Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



À l'Image de Christ

XIV

Christ polémiste.

Matthieu V, 21-48; IX, 10-13; XII, 24-25; XV, 1-14; XVI, 1-4; XIX, 3-12; XXI, 23-46; XXII, XXIII.

Luc
VII, 36-50; X, 25-37; XI, 37-54; XII, 1; XIII, 11-17.

Jean
II, 18-20; V, VI, 41-65; VII, 10-53; VIII, 12-59.

 Les ministres du temple de la vérité, a-t-il été dit, appartiennent à trois catégories : 1° ceux qui stationnent à la porte et contraignent les passants à entrer; 2° ceux qui accompagnent les visiteurs dans l'enceinte du sanctuaire et leur servent de guide 3° ceux qui organisent des patrouilles autour du temple et défendent l'autel contre les attaques de l'ennemi. Dans la première de ces catégories nous trouvons le prédicateur, dans la seconde l'éducateur et dans la troisième, le polémiste.

I

Actuellement, la controverse a mauvaise renommée; son nom seul excite l'alarme et l'image du polémiste n'est rien moins qu'aimée ou admirée de la plupart des esprits. Celui que la Providence appelle à cette tâche rencontre moins qu'aucun autre serviteur de Christ la sympathie et l'estime des chrétiens, car ceux mêmes qui partagent ses points de vue, regrettent de le voir entrer dans une atmosphère de lutte. Ce tempérament du public a eu son résultat naturel. Les hommes capables hésitent et cherchent dans d'autres directions un moyen plus apprécié d'utiliser leurs talents. C'est pourquoi la controverse est tombée au pouvoir d'intelligences secondaires et les sujets vitaux pour l'avenir de l'Église ne trouvent aucun appui auprès des défenseurs dont le nom donnerait de l'autorité à la cause.

Il serait intéressant de remonter à la source de ce sentiment général, car il doit provenir de raisons sérieuses. C'est probablement une réaction qui s'est produite après une époque de polémique exagérée. Dans leur zèle pour la vérité, des hommes excellents ont parfois oublié d'être charitables; la controverse s'est envenimée sur des points insignifiants avec une violence que la défense des autels et. du foyer aurait pu seule excuser. Quand les hommes cèdent ainsi à leurs passions, ils perdent tout sens des proportions et ayant usé leur éloquence à propos de bagatelles, les mots leur manquent pour soutenir des causes vitales. De plus, leur influence est annulée; car l'esprit public, surexcité au sujet de questions indignes d'être discutées, refuse désormais de s'alarmer, même si la citadelle est en danger.

Cependant, les récits de la vie de Jésus nous donnent des pages entières de discours consacrés à la controverse. Il se peut que cette lutte fût éloignée de ses goûts, mais il n'eut pas moins à la soutenir toute sa vie et particulièrement aux derniers jours. Les plus éminents de ses serviteurs ont dû en faire autant; si le tempérament de Saint Paul le prédisposait au combat, Jean dut entrer dans la mêlée avec la même ardeur. Il est presque impossible de citer, dans toutes les confessions de l'Église chrétienne, un nom marquant qui ait pu s'en dispenser entièrement.

L'esprit du polémiste se distingue par une conviction joyeuse et ferme de posséder la vérité; l'erreur lui devient odieuse et fait naître en lui un désir ardent de l'anéantir. Christ s'empara du sceptre de la vérité et fut soutenu dans sa controverse par la passion généreuse d'arracher ses contemporains aux liens qui les retenaient dans l'erreur. Une crainte exagérée de la discussion ne serait-elle pas le signe que l'Église doute de la valeur intégrale du trésor qu'elle possède et qu'elle a perdu tout sens exact de la différence qui existe entre la vérité et l'erreur?

