Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'APPEL DU GRAND NORD-OUEST CHINOIS
LE KANSU ET LES PROVINCES LOINTAINES

CHAPITRE X
Les habitants des montagnes.

 Lorsque nous quittâmes Liangchow, le regret du départ l'ut atténué par la présence du docteur Kao qui s'arrangea à nous accompagner jusqu'à notre prochain arrêt. Nous apercevions des larmes dans les yeux de ceux qui nous avaient témoigné tant d'affection et qui se recommandaient à nos prières. Quels trésors de douceur et de bonté nous avions découverts sous la rude apparence de ces habitants du Kansu ! Maintenant nous nous dirigions vers le Sud, vers cette région particulièrement intéressante qui vient d'être arrachée au Thibet et dont la population se compose en grande partie de Thibétains mélangés aux Musulmans et à différentes autres sectes et races.

Des Mongols vivent le long de la frontière et leurs princes héréditaires habitent la ville de Sïning. Les hautes montagnes que nous avions à traverser sont la retraite de certaines tribus aborigènes, descendantes des Huns, et qui semblent s'y être établies en dépit de la Grande Muraille de la Chine. « Cette province dit Kansu, a écrit quelqu'un qui connaissait bien le pays, occupe une place importante dans l'histoire de chinois, car elle a été le théâtre de sanglantes batailles et le lieu d'habitation de peuplades étranges. Beaucoup de personnes croient que de ces régions sont sortis les Huns qui, sous Attila, au IVe siècle, devaient ravager l'Europe. C'est ici également que les Chinois se sont battus pendant de longues années, avec les Thibétains et les Mongols; les ruines du passé sont des témoins silencieux de ces époques troublées.
« De terribles combats ont mis plus récemment aux prises les Chinois et les Musulmans, chacun luttant pour obtenir la suprématie sur son voisin. Des ruisseaux de sang ont été répandus et les hostilités sont plutôt suspendues qu'arrêtées. » (1)

Pendant que nous traversions ces lieux, nous étions plutôt occupés de nos propres difficultés, car l'approche des fêtes du Nouvel-An chinois compliquait tout notre voyage. Nous ignorions que les voitures ne circulaient plus guère sur ces routes considérée, comme trop dangereuses en hiver. Dans les auberges le froid était intense, et les lits des torrents que nous avions à traverser étaient, presque infranchissables, car, à certains endroits, l'eau avait débordé et une épaisse couche de glace recouvrait tout le chemin pendant des kilomètres. Lorsque ceci se passait sur un terrain plat, nous pouvions encore avancer, mais lorsque le lit du torrent s'élevait plus ou moins abruptement entre des bords escarpés, alors notre position peut à peine se décrire ! Souvent nous grimpions à travers les rochers par de dangereux sentiers en zig-zag; si la voiture avait glissé, nous n'aurions eu aucune possibilité de salut. Avec la montagne au-dessus de nous d'un côté et le lit de la rivière en dessous de l'autre côté, il n'y aurait eu aucune possibilité d'échapper à une chute si la voiture avait glissé et que les mules n'eussent pas pu reprendre leur équilibre. Cet accident d'ailleurs faillit nous arriver sur un espace gelé, alors que M. Taylor, obligé de s'asseoir devant pour maintenir l'équilibre des timons, ne pouvait pas quitter la voiture. Si rapide et glissante était la pente que voiture et mules reculaient malgré tous les efforts pour les retenir; derrière nous était le précipice! Ce foi un moment dans lequel nous ne pûmes que crier à Dieu: puis, juste à temps, les bêtes parent reprendre pied et avec le secours de nouvelles mules qui montaient avec nous, nous pûmes franchir ce mauvais pas.

Ce même jour, descendant du côté opposé, la route était interrompue aux contours les plus brusques, à tel point qu'il nous paraissait impossible de la traverser. Pas moyen de tourner la voiture, le chemin étant trop étroit, taillé dans le flanc de la montagne. Que faire? À l'un des tournants, un pont de planches traversait un torrent gelé, et je vis, comme nous y arrivions, que la route était interrompue juste à l'endroit du contour. Le conducteur, qui marchait à côté des mules, alla de l'avant et, sans savoir comment, nous parvînmes sains et saufs sur l'autre rive. Aucun, son ne fut entendu et aucune parole prononcée, mais un moment plus tard il se retourna et regarda le docteur Kao qui suivait à cheval, et je m'aperçus que, malgré sa peau hâlée, cet homme était blême. Le docteur Kao nous raconta ensuite la terreur qu'il avait éprouvée, en voyant une des roues glisser sur le bord avant que nous ayions atteint le pont. Cette position aurait pu être fatale pour une voiture à deux roues, cependant, nous fûmes gardés sûrement.

En pénétrant dans la plaine nous vécûmes des moments plus paisibles et, durant nos haltes dans les auberges, le docteur Kao nous entretînt longuement de son travail et de ses expériences. Graduellement, nous arrivions à connaître les noms de tous les chrétiens de Kanchow et une partie de leur histoire; il nous parlait aussi de ses voyages d'évangélisation parmi les natifs de ces montagnes et de son amour pour eux.

Alors qu'il travaillait encore à l'hôpital avec le docteur King, il avait entrepris une de ces tournées à pied. Des collines de Kanchow, il avait aperçu vers le nord des chaînes de montagnes où se trouvaient des villes, et des villages dans lesquels l'Évangile était encore inconnu. Il était difficile d'y séjourner, car elles ne possédaient ni auberges, ni magasins où l'on put s'approvisionner, sauf pendant certaines saisons de l'année; on ne pouvait même pas y acheter du pain, mais le coeur du docteur Kao était si fortement attiré vers ces lieux qu'il ne put trouver aucun repos avant d'y être allé.

