AUGUSTE
THIÉBAUD
SERMONS ET MÉDITATIONS
MÉDITATIONS QUOTIDIENNES
Chaque matin, Auguste Thiébaud
méditait un chapitre de l'Écriture
dans un véritable examen de conscience. Il
s'emparait pour lui-même du message divin et
il répondait par de brèves
réflexions, qui sont singulièrement
bienfaisantes par leur simplicité, leur
sincérité, leur
humilité.
Nous devons
donc, nous qui sommes forts, supporter les
infirmités des faibles et ne pas nous
complaire en nous-mêmes.
(Rom. XV, 1.)
Supporter. Voilà bien
un mot contraire aux tendances de notre coeur
naturel! Imposer aux autres notre volonté,
voilà ce qui nous parait juste et normal ;
mais supporter leurs faiblesses,
décidément cela nous semble excessif.
Et pourtant, n'est-ce pas ce que Dieu fait à
notre égard? Que deviendrions-nous si Dieu
n'usait pas envers nous de plus de patience et de
persévérance que nous ne le faisons
à l'égard de nos frères?
Seigneur, apprends-moi à supporter comme tu
m'as supporté! Qu'au lieu de m'indigner et
de m'impatienter, je m'efforce de comprendre et de
venir en aide ; et si mon intervention n'est pas
toujours possible, que j'apprenne du moins à
prier et à prier avec
persévérance pour ceux dont
l'attitude m'attriste ou me déplaît.
La grâce
qui m'a été faite d'être
ministre de Jésus-Christ.
(Rom. XV, 16.)
Le ministère, une
grâce! Que de fois ne nous arrive-t-il pas de
le considérer comme un fardeau et de jeter
un regard d'envie sur ceux qui sont engagés
dans une autre voie, comme s'ils étaient
mieux partagés que nous! Assurément
le ministère ne peut être qu'un
fardeau pour celui qui n'y voit qu'un métier
; mais comment en serait-il ainsi de celui qui a
compris qui est Jésus-Christ et quelle est
l'immense détresse de l'âme humaine?
Dieu m'a fait une triple grâce en m'appelant,
malgré ma profonde indignité,
à devenir professeur de théologie,
rédacteur de journal et chapelain
d'hôpital ; oh! qu'il m'accorde aussi de voir
toujours dans cette triple activité un
ministère, c'est-à-dire un service de
Jésus-Christ et qu'il me donne de ne pas
faire un pas, de ne pas prononcer une parole qui ne
porte l'empreinte de celui que je dois et veux
servir.
Dieu est
fidèle.
(1 Cor. I. 9.)
Encore un mot qu'il fait bon
rencontrer au début d'une année. Le
chrétien ne s'avance pas seul au-devant de
l'inconnu ; il sait que Dieu l'accompagne ; il sait
aussi que ce Dieu qui depuis longtemps s'occupe de
lui, l'appelle, le sollicite, continuera à
veiller sur lui et à le diriger. Dieu est
fidèle ; il y a plus de cinquante ans qu'il
a commencé son oeuvre en moi et il aurait eu
bien des raisons d'abandonner un
travail qui semblait souvent improductif ; mais il
le poursuit encore aujourd'hui et, par toute sorte
de moyens, m'oblige à revenir sans cesse
à lui et à me souvenir que je ne puis
me passer de lui. Dieu est fidèle ;
puissé-je le devenir toujours davantage,
profiter toujours mieux des lumières
reçues, croître en connaissance, en
foi, en obéissance, en amour. Seigneur, que
cette année voie enfin s'épanouir en
moi l'oeuvre que tu poursuis depuis si longtemps
avec tant de patience et de
fidélité.
Christ
crucifié sagesse et puissance.
(1 Cor. 1, 24.)
J'ai beaucoup cherché,
dès les temps de ma jeunesse, à
pénétrer le mystère de la
croix, comme si c'était une chose qu'il
importe d'avoir comprise afin de pouvoir en
bénéficier. Assurément cette
préoccupation était légitime ;
un fait absolument inintelligible ne peut devenir
un élément fondamental de notre vie
personnelle ; mais la croix défie les
investigations de l'intelligence, et c'est pourquoi
l'apôtre l'appelle une folie ; et pourtant
elle peut et doit devenir l'instrument de notre
salut et de notre relèvement. je reconnais
qu'elle n'a pas, dans ma vie, la place centrale et
je veux désormais et de plus en plus me
placer devant elle, non pas pour en faire la
philosophie, mais pour en subir l'action ; croix de
celui qui m'a aimé et s'est donné
lui-même pour moi ; croix sur laquelle je
dois mourir a mon tour.