II

Il est vrai que l'esprit public établit des nuances dans les jugements qu'il porte sur les différentes controverses.
Un des devoirs de l'Église est de combattre l'erreur du dehors. Le christianisme est constamment assailli par des formes d'incrédulité qui s'élèvent les unes après les autres: à certains moments, c'est le déisme qui demande à être réfuté, puis le panthéisme, puis le matérialisme. La défense du temple de la vérité contre ces adversaires est assez populaire et reçoit une récompense peut-être excessive. Aussi, cette sorte de controverse est-elle cultivée parfois là où elle n'est guère utile; quand elle est nécessaire, elle peut être cependant de haute valeur et demande le plus grand talent pour s'y engager, car les problèmes apologétiques qu'a soulevés notre siècle n'ont pas encore été résolus.

C'est la controverse intérieure qui excite le plus d'alarme et d'aversion, et cependant c'est celle qu'entreprit Jésus et, plus tard, les plus éminents de ses disciples. Il serait désirable, nous le reconnaissons, que le bruit des armes ne fût jamais entendu dans le temple de la paix, mais à la condition que ce fût en même temps le temple de la vérité. Chez les Juifs, l'Église était devenue la forteresse de l'erreur. Jésus eut à attaquer tout le système ecclésiastique de son temps et une grande partie des doctrines reçues. Ce devoir est pour un esprit réfléchi un des plus pénibles à remplir; car la confiance accordée à ses guides spirituels par la masse qui n'a pas les loisirs ou la capacité d'étudier ces vastes sujets, est une des assises de l'édifice de la vie humaine; rien ne serait plus criminel que de l'ébranler sans raison; mais ce mal est quelquefois nécessaire et Jésus en jugea ainsi.

Le cas contraire peut se présenter : l'Église posséder la vérité et l'innovateur être absolument dans l'erreur. Alors, la place du polémiste chrétien est du côté de l'Église contre celui qui cherche à la séduire. Cette tâche demande aussi le plus grand tact et reçoit une récompense minime, car celui qui cherche à préserver l'Église des dangers intérieurs risque d'être exclu de son sein et flétri du nom odieux d'hérétique. Il n'est donc pas toujours facile pour un chrétien de voir clairement son devoir entre l'alternative d'attaquer l'Église elle-même ou celle de la défendre.

III

Jésus et les docteurs juifs avaient un arbitre commun auquel ils référaient dans leurs discussions. Tous reconnaissaient dans l'Ancien Testament la parole de Dieu. Ceci donna une couleur spéciale à l'enseignement de Christ parmi les Juifs; il s'adressait à eux comme il n'aurait pu le faire à d'autres et son oeuvre en était simplifiée. Sa supériorité se faisait sentir par une connaissance plus intime des Écritures, bien qu'ils fussent les intellectuels de la nation et que l'Ancien Testament fût leur livre classique, tandis que Jésus n'avait jamais étudié. Mais son amour intense pour la parole de son Père et l'ardeur qu'il mettait à s'en pénétrer, faisaient de lui un maître sur leur propre terrain. Sa mémoire lui fournissait le passage approprié à chaque situation; parfois, en citant la parole qui devait réfuter leurs arguments, il raillait leur prétention de connaître la Bible, en leur disant: « N'avez-vous jamais lu ? » et dans des moments plus solennels: « Vous vous trompez, ne connaissant pas les Écritures. »

Il ne se fiait pas seulement à sa connaissance de la lettre, méthode du polémiste inférieur qui se contente d'opposer un texte à un autre texte et se retire satisfait s'il a pu en citer un de plus que son adversaire. Ce genre de controverse est stérile et sans valeur. Le lutteur sérieux fait plus qu'emmagasiner des textes; il possède une compréhension générale des principes scripturaux, une expérience religieuse qui en éclaire le sens; la communion personnelle dans laquelle il vit avec Pieu revêt son oeuvre d'une grave dignité.

