Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'APPEL DU GRAND NORD-OUEST CHINOIS
LE KANSU ET LES PROVINCES LOINTAINES

CHAPITRE VI
Le tremblement de terre du 16 décembre.

 Par une sombre et froide nuit de décembre, les hôtes de Mme Mann étaient, réunis autour du feu du salon. Sa petite fille de trois ans s'était assoupie près de nous, tandis que le petit garçon de Mme Moore dormait également dans la pièce voisine. Nous venions d'étudier ensemble un passage de la Bible et nous allions nous agenouiller pour prier lorsque tout à coup un grondement sourd se fit entendre. Ce bruit étrange semblait être à la fois autour et au-dessus de nous, comme le roulement de chars pesamment chargés ou le vacarme assourdissant d'un express qui aurait passé au-dessus de nos têtes. C'était incompréhensible et angoissant, mais au premier moment nous continuâmes à prier. Puis le plancher commença à bouger et nous comprîmes ce qui se passait. Les parents s'élancèrent à la recherche de leurs enfants, tandis que la maison tremblait et que le sol oscillait tellement que nous eûmes de la peine à atteindre la porte.

Le terrain de la cour semblait se soulever comme une mer agitée. Le bruit des charpentes qui craquaient, des murs qui s'écroulaient et cette indéfinissable plainte des toits qui se tordent sous une violente tempête continuait sans interruption.

Tandis que nous nous tenions en un groupe muet et consterné au milieu de la cour, les minutes nous paraissaient interminables. Il s'en fallut de peu que les bâtiments ne s'écroulent et ne nous ensevelissent sous leurs décombres comme ce fut le cas en maint autre endroit. Cependant, nous nous sentions étrangement calmes et en état de rassurer les serviteurs et amis en détresse qui s'enfuyaient de leurs chambres. Peu à peu, la terre se raffermit sous nos pieds, le tumulte effrayant se calma et nous réalisâmes que le pire était passé. Ce ne fut toutefois qu'un bon moment plus tard que nous nous risquâmes à rentrer dans la maison, car dehors le froid était des plus vifs. Plusieurs secousses moins importantes furent encore ressenties durant la nuit, aussi fut-ce avec une vive reconnaissance que nous vîmes poindre le jour.

Sur l'autre rive du fleuve, les secousses avaient été très violentes; les temples les plus rapprochés du port étaient à peu près détruits et une partie de la colline avait glissé dans la vallée, mais l'hôpital lui-même était intact. Quelques cas de morts furent signalés dans la ville, mais à côté des pertes intervenues dans d'autres localités, nous comprîmes que Langchow avait été épargnée.

À quelques journées de marche, plus au Nord, les dégâts furent épouvantables et du Sud-Est nous arrivèrent également des récits navrants de maisons englouties et de villages dévastés. La liste officielle des morts s'élevait à deux cent mille âmes, tandis que des milliers de créatures humaines étaient laissées sans abri et sans moyen de subsistance pour aller au-devant du froid intense de ces hautes régions. C'est alors que nous réalisâmes combien les secours humains sont impuissants en face de pareilles détresses. Un Comité d'entr'aide s'organisa rapidement, présidé par M. Mann; M. Andrew fut rappelé de la côte pour la distribution des secours, qui s'élevèrent à cent vingt mille dollars.

Mais bientôt, on s'aperçut que les dangers et les terribles souffrances du premier moment seraient suivis d'autres catastrophes; de formidables éboulements avaient bloqué le lit des rivières à différents endroits; il était inévitable que la fonte des glaces et les pluies du printemps n'amènent de graves inondations. Il semblait impossible de pouvoir enrayer ce dernier danger.

Le docteur Parry s'étant rendu à Tsing-ning-chow, s'aperçut que des chaînes de collines s'étaient déplacées ensevelissant des routes et des villages, et entassant dans les bas-fonds assez de terre et de pierres pour former de nouvelles collines. Bien des kilomètres de routes et plusieurs ponts devaient être refaits et des canaux creusés pour l'écoulement des eaux.
C'est à ce moment que la présence des missionnaires fut hautement appréciée par toutes les classes de la population; ils furent les premiers à se rendre compte de la gravité du mai et c'est vers eux que les autorités se tournèrent pour demander aide et conseil.

