Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Parcours féminins



La belle-mère
(Concerne Melissa Stiévenart)

 

Une semaine environ après la visite de Mme Vivien à ses anciennes amies, Melissa alla chez elle.
- Ma chère Anne-Laure, ton arrivée est une bénédiction pour moi, ma nature pécheresse me fait trop souvent la guerre. Il y a dans ma vie des pierres d'achoppement contre lesquelles je me heurte sans cesse. J'aimerais t'en parler. J'ai besoin de tes conseils.

- Assieds-toi, cela me rappellera nos anciennes conversations, bien que ta situation soit différente aujourd'hui.

- Je n'ai pas beaucoup de temps, j'ai pu me libérer un moment à la boulangerie, mais je ne peux pas trop traîner. Je vais en venir directement au fait. C'est à propos de ma belle-mère. Elle est veuve, et bien qu'elle ait deux filles, dont une est célibataire, elle a voulu vivre auprès de Loïc, qu'elle préfère à ses autres enfants. Loïc m'avait averti, dès nos fiançailles, qu'il considérait comme un devoir de prendre soin de sa mère. Elle s'est donc arrangée pour venir habiter avec nous, après notre mariage. J'étais alors sans expérience. Je pensais que je trouverais une seconde mère dans la mère de mon mari. Je ne me doutais pas des inconvénients qu'entraîne la continuelle présence d'un tiers dans le ménage. J'ai donc accepté ce joug... qui me blesse tant maintenant. Je n'arrive pas à me faire à cette situation pesante. Ma patience est mise à grande épreuve. Et il y a des jours où je la mettrais bien dehors !

- Melissa ! interrompit Anne-Laure, d'un ton de reproche mêlé d'affection.

- Oh! Je le sais, ce que je dis là est mal. Mais c'est ce que je pense, hélas ! C'est ce que je ressens habituellement au plus profond de moi. Aussi je viens te demander de m'aider. Loïc m'est d'un grand secours, mais il s'agit de sa maman. Et puis je n'ose lui dire tout ce que je souffre parfois. Je n'ose pas lui raconter les détestables mouvements de mon coeur. Je dois garder une certaine réserve pour la paix dans ma maison. Je n'ai pas envie de donner au diable l'occasion de semer le trouble et la discorde.

- Eh ! bien, Melissa, tu as tort. C'est dans les rébellions de ton coeur qu'il faut apporter de la réserve, et pas dans tes attitudes de faux-semblant face à ta belle-mère, à ton mari, et même à tes enfants. Comprends-moi bien, ce n'est pas en jouant un rôle surfait de belle-fille, d'épouse, de maman que tu t'en sortiras. Cette situation te pèsera de plus en plus, si tu ne regardes pas à ton coeur. C'est de lui que sortent toutes tes irritations, tes impatiences. C'est à la source que tu dois aller pour stopper ce flot d'amertume. Ton comportement poli ne fera bientôt plus barrage à ton énervement intérieur, crois-en mon expérience.

- Oui, tu as raison, il faut cependant que tu sois mieux au courant de ma position. Ma belle-mère, comme tu as dû probablement t'en apercevoir, ne partage pas notre foi. Elle a toujours scrupuleusement accompli les devoirs extérieurs de la religion. Elle lit sa Bible. Elle va régulièrement aux offices religieux, mais elle ne comprend rien à l'évangile. Elle se croit juste, et la nécessité d'une rédemption, la nécessité d'une nouvelle naissance, la nécessité de l'action du Saint-Esprit dans son coeur, toutes ces vérités trouvent son âme fermée ... bien plus, elles l'irritent.

Elle nous traite d'orgueilleux parce que, croyant au témoignage des Saintes Écritures, nous estimons avoir fait notre paix avec Dieu par le moyen du sacrifice de Jésus. Elle nous trouve intolérants parce que nous disons avec l'apôtre Pierre «  qu'il n'y a qu'un seul nom sous le ciel par lequel les hommes puissent être sauvés, savoir le nom de CHRIST » (Actes 4 :12). Elle trouve que l'on exagère parce que nous établissons dans notre vie certaines règles de conduite prescrites par la Parole de Dieu. De là, naissent des tensions pénibles. A chaque pas dans la sanctification, nous rencontrons le blâme de ma belle-mère ou les moqueries de mes belles-soeurs. S'agit-il, pour Loïc et moi, d'un refus de céder à de la superstition religieuse, d'un don à offrir au Seigneur, de l'opposition du monde à braver, par exemple ... aussitôt les reproches fusent. C'est justement au moment où nous aurions le plus besoin d'appui qu'on redouble d'efforts pour nous détourner du droit chemin. C'est justement quand le secours de la famille nous serait le plus nécessaire que l'on nous écrase sous les sarcasmes.

