Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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L'APPEL DU GRAND NORD-OUEST CHINOIS
LE KANSU ET LES PROVINCES LOINTAINES

CHAPITRE IV
Langehow ! enfin !

Ce fut la dernière et peut-être la plus difficile étape de notre voyage à Langchow, capitale de la province du Kansu. Par une sombre et froide journée de décembre, nous étions partis à 3 heures du matin et avions voyagé, mille après mille, à la clarté des étoiles, longeant le lit gelé d'une rivière, ce qui représentait une étendue interminable de pierres et de cailloux. Quels cahots dans cet équipage sans ressorts! et quel froid piquant pendant ces longues heures qui précèdent le lever de l'aurore ! Mais tout cela nous préparait à apprécier d'autant mieux la chaude hospitalité qui nous attendait là-bas.

Nous venions de franchir la dernière chaîne de collines et nous nous demandions combien de temps s'écoulerait encore avant d'atteindre la capitale, lorsque nous vîmes devant nous des gens rassemblés autour d'une carriole. Quelle était la cause de cet attroupement ? Serait-ce des étrangers? C'était en effet nos amis M. et Mme Mann, en costume chinois, qui accouraient à notre rencontre. Quelle joie de les revoir! Le reste du voyage, deux à deux dans chaque voiture, fui. un temps de délicieuse intimité pour chacun de nous!

Une des premières choses que nous observâmes avec un étonnement mêlé de stupeur, était que ces amis ne vivaient pas, comme nous l'avions supposé, presque en dehors du monde et comme enterrés vivants.

Séparés de la dernière ligne de chemin de fer par toute une chaîne de montagnes et par plusieurs semaines de voyage, ils étaient restés aussi enjoués et entreprenants que s'ils avaient vécu au centre de Londres. La vivacité de M. Mann avait quelque chose de stimulant et Mme Mann ne cessa pas, pendant toute la fin du voyage, de nous donner les détails les plus intéressants sur le pays et ses habitants.

Oh! cette plaine immense, populeuse et illimitée! quel champ tout indiqué pour un travail d'évangélisation, dont M. Mann ne pouvait se charger, étant déjà trop accaparé par les besoins de sa propre paroisse.

Tout en causant de choses et d'autres, nous ne nous étions pas aperçus que nous nous rapprochions de la ville, jusqu'à ce qu'un long cortège de jeunes gens se présentât à nous.

Quelle quantité de garçons ! D'où venaient-ils?
« Ce sont nos écoliers et leurs maîtres qui viennent, vous souhaiter la bienvenue », fut la réponse. Mon mari descendit de voiture pour les saluer et, tandis que nous traversions la double rangée des élèves, nous pûmes nous rendre compte de la grandeur et de l'importance, de l'École missionnaire de Langehow.

Ayant pris quelques-uns des plus petits garçons dans nos équipages et suivis de près par leurs compagnons, nous formions une vraie procession à notre entrée dans la ville.

Des portes massives, des rues encombrées, beaucoup de vie et de mouvement, de beaux magasins, des temples, des mosquées et d'autres édifices publics, était-ce bien cette ville de Langehow si isolée du reste du monde? La Maison missionnaire était située dans la rue principale, près de la résidence du Gouverneur. Toute une foule d'amis et de chrétiens indigènes nous attendaient devant la porte, y compris M. et Mme Moore, M. et Mme Parry et leurs enfants. Quelle joie nous éprouvions d'être parvenus au terme de cette longue équipée et d'apprendre à connaître ceux dont nous avions tant entendu parler! Quelle joie aussi de contempler et les nouveaux bâtiments scolaires et surtout de rendre grâces à Dieu avec ces amis pour notre heureux voyage et, pour l'oeuvre entreprise dans ce centre important! Notre première occupation fut de visiter l'École dont les nouveaux bâtiments avaient été inaugurés quinze jours auparavant. Le besoin d'une instruction supérieure pour les fils de parents chrétiens se faisait sentir depuis longtemps et lors d'une conférence des trois missions qui travaillent dans cette province, les délégués indigènes avaient insisté pour que leur demande fut prise en considération. Langehow fut désigné comme le meilleur des centres pour cette École supérieure et M, Mann fut chargé de s'en occuper et d'ajouter des classes supplémentaires à celles qui existaient déjà. Mais des fonds étaient nécessaires pour permettre ces agrandissements et bien des prières montèrent à Dieu dans ce but.