Miss Knox écrivait de Langchow le printemps suivant :
« En quelques endroits l'eau a atteint jusqu'à deux cents pieds de haut et elle continue à monter. Si cet état de choses n'existait que dans les vallées le danger serait moindre, mais lorsque les eaux débordent sur les plaines le péril est grand; dans le seul district de Tsinchow plus de mille personnes ont dû abandonner leurs foyers ».

Ceux des réchappés qui pouvaient encore travailler étaient groupés sous la surveillance des étrangers et tout l'argent reçu pour eux était utilisé à payer leurs salaires. « Nous construisons des terrassements à dix places à la fois, écrivait M. Andrew, et nous y employons des milliers d'ouvriers, ma tâche consiste à surveiller l'ensemble des travaux. C'est à Chinchiangih que nous avons le plus à faire, car nous devons y creuser une tranchée de deux cents pieds de profondeur sur un mille de long. Que de tristes histoires nous aurions à raconter sur les ouvriers que nous occupons : Voici par exemple un homme vigoureux et bien bâti, l'unique survivant d'une famille de dix-sept personnes. Sa ferme et ses terres ont été englouties sous des milliers de tonnes de terre et il travaille maintenant à se refaire une situation. Dans la tranchée que nous creusons nous venons de découvrir trois cadavres si défigurés qu'on ne pouvait les identifier, lorsqu'un de nos travailleurs a reconnu en eux, son père, sa mère et sa soeur.

Nous occupons dans nos bureaux un jeune homme de bonne famille qui avait suivi une des meilleures écoles militaires de la Chine, il ne lui reste que deux membres de sa famille, mais, Dieu soit béni, les consolations de l'Évangile ont pénétré dans ce coeur ulcéré et en ont enlevé l'amertume qui s'en était emparée. Nous sommes aidés dans ce travail difficile par quelques chrétiens indigènes, foncièrement consacrés à Dieu; il nous arrive parfois, en faisant nos tournées, d'arriver à la tente de l'un d'eux, c'est pour nous comme un terrain sacré, car là bien des coeurs fatigués et chargés ont déjà entendu la bonne nouvelle du salut et plusieurs l'ont acceptée. »

Au grand effroi du peuple, des secousses sismiques de moindre importance se produisirent encore pendant des semaines et même des mois après le premier ébranlement; quelques maisons tombèrent et une quarantaine de personnes perdirent la vie de cette manière. « Nos montagnes sont devenues désertes, écrivait plus loin M. Andrew, le silence qui y règne rappelle le silence de la mort. Un sentiment de profond malaise pèse lourdement sur les rares habitants de ces hameaux dévastés. Nous passions dernièrement la nuit dans un assez grand village, lorsqu'aux premières lueurs du jour nous fûmes réveillés en sursaut par ce grondement caractéristique qui rappelle le bruit formidable d'un train express se précipitant sur une voie souterraine, puis vint la secousse bien connue qui ébranla la maison jusque dans ses fondements, tout oscillait et craquait. Tout à coup, dominant encore ces terribles bruits on entendit retentir des cris que l'on n'oublie plus lorsqu'on les a entendu une fois, les cris de détresse des habitants fuyant leurs demeures pour chercher un refuge au dehors.

Quel précieux privilège pour nous de pouvoir venir au secours de ce peuple, servant de tout coeur leurs intérêts matériels et leur apportant surtout le glorieux message de l'amour Rédempteur qui leur procure la consolation dans leurs angoisses et leur communique cette paix de Dieu qui surpasse toute intelligence. »
Le grand nombre des victimes du tremblement de de terre doit être attribué en majeure partie à la nature titi terrain dans lequel les éboulements se sont produits, ce terrain appelé « loess » est formé d'un mélange de terre glaise et de quartz pulvérisé qui atteint souvent une grande élévation et couvre de vastes espaces dans le nord de la Chine. Ces hautes parois de loess sont caractérisées par de profondes fissures verticales dans lesquelles on a creusé des habitations qui abritent une bonne partie de la population.

