TITLE>A l'Image de Christ - Christ dans la vie civile

Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



À l'Image de Christ

II

Christ dans la vie civile.

 

Matthieu IX, 1; XIII, 54; XVII, 24-27; XX, 17-19; XXIII, 37-39; XXVI, 32. Luc IV, 16-30, XIII, 16, 34, 35; XIX, 9.

Matthieu
II; IV, 3-10; IX, 9-27; XXI, 1-11; XXII, 15-21; XXVI, 47-68; XXVII.

Luc
II, 11, 29, 32, 38; XIII, 31-33; XXIII, 7-12. Jean VI, 15; XI, 48.

Matthieu
XVIII, 1-3; XIX, 28; XX, 20-28. Jean XVIII, 36, 37; XIX, 14,19, 20.

I

L'idée de l'État ne semble pas occuper dans l'esprit du chrétien des temps modernes une place prééminente. Beaucoup de devoirs lui paraissent plus importants que ceux du citoyen. Il juge que la question essentielle qui peut être posée à son sujet doit se rapporter à ce qu'il est personnellement, dans le secret de son âme et de son être intérieur. Son attitude comme membre de l'Église, chargé de la soutenir et de prendre part à ses oeuvres, lui parait de valeur très rapprochée. Il donnera volontiers la troisième place à ses devoirs de famille, de fils, d'époux ou de père; mais son rôle dans la vie civile a pour lui une importance chrétienne très relative.

Cette conception qui est peut-être la plus juste, est absolument opposée au point de vue antique. Les grands penseurs de la Grèce, par exemple, plaçaient l'État avant l'individu, la famille et l'Église. Le but final de l'homme était dans leur esprit, subordonné à la grandeur et à la prospérité de l'État et ils sacrifiaient tout à cet intérêt primordial; la valeur morale et le bonheur personnel de l'individu, la pureté et l'harmonie des relations de famille leur importaient peu, pourvu que l'État fût fort.

Jésus transforma ce point de vue. Il fit, pour ainsi dire, la découverte de l'individu. Il enseigna qu'il y a dans chaque homme une âme plus précieuse que le monde entier. Bien loin d'absorber l'individu dans la toute-puissance de l'État, la vérité moderne considère l'État, l'Église et la famille comme des moyens créés pour assurer le bonheur de chacun et ces institutions sont estimées par la valeur des personnalités qu'elles produisent.

Mais quoique l'État ne tienne pas dans l'enseignement chrétien la place qu'il tenait dans la philosophie païenne, ce serait une grande erreur de supposer son rôle insignifiant dans le christianisme. Si le but principal de la religion du Christ est d'élever le niveau moral des hommes, elle doit par là même rehausser le caractère du citoyen.

II

Il est naturel à tout être sain d'aimer le pays de sa naissance, le paysage qui se refléta dans ses yeux d'enfant et la ville dans laquelle il fut élevé; la Providence a voulu que ces affections fussent utilisées pour le progrès de la civilisation et l'embellissement de la terre que nous habitons. Chaque citoyen d'une ville devrait être animé du désir de contribuer à sa prospérité et il n'est pas de sentiment plus digne d'un jeune coeur que l'ambition de se consacrer à une oeuvre qui ajoute à la gloire de son pays natal.

Quelques contrées ont eu une puissance exceptionnelle pour éveiller et entretenir ces sentiments chez leurs enfants. La Palestine en particulier fut aimée avec un ardent patriotisme.

Son charme résidait en partie dans sa beauté, peut-être aussi dans son exiguïté: car le sentiment contracte une force irrésistible quand il est confiné dans d'étroites limites, semblable à ces ruisseaux de montagne qui, resserrés soudain dans un lit de rochers, se transforment en torrents impétueux. Mais ce qui excite par-dessus tout le patriotisme des habitants d'un pays est le souvenir des grandes vies de dévouement et la Palestine possédait dans une mesure incomparable cette source d'inspiration.

Jésus ressentit le charme de sa nature. On ne peut lire dans l'Évangile les images pleines de poésie dont il illustra la plupart de ses discours sans être convaincu qu'il aima profondément cette terre de Galilée.
Tous les Juifs avaient été fortement attachés à Jérusalem, la capitale du pays; les bardes de la nation chantaient « la beauté de la fille de Sion » :
« Que ma langue s'attache à mon palais, ô Jérusalem, si je t'oublie! »

Mais tous ces témoignages d'affection furent surpassés par Jésus quand il s'adressa à elle: « Jérusalem, Jérusalem, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous son aile, et vous ne l'avez pas voulu! » Il vécut dans la sympathie la plus intime avec les grandes figures du passé et l'oeuvre accomplie par les prophètes; les noms d'Abraham et Moïse, David et Ésaïe revinrent constamment sur ses lèvres et il acheva leur tâche interrompue. Cet amour de sa patrie survécut même au tombeau, car après sa résurrection, lorsqu'il donna ses instructions à ses apôtres pour l'évangélisation du monde, il leur dit: « Commencez à Jérusalem! »
Heureux le peuple qui représente une cause idéale à laquelle ses plus grands hommes ont consacré leurs forces!

