme était de lui présenter l'éternel salut.

Qui sait alors quel miracle ne produirait pas une telle découverte chez cet homme qui, jusqu'à cette heure, n'avait voulu voir partout que calculs, que sentiments intéressés !

Du côté de Patricia, c'était la chute vertigineuse ! Un cautionnement fait à la légère par Charles Maillard avait précipité toute sa famille dans la ruine. Leur maison était un enfer, on n'y entendait que blasphèmes et querelles. La grâce de Dieu n'avait aucune entrée dans le coeur aigri de Patricia. Et Anne-Laure priait de tout son coeur pour ces infortunés. On ne pouvait, pour l'instant, qu'intercéder pour ce foyer déchiré et au bord du gouffre.

Zoé rendit visite à Melissa. Elle renouèrent leur amitié et s'aidèrent l'une l'autre dans leurs combats.

Un soir, Daniel Vivien, invité avec son épouse chez Loïc et Melissa, insista sur l'importance de la mission au près. Loïc s'était ouvert au besoin d'évangéliser son prochain, et il rêvait parfois de lointaines contrées, de postes missionnaires à l'étranger. Il aimait à lire les biographies de serviteurs de Dieu qui avaient tout quitté pour porter le message de la Bonne Nouvelle jusqu'aux confins de la planète.

Daniel crut bon de parler sur ce sujet, afin d'éclaircir quelque peu les pensées.

- Il faut prendre garde à ne pas nous séduire nous-mêmes. Nous avons parfois le désir de servir Dieu au loin à cause d'un secret dégoût pour la vie modeste que Dieu a mise devant nous. L'orgueil vient alors s'immiscer dans notre souhait de servir Dieu. Laissons Dieu nous sonder pour voir si des motifs très humains et fort éloignés du véritable esprit de renoncement n'inspirent pas notre volonté de partir à l'étranger.

- Mais n'est-ce pas une noble et belle tâche que celle de répondre à l'invitation du Seigneur de faire des disciples parmi toutes les nations ? demanda Melissa gagnée aux aspirations de son mari.

- Oh ! Oui, elle est bien belle l'existence des missionnaires qui quittent leur patrie, leurs parents, tout ce qu'ils connaissent et tout ce qu'ils aiment, pour s'enfoncer dans le sud de l'Afrique, pour se perdre dans les neiges de la Laponie, pour se mêler aux mystiques populations de l'Inde, aux habitants des îles de l'Océan pacifique, et ne plus vivre qu'en vue de la gloire de l'Éternel, du salut de leurs frères païens! Elle est belle l'existence de l'évangéliste, du colporteur, qui, n'ayant pas plus que son Maître un lieu fixe où reposer sa tête, parcourt des contrées à évangéliser, expliquant la Parole de vie, enseignant les âmes, souffrant tour à tour la contradiction et les outrages, les privations et l'incompréhension !

Si le Seigneur vous appelait à ce genre de dévouement, si cet appel était bien de Lui, je l'en bénirais et je vous en féliciterais, car je suis certain qu'avec la vocation il vous donnerait les forces. Mais il faut entendre la voix de Christ, et pas les appels de son propre coeur.

Loïc, personne ne peut t'empêcher de répondre à l'appel de Dieu. Mais, avant de vous engager, car il s'agit bien d'un choix à faire à deux, considérez quels sacrifices cela vous demandera à tous, suppliez le Seigneur de vous montrer sa direction, attendez-vous à ce qu'il ouvre lui-même les portes, ne les forcez pas !

Sachez que pour le missionnaire, comme pour le colporteur, il s'agit d'un rude service, d'une abnégation de tous les instants, de labeurs sans fin. Si le fait d'être au service des autres en tous temps, avec tous les désagréments que cela représente, vous rebute, ne serait-ce qu'un peu, alors réfléchissez bien si ce genre de vie est pour vous. Accepterez-vous avec joie, avec amour, les visites de gens qui entreront chez vous cent fois le jour, et vous arracheront à vos occupations les plus importantes, pour des broutilles ou presque rien?

Il ne faut pas chercher un dévouement de loin, afin d'échapper au dévouement de près !