La contrée la plus éprouvée par le fléau s'étend entre la rivière Wei et le fleuve Jaune et est traversée par la chaîne des monts Luh-pan. Cette vaste contrée est formée de deux sortes de terrains de formations géologiques différentes. La région sud de ce territoire fait partie (sauf une chaîne de montagnes abruptes qui la traverse) de cette grande région de loess qui s'étend du Honan presque jusqu'au Thibet, tandis que la partie Nord, du Ku-Yüen au fleuve Jaune, est un plateau de formation argileuse et caillouteuse qui se prolonge jusqu'aux steppes de la Sibérie et du Turkestan. Ce genre de terrain est plus résistant que le Loess, ne s'affaisse pas comme ce dernier, mais se fend en d'innombrables crevasses. Ce fut dans les terrains de loess que les éboulements les plus importants se produisirent, ensevelissant ou entraînant avec eux des villages entiers, recouvrant ferme, et vallées d'une épaisse couche de terre, obstruant le lit des rivières et transformant les vallées en lacs. Les gens du pays n'ont pas trouvé de meilleure expression pour décrire ces effroyables cataclysmes que de dire : « Les montagnes se sont mises à marcher ». Et ceci s'est littéralement réalisé, comme nous avons pu le constater dans une seule vallée de cinq milles de superficie dans laquelle sept éboulements successifs se sont produits, engloutissant tous les êtres vivants à l'exception de trois hommes et de deux chiens qui fuient sauvés d'une manière miraculeuse.

C'était un paysan et ses deux fils dont la ferme au lieu d'être enterrée sous les décombres fut transportée sur la crête de l'un des éboulis l'espace d'un demi mille. Là elle fut atteinte par de nouveaux mouvements de terrain et emportée plus loin. Les habitants ne se rendirent aucun compte de ce qui leur arrivait jusqu'au matin suivant. Un orage se déchaînait, un vent froid souillait, ajoutant encore à l'horreur de la situation.
Ils nous racontèrent plus tard qu'ils avaient d'abord entendu un terrible grondement souterrain, bientôt suivi d'une violente secousse, les projetant du nord au sud pendant l'espace d'une demi-minute. Ils tentèrent plusieurs efforts infructueux pour se sauver, mais furent rejetés dans les ruines de leur maison pour y attendre le matin. Ce ne fut qu'aux premières lueurs du jour qu'ils se rendirent compte de l'étendue du désastre; leur village tout entier avait disparu, d'autres fermes avaient été emportées plus loin ou ensevelies sous les décombres, et les rivières avaient été obstruées par des amoncellements de terre qui remplissaient leurs lits. Ce fut alors qu'ils réalisèrent que, réellement, les montagnes s'étaient déplacées.

Dans les contrées du Nord où le sol est friable comme de la porcelaine, les souffrances furent tout aussi intenses.
N'ayant pas la nature argileuse du loess pour atténuer la violence des chocs, des cités entières s'écroulèrent comme des châteaux de cartes; des habitations creusées dans le rocher s'effondrèrent, ensevelissant sous elles le bétail et ses propriétaires et de grandes crevasses se produisirent brusquement, entraînant dans le gouffre maisons et habitants. De ces crevasses sortait une eau noirâtre qui s'étendait sur les terrains avoisinants, des loups descendirent des montagnes, des chiens devinrent enragés à force de manger de la chair humaine et, pour ajouter à l'horreur de ces scènes tragiques, des voleurs surgirent de tous côtés et dévalisèrent les morts et les vivants.

Pour faire un heureux contraste avec de pareilles atrocités, nous aimons à rappeler ici le dévouement du mandarin de Tsin-ning-chow, celte petite ville qui nous avait si fort intéressés lors de notre passage dix jours auparavant.
Ce magistrat travaille à Tsin-ning-chow depuis trois ans, il est très aimé de la population. Vivant lui-même très sobrement, il a fondé, avec l'argent laissé à sa disposition, un hôpital gratuit, une crèche d'enfants abandonnés, une bibliothèque populaire et d'autres entreprises du même genre.
Il a également interdit le jeu et s'oppose avec énergie, à l'usage de l'opium et au bandage des pieds.
« C'est un homme parmi dix mille », écrivait le docteur Parry. Bien qu'accablé par l'angoisse et le sentiment de sa responsabilité au moment où la catastrophe se produisit, il ordonna à ses soldats de faire sortir en toute hâte les gens de leurs demeures, puis il retourna s'agenouiller dans sa chambre, offrant à Dieu le sacrifice de sa vie, si par ce moyen la ville pouvait être épargnée.