Ce qu'on
demande des dispensateurs, c'est que chacun soit
trouvé fidèle.
(1 Cor. IV, 2.)
Fidèle dans l'usage qu'il
fait de ses propres dons, fidèle aussi dans
l'administration des biens qui lui ont
été confiés. Trop souvent,
nous négligeons de nous servir pleinement
des ressources qui nous ont été
remises et, en même temps, nous voudrions
faire autre chose que ce dont nous avons
été particulièrement charges.
je pourrais me faire à cet égard bien
des reproches ; je suis loin d'avoir cultivé
comme je l'aurais pu les dons que j'ai reçus
Que Dieu me pardonne. Qu'il me donne en même
temps de me corriger de mes fautes, de renoncer
à toute ambition personnelle, de me
contenter de ma tâche et de l'accomplir avec
le plus grand soin.
Que celui qui
croit être debout prenne garde qu'il ne
tombe.
(1 Cor. X, 12.)
Ils sont nombreux ceux qui croient
être debout et se figurent qu'ils sauront
éviter les pièges où d'autres
sont tombés ; ceux qui, sûrs
d'eux-mêmes, négligent les
précautions indispensables, jugent inutile
de recourir aux moyens de protection que Dieu nous
a donnés. Qu'en est-il de moi-même?
Suis-je de ceux qui, toujours sur leurs gardes, se
tiennent à l'écart du danger? De ceux
qui, par la prière et par la
méditation, cherchent à
accroître leur force de résistance et
surtout de ceux qui, d'instinct, se placent sous la
garde et sous la protection du bon Berger?
Seigneur, donne-moi d'être
debout, mais par ta force ;
préserve-moi de la somnolence qui
empêche de discerner l'approche du
péril ; préserve-moi aussi de cette
fausse sécurité qui n'est que trop
souvent le prélude de la chute.
À
chacun la manifestation de l'Esprit a
été donnée pour
l'utilité commune.
(1 Cor. XII, 7.)
L'apôtre montre dans ce
chapitre un sens de l'unité
chrétienne qui nous fait trop souvent
défaut. L'Église est un corps, dont
les membres sont divers et n'occupent pas le
même rang, mais ont tous leur fonction
à remplir « pour l'utilité
commune ». C'est quelque chose dont nous ne
nous rendons pas suffisamment compte ; nous
oublions ce que nous recevons de nos frères
et ce que nous avons à leur donner et nous
plaçons notre personne, nos
intérêts, nos
préférences au centre de nos
préoccupations. je ne fais pas exception
à cette règle et j'ai besoin tout
comme un autre qu'on me redise que tout existe et
que tout doit être fait pour l'utilité
commune. Que Dieu me donne d'être un bon
serviteur de l'ensemble et de ne chercher ni
honneur ni profit, mais simplement l'utilité
commune.
Aspirez au don
de prophétie.
(1 Cor. XIV, 39.)
Prophétiser, parler avec
autorité, au nom et de la part de Dieu,
voilà quelle devrait être l'ambition
de tout chrétien. À plus forte
raison, celle d'un ministre de l'Évangile.
Hélas! combien cet accent
prophétique me fait défaut! Que de
fois il m'arrive de parler simplement parce que je
dois parler et non parce que j'ai réellement
quelque chose à dire de la part de Dieu. Et
maintenant, Paul nous dit : Aspirez au don de
prophétie, recherchez-le, demandez-le, dans
l'intérêt même de
l'Église. Mais ce don, cela est
évident, ne peut être accordé
au premier venu prophétiser, ce n'est pas
simplement avoir la parole facile c'est être
en mesure de comprendre et d'interpréter la
pensée divine et la chose n'est possible que
si l'on vit avec Dieu, si on lui obéit, si
on se laisse conduire par lui ; et c'est justement
ce qui m'a trop manqué jusqu'à ce
jour. Que Dieu me le pardonne et qu'il m'aide
à faire mieux.
Vous
êtes manifestement une lettre de
Christ.
(2. Cor. Ill, 3.)