Les actions et les paroles de ces héros doivent, après la Bible, devenir la nourriture spirituelle des enfants du pays, afin d'exciter dans ces jeunes âmes la noble ambition de reprendre et d'accomplir l'oeuvre commencée.

III

Il y avait au temps de Christ une tâche qui semblait s'imposer à tout patriote.

La Palestine gémissait alors sous deux servitudes: tandis que quelques-unes de ses provinces étaient gouvernées par la dynastie des Hérodes, la contrée entière était soumise à la puissance romaine. N'était-ce pas le devoir de Jésus de délivrer son pays de cette double tyrannie et de restaurer son indépendance, ou même de l'élever à un rang souverain parmi les nations ? Un libérateur eût été salué avec enthousiasme par beaucoup d'Israélites désireux de faire des sacrifices pour la cause nationale. Tout le parti des Pharisiens était animé de sentiments patriotiques et une fraction d'entre eux portait le nom de Zélotes, parce qu'ils étaient décidés à aller jusqu'aux dernières limites de l'audace ou du sacrifice.

Jésus semblait désigné pour remplir ce rôle. Il descendait directement de la race royale de David. Quand il naquit, des hommes d'Orient vinrent à Jérusalem, demandant: « Où est le roi des Juifs qui est né ? » - Un des premiers disciples qui lui fut présenté le salua du titre de « roi d'Israël » et, le jour où il entra en triomphe à Jérusalem, ses partisans lui donnèrent le même nom, exprimant sans doute par là leur espoir de le voir un jour littéralement roi du pays.

Ce fait, joint à beaucoup d'autres incidents qui nous sont rapportés, semblerait indiquer que la destinée aurait dû faire de lui le chef d'un libre et glorieux état.

Pourquoi cette destinée ne fut-elle pas accomplie ? Cette question difficile se présente souvent à tout lecteur consciencieux de la Bible, mais nous entraîne aussitôt dans un océan de mystères. Eut-il jamais l'intention de monter sur le trône de son pays? Satan faisait-il appel aux rêves favoris de sa jeunesse, quand il lui montrait tous les royaumes du monde et leur gloire? Si le peuple juif l'avait accueilli au lieu de le rejeter, que serait-il arrivé? Aurait-il soumis le monde entier à Jérusalem ? Est-ce seulement quand ses compatriotes lui eurent ôté toute possibilité de régner sur eux qu'il se détourna de ces espérances trompées et borna son ambition à une royauté spirituelle ?

Il est impossible de lire avec intelligence la vie du Christ sans se poser toutes ces questions et cependant elles sont vaines, puisqu'elles ne peuvent être résolues. Nous demandons ce qui serait advenu si ce qui arriva n'était pas arrivé et seule, la Toute-Science est à la hauteur d'un tel problème! Nous pouvons dire pourtant avec certitude que ce fut le péché de l'homme qui empêcha Jésus de monter sur le trône de David. Lorsqu'il s'offrit lui-même pour être le Messie de son pays, il était de bonne foi. Mais cette offre fut faite sous des conditions dont il ne devait pas s'écarter. Il ne pouvait être le roi que d'une nation juste et les Juifs étaient foncièrement injustes. Ils essayèrent de le prendre un jour par la force et de le couronner, mais il résista à leur zèle impie.

Alors, la vague qui portait sa vie se retourna sur elle-même! Au lieu de chasser les tyrans, il devint victime de la tyrannie. Sa propre nation qui aurait dû l'élever sur ses boucliers en le proclamant chef, le traîna à la barre d'un gouvernement étranger et il dut comparaître comme accusé devant les autorités romaines et hérodiennes. En patriote fidèle à son pays, il se soumit, ordonnant à ses disciples de rentrer leurs épées dans le fourreau. Et les officiers de la loi firent de lui un malfaiteur, le crucifiant entre deux voleurs. Son sang retomba en malédiction sur Israël et, moins d'un demi-siècle après ce meurtre, l'État juif avait disparu de la surface de la terre.