Loïc me dit que ces obstacles augmentent notre zèle, que sans eux nous tomberions dans le relâchement. Je sens bien au fond qu'il n'a pas tort, mais quand la contradiction arrive aussi sèche et irritante, je suis blessée. Et j'ai beaucoup de peine à pardonner.

Dans ces moments, il m'est impossible de voir dans la présence de la belle-mère autre chose qu'un piège, qu'un malheur ! Oui, sa présence ne m'empêche pas seulement d'avancer, elle me fait pécher.

- De quelle manière ? demanda gravement Anne-Laure.

- Mais, c'est clair. Mon coeur devrait garder la paix, et ces luttes intérieures le troublent. Je voudrais montrer l'excellence de ma foi par ma gentillesse, mais je bouillonne en moi. Si bien que j'ai beaucoup de peine à ne pas prononcer des paroles blessantes. Anne-Laure ! Je suis en train de perdre la cause du Seigneur au lieu de la défendre ! Que de fois n'ai-je pas pris la résolution de me dompter ! Que de fois, durant mes journées de travail au magasin, n'ai-je pas cherché à réveiller dans mon coeur des sentiments d'affection pour ma belle-mère. Ils y sont, ces sentiments, par la grâce de Dieu. Oui, je l'aime ... mais lorsque, pleine de bonne volonté je retourne dans l'arrière-boutique, ce regard froid, cet accueil hautain, la certitude que j'ai d'être examinée avec malveillance, tout cela détruit ma volonté, et l'amertume revient dans mon coeur. Il ne me reste plus alors qu'à me taire et à ravaler ma frustration.

- Melissa, Melissa, dit Anne-Laure, je vois bien du péché, mais ce péché est le tien ! Ta belle-mère ne te rend pas rebelle, haineuse, impatiente. Elle met en évidence ces mauvaises dispositions qui sont bel et bien en toi. Crois-moi !

- C'est vrai, murmura Melissa ... et pourtant quand j'entends mes belles-soeurs me taquiner, lorsque que je vois ma belle-mère sourire toutes les fois qu'elle réussit à me mettre en contradiction avec mes principes, je n'en peux plus. Je rêve du calme dont je pourrais jouir dans l'intimité avec Loïc et mes enfants. C'est plus fort que moi, je ne peux pas m'empêcher de penser que ma belle-mère est un obstacle à la paix de notre foyer.

- C'est l'ennemi de ton âme, Melissa, qui te dit cela. Dieu parle autrement. Souviens-toi de ces paroles de l'apôtre Paul qui nous invite à tirer profit des épreuves, sachant que celles-ci produisent la patience, l'expérience et l'espérance, grâce à l'amour de Dieu qui a été versé dans nos coeurs par l'Esprit Saint » (Romains 5:3-5).

- Ah ! Je n'en suis pas là.
v- Tu n'y arriveras pas, aussi longtemps que tu t'appuieras sur ta volonté, comme tu l'as fait jusqu'ici, sans vraiment t'en apercevoir. Oh ! Melissa, si tu regardais plus à Christ, et moins à toi. Si, au moment de la tentation, au lieu de lutter toute seule, tu appelais Jésus à ton secours par une secrète supplication ... tu n'aurais pas tant de chutes à déplorer. Tu as un bon mari, et tu dois comprendre que tu dois lui être une aide et non une entrave. Et en te laissant aller à de tels sentiments, tu es l'obstacle premier à votre sanctification, même s'il ne saisit pas bien la situation. Ce qui reste à voir d'ailleurs.