Une lettre de Christ, autrement dit
une preuve, une attestation que le ministère
de Paul est un authentique ministère
chrétien. Mais on peut étendre cette
pensée ; nous, chrétiens, nous sommes
une lettre, qui doit faire connaître au monde
qui est le Christ, ce qu'il veut faire de nous, ce
qu'il est prêt à nous accorder. C'est
la même idée que saint Paul a
exprimée un peu plus haut en se donnant
comme la bonne odeur de Christ. Plus il y aura
ici-bas de vies pénétrées de
l'esprit de Christ et plus cette
pénétration sera profonde et
complète, plus la révélation
de Christ sera accessible aux hommes et plus elle
sera claire et convaincante. Être une lettre
de Christ au milieu des miens, dans ma famille,
auprès de mes étudiants,
auprès de ceux qui me lisent ou que je
rencontre ; leur faire sinon
voir, du moins pressentir d'où vient
l'esprit qui m'anime, voilà ma tâche.
Que Dieu me donne de l'accomplir!
Ils se sont
d'abord donnés à Dieu.
(2 Cor. VIII, 5.)
Voilà la vraie source de la
libéralité ; voilà ce qui
donne à nos dons leur vraie valeur. Pourquoi
donnons-nous? Bien souvent parce qu'on nous
sollicite à donner, parce qu'on vient
chercher à notre porte et presque prendre
dans nos mains ce que nous n'aurions pas
spontanément consacre aux oeuvres
charitables. Notre don n'est ainsi, trop souvent,
qu'un sacrifice d'argent, d'où l'âme
est totalement absente. Pour donner avec joie, pour
donner comme il plaît à Dieu que l'on
donne, il faut d'abord s'être donné
à Dieu, s'être mis sans réserve
à son service avec tout ce que l'on
possède ; nous donnons alors parce que nous
nous y sentons intérieurement poussés
et non parce que nous subissons une sorte de
contrainte. Seigneur, apprends-moi à me
donner ; à me donner à toi tout
d'abord, à comprendre que je ne puis faire
un meilleur usage de la vie ; apprends-moi aussi
à donner généreusement et
joyeusement.
22. X. 31.
Il faut que
l'évêque soit irréprochable.
(Tite I, 7.)
Irréprochable! Voilà
la condition requise de ceux auxquels on veut
conférer une charge dans l'Église.
Sans doute, ce mot ne peut être pris dans son
acception stricte, car aucun homme
n'est sans reproche ; du moins
faut-il que, dans sa vie présente, depuis le
moment où il s'est tourné vers
l'Évangile, l'homme dont on veut faire un
pasteur mérite ce qualificatif.
Irréprochable dans sa conduite, ne
scandalisant personne par des actes ou des paroles
indignes d'un chrétien ;
irréprochable dans sa vie intime, ne
nourrissant aucun sentiment, aucune ambition, aucun
désir qui ne soit conforme à la
volonté de Dieu. Combien ce mot me fait
courber la tête, même aujourd'hui, en
pensant au présent tout aussi bien qu'au
passé! Que de faiblesses, que d'erreurs, que
de fautes de toute nature, que je dois demander
à Dieu de me pardonner!
23. X. 31.
Afin que la parole de Dieu
ne soit pas blasphémée
.....
Afin que
l'adversaire soit confus, n'ayant aucun mal
à dire de nous .....
Afin de faire
honorer en tout la doctrine de Dieu notre Sauveur.
(Tite Il, 5.
8.
10.)
Tels sont les motifs que Paul
allègue à l'appui de ses
exhortations. Le chrétien doit éviter
à tout prix ce qui serait de nature à
discréditer l'Évangile, auquel il
fait profession de croire, et se garder de fournir
des armes à l'adversaire. S'il y a quelqu'un
qui doive prendre à coeur cette
recommandation, n'est-ce pas celui qui a tout
particulièrement charge d'âmes, le
père de famille, l'homme qui occupe une
place en vue dans l'Église, le pasteur,
représentant attitré de
l'Évangile, dont on
mesure la valeur par ce que cet Évangile a
fait de lui ? je veux de plus en plus prendre
à coeur l'exhortation de l'apôtre.
J'appartiens à Jésus-Christ ; il m'a
aimé, il s'est donné pour moi ; je
veux vivre uniquement pour le servir et le
glorifier. Que Dieu m'en fasse la grâce.
24. X. 31.
Car, nous aussi, nous
étions autrefois insensés,
désobéissants,
égarés... Mais lorsque la
bonté de Dieu, notre Sauveur, et son amour
pour les hommes ont été
manifestés... il nous a sauvés...
(Tite III, 3-5.)