Quelques mois plus tard, M. Andrew (surintendant de la C.I.M. de cette province) recevait à dîner son ami le diacre Kuoh, lorsque le sujet des fonds à trouver l'ut abordé par son fils, M. G.-F. Andrew, qui demanda sans ambages à M. Kuoh quelle somme il pensait donner pour la nouvelle École. « Cinquante dollars à fut la prompte réponse. - « Et vous, que donnerez-vous? poursuivit M. Andrew en se tournant vers M. Mann. - « Si vous donnez cinquante dollars, je ferai de même », riposta ce dernier. M. Kuoh s'intéressant ait débat dit qu'il croyait, que le diacre Li donnerait aussi la même somme. Quelques jours plus tard, M. Li les surprit tous en déclarant que M, Kuoh ne pourrait pas s'arrêter à cinquante dollars et que lui-même en donnerait volontiers cent.

Tout ceci fut rapporté à M. Andrew père qui s'était engagé à doubler les contributions des membres de l'église, ne pensant pas qu'elles atteindraient si rapidement une pareille somme.
C'était la meilleure preuve que le moment de Dieu était venu pour se mettre à l'oeuvre sans tarder.

Peu après, le fils du Gouverneur, qui s'était lié d'amitié avec M. G.-F. Andrew, lui annonça que son père désirait participer à la nouvelle entreprise pour 500 dollars et promettait le concours des autres fonctionnaires.

Les mahométans, de leur côté, souscrivirent libéralement, comprenant que la nouvelle École serait un bienfait pour la cité, de telle sorte que lorsque, M. Marin se mit à l'oeuvre, il se trouva en possession de 1.700 taëls, et le fonds atteignit bientôt le chiffre total de 2.000 taëls.
Or la dépense des nouveaux bâtiments ne dépassa guère la moitié de cette somme; aussi un nouvel édifice est-il déjà projeté et, si par la bénédiction de Dieu l'École continue à prospérer, il faudra peu à peu en agrandir les locaux.

Vint l'inauguration des bâtiments; le Gouverneur, ses fils et dix-sept de ses fonctionnaires y assistèrent en costumes de cérémonie. Une difficulté s'éleva parle fait qu'il ne se trouvait point de siège assez vaste pour le Gouverneur dont les dimensions corporelles sont en proportion de ses hautes fonctions.
À la fin, un fauteuil convenable fut amené et transporté de place en place, partout où Son Excellence jugeait à propos de s'arrêter; il trouva enfin sa place dans la salle à manger de Mme Mann, où un repas de douze services avait été préparé selon la mode du pays.

À la suite de cette réception, le nouveau Directeur de la Banque de l'État dit à M. Mann : « Je n'étais pas ici lorsque les dons furent rassemblés pour l'École, mais si vous avez besoin de nouveaux fonds à l'avenir, veuillez m'en informer ».
Avec 70 garçons dans l'établissement, une école de filles qui n'a de place que dans la cour intérieure, des visiteurs à toute heure du jour, des malades venant chercher des remèdes et toute l'activité que réclame une église florissante, rien d'étonnant que la Maison missionnaire de Langehow soit toujours comble. L'établissement consiste en deux immeubles principaux, séparés l'un de l'autre par la chapelle qui les domine tous deux; les maisons n'ont pas d'étages, sauf les nouveaux bâtiments scolaires.