L'esprit de Jésus s'élevait ainsi au-dessus de la lettre de l'Écriture et la maniait avec une aisance et une liberté consommées; rarement il citait un texte de l'Ancien Testament sans en révéler le sens profond et nouveau, comme si, à son contact, l'enveloppe se fût déchirée pour mettre au jour la pierre précieuse qu'elle recelait. Quelquefois, il dégageait de l'ensemble de l'Écriture un principe qui semblait dissoudre et même contredire la lettre simple (Matth. V, 31-33) car, tout en aimant et respectant de toute son âme la parole de son Père, il savait être personnellement l'objet d'une révélation dans laquelle, disparaîtrait l'ancienne, comme la lumière des étoiles s'éteint aux premières lueurs de l'aube nouvelle.

Mais Jésus ne se servait pas de l'Écriture seule. Un polémiste de bonne marque doit être capable de faire au simple bon sens et à la raison un appel dégagé de toute pédanterie savante et de citations étrangères. S'il peut l'enchâsser dans un trait spirituel ou une épigramme qui la grave dans le souvenir, l'effet en est irrésistible sur un auditoire populaire. Jésus possédait ce don à un haut degré ; nous en avons maintes preuves et une des plus frappantes est ce mot devant lequel ses adversaires furent émerveillés et le quittèrent: « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

IV

Toute énumération des devoirs actuels des polémistes serait incomplète, si elle ne plaçait au premier rang le respect dû à l'adversaire. Quelle que soit la sévérité permise à l'égard des arguments, il faut que la personne soit traitée avec considération et ses motifs jugés honorables. Rien n'est plus juste que cette règle. Nous ne connaissons nos semblables que superficiellement et, quand la colère nous saisit, elle nous rend aveugles à leurs mérites. D'un autre côté, nous nous connaissons si bien qu'il serait sage d'hésiter avant de jeter la pierre à autrui. Nul ne possède la vérité tout entière et un adversaire peut la voir sous un angle qui nous est caché. Dieu a révélé quelquefois la vérité à l'Église par moitiés réparties entre des esprits différents dont la première rencontre allume un conflit; mais quand l'incendie devient général, il réunit dans une fusion parfaite les éléments opposés.

Cette règle n'est cependant pas sans exception, puisque Jésus lui-même l'enfreignit. Nous ne savons si au début de sa carrière il témoigna une considération plus grande à ses adversaires, mais, vers la fin de sa vie, sa censure devint ardente et il versa sur les Pharisiens, les scribes et les prêtres un torrent de mépris dont la véhémence n'a jamais été égalée.

Certes, l'estime que nous avons du caractère d'un homme a une grande influence sur la valeur que nous attribuons à ses opinions. Quelquefois, nous savons sur un adversaire certains détails qui privent sa parole de toute autorité et que nous n'osons révéler au public. Taudis qu'il parle ou écrit avec assurance sur des sujets religieux, il nous paraît dépourvu de la seule faculté qui donne une réelle clairvoyance intérieure et bien décidé à ne pas confesser la vérité, même s'il la connaissait, parce qu'elle serait sa condamnation; Jésus répéta souvent aux docteurs juifs qu'il leur était impossible de le comprendre, parce qu'ils manquaient de sympathie morale pour la vérité, leurs intérêts matériels étant revêtus d'un système d'hypocrisie que leurs arguments servaient à défendre. Dans de pareils cas, à moins que le devoir ne soit évident, il est prudent de suspendre notre faible jugement humain, sujet à erreur; Jésus, lui, pouvait se fier au sien, et à la fin il détruisit toute l'autorité de ses adversaires en dévoilant publiquement leur caractère,

V

Dans le feu même de la plus ardente controverse, l'indice d'un meilleur esprit ou un trait de sincérité rencontré chez un antagoniste arrêta parfois l'attention de Jésus.