C'est ainsi que l'apôtre
motive une exhortation à se montrer doux et
patients envers tous. Nous avons toujours à
nous souvenir de ce que nous avons
été et serions encore sans la
grâce de Dieu pour ne pas manquer de
charité envers ceux qui nous entourent. La
vue du mal ne doit pas nous irriter, mais nous
affliger et, après avoir provoqué un
retour sur nous-mêmes, nous engager à
venir en aide à ceux que nous étions
prêts à condamner. Il me suffit de me
rappeler mes manquements envers mes parents et
surtout envers Dieu pour devenir indulgent à
l'égard de ceux qui m'entourent. Qui suis-je
pour leur adresser un reproche ? Leurs fautes
mêmes ne doivent-elles pas avoir pour effet
de me rappeler les miennes et de me pousser
à rechercher le pardon ?
26. X. 30 [lire : 31].
Dieu nous a parlé
par son Fils...
(Hébr. I, 2.)
Dieu nous a parlé!
Voilà ce que je veux retenir ce matin. Or,
parler à quelqu'un, c'est se mettre en
rapport avec lui, c'est, selon les cas, le traiter
d'égal à égal, descendre ou
monter jusqu'à lui. Dieu nous a
parlé. Donc il ne nous méprise pas,
il ne nous rejette pas, il nous veut, il nous
cherche. Et s'il est vrai, comme je le crois, que
Dieu m'a parle ces derniers temps, qu'il a fait une
nouvelle tentative pour m'attirer à lui,
combien dois-je être attentif à ses
appels! Dieu a parlé. Parle, Seigneur, ton
serviteur écoute.
28. X. 31.
Aujourd'hui, si vous
entendez sa voix, n'endurcissez pas vos
coeurs.
(Hébr. III, 7-8.
15 ;
IV, 7.)
Je m'arrête à ce mot,
sur lequel insiste l'écrivain sacré
Aujourd'hui. Nous sommes très fortement
enclins à dire Demain. Demain je me
convertirai ; demain j'obéirai demain je me
donnerai à Dieu ; je veux encore me
réserver la possession d'aujourd'hui. Mais
qui sait ce que nous serons et ferons demain? Qui
sait si ce qui est possible aujourd'hui le sera
encore demain? C'est aujourd'hui que Dieu
t'appelle, aujourd'hui que Dieu te réclame,
aujourd'hui qu'il t'invite
à le servir. Et c'est pourquoi aussi,
ô mon Dieu, c'est aujourd'hui que je veux
venir à toi et chercher ta face pour faire
ta volonté.
30. X. 1931.
Il a appris, bien qu'il
fût fils, l'obéissance par les choses
qu'il a souffertes.
(Hébr. V, 8.)
Son rang exalté ne l'a point
exempte de la loi commune, qui est
l'obéissance, et c'est par la souffrance
volontairement subie que son obéissance est
devenue parfaite. Obéir, voilà notre
mot d'ordre ; obéir à Dieu,
même quand il nous appelle à renoncer
à nous-mêmes, à nous humilier,
à descendre dans la vallée de l'ombre
de la mort. Voilà certes un domaine
où je ne suis qu'un enfant, un tout petit
enfant, moi qui, à mon âge et dans ma
position, devrais être un maître
[verset 12]. Oh! que Dieu me pardonne mes longues
résistances et m'enseigne enfin à
obéir!
Hébr. VI.
3 1. X. 1931.
..............................................................................................................................
À quoi m'arrêter dans ce chapitre?
À l'image de la terre cultivée avec
soin, arrosée des pluies célestes, et
qui, malgré cela, ne produit que des
chardons et des épines
[versets 7-8] ; elle lasse ceux qui
lui ont prodigué leurs soins et on finit par
y mettre le feu. Il m'est difficile de lire ces
mots sans me les appliquer. De
combien de soins n'ai-je pas été
entouré dès mon enfance et que de
déceptions n'ai-je pas causées
à ceux qui se sont occupés de moi ou
qui avaient mis leur confiance en moi? Pour ne
parler que de ceux-ci, avec quel empressement
n'ai-je pas été accueilli à
Quaregnon, à Lize, à Neuchâtel
? Dans quelle mesure infime j'ai répondu
à cette attente et que j'aurais peu le droit
de protester si l'on me comparait soit à la
terre qui ne produit qu'épines et chardons,
soit à un arbre qui fleurirait au printemps
sans jamais porter de fruit! Et d'où vient
cette stérilité? Je ne m'en rends
compte que trop bien. Au fond je n'ai pas
passé jusqu'ici par ce renouvellement
intérieur complet qu'est une
véritable conversion ; la surface seule a
été remuée et j'ai besoin de
connaître enfin la rénovation
accordée à ceux qui « ont
été éclairés, ont
goûté le don céleste, ont eu
part au Saint-Esprit, ont goûté la
bonne parole de Dieu et les puissances du
siècle à venir » [versets 4-5].