Déchargé pour quelque temps de son travail à l'hôpital, il partit afin d'étudier la situation. Vêtu comme un montagnard, emportant sa literie et ses provisions, il commença son voyage solitaire, n'ayant, pour tout compagnon, qu'un petit chien. Une nuit il se trouvait seul dans un temple au milieu des idoles, lorsqu'un prêtre survînt qui lui adressa la parole avec bienveillance : « Vous périrez de froid ici, lui dit-il, venez partager mon « Kang »! » Or, ce « Kang » était étroit et le prêtre fumait l'opium. Pendant qu'il était couché, éclairé, par la petite lampe, Kao lui parla de Celui qui peut délivrer de la puissance et du châtiment du péché.

Le docteur atteignit un jour un petit hameau; ses provisions étaient épuisées ; mais, devant la foule réunie autour d'un feu dans la rue principale, il oublia sa faim. Plus encore que la chaleur, l'attention de ses auditeurs était une attraction pour lui. Parmi eux se trouvait une vieille femme, sorte de prêtresse très zélée pour le culte des faux dieux. Après avoir écouté comme lus autres pendant un moment, elle tisonna le brasier et lui dit : « Continuez votre prédication, je vais vous préparer du thé et voici un pain qui cuit dans le feu; quand vous aurez fini, tout sera prêt ». Kao ne se représentait pas comment un pain peut cuire dans le feu, mais il continua à parler.
Bientôt la femme revint avec une théière et des tasses ; puis, avec un crochet, elle retira du feu un petit four en fer qu'elle ouvrit pour en retirer un pain cuit à la perfection, couvert d'une épaisse croûte brune et qui exhalait un parfum des plus tentants. Le jeune prédicateur avait assez faim pour apprécier un pareil repas et la moitié du pain disparu, ainsi que le thé bouillant.
« Gardez le reste du pain, lui dit cette bonne âme, vous ne pourrez rien acheter ici et vous aurez besoin de souper. »

Ce fut avec un coeur débordant de reconnaissance que le docteur Kao recommença à parler de Celui qui connaît tous nos besoins et vent être pour ceux qui se confient en Lui un véritable Père. Au moment où il partait, la vieille femme lui dit :
« Donnez-moi plusieurs de vos traités, je les suspendrai autour de ma chambre et quelqu'un viendra peut-être un joui, pour nous les lire. »

Continuant son voyage dans les montagnes, il poursuivait son chemin, toujours affamé, mais heureux, lorsqu'il rencontra un vieillard qui, le regardant sérieusement, lui adressa la parole :
« Lama, de quel temple venez-vous? »
- Du temple céleste, fut la réponse inattendue, et je vous apporte ce précieux livre qui vous en montrera le chemin.
- Céleste ou non, répondit l'autre, je vais vous chercher quelque chose à manger, et ensuite vous me parlerez à ce sujet. »

Il exécuta ce qu'il avait dit et entendit avec plusieurs autres les merveilleuses nouvelles de l'amour du Sauveur.
Il ne nous est pas toujours donné de voir des fruits immédiats de notre travail; parfois la graine tombe sur des chemins pierreux, mais ici et là le messager peut se réjouir en rencontrant un coeur bien préparé.

M. Kao fit une expérience de ce genre en visitant le sud de la province.
Sur la route du monastère Choni, fréquenté par des milliers de pèlerins, il remarqua un homme âgé cheminant devant lui, et qui lui parut être un Bouddhiste dévot. Descendant de cheval, Kao s'informa si « le vénérable grand-père» n'aimerait pas se servir de sa monture.
Une amicale conversation suivit cette offre et Kao interrogea le pèlerin sur ses occupations.
« Je suis un prêtre de la doctrine lumineuse du puissant dieu Bouddha », fut la prompte réponse.
- Ne voulez-vous pas me parler de cette doctrine? Je serais heureux de vous entendre!
- Certainement, dit le vieillard, car je n'éprouve jamais autant de joie que lorsque je puis en parler à des auditeurs attentifs.

Il se mit donc à exposer avec conviction sa foi de végétarien et son culte pour Bouddha, répondant à toutes les questions du docteur Kao. L'heure du repas approchant, ils se rendirent ensemble dans une auberge.
« Excusez-moi, s'exclama le prêtre, après avoir mangé le riz, je ne vous ai pas demandé quelle est votre occupation ?
- Eh bien, répondit aimablement le docteur, je suis un prédicateur.
- Un prédicateur! Pourquoi ne me l'avez-vous pas dit? Est-ce que vous propagez aussi la doctrine du grand « Fu-Tao»?
- Pas précisément. Ma prédication en est assez différente.
- Alors, frère, faisons un pacte, dit le vieillard, prompt à voir dans cette circonstance une opportunité favorable. Si votre message vaut mieux que le mien, je deviendrai votre disciple, et si c'est le contraire, alors c'est vous qui deviendrez mon disciple.
- Bien, répondit le docteur, je suis d'accord et nous pouvons commencer!

Heure après heure, ils marchèrent ensemble, conduisant le cheval que le vieillard ne voulait pas utiliser, et plus celui-ci entendait parler son compagnon, plus profond devenait son intérêt. Le docteur ayant découvert que, son interlocuteur savait lire, prit sa Bible, et pendant la nuit qu'ils passèrent ensemble à l'auberge il lui montra les différents versets qui rendent le message du salut absolument évident. Puis ils prièrent et M. Ho entendit pour la première fois une prière adressée au Nom de Jésus. À l'aube, il éveilla son compagnon, et, à sa grande surprise, lui dit
« Frère, je n'irai pas au Temple aujourd'hui, je retourne à la maison.
- Que se passe-t-il? Êtes-vous malade?
- Non, mais mon coeur a trouvé la paix qu'il désirait. Frère, votre doctrine est meilleure que la mienne et je crois maintenant au Seigneur Jésus. »

