Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



À l'Image de Christ

PRÉFACE

« Je vous ai donné un exemple, disait Jésus aux siens, afin que vous fassiez comme je vous ai fait, » et l'apôtre reprend: « Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même de Christ. » Une partie de la vie chrétienne - une partie seulement, celle qui procède de la rédemption - consiste donc dans l'imitation de Jésus-Christ.

Mais pour s'inspirer d'un tel modèle ou pour suivre un tel exemple, il est nécessaire de le bien connaître, tant au point de vue moral et religieux, qu'à celui de l'histoire. C'est ce double aspect que met eu lumière l'ouvrage de M. Stalker. Il s'éloigne sensiblement par là de l'immortel chef-d'oeuvre de Thomas à Kempis. En comparant l'une à l'autre ces deux « Imitations, » on mesurera d'emblée la distance qui sépare le moyen-âge catholique, dans ses meilleures aspirations, du protestantisme moderne, dans ce qu'il offre de plus sérieux. Leur but commun est de conduire à « la vie cachée avec Christ en Dieu; » mais tandis que le premier n'entrevoit guère cette vie que dans la solitude ascétique dît cloître et la contemplation d'un Christ tout mystique - celui du sacrement et du crucifix; - le second la cherche essentiellement dans les devoirs quotidiens de l'existence laïque et la vision précise de ce que fut, au plein air de l'Évangile, Jésus de Nazareth. Rien n'est plus significatif que cette différence et ne fait saillir plus nettement, avec l'esprit même de la Réforme, la connaissance et la compréhension de la personne du Sauveur, dont nous sommes redevables à la possession du Nouveau Testament, vivifié par les études théologiques contemporaines.
Sans doute, «A l'image de Christ» n'a pas l'intimité pénétrante et la profondeur religieuse que révèle, par endroits, l'Imitation ; il n'en a pas non plus les écarts malsains, les longueurs et les redites. Il vise à réveiller les énergies de l'action plus qu'à produire les ravissements de l'extase, et, s'il porte, moins au recueillement intérieur de l'âme, il éclaire et guide davantage la conscience.

Il le fait de deux manières. Il relève l'attitude du Maître, le sens de ses actes et de ses paroles en des occasions et des relations concrètes qui sont aussi les nôtres; il dégage les principes directeurs généraux qui découlent à chaque fois de sa conduite et que nous pouvons encore appliquer aujourd'hui. La tâche était difficile et délicate. L'auteur nous semble l'avoir remarquablement bien remplie. Désireux d'être accessible à tous, il a mis au service d'une pensée très sobre, un langage très simple. Cette sobriété pourtant n'a rien de banal. Riche d'idées justes et d'aperçus originaux, elle témoigne d'une étude approfondie de l'histoire évangélique et du caractère de Jésus. Elle respire une piété forte et paisible, et n'instruit que pour édifier.

À l'image de Christ a obtenu dans les pays de langue anglaise un succès considérable et mérité. La traductrice, après s'être rendu compte par expérience de l'action bienfaisante que pouvait exercer ce livre, l'offre maintenant au public français sous une forme qui a toutes les qualités de l'original. Sous l'en remercions vivement pour notre part, et nous souhaitons que son travail contribue à graver en beaucoup de disciples cette « image de Christ » vers laquelle, comme vers sa suprême consommation, doit tendre le saint effort de toute vie chrétienne.

GASTON FROMMEL.


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I
Christ dans la vie de famille

Matthieu VIII, 14, 15; IX, 18-26; XVII, 18; XVIII, 1-6; XIX, 13-15. Marc V, 18,19, XII, 18-25. Luc VII, 11-15; XI, 27, 28. Jean VIII, 1, 2; XIX, 25-27.

Matthieu
XII, 46-50. Luc IX, 57-62. Matthieu I; II. Luc I, 25-56; II; III, 23-38.

Matthieu
XIII, 55-58. Luc IV, 16, 22. Jean VI, 42.

Marc
III, 21. Jean VII, 3-9.

I

L'institution de la famille nous offre une image frappante des deux facteurs de déterminisme et de liberté que renferme la vie humaine.
En effet, chacun de nous est né dans une famille particulière qui a son histoire et son caractère propres, formés avant qu'il vît le jour. Cette relation indépendante de son choix influencera toute la vie future d'un homme.