Maintenant, gardez-vous de penser qu'il n'y a pas de consécration au service du divin Maître là où nous avons grandi !

La mission est dans nos maisons et à nos portes ! 44

En prononçant ces mots, Daniel se sentit repris lui-même par ses propres paroles. Il distribuait bien de temps à autre des traités d'évangélisation à Erquelinnes, mais il ne s'était jamais vraiment impliqué dans le village où il habitait.

Avant leur départ en Suisse, et depuis leur retour, ils se rendaient tous les dimanches matin dans une assemblée chrétienne à Charleroi. Et, chaque jeudi soir, ils y retournaient pour la réunion de prière. Jamais, Daniel n'avait pensé à essayer d'établir un témoignage là où ils habitaient. Et pourtant la mission à Erquelinnes était aussi pour lui.

- Par quoi commencer ? demanda Loïc en sortant Daniel de ses pensées.

- Et si tu arrêtais de travailler le dimanche ? répondit du tac au tac Daniel.

- Mais c'est notre meilleur jour de vente, reprit Melissa tout étonnée de cette invitation.

- Peut-être, poursuivit Anne-Laure, mais Dieu saura vous le rendre. Il faut préparer le terrain avant d'y semer. Et si on vous demande pourquoi vous fermez, alors vous saisirez l'occasion pour parler de l'amour du Seigneur Jésus Christ.

- De plus, ne vous êtes-vous pas demandé pourquoi les Martin se réunissaient le dimanche soir et pas en matinée ? dit Daniel en se posant aussi à lui-même la question.

- Tu as peut-être raison, répondit Loïc. Je vais leur en parler.

- Moi aussi, je vais prendre contact avec eux. Il y a trop longtemps que nous aurions dû le faire, s'excusa Daniel.

- Pourquoi ne viendriez-vous pas à notre prochaine rencontre du dimanche soir, demanda Melissa. Je dirai aux Martin qu'elle aura lieu chez nous, et vous ferez ainsi connaissance. De plus, ma belle-mère sera là, elle n'en sera que bénie à l'écoute de vos entretiens autour de la Parole de Dieu.

- C'est une bonne idée, ma chérie, encouragea Loïc. On a trop souvent reculé devant le fait de les inviter. On a eu trop peur de la réaction de maman. Il faut faire ce pas en avant. Il faut avoir la foi !

- C'est entendu, nous viendrons, conclut Daniel en souriant à son épouse.




Chute et relèvement
(Concerne Justine Jaquemin)

 

Pendant quatre ou cinq semaines, le ménage de Justine offrit l'aspect du bonheur. Bernard se levait de grand matin pour se rendre au travail. Justine lui préparait une soupe chaude ou du café, quelque chose enfin qui le restaurait et qui lui ôtait l'envie ou le prétexte d'aller au bar-tabac du coin boire une bière dès le matin avec ses camarades. Il commençait ses journées sobrement, il les finissait de même. Ses compagnons qui, en arrivant, le trouvaient à l'ouvrage, essayaient, il est vrai, de le détourner, tantôt en se moquant de son obéissance envers sa femme, tantôt en lui proposant une virée après le travail, mais plus rien de tout cela ne mordait sur Bernard. A son retour, il trouvait un repas très simple mais très soigné, des enfants qui sautaient joyeusement à son cou, une femme heureuse de le revoir, reconnaissante de ses efforts. Tout lui souriait, et son coeur le ramenait naturellement là où l'attendaient tant de joies et tant de paix.

Il continuait à lire la Bible, à prier avec sa femme et ses enfants. Le dimanche, il se rendait maintenant au culte dans une assemblée proche de chez eux. Et parfois une visite d'un frère en Christ venait le fortifier.

La légèreté de son caractère faisait que les grandes vérités du christianisme n'avaient pas encore pénétré dans son âme. Son coeur n'était pas converti. Il ne sentait pas assez l'amertume du péché. Il ne s'inquiétait pas assez sérieusement de son salut, bien des questions de première importance restaient obscures à son esprit sans qu'il se souciât beaucoup de les éclaircir. Cependant, il goûtait la Parole de Dieu. Il subissait quelque peu son influence bénie.

