Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



À l'Image de Christ

XIII

Christ éducateur.

Matthieu IV, 18, 19; IX, 9, 14-17; X, XII, 1-3, 49; XIII, 10, 11, 16-36; XV, 15-16, 23-24, 32, 36; XVI, 5-28; XVII, XVIII, 1-3, 21-22; XIX, 13-30; XX, 17-19, 20-28; XXVI, 21-22, 26-36,56; XXVIII, 7, 10, 16-20.

Marc
III, 14; IV, 34; VI, 30-32; IX, 35-41; XVI, 7.

Luc
IX, 54-56; X, 1-17; XI, 1; XXIV, 36-51

Jean
II, 11-12; IV, 2; XIII, XVII.

 I

Les fonctions d'éducateur sont plus limitées que celles du prédicateur: celui-ci s'adresse aux multitudes, celui-là concentre son attention sur un nombre restreint de disciples. Les auditoires auxquels s'adressait Jésus comptaient des milliers d'âmes; les hommes qu'il prépara au ministère ne furent que douze. Et cependant, les résultats obtenus par lui dans ce domaine, égalent en valeur ceux du prédicateur.

Le titre de pédagogue avait été honoré avant le Christ par des hommes remarquables. Socrate, Platon, Aristote et d'autres maîtres célèbres qui illustrèrent les écoles de philosophie de la Grèce, entretinrent avec leurs disciples des relations semblables à celles de Jésus avec les siens. Chez les Juifs, dans les écoles de prophètes dont nous parle l'Ancien Testament, les « hommes de Dieu » étaient les maîtres des fils des prophètes. Jean Baptiste, en dehors de ses prédications, forma des disciples qui le suivaient.

Le terme grec qui désigne habituellement les disciples de n'importe quel maître se traduit littéralement par: « ceux qui sont autour de lui. » De même, il nous est dit dans l'Évangile que « Jésus choisit les Douze afin qu'ils fussent avec lui. » Cette seule circonstance a dû nécessairement limiter le nombre des disciples; une petite minorité seulement pouvait abandonner son travail et sa demeure pour le suivre, car ses habitudes itinérantes les obligeaient à renoncer à leurs occupations régulières. Quelques-uns semblent s'être attachés à lui d'une façon intermittente; il est question dans une occasion de cent-vingt disciples et dans l'autre de soixante-dix; mais lui-même n'en choisit que douze pour être toujours avec lui et participer à son oeuvre.

Une autre raison décidait de la limitation stricte de leur nombre. Un éducateur doit connaître ses disciples et les étudier, comme une mère observe le tempérament de chacun de ses enfants. Tandis que le prédicateur s'adressant à la foule, tire ses flèches au hasard et s'abstient de toute allusion particulière, le pédagogue adresse ses remarques et ses questions à chaque individu, et doit connaître pour cela la personnalité mentale de tous. C'est pourquoi les noms des douze ainsi que leurs relations mutuelles nous sont fidèlement rapportés par les évangélistes.

Cette réunion d'hommes renfermait une grande variété de dispositions, des degrés très divers de maturité d'esprit; malgré cela, il parait évident que le Maître étudia chaque caractère et, suivant les cas, usa d'un traitement différent. Sa conduite affectueuse avec Jean convenait au tempérament de ce disciple aussi bien que la patience et le tact dont il usa avec Thomas.

Mais le couronnement de son activité dans ce domaine fut l'éducation de Pierre. Comme il l'avait compris! Il dompta les éléments tumultueux et flottants de ce caractère, ainsi qu'un parfait cavalier le ferait d'un cheval de race. Il donna à une nature aussi mobile que l'eau la consistance du roc et, sur ce roc, il bâtit son Église. Des résultats semblables furent obtenus dans tout le cercle apostolique. À l'exception du traître, chacun des Douze, grâce à l'éducation qu'il reçut du Maître, devint un piller dans l'Église et une puissance dans le monde.

Jésus combina l'oeuvre du prédicateur et celle du pédagogue. La première aurait pu facilement absorber tout son temps et ses forces; les multitudes le réclamaient à grands cris, son coeur était touché de leur misère et cependant, il consacra la plus grande partie de son temps à l'éducation de douze hommes! Nous aimons trop le nombre, nous mesurons à cela le succès d'un ministère et c'est l'erreur de beaucoup de serviteurs de Dieu.

