Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



À l'Image de Christ

X

Christ philanthrope.

Matthieu IV, 23-24; VIII, 16-17; IX, 35-36; X, 18; XI, 4, 5; XIV, 13,14,36; XV, 30-32; XIX, 21; XXI, 14; XXV, 34-40; XXVI, 8-11.

Marc
VI, 54-56; X, 21.

Luc
X, 12-17.

Jean
XIII, 29.

I

Le titre de philanthrope, appliqué à Christ, semble renfermer un sens lin peu trop laïque pour être parfaitement juste.

Quelques mots ont une destinée malheureuse: l'usage courant les a vulgarisés et déviés de leur sens primitif. Le mot « charité », par exemple, qui, à l'origine, signifiait « amour », aurait dû devenir le terme correspondant à la plus haute forme de l'amour, celle qu'alimente l'union avec Christ. Ainsi l'entend l'apôtre, dans le XIIIe chapitre de la première épître aux Corinthiens et une pareille autorité aurait dû déterminer l'usage chrétien. Mais cette fortune lui fut refusée et charité est aujourd'hui synonyme d'aumône.

De même, l'usage a rabaissé le mot de philanthropie, en le limitant au bien matériel fait aux hommes, par opposition à leur bien spirituel; cette restriction n'existait pas autrefois et c'est dans le sens général d'amour des hommes que l'Écriture l'applique à Dieu lui-même : la traduction littérale d'un passage bien connu de l'épître à Tite se rend ainsi: « Mais lorsque la bonté et la philanthropie de notre Dieu sauveur fut révélée... » (Tite III, 4.)
Ici, le mot de philanthropie implique, non les bienfaits matériels, mais la miséricorde de Dieu pour les âmes, qui se manifesta par le baptême de la régénération et le don du Saint-Esprit.

C'est ainsi que se déploya la philanthropie de Christ: son oeuvre et ses souffrances eurent pour but principal le salut des hommes, tandis que sa préoccupation, si réelle pourtant, de leurs douleurs physiques et de leurs besoins matériels resta secondaire.

Il est difficile de comprendre pourquoi le bien, accompli pour l'amour des âmes, ne serait pas honoré de ce terme de philanthropie. Au point de vue chrétien, il est inspiré par une bonté supérieure et ne peut négliger, dans son action, les questions matérielles. Dans les missions intérieures et étrangères, la connaissance de l'Évangile qui sauve les âmes renferme, comme une conséquence inévitable, la lutte contre l'injustice, la pauvreté et l'ignorance.

Si l'amélioration des misères matérielles, à l'exclusion de tout but spirituel, confère seule le droit au titre de philanthrope, il doit évidemment être refusé à Jésus. Il éprouva toujours la plus grande sympathie pour les souffrances physiques de l'homme, mais il les subordonna à celles de l'âme. Son amour s'étendait à l'homme tout entier, corps et âme ; il aimait en lui l'oeuvre de Dieu, l'image de Dieu et l'objet de l'amour de Dieu.

La philanthropie dans son sens le plus élevé doit voir Dieu ou, selon l'expression plus générale des chrétiens, Christ dans l'homme : - « Tout ce que vous avez fait au moindre de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait. » Ce sont les paroles de Christ lui-même. Le plus humble des pécheurs est un être que Dieu aime, pour lequel Christ mourut et qui peut devenir un héritier de sa gloire. C'est de ces sources profondes de conviction que s'alimente une saine et haute philanthropie.

II

Il serait injuste de dire que la philanthropie active soit toujours l'apanage de ceux qui professent la sainteté. Jésus lui-même nous donne un avertissement significatif du contraire dans la parabole du bon Samaritain. Le prêtre et le lévite passèrent à côté du malheureux voyageur sans le secourir, tandis que la bonté du coeur se rencontra chez un homme vulgaire, un simple laïque.

L'histoire ne nous fournit que trop d'exemples qui confirment cette parabole. Combien de fois des incroyants ont-ils redressé des torts, des mains profanes ont-elles secouru l'indigence, tandis que ceux que leur vocation appelait à ce service sont restés impassibles et négligents?

Parfois même, l'amour de Dieu semble éteindre chez quelques chrétiens toute sympathie pour les hommes. Mais un des grands services que Jésus rendit au monde, fut de mettre en harmonie la religion et la morale. Il ne permit pas qu'un zèle peu éclairé s'autorisât du nom de Dieu pour mépriser l'humanité; il enseigna que celui-là seul aime Dieu qui aime aussi ses frères.