L'emplacement de la station située au centre de la ville est des mieux choisis. Chaque fois que la chapelle est ouverte au public, c'est-à-dire presque chaque jour, elle se remplit d'auditeurs attentifs, et si on pouvait y consacrer plus de temps, ainsi qu'aux tournées d'évangélisation à la campagne, l'oeuvre prospérerait encore plus qu'elle ne le fait actuellement. Dans les quinze premières années, les missionnaires ne purent constater que peu de vraies conversions, et, jusqu'aux sombres journées de 1900, il ne s'était pas célébré plus de dix baptêmes d'adultes, tandis que maintenant on compte plus de cent convertis qui prennent une large part dans les affaires temporelles et spirituelles de l'église.

L'École, qui se suffit à elle-même, est dirigée par un comité de trois Chinois et de deux étrangers. Les affaires de l'église sont discutées par les diacres avec l'aide du missionnaire en charge, il n'y a pas encore de pasteur indigène, mai, la congrégation en demande un, se déclarant prête à pourvoir à son entretien. En attendant ce moment, les diacres aident beaucoup pour les cultes comme pour l'oeuvre pastorale, sans réclamer aucun salaire. La question de la construction d'une nouvelle église les passionne, car la chapelle devient, trop petite pour le nombre des auditeurs.

Causant dernièrement avec M. Mann à ce sujet, l'un des membres lui dit qu'il donnerait volontiers 100 dollars dans ce but, un diacre présent en offrit 50 et un troisième s'inscrivit séance tenante pour 300 dollars.
En entendant cette offre, le premier venu augmenta son don, d'autres se joignirent à lui et en peu de minutes 800 dollars avaient été souscrits.
L'édifice coûtera évidemment plus que cela, mais les membres de l'église sont désireux de faire tout ce qu'ils pourront dans ce but (bien que plusieurs d'entre eux soient pauvres).
Très réjouissant aussi est leur empressement à aider leurs missionnaires dans la prédication au dehors, l'oeuvre d'évangélisation et les cultes du dimanche à la chapelle.

Peu après notre arrivée, un homme plutôt âgé revenait d'une tournée de colportage aux environs. Il avait promis de consacrer au Seigneur dix journées de son temps, étant trop pauvre pour donner autre chose, et après six journées de marche, il revenait chercher des livres, étant rempli de joie de ce que plusieurs avaient écouté son message.
Sa joie et son ardeur étaient encourageantes à voir. Il rapportait tout l'argent des livres vendus, ne gardant rien pour ses propres dépenses. « J'avais emporté, du pain avec moi, nous expliqua-t-il, c'est tout ce dont j'avais besoin puisque les gens m'offraient un abri pour la nuit. »
Chargé d'une nouvelle provision de livres qu'il paya immédiatement, il repartit au plus vite, désireux d'apporter la bonne nouvelle du salut à ceux qui ne l'avaient jamais entendue.
« Les temps de stérilité sont passés pour le Kansu, me disait l'un de mes amis avec actions de grâces, mais combien se fait sentir le besoin d'hommes et de femmes remplis de l'Esprit pour travailler ici ! »


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CHAPITRE V
Orient et Occident.

Au seuil de la Maison missionnaire ou dans les rues populeuses de la Cité, nos impressions furent entièrement différentes de ce que nous avions ressenti dans d'autres villes chinoises.
La vue de ces foules toujours en mouvement était pour nous un spectacle fascinant, et bien des questions se pressèrent sur nos lèvres à leur sujet. C'était comme si nous nous trouvions transportés tout à coup dans un monde beaucoup plus vaste que celui que nous venions de quitter.

Au Caire et à Damas, nous avions aperçu des figures semblables à celles-ci, mais comment expliquer leur présence dans ce coin reculé de la Chine?