La différence entre l'étendue et l'exiguïté, a dit un sage, petit se comparer à celle qui existe entre un marais et une rivière. Cette curieuse remarque est justifiée dans le cas actuel. Si la quantité moyenne de force qui est en nous se répand sur une trop grande surface, elle peut être aussi superficielle dans ses résultats que la couche d'eau qui recouvre un marais; mais, limitée à une tâche plus restreinte, elle est semblable à la rivière qui court entre ses rives resserrées et met en mouvement les roues du moulin. Si l'influence personnelle se répartit sur une multitude, l'action exercée sur chacun sera minime, mais si elle se concentre sur douze, six ou même un seul homme, les effets peuvent en être profonds et durables. Des intelligences incapables de s'adresser à la foule peuvent agir fortement sur les individus; peut-être à la fin, leur oeuvre sera-t-elle aussi féconde en résultats que celle d'hommes plus brillamment doués.

II

L'enseignement de Christ aux Douze fut, dans une certaine mesure, pareil à celui qu'il donnait à la multitude. Toujours et partout avec lui, aucun de ses discours publics ne fut perdu pour eux; de plus, une grande partie des conversations privées qu'il eut avec eux servait à compléter les exhortations adressées à la foule. Témoins de tous les miracles, quelques-uns des plus grands, tels que l'apaisement de la tempête, furent accomplis en leur seule présence et à leur bénéfice. Cette répétition constante des plus solennelles impressions leur fut un avantage considérable.

Mais l'originalité de l'enseignement du Maître à ses disciples, se manifesta surtout par la liberté avec laquelle ils lui posaient des questions. Chaque fois qu'un point de ses discours leur était obscur, ils lui en demandaient l'explication; si la vérité ou la sagesse d'une affirmation leur paraissait discutable, ils émettaient librement leurs objections et il les éclairait. Au début de son ministère et maintes fois par la suite, ils s'informèrent du sens d'une parabole incomprise. À l'ouïe de son jugement sévère sur le divorce, ils lui dirent : « S'il en est ainsi, il vaut mieux pour un homme n'être pas marié » et ils provoquèrent par là un développement plus complet du sujet. Quand ils entendirent cette parole, qu'il est plus aisé à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu, ils s'écrièrent : « Qui peut être sauvé? » et Jésus leur parla longuement du danger des richesses temporelles. Bref, il nous est dit que lorsqu'il était seul avec eux, « il expliquait toutes choses à ses disciples ».

Il fit plus encore; il enveloppa, son enseignement d'obscurité et de paradoxes pour exciter leur tendance à questionner. La parabole était un voile jeté sur la vérité, dans le but de tenter la curiosité des auditeurs et de les inciter à contempler par eux-mêmes la beauté à demi révélée. Un pédagogue n'a rien fait s'il n'éveille dans les esprits une activité personnelle. Tant que le disciple reste passif, la vraie éducation n'a pas encore commencé. C'est quand l'intelligence se met à travailler sur un sujet, se heurtant à des problèmes auxquels la vérité seule fournira une solution, que le développement et le progrès se produisent, et les paroles de Christ déposaient un ferment actif dans l'esprit de ses disciples.

Socrate, le plus sage des païens, usait de la même méthode. L'interrogation jouait un rôle considérable dans son enseignement. Au disciple novice, il posait une question sur un sujet que celui-ci croyait posséder à fond : la justice, la tempérance ou la sagesse. La réponse provoquait une seconde question, destinée à ébranler sa conviction. Puis Socrate continuait, traitant le sujet sous vingt points de vue différents, jusqu'à ce que le disciple dût convenir que ses propres opinions n'étaient qu'un tissu de contradictions et le résultat d'études mal digérées.

Les deux méthodes avaient le même but: exciter l'activité individuelle, mais il y a entre elles une profonde différence. Socrate posait des questions auxquelles ses disciples cherchaient à répondre; Jésus amenait ses disciples à l'interroger eux-mêmes. Après tout, l'école de philosophie ne se proposait qu'une gymnastique mentale dans laquelle la qualité des réponses importait peu. Beaucoup de philosophes ont avoué que le but principal poursuivi par eux est la vigueur intellectuelle obtenue par ce travail; on connaît ce mot de l'un d'eux: « Si la Divinité m'offrait d'une main la recherche du vrai et de l'autre la vérité elle-même, je choisirais la première sans hésitation. » Ce peut être une sage parole dans la bouche d'un philosophe, mais Jésus enseignait la vérité qui sauve. Si l'esprit se discipline forcément à cette recherche, elle ne peut suffire à le satisfaire ; il nous faut une réponse aux grands problèmes de l'âme. C'est pourquoi, tandis que Socrate questionnait, Jésus répondait, et c'est à lui qu'après avoir erré dans les ténèbres du doute et de l'inquiétude, les hommes reviendront toujours pour trouver la lumière : « Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle. »