Peut-être sera-t-il l'héritier de souvenirs glorieux et d'habitudes raffinées ou peut-être aura-t-il à porter le douloureux fardeau des tares physiques ou morales.
Nul ne choisit son père ou sa mère, ses frères ou ses soeurs et cependant, de ces liens que nous ne pouvons dénouer, dépendent en grande partie le bonheur ou le malheur d'une vie :

Un coup de sonnette retentit dans la nuit; vous sortez et voilà, sur le seuil de la porte est un étranger qui vient d'un pays lointain. Vous ne le connaissez pas; il est en dehors du cercle de vos intérêts; il est à dix mille lieues de votre esprit. Mais s'il vous dit : « Ne me reconnais-tu pas ? Je suis ton frère ! » Il se rapproche soudain, dix mille lieues d'un seul pas! Vous et lui êtes unis par un lien indissoluble que l'avenir peut transformer en un collier de pierres précieuses ou en un collier de fer brûlant qui rongera votre chair.

Jésus ne pouvait toucher à l'humanité sans être saisi dans ces chaînes du déterminisme; il pénétra dans ce cercle mystérieux quand il naquit d'une femme; il devint membre d'une famille qui avait ses traditions et son rang social, il eut des frères et des soeurs. Ces circonstances jouèrent leur rôle dans sa vie terrestre et sa mère. exerça sans doute une grande influence sur le développement de son esprit.

Il est vrai qu'il est difficile de le prouver en détail puisque nous connaissons peu de traits de sa première enfance. Mais nous pouvons, noter un fait significatif : le cantique de Marie, le Magnificat dans lequel à sa rencontre avec Elisabeth, elle exprima les sentiments qui remplissaient son coeur, renferme des pensées dont nous trouvons maintes fois l'écho dans la prédication de Jésus. Cette inspiration nous révèle en elle une haute individualité morale et des dons naturels rares, développés par la Parole de Dieu à tel point que le langage des prophètes, et des saintes femmes d'autrefois était devenu le sien. Nous ne devons pas accorder une importance exagérée à sa personne ou à celle de son mari, mais il est certain que l'enfance de Jésus. se passa dans une famille de grande piété dont il garda l'empreinte dans la suite de sa carrière.

À côté de cette influence directe, il possédait une longue généalogie. Il était de la race de David et le récit évangélique prend la peine de nous retracer sa descendance du tronc royal, procédé qui n'est peut-être que l'écho de ses propres sentiments.
« Noblesse oblige! » Une noble lignée est un stimulant aux grandes actions. Milton n'a pas dépassé les bornes permises à la déduction, quand, dans le Paradis retrouvé, il représente l'esprit du jeune Sauveur agité d'une noble ambition par la mémoire de ses ancêtres :

Victorius deeds
Flamed in my heart, heroic acts - one while
To rescue Israel from the Roman yoke;
Then to subdue and quell o'er all the earth
Brute violence and proud tyrannic power
Till truth was freed and equity restored.

(Mon coeur brûlait d'accomplir des actions victorieuses, des traits héroïques; - De délivrer Israël du joug des Romains : - Puis de subjuguer et d'étouffer sur la terre entière - La violence brutale et la puissance orgueilleuse des tyrans - Afin de libérer la vérité et de restaurer la justice.)

Sûrement, sa filiation royale fut pour le Messie l'indication de l'oeuvre qu'il devait accomplir.
Il ressentit cependant l'étreinte douloureuse des liens du sang. On lui reprocha sa naissance vulgaire, car bien que ses ancêtres fussent nobles, ses parents immédiats étaient pauvres et quand il apparut sur la scène de la vie publique, des voix moqueuses demandèrent
« N'est-ce pas là le fils du charpentier? »

Sa vie est une condamnation définitive de ce respect que le monde accorde à la personne; elle sera toujours pour les méprisés et les obscurs une preuve que la valeur du caractère et des services rendus à Dieu et aux hommes suffisent à conquérir une place dans l'amour et la considération de nos semblables.
L'élément de liberté qui fait partie de la vie humaine apparaît avec autant d'évidence dans la famille que l'élément de déterminisme et il est aussi mystérieux.
De son propre choix, un homme entre dans la vie conjugale; par cet acte de sa volonté, il crée le cercle qui dans la génération suivante enfermera d'autres êtres dans le milieu qui fut le sien.