Les murs tombèrent autour de lui tandis qu'il continuait à prier; lorsque le pire fut passé, il comprit, qu'il avait été sauvé pour secourir son peuple qui, sans lui, aurait été complètement désorienté.
Tout en continuant à jeûner et à pleurer avec ses gens, il rendit d'inappréciables services, courant au secours des enterrés vivants, aidant à ensevelir les morts et pourvoyant les affamés de vivres et de vêtements.

Il prêta un grand nombre de tentes militaires, où pendant bien des jours lui et les siens dormirent à terre, sans autre abri; puis il envoya chercher le docteur Parry, à Langehow, pour s'occuper des blessés. Plus de trois mille personnes avaient déjà été secourues par les fonds publics lorsque MM. Parry et Seaman arrivèrent sur les lieux et trouvèrent encore un millier de blessés réclamant toute leur attention; près d'un millier aussi avaient péri et la ville gisait littéralement sous les décombres, mais le dévouement et le courage du Mandarin et de sa femme ne se relâchèrent pas.

Plus tard, deux dames missionnaires suédoises vinrent s'établir au milieu de ces ruines et se contentèrent d'une simple cabane ayant la terre nue sous leurs pieds et un toit de chaume sur leurs têtes, se réjouissant de partager ainsi les souffrances du peuple et de subvenir à leurs besoins tout en leur apportant le message du salut.

La détresse du peuple fournissait aux missionnaires une merveilleuse occasion de leur annoncer l'Évangile. Plusieurs païens furent si impressionnés par cette révélation de la puissance de Dieu qu'ils abandonnèrent leurs idoles pour servir le Dieu vivant et beaucoup de chrétiens réalisèrent comme jamais auparavant la nécessité d'être prêts pour le retour dit Seigneur M. Rist écrivit de Tsinckow que pendant le cataclysme on avait entendu des païens supplier à haute voix le Seigneur Jésus de les sauver; dans quelques-unes des annexes qu'il desservait, les réunions étaient suivies par de nombreux indigènes dont beaucoup s'informèrent ensuite de la voie du salut. Un fait digne de remarque est qu'un grand nombre de chrétiens furent spécialement protégés à l'heure du péril, bien peu d'entre eux perdirent la vie ou subirent de sérieux préjudices. Dans un endroit où la maison s'écroula sur une famille chrétienne, les voisins venant chercher les corps tressaillirent en entendant une voix qui criait du milieu des décombres : « Nous sommes tous en vie, personne n'est blessé ».

Au lieu d'être écrasés par la chute des poutres, le lit de briques, sur lequel parents et enfants dormaient, avait été recouvert par la poutraison qui protégeait ainsi tout, la famille. Dans un autre cas, une vieille chrétienne et sa petite fille furent ensevelies par la chute du toit, mais quand les abris qui les recouvraient eurent été enlevés, elles furent retrouvées intactes avec une expression de joie paisible sur leur visage.
La grand-mère avait recouvert le bébé de ses bras et il était sain et, sauf.

Merveilleuse aussi fut la délivrance de M. Christie et de son compagnon, membres de l'Alliance Missionnaire, qui étaient justement en voyage; ils se trouvaient dans une auberge et se retiraient pour la nuit lorsque la catastrophe survint. Sans prendre le temps de revêtir leurs vêtements de dessus, ils se précipitèrent hors de la chambre et n'étaient pas plus tôt dans la cour que les bâtiments s'effondraient, ensevelissant ou sous eux. Pas un missionnaire ne fut blessé dans toute la province. Mais la conséquence la plus remarquable du tremblement de terre, fut que cet événement mit fin à l'attitude menaçante des musulmans.