Quelles relations existait-il entre cette province isolée et les Indes, la Perse et le Turkestan? La réponse est que nous sommes sur la Route, l'ancienne Grande Route partant de Langchow pour rencontrer, au coeur de l'Asie centrale, des voies semblables, venant de l'océan Indien. de la mer Caspienne et du Levant.
Telle est la clef du mystère, car Langehow, d'après le récent ouvrage du vicomte d'Ollone : Recherches sur les Musulmans chinois, se trouve être le point terminus oriental de la Route qui, durant des siècles, a relié les riches marchés de l'Orient à ceux de l'Occident. À Kashgar, ville située à 2.000 kilomètres de distance, cette route rejoint d'autres lignes convergentes, venant du Nord, du Sud et de l'Ouest, par lesquelles le flux et le reflux de la vie et du commerce se sont déversés depuis les premières périodes de l'histoire du monde jusqu'à maintenant. Par cette porte occidentale de la Chine, ces pays ont fait entrer leurs richesses dans les provinces populeuses qui avaient tant à leur donner en retour.

C'est pourquoi nous commencions à rencontrer sans trop d'étonnement, dans les rues et sur les places de la ville, le marchand hindou étalant ses soieries et ses perles, le pèlerin mahométan revenant de la Mecque, le Russe barbu du Turkestan et le Chantéo, coiffé du classique turban, arrivant des villes musulmanes de l'Asie centrale.

Quelle sensation de distances incommensurables nous apportaient ces hommes aux traits fortement accentués avec leurs lourdes bottes, leurs larges ceinturons, leurs coiffures élevées et leurs longues files de chameaux! Tout autres étaient ces gens vêtus de rouge que nous côtoyions ici pour la première fois, c'étaient des lamas arrivant des monastères thibétains ; puis des montagnards descendant de leurs pays sombres et mystérieux ; ces derniers, vêtus de peaux de brebis, avec leur chevelure inculte et l'expression de sauvagerie qui caractérise ces peuplades reculées, formaient un contraste frappant avec le luxe de la grande ville. Ils exerçaient sur nous une fascination bien plus grande que celle des foules mieux habillées; nous les examinions curieusement, et les suivions de loin, tandis qu'ils circulaient sur les places publiques et s'exprimaient avec animation dans leur étrange dialecte. Mais ces gens n'étaient pas nombreux et tant d'autres choses attiraient notre attention ! Nous fumes très surpris de découvrir que Langehow était également une place militaire d'une grande importance.
Nous savions déjà qu'étant le siège gouvernemental de la province, elle était tout naturellement le rendez-vous des classes dirigeantes, mais nous n'étions pas préparés à constater la place prépondérante qu'y occupait l'armée.

Des officiers et des soldats en brillants uniformes semblaient avoir pris possession de la ville; le son de la trompette retentissait à toute heure du jour, tandis qu'autour de la résidence du Gouverneur des troupes circulaient sans cesse. Il est vrai que cet état de choses provenait, en bonne partie de la crainte permanente que l'on avait d'une attaque du parti Musulman.
J'ajoute ici que cette appréhension fut écartée par le terrible tremblement de terre qui survint cinq jours après notre arrivée à Langehow.

La grande enceinte s'étendant devant le palais du Gouverneur était constamment occupée par une foule qui examinait les allées et venues des officiers; ça et là, des chevaux caparaçonnés tenus par des serviteurs vigilants attendaient leurs maîtres, tandis que par les portes largement ouvertes on apercevait les cours où se débattaient les affaires du pays. En dehors de cette enceinte se tient le grand marché cosmopolite dans lequel on peut tout acheter, depuis les cigarettes les plus modernes jusqu'au beurre renommé du Thibet. Plus loin commencent les beaux magasins de la rue principale avec leurs riches étalages de fourrures et leurs étoffes multicolores, tissées de la fine laine des chameaux teintes en couleurs merveilleuses.

Des magasins de chaussures et de chapeaux offrent un singulier mélange de marchandises anciennes et modernes, où les antiques brodequins de satin noir sont remplacées par des bottines de cuir jaune, et les vieilles coiffures du pays par des chapeaux de laine tricotée de toute forme et de toute couleur.