Il est vrai que les circonstances empêchèrent Jésus de fonder une famille; cette lacune a été signalée et on a exprimé le regret que les plus saintes affections du coeur soient restées en dehors de son expérience. Cette objection parait avoir quelque force et cependant, les apôtres ont tiré directement de sa doctrine et de son exemple les plus grands préceptes concernant les relations conjugales. La parole la plus profonde qui fat prononcée au sujet du mariage est celle-ci:

« Maris, aimez vos femmes comme Christ a aimé l'Église et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l'avoir purifiée par le baptême d'eau, afin de la faire paraître devant lui glorieuse, sans tache ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. » (Eph. V, 25-28.)

II

Jésus a honoré l'institution de la famille pendant toute sa vie.

De son temps régnait en Palestine un honteux relâchement des liens domestiques. Le divorce était fréquent et si facilement obtenu que la moindre bagatelle en devenait le prétexte. Le système du Corban autorisait les enfants à compenser par une somme payée au Temple, l'abandon de leurs parents.
Jésus dénonça ces abus sans ménagement; il ne sanctionna pour les âges à venir que la loi du mariage contracté avec réflexion qui lie une fois pour toutes les plus profondes affections du coeur.

Son amour des enfants et les paroles divines qu'ils lui inspirèrent n'ont pas, sans doute, créé l'amour paternel, mais elles l'ont considérablement élargi et affiné. L'amour des parents païens pour leur rejeton est un grossier penchant animal si on le compare à l'amour des enfants tel qu'il est compris dans nos familles chrétiennes. Si le bruit des pieds mignons qui trottent dans la maison et le son des voix argentines sont aujourd'hui une musique à nos oreilles, si la pression des petits doigts et la caresse des lèvres enfantines nous font tressaillir de reconnaissance, c'est à Christ que nous devons ce rayon de soleil dans nos vies.
En disant : « Laissez venir à moi les petits enfants » il a transformé le foyer en une église dont les parents sont les prêtres ; peut-être a-t-il gagné par là à son nom autant de disciples que par l'institution même de l'Église. Peut-être les leçons des mères parlant de Jésus et l'exemple des pères chrétiens ont-ils autant contribué au succès du christianisme que les sermons des plus éloquents prédicateurs et l'adoration des congrégations réunies. En tous cas, plus d'une fois, la religion de Christ chassée de l'Église et dénaturée par des ministres sans foi et des disciples indignes, s'est réfugiée au foyer domestique et il y a peu de grands chrétiens qui ne retrouvent à l'origine de leurs convictions des souvenirs de leur première enfance.

Un grand égard pour les affections naturelles semble avoir inspiré plusieurs des miracles du Christ. Quand il guérit la fille de la Cananéenne, rendit la fille de Jaïrus à sa mère, ressuscita le fils de la veuve à la porte de Naïn ou rappela Lazare d'entre les morts pour reconstituer le cercle de famille de Béthanie, peut-on douter de la joie que ressentit le Sauveur? Il montra dans la parabole de l'enfant prodigue combien il estimait l'intensité et la profondeur de ces sentiments.
Mais sa conduite au milieu des siens prouve mieux encore le respect qu'il avait de cette institution et quoique les détails de sa vie dans la maison de Marie nous soient inconnus, tout indique qu'il fut un fils parfait.

Aucune joie n'est comparable à celle des parents qui voient naître et se développer la vie spirituelle de leur enfant et il nous est dit que Jésus croissait en stature et en grâce devant Dieu et devant les hommes. S'il eut conscience à ce moment déjà de la grande carrière ouverte devant lui, il ne se crut pas dispensé de l'obéissance car, à l'âge de douze ans, nous le voyons « il leur était soumis ».

On suppose généralement que peu après ce voyage à Jérusalem, Joseph mourut et que la charge de la famille retomba sur Jésus, le fils aîné. Ce n'est pas certain, mais le terme de sa vie est marqué par un acte qui jette une grande lumière sur les années dont aucun souvenir ne nous est parvenu, et révèle combien son affection pour sa mère fut profonde jusqu'à la fin. Tandis qu'il était suspendu à la croix, il la vit et lui parla. Il souffrait à ce moment une terrible agonie, tous ses nerfs tendus par d'intolérables douleurs et, aux approches de la mort, l'esprit anxieux de se détourner de toutes les choses terrestres pour être avec Dieu seul; il portait le péché du monde dont le poids écrasait son coeur; et cependant, au milieu de ses angoisses, il songea à l'avenir de sa mère; il y pourvut pour elle en demandant à l'un de ses disciples de la prendre avec lui et de lui servir de fils. Ce disciple était le plus aimable d'entre eux, Jean, le plus capable de causer affectueusement avec elle du seul sujet qui les absorbât tous les deux et celui que sa position sociale mettait à même de soutenir Marie sans éveiller en elle un sentiment de pénible dépendance.