La terrible expérience des précédents soulèvements avait appris aux Chinois à dire : « Tandis que le Ciel tue cent hommes, les musulmans en exterminent des milliers ». Or, il est hors de doute qu'une rébellion de la part des partisans de l'Islam était imminente. Possédant deux à trois millions d'adeptes dans cette province et ayant les forces militaires en bonne partie à leur disposition, c'était une sérieuse menace à considérer. Et voilà qu'en un instant tout fut changé et que le prestige mahométan fut anéanti sans aucun secours humain. La partie du pays la plus éprouvée par la catastrophe était surtout occupée par des musulmans dont le chef principal trouva la mort à ce moment avec des centaines de coreligionnaires.

On n'aurait peut-être jamais appris aucun détail sur le sort de ce célèbre personnage sans les révélations faites par l'un de ses serviteurs qui fat amené, blessé, au docteur Parry, et qui raconta ce qui suit : le « Saint », comme il était nommé par ses adeptes, était le Chef suprême d'une secte qu'il avait fondée.
Il avait, en le pressentiment de ce qui allait arriver et cependant il s'était rendus dont le chef principal trouva la mort à ce moment avec des centaines de coreligionnaires.

On n'aurait peut-être jamais appris aucun détail sur le sort de ce célèbre personnage sans les révélations faites par l'un de ses serviteurs qui fat amené, blessé, au docteur Parry, et qui raconta ce qui suit : le « Saint », comme il était nommé par ses adeptes, était le Chef suprême d'une secte qu'il avait fondée.
Il avait, en le pressentiment de ce qui allait arriver et cependant il s'était rendu, soir après soit, dans leur lieu de culte où il priait pendant des heures. Le jour fatal (16 décembre 1920), il se baigna et s'habilla comme d'habitude, puis il se rendit à la mosquée avec ses fils et ses serviteurs. Il est à supposer qu'une conférence spéciale devait avoir lieu ce même soir et que des centaines de chefs s'étaient rassemblés autour du « Saint ».

On ne saura jamais si cette conférence avait pour but de décider la rébellion ou non, car ce soir-là, la mosquée s'écroula et aucun des assistants n'en réchappa.
Ce « Saint » demeurait à Sakou, vallée étroite peuplée en majeure partie de musulmans; on évalue à dix mille le nombre d'entre ceux qui furent ensevelis par la chute des montagnes des deux côtés de la vallée.
Dès lors, écrivait le docteur Parry, l'attitude de la population musulmane de la province est beaucoup moins agressive qu'auparavant, le danger d'une révolte s'est éloigné de nous et de grandes portes nous sont ouvertes pour la diffusion de l'Évangile. Combien de temps cela durera-t-il ? Nous ne le savons pas.
« Aujourd'hui est le jour du salut », nous écrit un missionnaire, le tremblement de terre n'a pas seulement renversé les montagnes et les habitations, mais beaucoup d'anciens préjugés ont été ébranlés ainsi que la foi de ceux qui croyaient fermement aux idoles et qui désirent maintenant recevoir le message du Christ, de Dieu.

Pour mon compte personnel, je sens que le besoin de l'heure actuelle est la prière. Dieu nous a montré la moisson qu'on pourrait recueillir ici, mais la première chose a faire, c'est de vaincre par la prière; car ce n'est que par ce moyen que les armées du mal seront défaites et que le voile pourra être enlevé de dessus ces esprits obscurcis.


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CHAPITRE VII
Un champ de bataille de l'humanité.

Quinze jours après le tremblement de terre, la veille du Nouvel An, nous quittions la ville de Langehow pour aller à Liangchow. Les rues paraissaient étrangement désertes et une odeur de poudre remplissait l'atmosphère.

Des milliers de personnes avaient fait, partir des pétards et s'étaient rendus ensuite, avec le Gouverneur, sur les bords du fleuve pour y prendre part à une imposante cérémonie destinée à apaiser la colère des dieux. En effet, les secousses sismiques continuaient encore, on en comptait jusqu'à cinquante par nuit et le peuple était bouleversé. À l'endroit où le fleuve s'élargissait au-dessous de l'hôpital, une tente avait été dressée et formait le centre des opérations. Les prêtres étaient réunis là, chantant et frappant sur clos tambours et des gongs, au milieu de l'explosion de nombreux pétards, taudis que des deux côtés du fleuve les spectateurs faisaient brûler de longs bâtons d'encens qu'ils avaient apportés avec eux.