Il y eut dans sa vie un jour de grande lutte auquel tous les évangélistes ont accordé une attention particulière. Ce fut un des jours de la semaine qui précéda ses souffrances; ses ennemis avaient formé une puissante ligue destinée à précipiter sa confusion et sa perte; les Scribes étaient là, les Sadducéens même qui feignaient de l'ignorer habituellement, étaient sortis de leur hautaine indifférence, et, pour une fois, les Pharisiens et les Hérodiens qui se haïssaient, s'étaient unis dans un but commun. Ils avaient préparé de longue main les questions d'épreuve et choisi leurs champions qui, l'un après l'autre, lui livrèrent assaut dans le temple.
Mais ce jour fut pour eux un jour de défaite et d'humiliation; car il les réfuta si complètement que « nul ne fut capable de lui répondre et aucun homme n'osa plus de ce jour lui adresser des questions ». - Au milieu même de cette scène excitante s'avança un polémiste que Jésus traita tout autrement que ses collègues. Cet homme semble n'avoir connu de Christ que le mal qu'il entendait dire de lui; c'était un scribe et, son parti ayant adopté dans cette occasion une attitude hostile, il était forcé de le soutenir. Il considérait Jésus comme un faux conducteur du peuple qui méritait d'être démasqué, et il était venu pour cela. Tandis qu'il attendait son tour, les réponses qu'il entendit sortir de la bouche de Jésus ébranlèrent son opinion préconçue; leur justesse ne confirmait en rien l'indignation qui l'avait poussé au combat, ou, du moins, c'est-ce qui paraît ressortir du ton de la question insignifiante qu'il lui adressa: « Quel est le premier commandement? » - C'était une des thèses d'argumentation habituelles aux écoles rabbiniques, et notre scribe croyait sans doute y déployer quelque supériorité. Cependant Jésus avait discerné dans son regard ou sa personne une expression sympathique, car, au lieu de le confondre et de l'humilier comme il l'avait fait pour ses autres adversaires, il lui répondit gravement: « Le premier de tous les commandements est: Écoute, Israël; Je suis l'Éternel ton Dieu : tu adoreras ce Pieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta pensée. Ceci est le premier commandement. Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas de plus grand commandement. »

Cet enseignement nous est familier et nous l'entendons sans être impressionnés. Mais il n'est pas difficile de se représenter avec quelle majesté et quelle puissance irrésistible il s'imposa à un esprit qui y était initié pour la première fois. Il semble qu'en un instant son attitude agressive fut transformée en un intense sérieux moral. Non seulement ses arguments tombèrent, mais son âme s'ouvrit à cette parole qui alla droit à sa conscience; et l'écho clair et prompt qu'elle lui renvoya fut: « Maître, tu as dit la vérité ; car il y a un seul Dieu et il n'y en a pas d'autre que lui; l'aimer de tout son coeur, de toute son âme et de toute sa pensée, et aimer son prochain comme soi-même vaut mieux que toutes les offrandes et les sacrifices. » - Cet homme avait oublié dans sa noble réponse le « rôle » qu'il était venu jouer, ses collègues et tout ce qu'ils attendaient de lui; il laissa parler son coeur et rendit hommage à la dignité morale du Christ. Jésus remarqua ce changement avec une profonde joie intérieure et lui dit : « Tu n'es pas loin du royaume de Dieu. »

C'est là un grand exemple. Les attaques intransigeantes de la controverse réduisent à une opposition permanente ceux qu'un peu de douceur aurait attirés. Des hommes dont le coeur est inconsciemment favorable au christianisme sont enrôlés, peut-être, dans les rangs adversaires, et le disciple de Jésus doit être capable de discerner toute sympathie secrète et de lui aider à trouver son expression. Prouver aux hommes qu'ils sont hors du royaume est tâche aisée; mais laisser entrevoir le seuil qu'un ou deux pas suffiront à franchir est infiniment préférable. Le triomphe d'une polémique impitoyable peut satisfaire le coeur naturel; la charité compréhensive et sympathique nous rapproche du Maître autant que le permet notre nature humaine.


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