Prenant son long rosaire et d'autres objets précieux utilisés pour les cultes, il les lui tendit :
« Je n'en ai plus besoin, dit-il, mais je désire une chose, croyez-vous que vous puissiez me la donner?
- Qu'est-ce? Si je le puis, je vous la donnerai certainement.
- C'est le Livre, afin que je l'apporte à mon peuple ! »

Il demandait la propre Bible de Kao, la seule qu'il eut avec lui, mais celui-ci n'hésita pas.
« Prenez-la sans scrupule, dit-il en la mettant entre les mains du vieillard, c'est la Parole même de Dieu, et Il vous accordera Son Saint-Esprit afin que vous puissiez la comprendre. »

Puis ils se séparèrent, le nouveau converti emportant avec lui le Message que son peuple n'avait jamais entendu. Le docteur Kao lui promit sa visite, si le chemin s'ouvrait pour lui de ce côté-là.
Les mots sont impuissants à décrire la joie que l'on éprouve à délivrer le Message à des coeurs préparés à le recevoir. Mais ces coeurs ne seraient-ils pas plus nombreux si nous priions davantage pour les Messagers? Et là où les Messagers ne peuvent se rendre actuellement, la nécessité de la prière ne se fait-elle pas sentir encore plus, afin que Dieu précède Ses serviteurs et prépare la voie?

Dans les montagnes que nous traversions pour nous rendre à Sining, habitent des milliers d'indigènes, formant une race hardie et indépendante, n'ayant jamais eu un missionnaire. Il y a plusieurs siècles, parait-il, qu'ils arrivèrent du lointain Nord-Est (Chihli) avec leur prince Li-Chin pour combattre les Thibétains, car une grande partie du Kansu appartenait eu ce moment-là au Thibet.

Li-Chin fût victorieux et partagea sa conquête entre lui et ses douze principaux officiers. On retrouve encore ces treize tribus avec leurs princes héréditaires. Ce peuple a conservé sa langue, son vêtement national et ses coutumes; il est amical et ouvert, mais n'a pas encore été atteint par l'Évangile (2).

La ville chinoise la plus proche dans laquelle ils circulent librement est Nienpai, que nous avons traversée pendant notre voyage. Quoiqu'elle ne soit pas importante en elle-même, elle est le centre d'un grand district populeux et l'endroit le plus favorable pour atteindre ces différentes tribus.

On ne connaît presque rien de ce peuple intéressant si ce n'est par quelques informations données par M. Ridley. Au mois de mars, ces gens viennent jusqu'à Wei-yüen-pu pour une fête annuelle qui dure dix jours et qui consiste en un rassemblement de leurs différentes tribus. Ils aiment la musique, les chants et les danses. C'est un spectacle gai et animé que de les voir assis en cercle et s'adonnant à des concours de chants. Parfois deux jeunes filles mettent leur tête l'une contre l'autre et chantent avec un tel accord que le son de leurs deux voix semble ne provenir que d'une seule bouche. Quelle puissance pourraient avoir nos beaux cantiques traduits dans le dialecte de ce peuple passionné de musique!
Leur religion est le bouddhisme et l'adoration des idoles, quoiqu'ils ne soient pas aussi fervents et aussi soumis aux lamas que les Thibétains. Les hommes sont des cavaliers émérites ; les femmes travaillent la terre qui est pauvre et peu fertile. Spirituellement parlait-il, une abondante moisson d'âmes pourrait, être récoltée parmi eux, mais celles-ci devraient être amenées et soignées, chacune séparément; et pour cette oeuvre individuelle, il faudrait quelque chose de plus qu'une seule prédication annuelle sur le champ de foire.

Li Ch'en-pang et sa femme avaient vieilli dans leur petite maison à Sining quand le premier chrétien arriva à leur porte. C'était un colporteur et comme M. Li parlait aussi le chinois, il se passa du temps avant que le chrétien comprit que ce vieux couple appartenait à l'une de ces tribus. Peu à peu, une sympathie réciproque s'établit entre eux, et le colporteur fut invité à passer la nuit chez eux. Après le repas du soir, taudis que le couple écoutait l'Évangile, Dieu leur ouvrit le coeur.

Lorsque, quelques mois plus tard, le colporteur revint, les vieillards ne l'avaient pas oublié, et cette seconde visite les décida à devenir chrétiens.

Bientôt toute leur famille apprit que les idoles avaient disparu de leur demeure et que quelque chose de nouveau les avait remplacées, apportant une paix et une joie inconnues jusqu'alors. Ces parents habitaient assez près de Sining pour venir s'enquérir par eux-mêmes de ce qui s'était passé et souvent maintenant les hommes assistent aux réunions du dimanche, ce qui est plus difficile pour les femmes. Cependant Mme Li, sa fille et sa petite-fille ont été baptisées aussi bien que leurs maris.

Une maison chrétienne parmi les indigènes du Kansu, une petite lumière brillant dans les ténèbres ! Mais sur une grande étendue qui prendrait bien des jours de voyage, les villages disséminés sur les bords de ce long fleuve Jaune, n'ont jamais entendu parler de l'amour et de la puissance rédemptrice du Christ! Où sont les chrétiens qui, par la prière, prépareront le chemin aux messagers que Dieu enverra certainement à ces tribus si longtemps négligées du Nord-Ouest de la Chine ?


.

CHAPITRE XI
«Paix Occidentale ».

C'est certainement un idéaliste qui a dû nommer ainsi la ville de Sining, à moins que ce ne fût avant les révoltes des mahométans. Mais, ces derniers temps, la paix n'a pas été l'apanage des habitants de Sining et du vaste district dont elle est le centre. Sining devrait être, par sa situation à l'intersection de quatre grandes vallées, la reine des cités. Plusieurs rivières la traversent; elle est fréquentée par beaucoup de commerçants venus de toutes les parties de la Chine, et elle est facilement accessible au trafic des laines, du bétail, des chevaux, de l'or et des pierres précieuses du Thibet. Mais elle est ouverte également aux farouches hordes musulmanes qui s'y établissent librement, descendant des vallées septentrionales de l'Asie centrale, repoussant les Thibétains jusque dans leurs montagnes et prenant par la force leur place dans la plaine de Hochow.