Je ne serai plus désormais qu'un ouvrier de
la onzième heure. Dieu me donne d'être
au moins cela!
La suprême oblation.
(Hébr. IX.)
3. XI. 31.
..............................................................................................................................
Il s'est offert lui-même sans tache
à Dieu
[verset 14]. La raison de ce
sacrifice a été
présentée de bien des manières
mais le fait reste, solidement attesté par
les évangiles Christ s'est donné ; il
est allé librement à la mort, parce
que ce sacrifice était nécessaire
pour notre salut. O Seigneur, je
me mets, en cet instant, en ta présence ; je
te bénis d'avoir porté sur la croix
toutes nos fautes, toutes mes fautes, et d'en avoir
subi le châtiment. Donne-moi de comprendre ce
qu'il t'en a coûté, mais donne-moi
aussi de recevoir, dans l'humilité et la
reconnaissance, le pardon que tu nous apportes de
la part de Dieu et que ta mort a rendu possible.
(Hébr. XI, 1 à 22.)
7. XI. 31.
Le chapitre de la foi, amené par
X, 39 : «Nous ne sommes pas de
ceux qui se retirent pour se perdre, mais de ceux
qui ont la foi pour sauver leurs âmes ».
L'écrivain continue en donnant,
XI, 1, une définition de la
foi, puis, à partir de
XI, 2, une série d'exemples
qui illustrent et justifient cette
définition... Suivent une série
d'exemples, dont la plupart nous montrent la foi se
traduisant par une pleine confiance dans les
promesses de Dieu et une entière
obéissance à ses ordres
.....
Voilà donc toute une
série de croyants, et elle se poursuit
jusqu'à Jésus lui-même, «
le chef et le consommateur de la foi »
(XII, 2). Pourrais-je, à un
titre quelconque, revendiquer une place dans la
lignée des croyants? J'ai bien une
persuasion générale que la religion
est vraie ; mais cette persuasion est-elle devenue
en moi une certitude vitale, une conviction qui
détermine mon attitude dans toutes les
circonstances de la vie? Ai-je toujours Dieu devant
moi, suis-je bien persuadé que tout ce que
je fais à de l'importance à ses yeux,
qu'il prend garde a moi, qu'il
entend mes prières et que, sans
nécessairement m'épargner toute
épreuve et toute lutte, il veut veiller sur
moi et prendre soin de moi? Peut-être tout
cela existe-t-il en moi, mais dans un état
bien embryonnaire, bien confus, bien inconsistant.
Oh! que Dieu me donne de dépasser ce stade
et qu'il fasse de moi un vrai croyant!
(Jacques I, 20-27.)
14. XI. 31.
Mettre en pratique la parole, tel est le
thème de ce deuxième morceau ; il est
introduit par cette recommandation : Recevez avec
douceur la parole qui est plantée en vous et
qui peut sauver vos âmes
[verset 21]. De quelle parole
s'agit-il ? Selon toute vraisemblance, du message
évangélique... C'est la parole de
Jésus, c'est la prédication
apostolique, qui, seules, sont capables de nous
donner le salut.
Jacques nous invite à
recevoir cette parole avec douceur, autrement dit
avec soumission ; il faut lui faire bon accueil,
éviter de lui résister, de contester
avec elle ; c'est la parole du salut, a laquelle il
faut donner toute liberté d'action. Et
d'abord, il faut la recevoir. Trop souvent nous lui
demeurons fermés, parce que nous
l'écoutons d'une oreille distraite ;
à peine a-t-elle cessé de retentir ou
d'être sous nos yeux que nous l'avons
oubliée. Il faut se donner le temps de la
méditer, de rechercher ce qu'elle signifie,
comment elle s'applique au lecteur et peut lui
être utile dans les circonstances qu'il
traverse. Et puis, il faut la
recevoir avec douceur, non comme un visiteur
indiscret ou un ennemi auquel on résiste,
mais comme une amie qui, sous un aspect de
sévérité, vient pourtant pour
secourir et pour aider. Cette parole, en
dernière analyse, vient de Dieu ; c'est Dieu
qui l'a inspirée; elle nous dit ce que Dieu
a fait pour nous et ce qu'il attend de nous ; elle
est capable de sauver nos âmes ou nos vies,
de nous régénérer, de faire de
nous des êtres nouveaux. Aussi, gardons-nous
de la mépriser, même quand elle se
présente à nous sous des traits
défectueux, ou coulée dans un moule
qui n'est pas celui de notre pensée.