Le point culminant de la cérémonie fuit le moment où le Gouverneur s'agenouilla et fit une confession publique de ses péchés, prenant sur lui la cause de tous les maux que le peuple avait endurés, car le tremblement de terre était évidemment la punition de leurs offenses contre le Ciel - et qui plus que lui eu était responsable?

Le papier où cette confession était écrite fut lu en présence de toute l'assemblée et brûlé ensuite pour être transmis au monde des esprits. D'autres magistrats tant civils que militaires, lurent de semblables documents qui furent également brûlés.

Toute cette mise en scène offrait, un spectacle impressionnant et le prix de l'encens brûlé représentait à lui seul une dépense d'un millier de dollars. Lorsque nous atteignîmes la croisée des chemins, au centre de la ville, nous rencontrâmes la longue procession qui revenait; le Gouverneur était porté sur un siège magnifique, suivi par plusieurs hauts fonctionnaires en costumes de gala et par nu détachement de soldats à cheval. Nous passâmes lentement à travers les rues encombrées de monde, le grand pont fut traversé et notre long voyage de sept journées commença par la Grande Route qui conduit à l'Asie Centrale.

Et maintenant, tout en le réalisant à peine, nous nous approchions de cette partie de la province qui se distingue par le mélange de ses races, aussi bien que par nu passé des plus tragiques. Placée comme un coin entre la Mongolie et le Thibet et étant la seule voie de communication entre les riches plaines de la Chine et les hordes musulmanes et tartares dit Turkestan, elle est, devenue inévitablement le témoin de terribles conflits entre les différentes races et religions qui s'y sont succédées à travers les siècles.

Les scènes que nous allions voir et les types que nous devions rencontrer sur notre chemin évoquaient en nous bien des pensées diverses et nous parlaient surtout de ces vastes contrées si peu explorées encore, et qui restaient à conquérir pour notre Maître. Nous réfléchissions à l'immensité de ces régions solitaires et à l'isolement complet des rares missionnaires qui s'y trouvent.

En effet, nos sept journées de voyage n'étaient qu'une modeste étape en comparaison du long trajet de quarante jours que nous ne pouvions songer à entreprendre pour aller visiter nos missionnaires de Ti-hwa-fu. C'est là que deux amis, MM. Hunter et Mather, avaient travaillé pendant des années sans jamais recevoir la visite d'un seul collègue chrétien. Ti-hwa-fu, la capitale de la nouvelle province de Sinkiang, est éloignée de plus de quarante jours de voyage de Liangchow, la ville où nous allions arriver; pour l'atteindre, il faut traverser le grand désert de Gobi et pénétrer jusqu'aux frontières de la Russie.
Depuis longtemps, nos coeurs étaient attirés vers ces endroits reculés, peuplés de races si mélangées, dont presque personne ne s'occupe, mais une seule semaine passée avec MM. Hunter et Mather nous aurait coûté un voyage de plusieurs mois.
D'autres travaux pressants nous réclamaient, et nous dûmes y renoncer quoique bien à regret.

Une compensation nous fut cependant offerte par le fait que M. Arthur Moore, qui nous accompagna à cheval pendant les premiers milles de notre voyage, était précisément le seul ami qui eut visité M. Hunter dans sa lointaine station, lorsqu'il y escorta M. Mather en 1914. Chevauchant à nos côtés, que de récits intéressants il nous fit des dangers courus en franchissant le grand désert de Gobi avec ses solitudes immenses ou en nous entretenant des étapes moins dangereuses qui nous restaient à franchir jusqu'à notre arrivée à Liangchow. De nos sept journées de voyage nous ne mentionnerons qu'une chose qui nous impressionna d'autant plus que nous ne nous y attendions nullement.

Le froid était intense et par moments presque insupportables, mais nous le savions d'avance puisque nous voyagions au cours de l'hiver; la traversée des nombreuses sommités où les chemins, à cette époque de l'année, étaient souvent transformés en un lit de torrent gelé ne devait pas nous étonner, car le Kansu est un pays montagneux : mais nous ne nous attendions pas à ce que nous trouvâmes derrière ces montagnes au moment où nous atteignîmes la vaste plaine de Liangchow.