Nous avions eu le privilège, peu après la dernière rébellion de 1895-1896, de rencontrer M. et Mme Ridley, de Sining, qui, avec leur collègue M. Hull, avaient décidé de ne pas quitter la ville pendant ces terribles moments afin de continuer à vivre Christ à l'endroit mime où leur travail avait semblé vain jusqu'alors. Pendant les longs mois du siège, ils étaient donc restés à leur poste, soignant les blessés, amis ou ennemis, combattant les épidémies de vérole et de diphtérie, secourant les veuves et les orphelins et gagnant, par leur dévouement, la confiance du peuple. Aujourd'hui encore ni païen, ni musulman, ne peuvent oublier cet homme de paix qui, le coeur débordant d'amour, allait et venait parmi eux, risquant constamment sa vie afin de venir en aide à leurs malades et à leurs mourants, nourrissant leurs affamés, babillant leurs indigents et qui, malgré ses propres souffrances, resta pendant près de trente ans leur plus fidèle ami.
Son home avait été dépouillé en dernier lieu par la mort de sa bien-aimée compagne, de celle dont l'amour, la foi et le courage avaient été sa plus précieuse consolation ici-bas. Mais il continuait à vivre pour l'église de Sining, se réjouissant des progrès de l'Évangile, tant chez les païens que chez les musulmans, ainsi que des deux cents convertis qui avaient confessé leur foi en Christ par le baptême. Il valait donc bien la peine de faire ce long voyage au cours de l'hiver pour arriver à Sining, y rencontrer M. Ridley et ses collègues, M. et Mme Harris, et constater non seulement ce qui a été accompli, mais aussi toutes les occasions qui se présentent de poursuivre l'oeuvre. Du haut des terrasses ensoleillées de la Mission, nous apercevions la ville et ses environs; et dans cette retraite paisible nous aimions à réfléchir et à prier selon tout ce que cette vue étendue nous suggérait. La maison est, de construction chinoise, les bâtiments à un seul étage sont rapprochés les uns des autres, avec des toits plats que les chiens considèrent comme leur domaine spécial.

La dernière cour intérieure qui fat ajoutée à la Maison missionnaire, est celle à laquelle M. Ridley, prend un plaisir tout spécial; car c'est là que son école de garçons a trouvé la possibilité de se développer librement. Cette cour possède des salles de classe et des dortoirs. L'oeuvre médicale empiète parfois dans ce domaine, car, lorsqu'il prend chez lui quelque pauvre malade, M. Ridley n'a pas d'autre endroit que ce bâtiment pour le loger. L'atmosphère joyeuse de toute cette jeunesse est sans aucun doute d'un grand secours pour la convalescence des malades, mais combien ni hôpital serait nécessaire! Le petit dispensaire actuel est très utilisé, : Musulmans et Chinois, Mongols et Thibétains y affluent de partout. Un docteur ou une, garde expérimentée trouverait ici une occasion unique, car peu de cités en Chine sont fréquentées comme Sining par une population si mélangée, venant de vastes régions dans lesquelles aucun secours médical ne peut être obtenu. L'hôpital de Langchow est le seul qui existe dans toute la province, et il se trouve à six jours de distance de Sining.

Plusieurs de ceux qui auraient besoin d'être opérés ou de suivre un traitement médical ne peuvent entreprendre ce long voyage. M. Ridley et ses collègues font ce qui est en leur pouvoir, mais ne possèdent à cet égard que des notions insuffisantes. Ceci représente en outre pour eux une grande dépense de temps, d'anxiété et beaucoup d'occasions perdues. Quelle porte ouverte, par exemple, parmi les indigènes du district si leurs malades au lieu d'avoir à voyager péniblement jusqu'à Langchow, pouvaient être soignés à Sining!

Le docteur Parry, dans son hôpital, s'est occupé de plusieurs d'entre eux, mais les femmes ne comprennent pas le dialecte chinois; et si, au point de vue médical, on peut les soulager dans une certaine mesure, au point de vue spirituel il n'y a aucun moyen de les atteindre ni de les suivre après leur départ.
Ces gens sont simples et confiants vis-à-vis des étrangers; ils ont dû parler à d'autres de la bonté avec laquelle ils ont été reçus, car de nombreux groupes les ont suivis. S'ils sont venus jusqu'à l'hôpital de Langchow pour s'y faire soigner, combien plus facilement se rendraient-ils à Sining ! Un hôpital dans cet endroit central obtiendrait aisément l'appui des chrétiens qui resteraient ensuite en contact avec les malades.
Ne serait-ce pas la meilleure manière de gagner ces tribus à Christ, puisqu'aucun missionnaire ne peut s'établir parmi elles ? Puis les Thibétains dont la terre mystérieuse s'étend au-delà de ces montagnes, vont et viennent librement dans la ville, y apportant leurs différents produits.

Sining offre donc un excellent centre pour les atteindre, à cause des nombreux temples bouddhistes disséminés dans la contrée, spécialement le grand monastère de Kumbum qui se trouve à une journée de là (3). Des pèlerins viennent par dizaines de milliers de toutes les parties du Thibet, et même de Lhassa, jusqu'à ce sanctuaire. Un hôpital ici, avec de bons médecins missionnaires, fournirait donc une merveilleuse occasion pour atteindre ces peuplades sauvages et superstitieuses, plongées dans l'ignorance et le péché, mais qui savent cependant apprécier la bonté et en éprouvent une grande reconnaissance.