Voilà un terrible commentaire de l'imperfection de l'État : cette institution est créée pour la protection de la vie, de la propriété et de l'honneur, - pour être la terreur des malfaiteurs et la récompense de ceux qui font le bien; - une fois seulement dans l'histoire, elle eut affaire à un homme d'une bonté absolue et elle lui adjugea une place parmi les pires criminels et le mit à mort! Si nous avions là un spécimen de l'action habituelle de la loi, l'État au lieu d'être une institution divine, devrait être considéré comme une monstrueuse malédiction. Il a été quelquefois ainsi qualifié par les victimes de l'injustice, mais fort heureusement, de pareilles opinions ne sont que l'exagération du petit nombre.

Dans l'ensemble, les lois créées par l'État et leur application ont servi de frein au péché et de protection à l'innocence. Nombreuses et tristes ont été cependant les exceptions dans tous les âges! Tout ce que la loi d'un pays sanctionne n'est pas juste et tous ceux que les légistes condamnent ne sont pas injustes. Il est de la plus haute importance de se rappeler cela de nos jours, car dans l'État moderne transformé, nous sommes non seulement les sujets du gouvernement, mais plus ou moins indirectement, les promoteurs et les administrateurs de la loi.

L'exercice des franchises municipales et parlementaires nous permet d'élire les pouvoirs législatifs et exécutifs; ainsi, par le choix que nous pouvons faire d'un gouvernement capable, nous partageons la responsabilité qui lui incombe d'élever ces mêmes lois à la hauteur de la justice divine.

IV

En apparence, la vie de Jésus fut manquée. Destiné à régner, il fut jugé indigne de vivre, même sous le titre de simple citoyen; au lieu d'habiter un palais, il fut jeté en prison; au lieu de s'asseoir sur un trône, il fut cloué sur une croix.

Mais si, autant que le permit la méchanceté des hommes, il aboutit à un échec, ce n'est pas ainsi que le considéra la sagesse de Dieu. À vues humaines, la mort de Christ est la plus sombre page de l'histoire, une erreur judiciaire et un crime impardonnable, mais dans la pensée divine, c'est la scène la plus grandiose qui jamais se réalisa sur notre terre ; car en elle, le péché universel fut expié, les profondeurs de l'amour divin furent révélées et le chemin de la perfection ouvert aux enfants des hommes.

C'est une barbare plaisanterie qui inspira à ses bourreaux cette inscription gravée au-dessus de la croix : « Jésus, roi des Juifs, » mais quand nous la contemplons aujourd'hui, nous semble-t-elle ridicule ? Ne jette-t-elle pas à travers les siècles un éclat merveilleux ? En cette heure de honte suprême, où sa prétention à la royauté était couverte de dérision, Christ se révéla à jamais Roi des rois.

Dans toute sa carrière, Jésus eut de sa royauté personnelle une conception distincte et originale qu'il exprima souvent : c'est qu'un vrai roi doit être le serviteur de l'État et que l'homme le plus digne de porter ce titre est celui qui rend les plus grands services à la société. C'était, il le savait, exactement l'opposé du point de vue mondain, d'après lequel un roi doit avoir des multitudes de serviteurs et qui estime la grandeur du souverain au nombre de ceux qui travaillent à sa gloire ou à son plaisir.

Aussi dit-il, d'un côté : « Les princes des Gentils exercent l'autorité sur eux, » mais il ajoute: « Il n'en sera pas ainsi parmi vous; que celui qui veut être grand parmi vous soit votre serviteur. »

Telle fut la conception chrétienne de la grandeur et, si elle est juste, jamais Christ ne fut si grand qu'à l'heure où, par le sacrifice de lui-même, il fit participer le monde entier au bénéfice du salut. Loin d'être restreinte à son exemple elle doit, dans ce cas, devenir d'une application universelle et servir de point de comparaison à la valeur de toutes les dignités de l'État.

Hélas! cette idée est encore peu comprise et ne fait que de lents progrès dans l'esprit des hommes. L'antique conception païenne : - que la grandeur consiste à exiger tous les services, - est toujours celle qui gouverne la politique. Jusqu'à présent, celle-ci n'a été qu'un prétexte à l'ambition et un champ de course pour la rapacité. Le but des classes dirigeantes a été de s'enrichir le plus possible aux dépens des classes laborieuses et il nous reste à voir si les générations issues de couches nouvelles seront animées d'un meilleur esprit.

Cependant, l'idée chrétienne pénètre peu à peu ce département des affaires humaines. Le coeur naturel répond à l'enseignement du Christ et reconnaît la supériorité du citoyen qui se sacrifie le plus volontiers, travaille et agit le plus pour le bien général. Et quoique l'étrange et antique parole du psalmiste: « Les hommes te loueront quand tu te feras du bien à toi-même » ne soit encore que trop vraie, le nombre s'accroît tous les jours de ceux qui sentent que la grandeur d'un souverain se mesure, « non au tribut qu'il lève sur la société, mais à la valeur des services qu'il lui rend ».


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