- Je connais mon péché, Anne-Laure, crois-le. Hélas ! Oui, je m'y prends mal avec ma belle-mère. Il faudrait, pour l'attirer à notre foi, lui en montrer la douceur et la bienheureuse réalité. Je n'en fais rien. Par moments, elle me voit inquiète, chagrine. Et cette confiance en Dieu, cette paix chrétienne dont je parle si souvent, tout cela ne lui semble que des mots. Par moments, je m'abandonne à mes passions naturelles, et cette foi qui laisse à mon caractère toutes ses épines, ne lui paraît être qu'une idée mise à la place d'une autre idée... qu'une hypocrisie parmi d'autres. Et même lorsque je rends témoignage de l'amour de Jésus-Christ, je le fais d'une manière si maladroite ! Je manque tellement de véritable amour, d'humilité, de sincérité, que je fais obstacle moi-même, dans l'esprit de ma belle-mère, aux vérités que je voudrais lui faire adopter.

- Ma chère, il n'est pas une de ces expériences par laquelle je n'aie passé. « Dieu qui sait bien ce qu'il fait », laisse ces pierres sur le chemin de tous les chrétiens. De telles épreuves nous en apprennent plus long sur notre coeur naturel et sur notre incapacité que les meilleures leçons. Et pourtant, je ne t'épargnerai pas les miennes. Je sais par moi-même qu'il est plus facile de parler que d'agir, plus facile de présenter l'excellence de la foi chrétienne par des discours que de la prouver par sa conduite. Je sais que si le chrétien fidèle a de grands sujets de joie, il en rencontre mille petits de tristesse. Mais ce que je sais aussi, Melissa, c'est que notre péché est la première cause de notre mécontentement 24, et que c'est au coeur qu'il faut porter le remède.
Melissa, si tu n'étais ni impatiente ni orgueilleuse, les reproches de ta belle-mère ne t'irriteraient pas. D'un autre côté, si ta foi, tout en se montrant sincère et ferme, ne marchait pas accompagnée de défauts blessants, elle froisserait bien moins ta belle-mère. Ce que l'on prend souvent chez les autres pour de l'opposition contre nos convictions chrétiennes n'est dans beaucoup de situations que de l'opposition contre nos propres péchés. Ainsi, ce n'est pas la beauté du message qui est mal acceptée, mais les défauts du porteur de ce message. Travaille donc sur toi-même, mais sans compter sur ta volonté de bien faire. Tourne-toi vers Celui de qui nous vient toute force.

- Je ne l'ai presque jamais fait, reprit tristement Melissa après un instant de réflexion. Il arrive souvent à ma belle-mère de me contrarier dans l'éducation des enfants. Elle a le don d'exciter la vanité des enfants, de se moquer devant eux de nos scrupules. D'autres fois, elle jalouse mon autorité dans le ménage. Elle a son mot à dire sur tout ! Mon affection pour Loïc la fatigue. Elle m'envie jusqu'au regard tendre de mon mari, quand elle ne cherche pas à interrompre nos plus courts instants de tête-à-tête.

Alors, je me torture avec de mauvaises pensées. Je me demande pourquoi ma belle-mère, qui ne partage aucune de nos convictions, ne nous laisse pas en paix et ne va pas vivre avec ses filles qui pensent comme elle. Je me demande s'il faut que mes plus belles années soient empoisonnées par cette continuelle contrainte. Je me demande comment elle peut prétendre qu'elle nous aime! Bref, je me demande s'il elle n'est pas méchante au point de vouloir briser notre couple.

- Ecoute-moi, Melissa. Je crois qu'il est bon à un jeune ménage de vivre seul. Je le crois, parce que Dieu a dit : « L'homme quittera son père et sa mère, pour se joindre à sa femme » (Genèse 2 :24). Je le crois, parce que tant qu'un fils demeure sous le toit paternel, son autorité comme chef de la famille s'établit difficilement, parce que les rapports immédiats de belle-mère à belle-fille, de beau-père à gendre, amènent, à cause de notre mauvaise nature, des frottements pénibles et fâcheux. Je le crois encore, parce que la présence habituelle, parce que la domination, peut-être la jalousie des parents, nuisent à l'intimité, à l'union des époux. Cependant, il peut y avoir des cas exceptionnels, et le tien, Melissa, est un de ces cas-là.