Quel soulagement pour nous de rencontrer ici ou là des boutiques à la vieille mode et de lire sur l'une d'elles l'enseigne familière : « Walking the Clouds Hall ».
Quant aux tissus, nous n'avons Jamais rien vu de semblable, car la rigueur du climat de cette ville du Nord motive plus de variété et de richesse dans les équipages et les costumes que dans les villes du Sud.
Les fourrures et le velours y sont d'un usage fréquent, décorant les selles des chevaux aussi bien que l'intérieur des chaises à porteurs ou des voitures privées. Quelques-unes de ces dernières étaient garnies de coussins aux couleurs chatoyantes bordés de renard blanc sur un fond se velours rouge. Les costumes sont en harmonie avec le reste. Et quelles superbes fourrures! Tous les trésors de la Mongolie et du Thibet, depuis les peaux tachetées et zébrées du léopard, jusqu'aux douillettes peaux d'agneaux noires ou blanches garnies de satin broché !

Mais tout ceci n'est qu'une partie des observations rapides faites en côtoyant cette foule cosmopolite et remuante. La pensée qui nous dominait était les besoins immenses de cette grande ville que nous aurions tant aimé gagner à Christ. Quel centre merveilleux elle pourrait devenir en tant qu'Église chrétienne parmi ces régions enténébrées ! Des milliers de jeunes gens sont établis ici pour leurs affaires, ou comme étudiants ou employés du Gouvernement, éloignés de leurs familles et en butte à de nombreuses tentations. Une Union Chrétienne de jeunes gens dirigée par de vrais chrétiens répondrait à un besoin urgent, dont la pensée nous poursuit constamment. Un homme bien doué pour cette oeuvre serait assuré de l'appui de nos chrétiens indigènes dont plusieurs ont le coeur chargé en pensant à ces jeunes gens obligés de dépendre d'auberges où les joueurs, les fumeurs d'opium et les actrices se rassemblent journellement.

Les soldats de l'armée permanente pourraient aussi être atteints par l'influence d'une Union Chrétienne. Ces besoins s'étaient imposés au coeur de William Borden, l'étudiant de Yale qui donna sa vie et sa fortune à Dieu pour l'oeuvre missionnaire et qui avait reçu un appel spécial pour le Nord-Ouest de la Chine. Sa mort prématurée au Caire, où il étudiait l'arabe dans le but d'atteindre les Musulmans du Kansu, a privé cette province de l'un de ses meilleurs amis et l'Union projetée de l'un de ses plus fervents adeptes. L'hôpital qui porte son nom conserve sa mémoire sur les bords du fleuve Jaune, mais qui nous rendra son coeur aimant, son esprit de prière et toits ses dons pour gagner à Christ les jeunes gens de cette ville! Que le Maître qu'il a si fidèlement aimé et servi veuille appeler et qualifier d'autres serviteurs pour cette oeuvre.

Une de nos premières courses fut d'aller visiter cet hôpital William-Borden; ce fut une entreprise difficile, car il est plus aisé de côtoyer la rivière que de la traverser.
Installés dans la voiture de Mme Mann, nous dûmes attendre longtemps aux abords du pont où la circulation est aussi intense que sur l'un des ponts de Londres.
Une autre cause de retard était que chaque véhicule doit attendre son tour pour s'emparer d'un trolley qui le conduit au delà du pont jusqu'à la foule des mulets, chameaux et conducteurs qui attendaient leur tour sur l'autre rive.
Les piétons se frayent avec peine un chemin jusqu'aux trottoirs des deux côtés du pont sur lesquels ils peuvent le traverser en quelques minutes.

Aux yeux des Chinois, c'est un exploit merveilleux que d'avoir remplacé l'ancien pont de bateaux, utilisable seulement en certaines saisons, par cette construction si solide que les plus lourdes charges réussissent à peine à l'ébranler, et si élevée qu'elle dépasse de beaucoup le niveau des plus hautes eaux.