Il faut plus que du penchant pour la vérité, plus que des impressions religieuses pour défendre l'âme contre les envahissements du mal. « Lorsqu'un esprit immonde est sorti d'un homme, dit l'Écriture, il va par des lieux arides, cherchant du repos, et il n'en trouve point, et il dit : Je retournerai dans ma maison d'où je suis sorti. Et quand il y vient, il la trouve balayée et ornée. Alors il s'en va et prend avec lui sept autres esprits pires que lui; et ils y entrent et y demeurent; et le dernier état de cet homme devient pire que le premier. »

Patrick Leblanc, que le désir de se venger contre Justine animait et que le bonheur de ce ménage offensait comme une injure, Patrick Leblanc usa d'habileté pour se rapprocher encore plus de Bernard.

Repoussé plus d'une fois, il feignit de se ranger lui-même à des habitudes d'ordre. Il revint alors à Bernard, lui rendit quelques services, et fit appel à sa complaisance. Un dimanche après-midi, Bernard accepta, à l'insu de sa femme, d'exécuter quelques ouvrages de menuiserie. Il se disait que l'argent de ce travail serait le bienvenu et que sa femme lui pardonnerait ce petit écart pour le bien de toute la famille. Patrick Leblanc s'était arrangé pour que ce travail soit dans un bistrot dont il connaissait bien le tenancier. Ils avaient préparé un véritable guet-apens auquel Bernard ne pu résister. Et voilà comme il replongea dans les griffes de l'alcool, avec tout son cortège de misères !

Justine devina dès la fin de l'après-midi ce qui se passait. Pauvre femme ! Son coeur se déchirait. Ce bonheur qu'elle avait un instant entrevu et qui fuyait pour la livrer au malheur, lui brisait le coeur. Tout la navrait, mais ce qui formait pour elle un plus constant et plus amer sujet de douleur, c'était l'avenir de Bernard. Tant de prières, tant d'efforts, et ce résultat !

Elle avait aussi ses tentations. Lorsque, seule, durant les journées que son mari passait dans la dissipation, elle travaillait au-delà de ses forces afin d'acheter quelque nourriture pour ses enfants, l'image de Bernard, s'amusant et buvant avec des hommes et des femmes de mauvaise vie, remplissait son âme d'indignation.

- Je respecterais un tel homme ! se disait-elle à voix haute. Je lui obéirais ! Je l'aimerais ! Moi qui ai déjà tant supporté, je serais donc éternellement dupe de ma patience !

Alors, une invisible main déroulait devant elle le tableau de ses propres égarements. Elle se revoyait vivant avec Bernard dans l'impureté. Elle se revoyait près de devenir adultère. Elle voyait son Sauveur qui venait la chercher dans son abjection. Et, laissant tomber son ouvrage, joignant les mains, levant vers le ciel un front couvert de confusion : « Mon Dieu, s'écriait-elle, mon Dieu, pardonne-moi, pardonne-lui, pardonne-nous ! »

Dès l'instant où Justine s'était aperçue de l'influence diabolique à laquelle cédait son mari, elle l'avait averti avec tendresse. Daniel s'était efforcé, lui aussi, d'arracher Bernard à l'empire de Leblanc. Mais Bernard, qui d'abord avait nié sa rechute, qui avait répondu aux craintes qu'on lui manifestait par des protestations de vertu, s'était bientôt soustrait à toute conversation sérieuse, soit avec Justine, soit avec Daniel ou Anne-Laure, soit avec quelque chrétien que ce fût.

La lecture du soir et la prière en commun avaient totalement disparu. Bernard, quand il rentrait tard, ivre, s'affalait sur le divan et ne voulait rien entendre. Le matin, il ne prenait pas même le temps de manger avec sa femme et ses enfants. Il sortait et souvent ne revenait pas de quelques jours. Depuis longtemps il n'apportait plus d'argent. Anne-Laure, ayant quelques difficultés financières à son tour, ne pouvait plus aider Justine comme à son habitude. Les morsures de la pauvreté faisaient couler encore bien des larmes dans ce foyer !