Le veuvage laisse-t-il un père, une mère dans l'isolement ? Si la vieillesse ou la maladie atteignent les parents, il n'y a pas d'hésitation possible, le devoir est clairement marqué par le Seigneur, il faut les prendre chez soi, autant que cela est possible. Et surtout, il faut l'accepter de plein coeur. Il est trop facile aujourd'hui de placer ses parents dans des maisons de repos pour la vieillesse. C'est pour beaucoup un manque total de reconnaissance envers ceux qui leur ont tant donné. L'ingratitude des enfants est reine de nos jours. Elle est implacable, et elle dénote le caractère des temps mauvais dans lesquelles nous sommes arrivés. Le chrétien ne doit pas s'engager dans une telle voie, même si cela lui coûte. Et cela lui coûte assurément en bien des domaines.
v- Oh ! l'ingratitude des enfants m'a toujours fait frémir, je te l'assure.

- Oui, reprit Anne-Laure, elle est horrible. Tiens, Melissa, j'ai vu, lors de mon séjour en Suisse, une fille reléguer sa mère âgée, infirme, dans une institution tandis qu'elle occupait, avec son mari et ses enfants, une superbe villa aux nombreuses pièces. La pauvre vieille ne recevait la visite de sa fille qu'une fois par mois, et encore, c'était pour une vingtaine de minutes. Ma voisine, qui connaissait bien cette dame, m'a parlé de sa solitude, au soir de sa vie. C'est ainsi que nous avons pu lui rendre visite de temps à autre. Mais aussi, nous l'avons vu s'éteindre petit à petit dans la souffrance. C'est intolérable. J'en frémis en t'en parlant. Ce souvenir m'est très pénible.

- Oh ! C'est affreux ! s'écria Melissa en pleurant et en cachant sa tête entre ses mains.

- Sans chercher des exemples aussi odieux, poursuivit Anne-Laure, ce que nous voyons tous les jours autour de nous ne dénote-t-il pas dans le coeur des enfants une abominable sécheresse, ce mépris des commandements de Dieu, cette absence des affections naturelles 25 dont parle l'apôtre Paul ? N'arrive-t-il pas tous les jours que des parents eux-mêmes enseignent à leurs enfants la désobéissance, l'irrévérence envers un grand-père, envers une grand-mère ? Ne se plaint-on pas devant ces derniers de leurs infirmités qui exigent des soins, des charges qu'ils représentent pour la famille? Un fils, une fille s'imposent-ils quelque privation pour adoucir la vieillesse d'un père, d'une mère, pour lui procurer l'affection dont il, ou elle, a besoin? Quand les parents âgés tombent malades, s'empresse-t-on d'aller vers eux ? Ces pauvres êtres abandonnés, ils ont dépensé leur existence pour soutenir la vie de leur fils, de leur fille. Si les infirmités leur arrivent, c'est qu'ils ont affronté les difficultés et les peines pour élever ces enfants qui les délaissent.

- Oh! Anne-Laure ! murmura Melissa à travers ses sanglots.

- Tu fais bien de pleurer. Mais rassure-toi, ta conduite envers ta belle-mère n'offre rien de pareil. Tu la soignes bien, je n'en doute pas. Cependant, descends tout au fond de ton coeur, et scrute les sentiments d'impatience que tu cultives en secret. Ne sont-ils pas les mêmes qui ont produit, qui produisent autour de nous, ces faits dont la seule pensée t'indigne ?

- J'ai horreur de moi ! Que dois-je faire ? Oh ! Que dois-je faire?

- D'abord, ma chère Melissa, accepter dans son entier l'obligation que Dieu t'a imposée. Tu ne peux plus batailler contre cette situation. Le Seigneur a mis ce joug sur ton cou, ne le refuse pas. Ne perds pas ton temps et ton énergie à réfléchir au bonheur dont vous jouiriez, si ta belle-mère ne vivait pas sous votre toit. Il y a du poison dans de telles rêveries. Ne t'arrête ni aux regrets, ni aux arrière-pensées, ni aux mauvais désirs. La présence de ta belle-mère réclame des sacrifices, consens-les de bon coeur. Rejette le plaisir des petites vengeances mesquines. Laisse ta volonté, une fois pour toutes, dans la mort. Et puis, c'est par là que j'aurais dû commencer, aime ta belle-mère, aime-la beaucoup.

- J'ai de l'affection pour elle, Anne-Laure, je te l'assure.