Cette ville est aussi un point stratégique pour le travail parmi les Musulmans qui forment le tiers de la population. Le Gouverneur militaire de Sining, qui est aussi le Gouverneur chinois de tout le Ko-Konor et du Thibet septentrional, est mahométan; il a en main une immense puissance. Avec une armée de 12.000 hommes bien entraînés d'après les méthodes modernes, il dirige un territoire plus étendu que n'importe quel État d'Europe, excepté la Russie. L'Islam prospère sous son influence, et il a fait venir dernièrement il Sining un certain nombre de ahungs (prêtres musulmans), de Hochow, surnommée la Mecque chinoise, parce qu'ils sont plus fanatiques que ceux de Sining. Ce Gouverneur se montre également ami des missionnaires, et M. Ridley, qui le connaît bien, est frappé de ses qualités d'homme d'État se manifestant dans la manière dont il résout les grands problèmes.

Le quartier musulman vaut la peine d'être vu, ainsi que les rues mouvementées que nous traversons. Magasins et temples, étalages et population attirent tour à tour notre attention et nous cheminons lentement, car M. Ridley a beaucoup de choses intéressantes, à nous communiquer. Plus de vingt laitiers vendent, chaque jour du lait dans ces rues, et l'on peut facilement se procurer mouton, boeuf, pore, poulets et gibier. L'air est vif et léger, car Sining est située à une altitude de 7.000 pieds. Les produits de la terre sont le blé, l'orge, l'avoine, le lin et le chanvre; il n'est donc pas étonnant que le commerce y soit prospère, à cause de l'industrie spéciale de la laine et de certains cuirs et médicaments coûteux tels que le muse et la corne de daim.

Par la porte monumentale de la ville, nous apercevons une étendue de maisons aux toits de botte; c'est le quartier mahométan, bien tenu et de construction récente, car il n'existe que depuis la dernière rébellion. Le lieu du combat était ici même, et le sang coulait dans ces rues. Pendant quatre mois, les Musulmans attaquèrent constamment la ville, de nuit, la muraille était gardée par 4.000 hommes. Quand, à la fin, les Chinois eurent le dessus, les assaillants furent massacrés avec une terrible cruauté. Ces choses appartiennent au passé et paraissent oubliées actuellement. La large rue principale traverse en ligne droite le faubourg; des deux côtés s'élèvent de nouvelles maisons, de riches magasins et des bâtiments publics, par dessus lesquels on aperçoit le splendide toit de la mosquée. Des foules de gens vont et viennent, la plupart montés sur des mules et des chevaux, et le commerce semble y être plus florissant que dans la ville même.
Comment ces Musulmans orgueilleux et fanatiques peuvent-ils être atteints, si ce n'est de la même manière que dans le passé?
Pourquoi recevons-nous dans notre salle de réception (guest-hall) plus de Mahométans même que de Chinois? Pourquoi est-il venu, à la mort de Mme, Ridley, autant de sincères témoignages de douleur et de sympathie des Musulmans que des Chinois?
« Le jour où nous l'avons déposée en soit lieu de repos, écrivait M. George Andrew, à côté de ses trois petits enfants, dans le cimetière, sur la colline qui domine sa ville d'adoption, des représentants de toutes les classes de la société et de plusieurs races différentes étaient présents, pour dire leur dernier adieu à celle qu'ils avaient appris à aimer et à honorer.
Elle les avait servis, soignés dans leurs maladies; elle avait bravé bien des dangers pour les secourir, pendant ces longs mois de guerre, et elle était toujours prête à parler de Celui dont l'amour la pressait.

Vivant de cet amour et le témoignant autour d'elle, allant et venant au milieu d'eux comme si elle était des leurs, elle avait accompli une vraie oeuvre missionnaire médicale sans avoir reçu aucun enseignement spécial dans ce domaine.

Voilà le ministère dont aurait besoin aujourd'hui cette grande banlieue musulmane! Où est le docteur, homme ou femme, qui considérera comme un privilège de donner sa vie, pour gagner à Christ les premiers trophées musulmans dans cette ville de Sining ?

Le terrain est dur partout où se trouvent les disciples du Prophète, mais il y a ici ce grand avantage qu'ils ont appris à connaître les fruits de l'amour chrétien se donnant jusqu'à la mort; ils ne peuvent ni l'ignorer, ni l'oublier. Oh! pourquoi, dans cette occasion qui nous est présentée, ne faisons-nous pas tout pour posséder une force semblable et ne poursuivons nous pas un avantage acquis à un tel prix ! Un hôpital dans lequel pourra lent venir librement les Musulmans serait une porte ouverte pour de grandes possibilités, et on aurait grand besoin, en plus d'un médecin et d'un missionnaire parlant l'arabe, d'une ou deux dames pour le travail parmi les femmes et les enfants. Pour le moment, nous n'avons ni l'établissement lui-même, ni les ouvriers. Qui prendra cela à coeur pour en faire avec foi un sujet de prière précis?

Un fait encourageant en ce qui concerne la situation à Sining. C'est que le Seigneur a déjà mis à part un missionnaire pour l'oeuvre parmi les Musulmans, M. George Harris, dont le coeur brûle d'amour pour eux. Il a entrepris la tâche difficile d'apprendre l'arabe et, a fait de tels progrès dans cette langue que les Mahométans eux-mêmes s'adressent à lui comme à l'un de leurs « Ahung » (docteurs). Sa femme et lui auraient été, heureux de pouvoir se fixer au milieu même de cette population musulmane, afin de pouvoir lui consacrer leur vie, mais jusqu'ici il ne leur a pas été possible de se libérer de leur oeuvre parmi les Chinois.