Nous mettant en route de nuit, longtemps avant le lever de l'aurore, nous avions assiste jour après jour au lever du soleil, après avoir déjà passé quelques heures dans notre voiture. Le froid rigoureux de ces premières heures du jour est impossible à décrire, surtout quand le vent du nord souffle, mais nous pouvions apprécier d'autant plus la transformation qui s'opère ensuite, lorsque les pies neigeux se colorent en rose et que, le soleil inonde cette scène de sa chaleur et de sa lumière; alors nous respirions plus librement, en réalisant que le pire de la journée était passé. Il était un peu humiliant pour nous de découvrir combien, dans ces régions inhospitalières, nous étions absolument dépendants pour le gîte et le couvert de ce que les rares auberges de la route pouvaient nous offrir. Il nous arriva même de trouver le matin sur notre « Kang » (lit de briques chauffé) l'eau chaude que nous y avions laissée la veille dans notre théière, transformée en un bloc solide. Nous dûmes nous habituer à casser en morceaux notre pain gelé et à le dégeler dans notre bouche avant de pouvoir le manger. C'était là notre déjeuner habituel, dans la voiture, avec de la viande on du fromage également gelés.

Cependant il arrivait en cours de route que nous pouvions obtenir une soupe chaude, du bouillon de mouton préparé d'avance pour les voyageurs en passage, aussi les moindres hameaux que nous apercevions dans le lointain étaient-ils salués par nous avec intérêt lorsque l'heure des repas s'approchait. Ce fut ainsi qu'en atteignant la plaine de Liangchow, après plusieurs journées pénibles à travers les montagnes, nous aperçûmes à l'horizon certains objets qui' nous parurent être mie agglomération de maisons, qui allaient devenir pour nous le sujet d'un grand désappointement.

Sortant à Kulang du dédale de montagnes que nous venions de franchir, nous eûmes notre première vision de la plaine illimitée qui s'étendait à des centaines de milles vers le Nord-Ouest. En voyant des habitations disséminées le long de la route, nous nous réjouissions d'avance d' y trouver le réconfort dont nous avions besoin. Ce fut seulement après avoir continué notre route, heure après heure, toujours plus épuisés par le froid et la faim, que nous réalisâmes que nous traversions un pays qui semblait être ensorcelé. Les villages, entourés de murs, étaient d'apparence plus massive que partout ailleurs, leurs remparts devaient avoir appartenu à des villes fortifiées, et les portails d'où les portes étaient absentes étaient imposants. Mais aucune fumée encourageante ne s'élevait dans Vair matinal, aucun chien n'aboyait et nul enfant ne jouait sur les places silencieuses. De ces villages déserts il ne restait plus que les murailles les plus épaisses, que le tremblement de terre n'avait pu ébranler.

On pourrait difficilement se représenter quelque chose de plus déconcertant que cet amas de ruines nombreuses et absolument désertes. Les habitations avaient un aspect étrange, plutôt de forteresses que de maisons habitables.
Les portes d'entrée qui sont en général la première chose visible dans une maison chinoise n'existaient pas.
Les murs extérieurs s'étendaient sur une grande longueur sans présenter aucune issue et l'on se demandait comment on pouvait y pénétrer. On n'apercevait à l'intérieur que muraille après muraille de vingt à trente pieds de haut avec une haute tour située à l'arrière-plan; ce ne fut que peu à peu que nous comprîmes que ces soi-disant villages devaient servir de campements provisoires à des troupes plutôt qu'à des familles à l'abri de ces épaisses murailles, en cas de guerre, les habitants des villages de la plaine peuvent venir se réfugier; les entrées en sont, aussi basses et dissimulées que possible, les portes de fer garnies de clous ne donnent pas accès dans des cours intérieures, mais dans des sortes de tunnels gardés par de féroces chiens thibétains. Chaque enceinte protège celle qui est à l'intérieur et la tour sert de refuge, à l'heure du péril, aux femmes et aux enfants. Ces constructions racontent leur propre histoire, et nous réalisâmes enfin que nous avions atteint ce « champ de bataille de l'humanité », décrit par M. d'Ollone dans son remarquable travail sur l'Islamisme en Chine. De ce livre nous extrayons les lignes suivantes décrivant l'endroit que nous traversions : « En se rendant de Langchow à Liangchow le voyageur rencontre de nombreuses ruines. Ce chemin qui est tracé par un étroit ruban de terrain fertile entre les déserts de la Mongolie et du Thibet est l'unique chaînon qui relie la Chine au monde Occidental et a été dès les temps anciens un champ de bataille pour l'humanité.