III

Dire que le but de Christ lorsqu'il entreprit l'éducation des Douze aurait été de s'assurer des successeurs est un peu exagéré car, dans son oeuvre principale, - l'achèvement de la rédemption par ses souffrances et sa mort, - il n'eut et n'aurait pu avoir de successeur. Tout était accompli et la tâche n'était pas à reprendre.

Mais ceci bien établi, il nous est peut-être plus facile d'exprimer son activité pédagogique en disant qu'il forma ses continuateurs. Quand il quitta la terre, ils eurent à défendre la cause qu'il avait fondée et à la lancer dans le monde. Dès le début de son ministère, Jésus avait eu en vue cette fin, et, en dépit de ses préoccupations absorbantes, il se consacra à la préparation de ceux qui devaient le remplacer après son départ.

Il les employa tout d'abord à des fonctions subalternes; il nous est dit expressément par exemple que « Jésus ne baptisait pas lui-même, mais ses disciples ». Après qu'ils eurent vécu plus longtemps avec lui et que leur maturité chrétienne se fût quelque peu développée, il les envoya travailler sous leur propre responsabilité. Ils firent des voyages, prêchant, guérissant les malades, et retournèrent pour lui rendre compte de leur mission et recevoir de nouvelles instructions. De cette manière, ils furent appelés quelquefois à labourer le terrain dans lequel le Maître devait jeter la semence de vie éternelle. Mais surtout, leur puissance s'accrut et leur foi se fortifia en vue du jour où ils se trouveraient seuls pour fonder l'Église et conquérir le monde en son nom.

Un des traits qui distinguent le vrai christianisme est l'intérêt qu'il éveille en nous, non seulement pour les grands événements du passé, mais aussi pour l'avenir.

L'homme ordinaire se soucie peu des temps futurs, en dehors de ce qui concerne directement sa propre descendance ; pourvu qu'il soit heureux, il demeure indifférent aux destinées du monde après sa mort. Il n'en est pas ainsi du chrétien. Il s'intéresse à une cause qui lui survit et qu'il retrouvera dans une étape postérieure de son existence. L'espérance du règne futur de Christ nous attache aux générations qui poursuivront cette oeuvre après nous.

En préparant de jeunes forces à travailler avec enthousiasme à une cause, on peut faire oeuvre plus utile qu'en y dépensant sa propre énergie. L'Église chrétienne moderne a un besoin pressant d'hommes disposés à guider dans leurs premiers pas les bonnes volontés isolées, à leur signaler les postes inoccupés, et à adapter chaque talent à sa tâche. L'initiateur intelligent fournira peut-être au service de Christ des forces qui dépasseront de beaucoup les siennes, ainsi que le fit Barabbas quand Il assura à l'Église le concours de Paul.

IV

À notre époque, la vocation qui rappelle le plus l'oeuvre de Christ éducateur est celle de professeur de théologie. Les étudiants de nos facultés en sont au même degré spirituel que les Douze avant qu'ils eussent commencé leur ministère et les relations de Christ avec eux, étudiées avec soin, jetteraient une clarté nouvelle sur celles qui doivent exister entre professeurs et étudiants.

La grande valeur des rapports entre les apôtres et leur Maître fut dans le simple privilège qu'ils eurent d'être avec lui, de contempler jour après jour cette vie merveilleuse et de s'imprégner insensiblement de l'influence de son caractère. Saint Jean, bien des années plus tard, au souvenir de cette expérience de trois ans, la résume en ces mots: « Nous avons vu sa gloire ! » Le terme grec dont il se sert désigne le « shekinah » qui brillait au-dessus du trône de miséricorde. Tandis qu'ils erraient avec lui à travers la Phénicie et la Palestine, dans l'intimité de ces longues causeries sur les collines de Galilée, ils eurent souvent l'impression que le Très-Saint leur était dévoilé et qu'ils contemplaient la beauté absolue.