En revenant à la Maison missionnaire qui est à l'autre extrémité de la ville et très éloignée du quartier musulman, nous prîmes la voie de la Muraille au lieu de revenir par la rue, afin de pouvoir plonger nos regards dans quelques-unes de ces intéressantes cours intérieures qui pourraient en raconter long sur l'excellente administration du Gouverneur mahométan. La Muraille est assez large pour nous permettre d'y marcher de front. Une voiture à deux chevaux aurait suffisamment de place pour y rouler entre ses parapets, et nombreux sont les voyageurs qui seraient enchantés de la vue étendue que l'on a depuis cette hauteur. Les montagnes entourent la ville, à quelques endroits, très rapprochées même de la Muraille; et la Porte de l'Ouest vers laquelle nous nous dirigeons s'ouvre sur une large vallée arrosée par trois rivières.
Mais ici près de la Porte du Sud, nous pouvons entrevoir quelque chose des développements auxquels Ma Ch'i s'est consacré, jusqu'au delà des montagnes de l'Ouest. Il est le seul Gouverneur chinois, comme nous l'avons déjà dit, qui règne sur toute la partie septentrionale du Thibet, y compris le lac et la province de Ko-Konor. Cette immense nappe d'eau, ayant une circonférence d'environ 350.000 kilomètres, à plus de dix mille pieds d'altitude, est entourée, en grande partie, par des tribus mongoles qui se sont établies parmi les Thibétains.

Bleu en été et comme enchâssé dans une émeraude, le lac d'Azur donne son nom à une région que les Chinois ont longtemps convoitée.
Comment soumettre, occuper et réunir toutes ces peuplades sauvages, et obtenir ce même résultat dans tout le nord du Thibet, est l'un des problèmes que le Gouverneur général cherche à résoudre.
C'est dans ce but qu'il a fait construire ces remarquables écoles, près de la Porte du Sud, avec leur, grandes cours, leurs vastes bâtiments aux vives couleurs, et près desquels des terrains spéciaux sont aménagés pour les sports modernes. De ces peuplades sauvages, Ma-Ch'i fait venir les garçons les plus intelligents qu'il puisse trouver, afin de les éduquer et de les préparer eu vue de l'avenir; car il aura besoin d'interprètes, de fonctionnaires publics et de professeurs pour fonder les écoles qui n'existent pas encore dans ces endroits reculés.
De cette façon, les garçons mongols et thibétains apprennent le chinois et les Chinois se familiarisent, avec le dialecte thibétain.

L'année dernière, une école normale, qui compte déjà quatre-vingts étudiants, a été créée; cette institution s'appelle l'École Mongole et Thibétaine et rail partie de ce vaste plan du Gouvernement.
Nous vîmes hier quelques-uns des plus sauvages de ses protégés, trois garçons du pays de Golok, contrée indépendante qui n'accepte pas le joug chinois. C'étaient bien, en effet, des spécimens indomptés de cette race, et la femme d'âge moyen, envoyée avec eux pour leur servir de mère n'était pas moins farouche que ses trois pupilles.
Aucun d'eux ne parlait le chinois à leur arrivée, ni ne connaissait les usages ! Cependant, ils sont en train d'apprendre maintenant de meilleures manières ! Que de progrès ils ont à faire, ces pauvres enfants ! Ils étaient accoutumés au régime, toujours le même, de viande, souvent crue, et de lait; se servant de leurs doigts comme de fourchettes; portant, en été comme en hiver, nuit et, jour, une seule pièce de vêtements; vivant, la plupart du temps à cheval, menant la vie active de la tribu sous leurs tentes de nomades; mais Ma Ch'i les a pris en mains, et travaille à les instruire en vue de l'avenir. Si ses ambitions se réalisent, il possédera, tôt ou tard, au nord du Thibet, une province plus vaste qu'aucune des provinces de la Chine proprement dite, et dont Sining sera la capitale. Déjà trois villes chinoises ont été construites par lui sur le territoire thibétain, l'une, près du lac Ko-Konor, la seconde à l'ouest, vers Ts'ai-dan, et la dernière au sud, vers Golok, à dix-huit journées de Sining. Des bureaux de poste vont être ouverts dans ces villes, dirigés par des Chinois qui cultiveront le sol et lui feront produire de l'orge, de l'avoine et d'autres céréales encore inconnues dans ces régions.

Colonisant, éduquant, formant à l'avance les hommes dont il aura besoin pour réaliser ses projets, ce Gouverneur musulman ne se laisse rebuter par aucune difficulté. Il a sa vision personnelle. La pensée de l'immensité du pays qu'il voudrait annexer à la Chine le préoccupe beaucoup. Il connaît la force de ce peuple et la valeur de ses richesses naturelles, laines, fourrures et minéraux. L'or et les pierres précieuses viennent du Thibet ainsi que les meilleurs guerriers. Tout cela pour un but purement matériel et égoïste ! Devant une pareille activité, n'avons-nous pas honte de notre indifférence en ce qui concerne le Royaume de Dieu dans ces contrées ?

Où est notre vision d'avenir pour former dans cette ville de Sining un centre d'influence chrétienne qui rayonnerait jusque dans le Grand « Au-delà » ? Qui s'inquiète de savoir si elle est occupée par des ouvriers répondant aux besoins de cette situation exceptionnelle d'aujourd'hui et qui le sera encore plus dans les jours à venir ? Vu sa position spéciale, Sining devrait être comme un phare projetant dans les ténèbres (les ténèbres de minuit qui l'environnent) ses rayons lumineux Où sont les écoles formant, des jeunes filles et des jeunes gens chrétiens, en vue de l'évangélisation et de l'enseignement de leur pays ? Des écoles ressemblant, les enfants des montagnes et des plaines, afin de les gagner à Christ et les renvoyer ensuite là-bas comme Ses témoins? Des créatures comme ces garçons de Golok nous paraissent-ils trop sauvages, trop difficiles à former ? Le Gouverneur Ma Ch'i ne raisonne pas ainsi. Il voit ce qui peut être accompli en eux, et comprend. qu'il ne peut agir sans eux; que c'est par leur moyen seulement qu'Il pourra gouverner leur peuple. Voyons-nous aussi loin, et raisonnons-nous aussi sagement ? Le Thibet, ne peut être gagné à Christ que par des Thibétains et plus spécialement par les femmes Thibétaines.