Un soir, Bernard, dont l'humeur devenait de plus en plus farouche, entra brusquement et déclara qu'à l'heure même, il lui fallait de l'argent, tout l'argent que possédait sa femme !

Un orage s'éleva dans le coeur de Justine ! Retirer à sa famille le secours de son travail n'était donc pas assez pour Bernard ! Ce n'était donc pas assez pour elle-même, que de subvenir seule à la subsistance de ses enfants ! Il lui fallait encore se dépouiller du peu d'argent qu'elle avait si péniblement gagné, et dont elle avait tant besoin pour elle et ses enfants ! Tout cela pour le jeter à quelque créature perdue, pour s'enivrer avec un Patrick Leblanc !

Justine exaspérée se leva comme une lionne qui défend ses petits... mais ces mots de Jésus : « A celui qui te frappe sur une joue, présente-lui aussi l'autre; et si quelqu'un t'ôte ton manteau, ne l'empêche point de prendre aussi la tunique ! », ces mots l'arrêtèrent tout à coup.

- Non, s'écria-t-elle intérieurement, je ne ferai pas le mal pour qu'il en arrive du bien, je ne manquerai pas à la soumission conjugale par amour pour mes enfants !

Puis elle s'avança vers la commode, ouvrit un tiroir et prenant un billet dans une enveloppe :

- Tiens, Bernard, dit-elle d'une voix émue et sans le regarder, parce que ses yeux étaient pleins de larmes, tiens, voici mon gain de deux semaines... prends tout... si tu en as besoin.

Bernard hésita, se troubla ... un instant il fut sur le point de jeter l'argent loin de lui, de serrer Justine dans ses bras, de lui demander pardon, mais Patrick Leblanc l'attendait. Il détourna alors la tête, saisit le billet et sortit sans jeter un regard à Justine qui tomba sur une chaise, pâle, anéantie.

La misère alla croissant. Justine avait introduit un dossier à l'Entraide Protestante. Son coeur était dans le creuset, mais il s'y épurait, et au travers de ses souffrances, elle éprouvait une sérénité que ne peuvent comprendre ceux qui ne savent ce que c'est que de posséder un Sauveur, que de souffrir sous les yeux de cet ami, que d'avoir cette certitude qu'Il a porté nos langueurs et s'est chargé de nos douleurs.

Plus la pauvreté s'accroissait, plus Justine travaillait. Elle ne dormait que quatre heures par nuit et ne mangeait que ce qui lui était indispensable pour conserver des forces. Daniel et Anne-Laure la secouraient selon ce qu'ils pouvaient. Et les colis qu'elle recevait de l'Entraide l'aidaient à tenir la tête hors de l'eau.

À la fin d'un beau jour de printemps, Justine revint chez elle après avoir terminé son ouvrage chez une dame où elle faisait le ménage. Elle monta lentement l'escalier, car elle était faible, lorsqu'un homme, Patrick Leblanc, la renversa presque en descendant sans la voir, tandis qu'un autre, Bernard, à l'arrivée inattendue de sa femme, rentra brusquement dans leur appartement.

La porte avait été forcée. Bernard debout, immobile, un gros volume sous le bras, restait comme frappé de stupeur. Justine tremblante avait jeté un regard étonné sur la serrure arrachée, sur son mari, sur le volume....

- Ma Bible ! s'écria-t-elle en s'élançant vers lui.

Puis elle reprit plus doucement, quoique d'une voix altérée.

- Bernard, notre Bible de mariage !

Bernard laissa tomber le livre. Justine le prit avec respect, le serra contre son coeur, l'ouvrit, et, presque sans le savoir, lut tout haut ces mots écrits par le pasteur sur la première page blanche : « Comme donc l'Eglise est soumise à Christ, que les femmes le soient de même à leurs maris, en toutes choses. Et vous, maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé l'Eglise et s'est donné Lui-même pour elle (Ephésiens 5 :24-25) » - « Car que sais-tu, femme, si tu ne sauveras point ton mari ? Ou que sais-tu, mari, si tu ne sauveras point ta femme ? » (1 Corinthiens 7 :16).