En attendant notre tour de passer, nous nous amusions à observer les gens trop occupés pour faire attention à nous. Notre attention fut attirée par la vue d'immenses cols de fourrure, qui semblent très en vogue parmi les jeunes gens. Ces collets font tout le tour de la tête, dépassant même le chapeau et n'ayant qu'une seule ouverture, qui permet à son propriétaire de regarder devant lui. Plus nombreuses encore étaient les capes de fourrure de tous genres avec des espèces de pans destinés à protéger les oreilles, le cou et le front.
Pendant la chaleur du jour, ces pans peuvent être relevés, et sitôt que le soleil disparaît, ils sont baissés et l'on n'aperçoit plus que le nez et les yeux de la personne.

Durant ce temps d'attente, nous examinions aussi la rive opposée du fleuve. Le faubourg relié à la ville par le pont est long et étroit, parce que les montagnes qui s'élèvent depuis le fleuve ne laissent que juste la place nécessaire à l'établissement d'une rue. L'importance capitale de ce faubourg est qu'il est situé sur la fameuse route qui traverse la rivière à cet endroit et se prolonge jusqu'à l'Asie centrale.

De notre voiture nous apercevions plusieurs temples païens surplombant la rivière, car ces sommités du Nord sont des pèlerinages renommés. Ces temples sont disséminés depuis le fleuve jusqu'à la ligne d'horizon. Les plus importants dominent la rue principale, tandis que les autres occupent toutes les places disponibles du faubourg faisant face au Midi.

La situation de l'hôpital est superbe, bien exposée au soleil et jouissant d'un air excellent, seule la distance qui le sépare de la ville doit être un obstacle pour beaucoup de malades.
Les salles s'élèvent sur des gradins séparés les ans des autres par des cours, les femmes sont d'un côté et les hommes de l'autre.

La maison du docteur est au-dessus du bâtiment central et du dispensaire, elle, est reliée à la salle d'opérations et à la clinique privée par un passage couvert. Quelle joie ce fut pour nous de contempler la vue par ces fenêtres ait Midi, Jouissant de ce radieux soleil d'hiver et admirant ce fleuve majestueux qui charriait d'énormes glaçons descendant du Thibet; devant nous, au delà du fleuve, s'étendait la ville avec ses murailles à tourelles, ses portes massives et ses somptueux édifices. Nous ne pûmes voir que peu de chose du travail régulier de l'hôpital, car le docteur King était en vacances et le froid intense de la saison avait en bonne partie vidé les salles.

Le grand intérêt du moment était concentré sur un groupe de réfugiés russes qui venaient d'arriver.
Le père était un général russe de haute stature, à l'apparence ferme et décidée et dont les traits trahis aient quelque chose des terribles lutte qu'il avait traversées pendant ces deux dernières années. S'enfuyant devant la Terreur rouge, sans aucun moyen d'existence, il avait emmené avec lui sa femme et, ses deux filles de dix-huit et vingt ans et avait erré à travers les montagnes et les steppes jusqu'en Chine. La seule possibilité d'un pareil voyage était un vrai miracle. Les jeunes filles qui avaient enduré tant de souffrances étaient charmantes dans leurs simples vêtements de peaux d'agneaux et leur mère, toute épuisée qu'elle le fût, ne laissa paraître son émotion que lorsqu'elle entendit nos chants aux cultes du dimanche. Elle ne pouvait parler anglais et, pria ses filles de nous expliquer qu'elle ne pleurait pas de chagrin, mais de joie d'avoir retrouvé des enfants de Dieu et d'écouter nos chants. La partie la plus difficile de leur voyage, à certains égards, était encore devant eux lorsqu'ils partirent pour la côte, pourvus cette fois de tout ce qu'une chaude hospitalité, avait pu leur procurer. Trois jours plus tard ils atteignaient le district qui fut le plus ravagé par le tremblement de terre au moment où celui-ci avait lieu ; ils le quittèrent bientôt après ne laissant que ruines et désolations derrière eux. Depuis lors nous avons appris qu'ils ont atteint la colonie russe de Hankow où ils s'occupent à secourir d'autres réfugiés.


Table des matières

 

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