À notre époque, ces idées qu'il associa se retrouvent séparées. La philanthropie athée est une innovation moderne; beaucoup d'hommes qui ne croient ni en Dieu, ni en Christ, ni à la vie éternelle, font d'une vie de sacrifice à autrui le summum de la morale. Ils confessent que Christ apporta au monde cet idéal, mais affirment que le moment est venu de secouer son autorité et d'aimer l'homme pour lui-même. Ils prétendent trouver en la créature, dégagée de toute association divine, un objet suffisant au sacrifice d'une vie entière; la brièveté même de son existence leur est un motif pressant d'activité, puisque c'est ici-bas ou jamais qu'elle doit être secourue.

Si ces mobiles sont assez puissants pour entraîner leurs adhérents à une lutte constante et personnelle avec les problèmes de la misère et du crime, tout chrétien doit implorer pour eux l'aide de Dieu. Ce champ d'expériences est si vaste et si effrayant qu'il faut se garder d'en éloigner aucune bonne volonté, d'où qu'elle vienne. Nous pouvons même reconnaître de vrais disciples dans le nombre de ceux qui ne se réclament pas du nom de Christ; mais, là où existe une opposition radicale, notre simple raison ou les faits acquis jusqu'à présent, nous laissent un peu sceptiques quant au résultat du travail. Le coeur naturel renferme sans doute un amour de l'homme pour l'homme qui, bien dirigé, accomplira ici et là des miracles; la bonté de ceux qui ne professent aucune religion extérieure couvre parfois les chrétiens de confusion; mais d'un autre côté, la force naturelle que doit combattre la philanthropie est d'une grande puissance. C'est l'égoïsme, cet instinct universel qui pousse l'individu à chercher son propre intérêt aux dépens des autres, qui fait dominer le fort sur le faible et la masse sur la minorité. Cette force existe dans tout coeur humain; elle pénètre les communautés aussi bien que les individus, elle est incorporée dans les coutumes et les lois; elle fait naître à chaque époque de nouvelles formes du mal et l'on pourrait dire qu'elle règne sur le mal. Il faut, pour la dominer dans nos coeurs, un changement profond que Dieu seul peut produire en nous communiquant sa propre nature, qui est l'amour.

Dans l'enseignement du Christ, la destinée immortelle de l'homme, l'étincelle divine que peut allumer en lui le rapprochement avec Dieu, revêtent l'être le plus misérable d'une telle noblesse, que la charité s'impose avec une autorité absolue à la conscience du croyant.

Mais, s'il est dépouillé de la grandeur et du mystère dont l'entourait le christianisme, de sa confiance dans l'amour céleste, de la valeur infinie que donnait à son âme l'assurance d'un développement éternel, que restera-t-il à l'homme qui puisse inspirer a ses semblables le respect, cette base essentielle de toute oeuvre philanthropique ?

D'après le raisonnement des agnostiques, la brièveté de l'existence donne au malheureux un droit incontestable à une prompte assistance, mais qui sait si dans une société incrédule, l'argument ne pourrait être retourné et les coeurs égoïstes se rassurer par la pensée que des souffrances sitôt finies importent peu?

La philanthropie athée prit naissance dans la génération qui précéda la révolution française. Les prophètes du temps prédisaient une ère de fraternité et de paix dans laquelle tout égoïsme, toute cruauté, toute injustice disparaîtraient. Quand leur enseignement eut fait son oeuvre, le fruit en fut la révolution elle-même, dont les abus donnèrent à notre race humaine un aperçu inoubliable des profondeurs mauvaises qu'elle recèle. Rousseau lui-même, le plus éloquent et à certains égards le plus noble apôtre de la nouvelle foi, lui qui prêcha la fraternité universelle, envoya ses enfants l'un après l'autre à l'hospice des enfants trouvés, pour éviter le souci et les frais de leur éducation.

La révolution accomplit une oeuvre destructive à l'heure voulue, mais elle fut une preuve vivante que l'amour nécessaire à une oeuvre de reconstruction doit être puisé à une source surhumaine.