- Je suis un monstre, s'écria Bernard, en se frappant la poitrine avec violence. Je suis un monstre!

Puis saisissant Justine par le bras :

- Écoute, lui dit-il hors de lui, ce que tu as de mieux à faire pour m'empêcher d'aller jusqu'au bout, c'est d'appeler la police ! Tiens... vois-tu... j'ai forcé ta porte avec ce damné Leblanc.... j'avais perdu mes clés. Vois-tu... je te prenais ta Bible pour la vendre, ainsi que quelques autres babioles. Vois-tu... je t'ai dépouillée de tout, je suis un pauvre type ! Je te le dis : « Appelle la police, il n'y a que ce moyen pour en finir ! »

- Bernard, Bernard ! Le pardon de Dieu n'est-il pas aussi pour toi ?

- Pour moi ? Cela sera plutôt l'enfer ! Ce l'est déjà d'ailleurs !

- Bernard ! Viens à Jésus, repentant de tout ton coeur, il ne te repoussera pas !

Bernard haussa les épaules.

- N'a-t-il pas donné sa vie sur la croix pour toi ?

- C'est trop tard ! J'ai connu la vérité et je l'ai rejetée. A présent je chercherais Dieu mille ans que je ne le trouverais pas.

- Oh! Tu le trouveras, mon pauvre Bernard ! Sa main ne se montre-t-elle pas ici, n'est-ce pas le Seigneur qui m'a ramenée au moment...

- Au moment où je faisais sauter ta porte, où je volais, s'écria Bernard avec un rire farouche.

- Eh bien oui, Bernard, au moment où tu volais, comme avait volé le brigand qui sur la croix s'écriait : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton règne ! », le brigand auquel Jésus répondit : « En vérité je te dis qu'aujourd'hui tu seras avec moi en paradis. »

- Justine, plus tard, oui, plus tard tu me parleras de miséricorde, je pourrai peut-être t'entendre, mais à présent... à présent sauve-moi. Si je reste ici, je suis un homme perdu ! J'avais un rendez-vous ce soir avec Patrick. Si je ne vais pas, il reviendra demain. Si tu savais dans quel traquenard je me suis fourré !

- Mon Dieu, mon Dieu ! cria Justine en tombant à genoux.

Après une secrète prière :

- Bernard, dit-elle plus calme, il nous reste un moyen; partons, fuyons la tentation, retournons vivre à Erquelinnes. Allons-y ! Nous n'aurons plus à rencontrer ce Patrick, et nous redémarrerons à zéro une nouvelle vie.

- Oui, il le faut, soupira Bernard.

Ils s'agenouillèrent et s'humilièrent. Ils supplièrent le Seigneur de les garder des agissements de Leblanc, de permettre qu'il ne revienne pas le lendemain et les jours suivants. Il se passa ainsi quatre mois sans qu'ils voient cet homme de Bélial, sans connaître les raisons de ce silence, mais en sachant que cela venait de Dieu pour leur bien.

Daniel et Anne-Laure les fortifièrent dans leur bonne résolution. Et Dieu arrangea tout pour leur déménagement. Les Jaquemin envoyèrent une lettre de renoncement de leur bail, trouvèrent de nouveaux locataires pour les remplacer, signèrent un nouveau contrat de location non loin de leurs amis Vivien, et emménagèrent en quatre mois de temps. Si on ajoute à cela le fait que Bernard trouva un autre travail à quelques kilomètres de son nouveau lieu d'habitation, on ne peut qu'y voir l'intervention de Dieu, que la main divine sur tous ces changements.

A l'entrée de leur nouvel appartement, un beau verset du psaume 27 accueillait les gens par ces mots : « L'Eternel est ma lumière et ma délivrance; de qui aurais-je peur ? L'Eternel est la force de ma vie : de qui aurais-je frayeur ? »

Bernard, qui pour la première fois de sa vie mesurait un peu l'étendue de son iniquité, était ébranlé devant ce brusque revirement de situation.


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