Jacques, l'épître aux Hébreux
nous l'apportent, et pas seulement Jésus et
Paul.
(Jacques II, 1-13.)
15. XI. 31.
Pas d'acception de personnes! L'auteur met ses
lecteurs en garde contre la fâcheuse tendance
que nous avons tous à combler
d'égards le riche et à
mépriser le pauvre.....
Nul ne peut écarter ce
passage en prétextant que le danger qu'il
signale n'existe pas pour lui. La richesse exerce
sur nos esprits une telle fascination que, presque
fatalement, la simple apparence de la richesse, le
luxe, nous éblouit au point que toutes nos
prévenances vont à celui que nous
croyons riche. Dieu m'a donné une
tâche parmi les pauvres ; n'ai-je pas
éprouvé parfois une secrète
envie à l'égard de ceux que leur
ministère met plus fréquemment en
rapport avec les riches? Ah! puissé-je me
rappeler que je suis, dans ce
ministère, le
représentant de celui qui n'a jamais fait
acception de personnes, qui a accueilli les riches
avec bonté, mais qui s'est penché
avec une bienveillance toute particulière
sur les petits, les faibles, les
déshérités! Puissé-je
me rendre compte que mon poste est un poste
d'honneur et un véritable privilège!
(Jacques II, 14-26.)
16. XI. 31.
La foi et les oeuvres... On a souvent
observé qu'en dépit de la
contradiction verbale apparente, Jacques ne
s'oppose nullement à Paul. La foi qu'il
déclare insuffisante est une simple croyance
sans action sur la vie ; la foi que Paul
réclame et dont il fait la source de notre
salut est une foi agissante par la charité
(Gal. V, 6). Pour l'un comme pour l'autre la vraie
foi se traduit par ses oeuvres et les oeuvres que
Dieu agrée ont leur source dans la foi
.....
Nous avons certainement dans cette
page un avertissement que nous aurions tort de
mépriser. Souvent dans l'histoire de
l'Église, et souvent dans nos vies, la
religion, la foi en Dieu, a cesse d'être
quelque chose de vital et est devenue simple
matière à discussion, simple opinion
philosophique, restant à peu près
sans effet sur la vie. Ne puis-je pas citer mon
propre exemple? Me voici, moi, pasteur, professeur
de théologie, professionnel de la religion,
n'ayant, semble-t-il, pas d'autre mission que d'en
vivre et d'y amener ceux qui m'entourent. Je n'irai
pas jusqu'à m'accuser de manquer de
sincérité ; il y a souvent en moi des
mouvements de l'âme que je
veux croire authentiques ; mais combien tout cela
est superficiel! avec quelle rapidité cette
chaleur factice tombe et disparaît ; combien
il m'est facile de prêcher avec animation le
devoir chrétien et de l'oublier l'instant
d'après! N'est-ce pas la preuve que la
leçon que me donne Jacques a gardé
toute sa raison d'être et toute sa force et
que ses reproches m'atteignent en plein?
(Jacques V, 7-21.)
20. XI. 31.
Le passage le plus fréquemment
relevé dans cette dernière page de
l'épître est celui qui concerne les
mesures à prendre en cas de maladie :
demander l'assistance des anciens de
l'Église, qui oindront d'huile le malade et
qui prieront pour lui ; agir de même en cas
de chute et recourir à l'intercession de ses
frères. Jacques affirme l'efficacité
de la prière et cite à l'appui de son
dire le cas d'Élie, à la
requête duquel le ciel fut fermé trois
ans et six mois. L'Église, après
avoir suivi son conseil, l'a laissé tomber.
Pourquoi? Sans doute parce qu'on a constaté
à la longue que le moyen n'était pas
infaillible. Peut-être les vraies conditions
de la prière n'étaient-elles pas
réalisées. Souvent nos soi-disant
prières n'ont de la prière que
l'apparence ; ce sont des mots que nous
prononçons et notre ferveur et notre
émotion même sont choses
extérieures et artificielles. Combien des
milliers de prières que j'ai
prononcées dans mes visites a des malades
ont-elles été de vraies
prières ? et que sont même mes
prières personnelles pour
moi-même et pour les miens?