Les Chinois, n'ayant que cette voie de communication pour atteindre jusque dans leurs déserts illimités les nomades avides qui sont la plaie et la terreur de l'Empire chinois ainsi que pour étendre leur commerce, ont entouré cette route de fortifications. La plus imposante est la grande Muraille de la Chine dont on aperçoit souvent un embranchement non loin de la route actuelle.
Il y a aussi des places fortifiées comme la, cité de Pingfan appuyée par des châteaux forts et des tours de garde.

Dans cette région, tout nous parle de guerre, de cette guerre qui a commencé avec l'histoire de l'humanité et qui n'est pas encore terminée, comme le prouvent suffisamment ces ruines accumulées sur lesquelles de nouveaux remparts encore plus formidables que les premiers sont venus se greffer. »

Nous nous étions étonnés, mon mari et moi, des forteresses et de la grande Muraille que nous avions rencontrées fréquemment sur notre route, mais maintenant tout était expliqué.
L'endroit où nous nous trouvions était à lui seul une démonstration silencieuse et instructive du passé.

De combien de massacres et de représailles sanglants n'avait-il pas été le témoin! et que d'avertissements il renfermait pour le futur! Tandis que nous étions cahotés sur la route pierreuse qui longe la montagne, notre pensée se reportait à la fameuse révolte des musulmans en 1895 et aux angoisses traversées par nos amis Ridley, à Sining, au sud de ces mêmes montagnes.

À chaque pas, nous apparaissaient les traces évidentes de semblables tragédies accomplies sur une échelle encore plus vaste, car dans les guerres et les rébellions qui se sont succédées ici au cours des siècles, la possession de celte Route a toujours été une condition essentielle de la victoire; il fallait la garder ou la reprendre à tout prix, et la force de résistance de la grande révolte du siècle dernier (1862-1874), fut précisément, due au fait que pendant six longues années les Musulmans affirmèrent, leur suprématie sur cette région par des « coups de main » hardis et sans cesse renouvelés. Le résultat, ce fut la destruction de la plupart des villes et des villages environnants. Telle était donc la signification de ces nombreuses ruines et l'explication de ces endroits fortifiés et de leurs interminables murailles. Nous ne pouvions nous empêcher de penser que les horreurs du passé sont encore les dangers dit présent, car sans le récent tremblement de terre, nous aurions été témoins d'un soulèvement plus terrible peut-être qu'aucun de ceux qui l'avaient précédé.

Ce fut un vrai soulagement pour nous de nous détourner de ces sombres pensées pour examiner un autre trait caractéristique de la plaine de Liangchow, c'est-à-dire l'aspect égyptien qu'elle revêt sous ce ciel sans nuages. M. d'Ollone avait du faire la même, remarque que nous car, en en parlant, il écrit : « Ces châteaux féodaux, situés au milieu de cette contrée brûlée de soleil, nous font penser à la Palestine dit temps des croisades ».

Quant à nous, ce paysage nous rappelait plutôt les villages aux toits plats qui avoisinent les bords du Nil car ici tontes les lignes sont droites et les quelques arbres qui subsistent encore, dépouillés de leurs branches jusqu'au sommet par mesure de prudence, ont l'aspect de palmiers sous le brillant soleil qui les éclaire. C'est ainsi que parcourant celle contrée inhospitalière, où nous nous sentions des étrangers sur une terre étrangère, nous nous rapprochions de Liangchow dont les habitants nous étaient inconnus, mais où nous attendait, une des plus glorieuses expérience de notre Vie.


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