Nous vivons aujourd'hui dans une société éclairée d'une lueur crépusculaire de sentiment chrétien qui fait naître, même chez les esprits détachés de toute forme religieuse, de belles manifestations. Mais tout observateur du coeur humain peut se demander d'où viendra plus tard la lumière, capable de refouler la force impétueuse des sombres passions de l'égoïsme. Le christianisme fait encore son oeuvre dans le coeur de beaucoup de ceux qui l'ont abandonné, il nous reste à voir quelle sera son existence quand cette source aura été tarie. Un morceau de glace demeure suspendu au bord d'un étang après que l'eau à la surface de laquelle il a été formé s'est retirée, mais il y reste peu de temps et ne supporte aucun poids lourd.

Les faits que combat la philanthropie sont pénibles à envisager et la tentation de s'en détourner et de jouir du monde est bien forte. Il y a quelques années, s'éleva des quartiers misérables de Londres un cri d'angoisse tel qu'il attira l'attention du monde entier; le coeur du West End s'en émut et les fils et les filles du monde élégant quittèrent leurs frivoles réunions pour visiter les malheureux de l'East End. Mais déjà ce mouvement s'est ralenti, dit-on, et la tâche de soulager la misère est abandonnée en grande partie, aux disciples de Christ qui l'avaient entreprise auparavant. Il est probable qu'une sérieuse enquête trouverait chez nous, et peut-être ailleurs, un bien petit nombre d'institutions philanthropiques dont l'importance ne diminuerait rapidement si elles étaient privées du secours des chrétiens.

III

La philanthropie de Christ se manifesta sous deux formes principales:
La première fut la distribution des aumônes aux pauvres. Ce fut si évidemment son habitude constante que, la nuit de la trahison, quand Il dit à Judas : « Fais au plus tôt ce que tu as à faire, » les disciples crurent qu'il lui ordonnait d'aller soulager quelque détresse par un don d'argent. Nous ne savons pas très bien d'où provenaient les dons de la bourse commune. Il se peut que Jésus y ait apporté au début quelques épargnes personnelles faites autrefois, en vue de son ministère futur. Les douze et les disciples qui le suivaient y auraient joint leurs contributions; mais rien ne nous autorise à penser que cette bourse fût toujours pleine, bien au contraire; c'était l'aumône du pauvre donnant au pauvre, habitude à laquelle Jésus fut fidèle jusqu'à la fin.

D'excellentes gens ont vu dans cette forme de la charité de si grands dangers qu'ils l'ont condamnée. L'exemple de Jésus la soutient. Sans doute, elle requiert de la prudence et de la réflexion: donner au mendiant professionnel fera plus de mal que de bien; mais Il y a des pauvres méritants; ils sont connus de ceux qui travaillent au milieu d'eux et les riches pourraient avec avantage charger ces intermédiaires de leurs aumônes. Si nous sommes désireux de visiter nous-mêmes les demeures des pauvres, nous en trouverons le chemin sans difficulté. Il est vrai que pour la grande majorité des riches, ce monde qui est à leur porte est un monde inexploré; mais celui qui y pénètre avec un coeur plein d'amour y fera de rapides progrès. Il trouvera là des hommes honnêtes, provisoirement arrêtés par la maladie ou le chômage et qu'un don fait à propos aidera à traverser honorablement un mauvais pas; des vieillards, qui ont virilement lutté au temps de leur vigueur et sont maintenant hors de combat; il considérera comme un honneur de soutenir quelques-uns de ces vaillants qui., dans une autre existence, seront peut-être (qui le sait?) placés au-dessus de lui.

La seconde forme par laquelle se manifesta la charité de Christ fut la guérison des malades. Cela nous paraît facile, mais peut-être fallait-il déployer plus d'effort que nous ne le pensons, Dans une occasion particulière, une femme malade ayant touché son vêtement et obtenu la guérison sans s'adresser à lui, il sentit, dit-il, qu'une vertu était sortie de lui. D'autres indications nous font comprendre que ces cures lui coûtaient une dépense de sympathie nerveuse et d'émotion qui donne un sens douloureux aux paroles de Matthieu « Il a pris sur lui nos douleurs et porté nos infirmités. »

En tous cas, sa nature aimante se plaisait à cette oeuvre qui lui était naturelle; jamais il ne se sentait plus heureux qu'entouré d'une foule de malades du corps et de l'esprit qu'il traitait avec amour, rendant la santé à celui-ci, adressant à celui-là de fortes paroles et laissant tomber sur tous des regards illuminés de bonté. La joie rayonnait au près et au loin quand le père regagnait son logis pour en être, non plus le fardeau, mais le soutien; le fils pour en être l'orgueil ; la mère, pour reprendre la place et le travail auxquels la maladie l'avait arrachée. Le meilleur secours est celui qui rend les pauvres et les nécessiteux capables de s'aider eux-mêmes et ce fut là le résultat des miracles de Jésus.