M'adressé-je réellement à Dieu
? Suis-je persuadé qu'il m'entend ? Y a-t-il
en moi une certitude authentique d'être
exaucé? Et si les prières d'autrui
sont, dans leur majorité, du même
caractère que les miennes, quelle
compétence avons-nous dans ce domaine,
quelles expériences pouvons-nous avancer
pour affirmer ou nier l'efficacité de la
prière ou la limiter à un domaine
particulier? Je sens qu'ici, je fais à peine
mes premiers pas.
(1 Pierre I, 1-2
[lire : 1-12].)
21. XI. 31.
Je m'en tiens à l'exclamation joyeuse, je
dirais même à l'explosion de joie par
laquelle s'ouvre ce passage : Béni soit
Dieu, le Père de notre Seigneur
Jésus-Christ, qui, selon sa grande
miséricorde, nous a fait renaître par
la résurrection de Jésus-Christ
d'entre les morts... [v. 3]. Il m'est bien
difficile de ne pas percevoir ici un écho de
l'émotion qui accompagna, chez l'auteur, ce
qui fut incontestablement la grande
expérience de sa vie : la
résurrection de Jésus. Ce fut
littéralement pour lui une seconde
naissance, qui fit de lui un être nouveau, un
Pierre tout différent du Simon
emporté, mais vacillant que nous font
connaître les évangiles. La conviction
que Jésus était ressuscité, en
entrant dans son âme, le transforma du tout
au tout.
Que me faudrait-il pour que pareille
transformation s'accomplît dans ma vie ?
Voilà la question devant laquelle je
dois me placer. En somme, il me
paraît assez facile d'y répondre. Si
je me décidais une fois bien franchement
à accepter l'Évangile, à me
jeter dans les bras de Dieu, a croire qu'en
Jésus il m'a pardonné toutes mes
fautes, qu'il me prend tel que je suis et veut
faire de moi un homme nouveau, ne serait-ce pas
suffisant pour changer le cours de ma vie, pour
m'orienter dans une autre direction, en un mot pour
me régénérer? Qu'est-ce qui me
retient encore? Les obscurités de
l'Évangile? Il y en a ; mais elles ne
suffisent pas à me voiler le fait que
l'Évangile est la vérité, que
la vie à laquelle il m'appelle est la vraie
vie. C'est donc qu'intérieurement je
résiste encore, que j'en suis encore
à vouloir « sauver » ma vie en la
conservant pour moi-même. Seigneur, fais-moi
voir que c'est la perdre et aide-moi à me
décider pour toi aujourd'hui-même.
(2 Pierre III.)
2. XII. 31.
L'avènement du Seigneur. C'est, à
ce qu'il me semble, la partie la plus utile de
cette lettre. Non pas, peut-être, que
l'argumentation de l'écrivain,
d'après laquelle le temps n'existe pas pour
Dieu, soit une réponse suffisante à
ceux qui s'étonnent du retard de
l'avènement du Seigneur, qu'on leur avait
présenté comme imminent. Mais, au
fond, peu importe. Je puis ignorer totalement quand
se produira la « parousie » et en quoi
elle consistera ; ce que je sais à ne
pouvoir en douter, mais ce qui ne m'est sans doute
pas encore suffisamment présent a l'esprit,
c'est que nous pouvons tous
être rappelés d'un
moment à l'autre. Chose curieuse, la
pensée de la mort m'était plus
familière il y a dix ans qu'aujourd'hui ; il
ne se passait guère de jour, à cette
époque, qu'elle ne se présentât
à mon esprit. Peut-être vaut-il mieux
ne pas être trop fréquemment
hanté par elle ; encore convient-il de ne
pas s'obstiner à l'écarter et de se
rappeler que Jésus nous exhorte à
être toujours prêts. Prêts
à partir, comme des gens qui ont accompli
leur tâche ; prêts à
paraître devant le Maître, comme des
serviteurs que son retour n'a pas surpris
.....
Nous vivons comme si nous ne devions
jamais mourir, ou, en tout cas, comme si nous
étions certains de ne pas être
surpris. Quelle erreur funeste! La patience de
Dieu, à laquelle l'écrivain fait
allusion, s'est exercée envers moi
jusqu'ici. Puissé-je lui en être
reconnaissant, mais puissé-je aussi ne pas
abuser de son long support!