Où sont les évangélistes, hommes et, femmes, instruits dans les connaissances bibliques, qui puissent répondre aux besoins des petites communautés? Actuellement, une chambre sans soleil dans la Maison missionnaire est tout ce que l'on peut donner pour l'oeuvre des femmes, et il n'y a personne pour seconder les dames mariées dont, les occupations sont trop nombreuses pour pouvoir donner encore un enseignement spécial aux femmes de leur église. Cependant, combien il est urgent d'avoir des aides expérimentées, des femmes évangélistes qui pourraient pénétrer où nous ne pourrons jamais pénétrer et faire ce que nous ne pourrons jamais faire !

Et l'hôpital! Et les médecins... si nous osons revenir sur ce sujet, pour lequel M. Ridley prie si instamment, année après année ? Le peuple de Dieu ne devrait-il pas former, dans cette ville, un groupe bien stylé en vue de soulager les souffrances et préparer un lieu où les convertis pourraient devenir à leur tour des messagers de guérison pour l'âme aussi bien que pour le corps ? La réputation d'un tel hôpital attirerait des patients de bien loin, et si cette oeuvre était soutenue par la prière, nous ne mettons pas en doute que des âmes préparées par Dieu seraient mises en contact avec Son influence bénie.

**
*

Et ces âmes préparées existent ici, autour de nous, sur ces montagnes et dans ces vallées. Nous pourrions raconter de nombreux traits concernant ceux qui ont déjà été sauvés, mais un seul nous suffira. C'est l'histoire d'un vieillard qui nous a spécialement intéressés lors d'un repas qui nous fut offert par les chrétiens de l'endroit.
« Vous ne pouvez pas venir dans chacune de nos maisons, nous dirent-ils amicalement, mais nous voulons ensemble vous faire une fête. »

Ce joyeux et sympathique fermier dans son costume de peaux de mouton et sa casquette à oreillettes était l'une des douze personnes qui préparaient et servaient ce repas avec des figures rayonnantes. La façon dont il avait été amené au Seigneur était remarquable.

Un Évangile chinois avait pénétré jusque dans une maison d'un village éloigné, où une femme ne sachant pas lire l'utilisa pour enrouler la soie de sa broderie. Le papier était meilleur que le papier chinois ordinaire, aussi fut-elle très satisfaite de l'employer ainsi, seulement il était couvert de caractères qui demandaient à être respectés. Elle coupa donc tous les fils qui reliaient le volume, replia soigneusement chaque double page, imprimée d'un côté seulement, selon la coutume chinoise, et lorsque le livre fut de nouveau recousu, elle y enroula ses écheveaux de soie et l'utilisa ainsi. Mais que devenait le message qu'il contenait ? Sûrement cette portion de l'Évangile ne servirait à rien.

Mais, un jour, M. Li visita la maison de cette femme et remarqua le livre enveloppé de soies brillantes. S'excusant d'avoir employé à cet usage ces pages imprimées, elle raconta l'arrangement qu'elle avait fait de chacune d'elles. Ce récit excita la curiosité du visiteur qui acheta le petit volume à la femme pour une faible somme, et l'emporta à la maison, où il se mit à défaire les coutures et à lire le contenu. Avec un intérêt, croissant, il déchiffra page après page, soupirant, après quelqu'un qui puisse lui eu dire davantage, mais il ne connaissait aucun chrétien, ni aucun missionnaire.

Quelque temps après, un des convertis de Sining arriva à ce village pour assister à une fête. Il n'était pas encore baptisé, mais désirait partager avec d'autres les bonnes choses qu'il avait trouvées; aussi prit-il avec lui l'Ancien Testament et, pendant la fête, se mit à raconter quelques-unes de ses histoires merveilleuses. Personne ne semblait y prêter grande attention, sauf un vieillard qui désirait ardemment en apprendre davantage.
« Où avez-vous trouvé ce livre? demanda-t-il au jeune converti.
- Eh bien, au Fuh-ing-t'ang! (salle du Joyeux Message).
- Et où est-elle, cette salle?
- Venez chez moi lundi et je vous y conduirai. » Apportant une volaille, eu matière d'introduction, Li se présenta le lundi de bonne heure, tout joyeux, à la maison indiquée. Mais son désappointement fût grand de trouver le chrétien trop occupé pour remplit, sa promesse. Cependant ce dernier montra à son nouvel ami le chemin de, la Maison missionnaire, et lui assura qu'Il y serait bien reçu.

Quelque peu troublé, le fermier s'y rendit avec son offrande. M. et Mme Ridley parlaient justement en course, la voiture était à la porte, et ils ne purent échanger que quelques paroles. Mais M. Ridley lui donna rendez-vous, et le vieillard revint. Il entendit alors de quoi satisfaire son esprit et son coeur. Toute la matinée, M. Ridley lui expliqua le chemin du salut. Il comprit, crut et se réjouit.
De retour chez lui, il brisa ses idoles; et le dimanche, par tous les temps, il se rendait au culte.