- Tu crois en avoir, Melissa. Tu te trompes ou plutôt, tu n'aimes pas comme il le faudrait. Aime-la indépendamment de ses qualités ou de ses défauts, indépendamment de ses bons ou de ses mauvais côtés. Aime son âme, son âme pour laquelle Christ est mort. Aime ta belle-mère à cause des soins qu'elle a prodigués à ton mari, à cause de l'attachement qu'elle lui témoigne, quelque exigeante, quelque importune que soit d'ailleurs une telle tendresse ! Tu sais bien, Melissa, à qui il faut demander de disposer ainsi ton coeur. Regarde à ton Sauveur à chaque instant, dans chaque circonstance, et vos rapports si difficiles se simplifieront, ou, tout du moins, ton coeur sera en paix, et non plus rongé comme il l'est maintenant.

Cela te paraît très difficile, voire impossible ? Eh bien ! Tu serais étonnée de voir ce que le Seigneur peut faire dans la vie de ceux qui s'attendent à Lui pour toutes choses. Il peut transformer ton amertume en douceur, ton découragement en joie. Il peut le faire, mais il veut aussi le faire. Cela dépend de toi, est-ce que tu le veux vraiment ?

Melissa était trop émue pour pouvoir répondre.

- Et le salut de la maman de ton Loïc, poursuivit Anne-Laure, quel merveilleux but ! Cela en vaut la peine, non ? Melissa, si à cause de toi elle s'éloignait du seul Sauveur, n'y aurait-il pas là de quoi pleurer éternellement ? Mais si, grâce à toi, elle vient à connaître et à aimer Jésus, si elle goûte dès cette vie l'immense bonheur du pardon, si, au dernier souffle, elle part vers la demeure paternelle, en te tenant la main, n'y aura-t-il pas de quoi se réjouir aux siècles des siècles avec les anges ?

- Rien, non, rien ne me coûtera pour triompher de moi, murmura Melissa.

- Courage! Ne t'épargne point, le temps est peut-être court ! Quand le Seigneur aura repris ta belle-mère, et que tu ne pourras plus rien pour elle, tes souffrances, l'épreuve de ta patience, tout cela te paraîtra peu de chose.

- Quel remords j'aurais en effet, s'écria la jeune femme, si j'avais rempli d'amertume les vieux jours de ma belle-mère ! Avec la grâce de mon Dieu, je l'aimerai vraiment, j'y trouverai mon plaisir. Dorénavant, je ne regarderai plus à moi, à mes sacrifices, mais à son bien, à son salut. Car bien que j'aie dit vouloir celui-ci, je cherchais d'abord mon confort et ma satisfaction.

- Sacrifie-lui ton amour-propre, ton orgueil, tes envies, mais agis néanmoins avec prudence, avec fermeté en ce qui concerne ton couple. Ne la laisse pas s'immiscer dans ce qui relève de l'intimité entre un mari et son épouse. Avec Loïc, restez unis et ayez des moments de solitude, durant lesquels vous puissiez lire, prier, causer sans témoins. Agissez ensemble. Il ne faut pas que tu essaies d'arranger les choses toute seule. Vous êtes deux ! Quant à tes enfants, qu'ils respectent leur grand-mère. Préviens toute moquerie ou insolence de leur part. Et s'il arrive que tu doives reprendre ta belle-mère, fais-le après avoir prié intérieurement, avec douceur. Applique toujours le baume de la tendresse et du respect.

- Que tout cela est difficile !

- Impossible même ! Sans le secours journalier du Saint Esprit, tu t'enfoncerais plus vite que tu ne le penses ! Melissa, c'est par beaucoup d'afflictions qu'on entre dans le royaume de Dieu. Tu passeras certainement par bien des souffrances, et aussi des chutes, mais nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Ne l'oublie pas ! Il nous faut être émondés pour porter du fruit. Confions-nous donc à celui qui tient la serpe, il ne retranche que les branches mortes.

Après un moment de silence:

- Si tu as encore le temps de m'écouter, Anne-Laure, reprit Melissa, les yeux humides et le coeur gros, je te dirai que je ne suis pas toujours contente de moi sous d'autres rapports. Il s'agit de Loïc. Oh ! Cela n'est presque rien, et toute la faute vient de moi.