Si nous ne possédons pas de puissance miraculeuse, nous en avons d'autres qui peuvent accomplir des merveilles bien supérieures à ce que les moyens naturels lui eussent permis de son temps. Il n'est pas de forme de la charité plus semblable à celle du Christ que celle qui met à la portée du pauvre et de l'ignorant les plus grandes découvertes de la science médicale; nos hôpitaux et nos dispensaires sont la continuation de son oeuvre; les médecins missionnaires portent aux païens le même message que celui dont Jésus chargea les disciples; l'Église commence à envoyer des infirmières dans les missions étrangères ; dans tous les pays, des docteurs donnent journellement aux pauvres le meilleur de leurs efforts et ne reçoivent pour cela que peu ou point d'honoraires ; mais leur récompense est dans la joie intérieure qu'ils éprouvent à servir Christ en soulageant la souffrance.

Dans les affaires de l'État, les premiers chrétiens n'avaient aucune influence, tandis que chacun possède aujourd'hui ce moyen d'action. Les chrétiens commencent seulement à le comprendre et quelques-uns osent à peine s'en servir, comme si c'était une profanation. Mais ils en viendront à l'estimer comme un des plus puissants instruments que Dieu ait mis à leur disposition pour faire le bien. Nous ne nous contenterons pas éternellement d'une philanthropie qui consiste à relever les victimes tombées sous la roue de l'oppression, nous arrêterons la roue elle-même!

Nous ne donnons ici que des exemples insuffisants des forces que la philanthropie chrétienne pourra utiliser. Peu à peu se réalise cette prophétie du Christ : « En vérité, je vous dis que celui qui croit en moi fera les oeuvres que je fais; et il en fera de plus grandes que moi, parce que je retourne à mon Père. »

IV

Il est certain que le Sauveur considéra cette partie de son oeuvre comme un exemple à suivre pour ses successeurs. Dans la distribution des aumônes, il s'associa les douze apôtres et chargea l'un d'eux de la bourse. Au jeune homme qui désirait se joindre à ses disciples, il dit: « Va, vends ce que tu as et le donne aux pauvres, et tu posséderas un trésor dans le ciel; » ce n'est probablement pas la seule fois qu'il imposa cette condition à ceux qui le suivaient. De même, il associa les Douze à son oeuvre de guérison : « Allez, dit-il en les envoyant, guérissez les malades, nettoyez les lépreux, ressuscitez les morts et chassez les dénions. Vous avez reçu gratuitement, donnez aussi gratuitement. »

Mais la preuve la plus impressive de sa volonté à cet égard est sa description du Jugement dernier, dans lequel le Roi dit à ceux qui sont à sa droite : « Venez, vous les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde; car j'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais étranger et vous m'avez recueilli; j'étais nu et vous m'avez vêtu; j'étais malade et vous m'avez visité; j'étais en prison et vous m'êtes venu voir. » - Et à ceux qui sont à sa gauche : « Retirez-vous de moi, maudits, allez dans le feu éternel qui i été préparé pour le diable et pour ses anges; car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; j'étais étranger et vous ne m'avez pas logé; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité. »

Y a-t-il beaucoup de chrétiens qui songent que la valeur de leur christianisme sera jugée au dernier jour à cette mesure-là? Les coutumes de la chrétienté sont-elles d'accord avec l'enseignement du Maître? Quelques-uns, à la vérité, le suivent dans cette voie de renoncement et la trouvent semée de fleurs; car sur le sentier qui conduit aux demeures des déshérités, ils découvrent les traces de ses pas et, au contact des malades et des souffrants, leurs doigts touchent les mains et le côté du Christ : c'est ainsi qu'en perdant leur vie, ils la retrouvent.

Mais est-ce bien là une habitude générale chez les chrétiens ? Connaissent-ils personnellement les aveugles, les souffrants et les abandonnés ? Un jour viendra où plusieurs d'entre nous regretteront que chaque sou donné aux pauvres n'ait pas été un louis; où ceux qui ont quêté pour les malheureux et que nous avons souvent traités d'importuns, seront considérés comme nos plus grands bienfaiteurs, et où le souvenir d'une heure passée dans la mansarde du pauvre nous paraîtra plus précieuse que tous les repas faits à la table du riche : « Ce que vous avez fait au plus petit d'entre mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. »


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