Sa maison était à quinze milles de la cité, derrière les montagnes, et la moitié du chemin se faisait dans une gorge étroite, redoutée à cause des loups, des voleurs, voire même des mauvais esprits. À la perspective du dimanche, la joie empêchait souvent M. Li de dormir la nuit précédente et, de très bonne heure, il se mettait en route, chantant tout le long du chemin et arrivait radieux, bien avant l'ouverture des portes, même lorsque l'hiver était le plus rude et que sa barbe et ses moustaches étaient transformées en glaçons.
Sa vie et son témoignage si conséquents furent le moyen d'attirer plusieurs âmes à la lumière. Il n'admettait pas les compromis. L'incident suivant en est une preuve. Un jour, son frère lui demanda de lui prêter son âne.
« Que veux-tu en faire? », lui demanda-t-il tout naturellement. Or il se trouva. que l'âne était demandé pour servir de monture à un prêtre bouddhiste qui devait aller réciter des prières à sa belle-soeur.
« Non, non, tu ne l'auras pas, s'écria Li, je te le prêterai pour toute occasion, mais le diable ne montera, jamais sur ma selle! »

Ce fut à la suite d'un accident étrange que ce frère de M. Li apprit à traiter celui-ci avec un certain respect. Retournant à cheval à la maison par un chemin de montagne, il rencontra un ami qui lui apprit que son frère était à la ville pour assister aux réunions. Très contrarié, il maudit Li, les missionnaires et la salle de réunions. Un instant plus tard, son cheval tomba et se cassa la jambe. Jamais plus, à partir de ce moment, il ne prononça de malédictions contre son frère.

La vie fidèle du vieillard parmi ses voisins, son amour de la vérité et son assiduité aux cultes encouragèrent beaucoup NI. Ridley.
Mais retournons un moment sur le toit de la maison missionnaire, d'où nous apercevons la chapelle et la salle de réception, toutes deux trop exiguës pour leur usage, surtout le dimanche, car les gens accourent en foule ce jour-là, musulmans, soldats, étudiants, voyageurs en passage, femmes et enfants de toutes classes ! Plusieurs dames de bonne condition sont parmi les auditeurs réguliers, aussi bien que de pauvres femmes de la campagne et de la ville. L'inspiration vient vite en face d'un pareil auditoire et c'était empoignant d'entendre le docteur Kao leur parler en s'adressant directement à leurs coeurs. Il semblait que ces gens ne pouvaient se lasser de l'écouter et cela nous faisait soupirer après de tels hommes, des hommes du peuple, de tous ces peuples différents, parlant à leurs propres compatriotes de la Grâce Régénératrice de Dieu. Que de merveilleuses occasions attendent celui qui viendra travailler dans cette ville !

Les foules qui vont et viennent dans les rues sont, comme à Lanchow, des plus intéressantes. L'on voit fréquemment ici des princes mongols du Ko-Konor, des indigènes et des chefs thibétains. Nous avons rencontré l'autre Jour parmi eux un type remarquable: il portait une robe de soie rouge garnie de fourrure de castor, un grand col de peau de léopard et de hautes bottes, plus un chapeau de fourrure. Avec son poignard à la ceinture et la puissance de vie ou de mort qu'il exerçait sur son peuple, cet homme nous paraissait appartenir à un autre monde que le nôtre. Nous coudoyions aussi des lamas (prêtres) dans leur robe rouge ou jaune, qui sont au nombre de vingt mille dans ce district.

Tandis que le soleil s'abaisse à l'horizon, nous montons encore sur la petite tour qui domine l'école. Les garçons l'ont quittée pour leurs vacances du Nouvel An et tout est tranquille autour de nous. Nous regardons ces montagnes de l'Ouest, frontière actuelle du Thibet. Là se cache ce pays, derrière ces hauts remparts si proches, si réels, si impénétrables! Cette vallée qui s'étend au sud conduit en une journée à Kumbum, un des centres thibétains du Bouddhisme, le second en importance après Lhassa. Des milliers de pèlerins s'y rendent maintenant pour participer à la grande fête qui a rendu célèbre ce monastère; et nous allons aussi les suivre.

Nous ne pouvons que réaliser ici, dans cet avant-poste des Missions chrétiennes, que nous sommes, pour ainsi dire, dans les tranchées du front, face à face avec l'une des plus formidables forteresses de l'ennemi. La religion de Bouddha et celle de Mahomet, avec leur prestige extraordinaire, se partagent le coeur ténébreux de Asie centrale. Existe-t-il sur la terre deux puissances plus sinistres, plus impitoyables, s'opposant au pouvoir de Christ? Pensez au profond isolement des missionnaires ici! Pensez aux puissances de prières qui devraient se concentrer sur une telle position! Ne se sentent-ils pas parfois abandonnés dans ces tranchées du front, se demandant pourquoi le renfort tarde tellement à venir?

Suivez en pensée ce soleil couchant. Jusqu'à Kashgar, à deux milles à l'ouest, il n'existe aucune station missionnaire: il faut traverser tout le Thibet, au sud-ouest, pour trouver la plus proche, à Leh, sur la frontière des Indes. Au Nord-ouest, à plus de mille kilomètres, il en est de même; ou rencontre un seul groupe de missionnaires entre Sining et la Sibérie. Comprenez-vous ce que signifie une mission ici; ce que cela représente d'opportunités, d'isolement, de combats corps à corps avec les puissances de ténèbres? Ne prierez-vous pas pour cette poignée d'ouvriers à l'oeuvre? Et ne désirerez-vous pas ardemment venir fortifier leurs mains et partager leurs sacrifices et leur service pour l'amour du Seigneur? N'en est-Il pas « digne » ?


Table des matières

Page précédente:

.
(1) Tiré du livre . The Crescent in North West China, by Findley Andrew, P. 7.
.
(2) On trouve encore parmi eux quelques « Tu-kuh-huen », descendants des Huns, lesquels habitaient la région longtemps avant l'invasion de Li-Chin.
.
(3) Kumbum est célèbre parce que c'est le lieu de naissance et d'habitation du « précieux Bouddha », Tsong Kaba, une « incarnation » de Bouddha. Il fut un grand réformateur au commencement du XVe siècle, et a été appelé le « Luther de l'Asie centrale ». Il y a un grand mérite à venir adorer auprès de son autel, le temple au toit d'or, qui est la gloire du monastère de Kumbum.

 

- haut de page -