Dieu m'a fait des grâces inouïes. Je peux le dire sans honte, puisque Loïc n'est pas là. J'ai en lui un mari tendre, profondément pieux, qui me soutient, qui me supporte, que j'aime de toutes mes forces ! Eh bien ! Le croirais-tu, Anne-Laure, heureuse comme je le suis, il y a des moments où je trouve le moyen d'être triste, des moments où je trouve le moyen de me fâcher contre lui, où je me préoccupe de ce qui lui manque peut-être, pour ensuite le regretter !

Je ne sais pas cacher ce que j'ai sur le coeur. Dire à mon mari tout ce qui me contrarie est un besoin pour moi. Et si je ne le dis pas ouvertement, je le montre par mes attitudes. Loïc, au contraire, se renferme souvent en lui-même, et lorsqu'il a l'air de ne pas faire attention à mes confidences, je me retire, blessée. Je vais à l'écart nourrir des sentiments de rancune. Je boude, pire encore, si dans ce moment il se rapproche de moi, j'éprouve une diabolique joie à le repousser.

Son amour s'exprime plus par des actes que par des paroles. Dans ses moments de silence obstiné, je suis assez folle pour mettre en doute son affection. Son calme me fatigue, m'impatiente presque. Ainsi, quand j'ai une remarque à lui adresser, je le fais quelquefois avec douceur, avec humilité... mais plus souvent c'est ma passion et mon orgueil qui parlent. J'ai l'air fâchée, et je querelle au lieu d'avertir.

Si Loïc est parfois un peu sombre, je m'efforce de le sortir de ses réflexions pour qu'il porte son attention sur moi. Je me crispe trop souvent, et alors je lui adresse quelques mots froids, irritants. Si cela ne suffit pas pour le toucher, je recommence, je redouble, je deviens insupportable, et je finis par le faire sortir de sa douceur habituelle, ce qui l'afflige profondément, et moi plus que lui, lorsque je rentre en moi-même.

- Melissa, rien de tout cela ne m'étonne. Tu es exigeante, insupportable, parce que tu es idolâtre.

- Oh ! Oui ! C'est bien cela ! J'aime trop, mille fois trop, Loïc !

- Dis plutôt: « Pas assez ! » Tu l'aimes en égoïste, car l'idole c'est toi, et non pas lui.

- Pourtant... fit Melissa d'un air de doute...

- Réfléchis bien, Melissa, et vois si dans votre union vous poursuivez ce qui te plaît ou ce qui convient à ton mari ? Vois si ce n'est pas de toi plus que de lui que tu te préoccupes...

Allez, ma chère, les âpres fruits sauvages ne croissent ni sur le figuier ni sur la vigne. Quand tu sens monter en toi de tels mouvements d'impatience contre ton mari, quand tu nourris du mécontentement, ne te donne pas l'illusion de croire que ces sentiments viennent de ton amour pour lui, c'est de ton amour pour toi qu'ils procèdent. Sois-en certaine ! Mais il y a ici autre chose. Crois-moi, Melissa, s'il est bon d'éclaircir tous les points louches, de ne pas laisser s'établir des rapports froids et contraints dans le mariage, s'il faut aller au-devant des pensées de son mari, ouvrir soi-même ce coeur naturellement fermé, il y a du danger à examiner de trop près l'humeur d'un mari. Il faut prendre garde à ne pas le provoquer trop facilement en voulant lui soutirer des explications sur tout. Fais attention à ne pas le tyranniser à force de sensibilité inquiète. Ne laisse pas ton imagination regretter ce que tu n'as pas, mais réjouis-toi de ce que tu possèdes. Tu l'as dit, Melissa, tu es la plus heureuse des femmes. Eh bien ! La plus heureuse des femmes trouvera toujours des raisons à son bonheur... surtout si elle met des lunettes pour mieux les voir.

Melissa, je te conseille de chercher la simplicité de coeur dans les affections; d'aimer en actes, et non en idées. Sous prétexte de tendresse, les femmes remplacent trop souvent leur besoin d'être aimée par une certaine forme d'exclusivité, de possessivité.

L'unité entre les époux est une arche sainte, personne n'y doit toucher. Et il ne faut pas fissurer cette unité par des sautes d'humeur. D'autant plus qu'elles sont visibles aux autres membres de la famille. Les enfants voient bien plus que l'on ne pense. Et ta belle-mère ne ratera pas l'occasion de te rappeler l'une ou l'autre de ces tensions.