19. XII. 31.
Lettre à l'Église
d'Éphèse.
(Apoc. II, 1-7.)
..............................................................................................................................
Ce que j'ai contre toi, c'est que tu as
abandonné ton premier amour [v. 4]. Ainsi
même une église à laquelle le
Seigneur a rendu un si beau témoignage tombe
sous le coup de sa critique ; il trouve chez elle
quelque chose à reprendre. Que dirait-il de
moi? Ai-je seulement jamais connu le zèle du
premier amour? Sans doute j'ai fait quelques
timides tentatives
auprès de mes camarades au temps de ma
jeunesse. Ma première année de
ministère fut certainement une année
de travail, mais c'était l'oeuvre qui me
portait bien plus que je ne me donnais à
elle. Et depuis lors, que
d'infidélités! Souviens-toi
d'où tu es tombé! [v. 51. Pourrais-je
jamais y remonter et mon chandelier occupera-t-il
jamais la place qui lui était
destinée dans la pensée de Dieu? Si
je suis sauvé, ne sera-ce pas « comme
au travers du feu » ? Oui, repens-toi, reviens
en arrière! C'est bien J'ordre qui m'est
donné et auquel je dois obéir.
20. XII. 31.
La lettre à l'Église de Smyrne.
(Apoc. Il, 8-11.)
..............................................................................................................................
Le mot qui s'impose ici est incontestablement
l'exhortation finale : Sois fidèle
jusqu'à la mort et je te donnerai la
couronne de vie [v. 10]. C'est une parole que nous
répétons d'autant Plus facilement que
nous nous croyons à l'abri de tout danger.
Cela nous permet de chanter joyeusement :
« Jusqu'à la mort nous te
serons fidèles. . . . . »
et de nous réconforter en nous disant que
nous ne risquons pas grand'chose. Et pourtant,
c'est bien jusqu'à la mort, jusqu'au terme
de sa vie qu'il faut être fidèle,
qu'il faut rester attaché au Sauveur et
faire sa volonté. Et peut-être,
après tout, est-il presque plus facile de se
donner une fois pour toutes par le martyre que de
renouveler jour après jour
sa consécration dans les
détails infimes de l'existence quotidienne,
dans l'obscurité d'une vie à laquelle
personne ne prend garde. Je veux tout
particulièrement être attentif
à cet appel et, avec l'aide de Dieu,
m'appliquer à faire un usage fidèle
du temps, bref ou prolongé, qu'il
m'accordera de passer encore ici-bas.
21. XII. 31.
Malgré la date que j'inscris au haut de
cette feuille, c'est en réalité le 4
janvier 1932 que j'achève ces
réflexions. Pour toutes sortes de raisons,
il ne m'a pas été possible de trouver
durant les quinze derniers jours les quelques
moments de solitude et de tranquillité dont
j'ai besoin pour me recueillir. Ce jour, qui marque
pour moi la reprise de l'activité
régulière, est aussi une sorte de
recommencement et c'est toute ma vie personnelle,
ma vie de famille, mon travail tout entier que je
veux placer dès aujourd'hui sous le
contrôle de celui qui sonde les reins et les
coeurs. Que Dieu me donne de faire un bon usage de
mon temps et de n'en pas perdre une seule heure.
Qu'il me rende attentif à la
nécessité d'accomplir ma tâche
régulièrement, sans retard, de
manière que je sois toujours prêt. Et
voici le grand progrès que je voudrais
pouvoir réaliser au cours de cette
année :
Le cadre de ma vie donne à
celle-ci un caractère éminemment
religieux ; toutes mes occupations me
ramènent aux problèmes et aux
tâches de la vie religieuse. Mais je suis
forcé de m'avouer à moi-même
que ce cadre, imposé du
dehors à ma vie, a
quelque chose d'artificiel et de forcé. Je
fais les choses, admettons même que je les
fais plus régulièrement que jadis,
parce que j'y suis tenu et, en quelque sorte, parce
que c'est mon métier, et non parce que mon
âme et mon coeur y sont engagés ; il
me manque quelque chose d'essentiel, de
fondamental, la vraie vie, la vie qui s'exprime et
se manifeste par l'amour, le zèle, la
fidélité, l'oubli de soi-même,
la volonté de servir, en un mot, par la
consécration. Puisse cette année voir
s'accomplir en moi à cet égard un
changement décisif!
|