Le principal défaut de l'enseignement théologique actuel, est l'absence de ces relations personnelles entre professeurs et étudiants. Ce serait à la vérité une épreuve difficile. Il n'y a pas d'yeux plus scrutateurs que ceux des jeunes; admis dans la vie privée d'un homme, ils font aussitôt l'inventaire de ses ressources. S'ils croient en un professeur, ils l'adorent comme un héros, mais leur mépris est incommensurable s'ils ont perdu confiance en lui. Ils peuvent être éblouis par une réputation, mais la solidité du caractère et des connaissances est le seul moyen de s'imposer définitivement à eux.

De notre temps, un homme a cependant osé entretenir avec ses étudiants des relations suivies, sans timidité ni réserve.
Le professeur Tholück est connu, de nom tout au moins, de tous ceux qui ont quelque teinture de théologie. Ses nombreux ouvrages d'apologétique et d'exégèse lui assurent un rang honorable parmi les écrivains évangéliques du siècle. Il est placé plus haut encore comme réformateur. Tholück a fait pour l'église luthérienne une oeuvre pareille à celle de Wesley dans le sein de l'église d'Angleterre, Chalmers en Écosse et Vinet dans la Suisse romande. Il combattit et réduisit à néant le vieux rationalisme et, aux premières années du XIXe siècle, donna à la religion évangélique un grand élan dans son pays.

La méthode qui lui servit à obtenir ce résultat lui donne un titre au souvenir de l'Église chrétienne. À peine converti et installé dans sa chaire de professeur d'université, il commença à nouer avec ses étudiants des relations d'un genre tout nouveau en Allemagne. Non satisfait de son enseignement général, il rit la connaissance personnelle de chacun d'eux, dans le but de les gagner à Christ. Il les invitait à se promener avec lui, les visitait dans leurs chambres, les réunissait chez lui deux fois par semaine pour la prière, l'étude des Écritures et des oeuvres missionnaires. Avec le temps, ses auditoires augmentèrent et la tâche devint considérable, mais son dévouement ne se lassa jamais. Dans la période la plus active de sa vie, quand il préparait des conférences qui attiraient des foules d'étudiants, et publiait des livres dont la réputation fit le tour du monde, il passait régulièrement quatre heures par jour en promenade avec quelques-uns d'entre eux et les invitait à sa table. Il ne faisait pas oeuvre superficielle; il n'était pas de ceux qui croient avoir rempli tous leurs devoirs spirituels vis-à-vis d'un homme, s'ils ont abordé une fois avec lui, sans préparation, le sujet religieux. Il trouvait difficile de gagner la confiance des jeunes gens et entrait souvent en matière très indirectement. Il était plein de gaieté et d'intelligence, mettait à l'épreuve l'esprit de ses élèves par les plus étranges questions, et ceux qui avaient en le privilège de se promener avec lui répétaient, des semaines durant, ses saillies et ses bons mots.
Sa curiosité intellectuelle était très grande ; il savait attirer chaque interlocuteur sur le terrain le plus favorable à l'épanouissement de ses facultés et pouvait lui donner des renseignements inappréciables sur les livres à consulter et les méthodes de travail à suivre. Il s'efforçait de stimuler la pensée dans tous les sens et plus d'un étudiant lui fut redevable de l'éveil de son intelligence. Il ne négligeait pas leurs besoins matériels et peu de professeurs ont fait autant de bien à la jeunesse pauvre. Malgré cela, ses yeux étaient fixés sur un objet vers lequel il tendait constamment, - le salut personnel de chacune de leurs âmes.

Il eut sa récompense. Pendant sa vie, sa renommée s'était répandue au dehors, mais la publication de sa biographie a fait connaître toute la profondeur de son action. Dans ses papiers, l'on trouva des centaines de lettres d'étudiants et de pasteurs qui le regardaient comme leur père spirituel, et, parmi ceux qu'il avait convertis, se trouvent quelques-uns des noms les plus illustres dans l'histoire de la littérature allemande du siècle. Les chaires de professeurs en Allemagne sont occupées actuellement par un grand nombre de ministres de l'Évangile qui lui doivent leur vocation.

Pourquoi une vie pareille nous semble-t-elle si originale et exceptionnelle ? Pourquoi ne se répète-t-elle pas dans d'autres sphères, dans les bureaux, les ateliers et les écoles aussi bien que dans l'Église et l'université? Tholück expliquait le secret de sa vie par cette simple phrase: « Je n'ai qu'une passion, c'est Christ ! »


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