- Merci, Anne-Laure. J'avais besoin d'entendre cela.

- Entendre, maintenant il reste à appliquer ces principes pour ton bonheur et la paix dans ton foyer. Melissa, c'est peut-être la dernière fois que je te parlerai ainsi. J'ai entendu avec un vif intérêt tes confidences sur tes relations conjugales, et mes conseils te seront utiles, du moins je l'espère ! Mais, écoute-moi bien, Melissa. Découvrir ces détails intimes à d'autres, ce serait porter atteinte à la dignité du mariage ; nul oeil étranger, pas même le mien, ne doit se glisser entre ton mari et toi ! L'union conjugale a été faite pour renfermer deux personnes, pas une de plus. Dans vos difficultés, allez au Seigneur. Il vous dira tout ce qu'il faut faire. Prie le Seigneur seule, et avec ton mari, avec régularité, en consacrant un certain temps à ce saint exercice... Je parierais que, là-dessus, il y a quelques reproches à vous adresser?

- Je prie parfois avec Loïc, et seule un instant avant de m'endormir. Je prie aussi de temps à autre durant mes occupations de la journée.

- Ce n'est pas assez. La prière est une joie, elle est aussi un combat ! Nous ne pouvons nous approcher de Dieu sans renverser, à droite et à gauche, cent ennemis comme la distraction, la froideur, la sécheresse. Lorsque nous n'avons pas assez prié, le Seigneur se fait chercher. Il exerce notre foi par un apparent silence. Il faut donc prendre du temps pour la prière, pour prier avec efficacité. Ne laisse point de prétexte à votre paresse. Ne permets pas à Satan de te dire: « Aujourd'hui, tu n'as pas le temps, tu es mal préparée, tu es trop fatiguée, demain tu prieras à ton aise ! » Levez-vous un peu plus tôt, couchez-vous un peu plus tard, et mettez au moins quinze minutes devant vous pour lire quelques versets, pour présenter toutes vos requêtes au Seigneur. Et fais attention à la télévision que j'ai vue dan ton salon. Qu'elle ne soit pas un piège, qu'elle ne mange pas votre temps, en plus de souiller votre esprit.

Melissa se leva et pressa les mains d'Anne-Laure dans les siennes.

- Me voilà prête à faire ce que le Seigneur voudra, s'écria-t-elle. Il m'en donnera les moyens.

Melissa s'en retourna chez elle, accompagnée un bout de chemin par Anne-Laure, qui avait à faire des courses. La conversation tomba alors sur les anciennes amies de Melissa.

- Maintenant, il n'y a pas à s'occuper de Patricia autrement que par la prière, dit Melissa. Elle se croit heureuse, les idées sérieuses l'irritent ou la font rire. C'est Dieu qui se chargera de la toucher... Mais Zoé, oh ! Zoé a besoin de toute notre affection. Elle n'est pas entièrement tombée, elle est même plus près de revenir à la vérité qu'elle ne le croit. Elle a éprouvé de cruelles déceptions. Son orgueil, son coeur, tout est froissé dans ce moment. Elle se révolte, mais si elle peut comprendre que Jésus l'aime encore, et qu'elle vienne à Lui, elle sera sauvée ! Et par elle, on pourrait toucher son mari, lui faire échanger sa triste philosophie contre les vérités évangéliques ! Quelle oeuvre ce serait ! Quelle bénédiction !

Anne-Laure opina de la tête, regrettant des mots de doute qu'elle venait de formuler à propos de Zoé et de son époux.

- C'est vrai, Melissa, j'ai manqué de confiance en la puissance du Saint Esprit pour convertir Zoé et son mari. Mais je te le promets, si Zoé ne vient pas me voir, j'irai la trouver. A Dieu le soin de faire le reste.

Là-dessus les deux amies se séparèrent; l'une, pour rentrer l'âme fortifiée et comme rafraîchie dans son heureux ménage; l'autre, pour vaquer à ses devoirs, et, tout en les remplissant, recommander au Seigneur sa protégée, pieuse de coeur et de fait, mais encore bien jeune dans la vie chrétienne.


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