III

Si légitime que soit le droit des parents à l'obéissance de l'enfant, il a un terme. Leur devoir est de le former pour l'indépendance. Comme le but de l'instituteur est d'élever ses élèves à un niveau qui leur permette d'entreprendre une carrière sans son secours, de même les parents doivent reconnaître qu'il est un moment où leur autorité cesse et où l'enfant choisit et agit par lui-même. L'amour ne diminuera pas ; le respect ne devrait pas disparaître, mais l'autorité prend fin.

Il est difficile de déterminer l'heure exacte où cette crise mémorable survient dans la vie de l'enfant. Malheur à celui qui saisit trop tôt la liberté! Il marche au-devant de sa ruine et, parmi les traits de notre vie contemporaine, il n'en est pas de plus fâcheux que la disposition si répandue dans la jeunesse d'échapper prématurément au joug et de ne reconnaître d'autre loi que sa propre volonté. Mais les parents exercent quelquefois trop longtemps leur autorité. Un père peut chercher à retenir son fils sous son toit quand il vaudrait mieux pour lui se marier à son tour et fonder une famille; une mère peut s'ingérer dans le ménage de sa fille mariée qui, livrée à sa propre initiative, serait peut-être une meilleure épouse.

Marie, la mère de Jésus, tomba dans cette erreur. Plusieurs fois elle tenta d'intervenir indûment dans son ministère; son orgueil maternel la fit agir ainsi aux noces de Cana et, dans d'autres occasions, ce furent ses inquiétudes au sujet de sa santé. Elle ne fut pas la seule qui chercha à contrecarrer son action; mais Jésus répondit toujours par des paroles indignées à ces interventions maladroites. « Arrière de moi, Satan! » dit-il à Pierre. L'intensité de son amour pour ses parents et amis faisait de leurs désirs et de leurs appels des tentations dangereuses pour lui, car il aurait aimé à les satisfaire.

Mais s'il eût obéi, il se serait détourné de la tâche à laquelle il était consacré; c'est pourquoi il devait s'armer pour repousser la tentation.

Sa conduite eut un jour une apparence singulièrement dure. Sa mère et ses frères étaient venus au milieu de sa prédication demander à lui parler et il répondit à leur message: « Qui est ma mère et qui sont mes frères? » Puis, regardant les disciples assis autour de lui, Il ajouta: « Voici ma mère et voici mes frères! Car celui qui fait la volonté de Dieu sera ma mère, mon frère et ma soeur. »

On ne peut nier l'étrangeté de cette parole. Mais il est probable qu'elle doit être rattachée à ce qui la précède dans l'Évangile de saint Marc où nous voyons que ses amis firent un effort pour s'emparer de lui, disant: « Il est hors de sens. » - Jésus était à cette époque si absorbé dans son oeuvre qu'il négligeait de prendre aucune nourriture; la sainte passion du salut des hommes l'avait si complètement saisi que, pour ses parents, il semblait atteint de folie; aussi croyaient-ils de leur devoir de s'emparer de lui et de modérer son ardeur. Si Marie fut complice de ce procédé impie, rien d'étonnant qu'un blâme sévère l'ait frappée. Il est évident en tous cas qu'elle vint à lui dans la pensée qu'il devait aussitôt tout abandonner pour lui parler. Mais elle avait à apprendre qu'il y a des droits plus légitimes encore que ceux de la famille; au service de Dieu, Jésus ne pouvait reconnaître d'autre autorité que celle de Dieu.

Il y a une sphère dans laquelle les parents eux-mêmes ne sont pas autorisés à pénétrer, - c'est celle de la conscience. Jésus non seulement la considéra comme sacrée pour lui-même, mais il invita ceux qui le suivaient à l'imiter. Il prévit combien dans le cours des âges ce devoir séparerait souvent les membres d'une famille et cette perspective dut lui être douloureuse:

« Ne croyez pas, dit-il, que je sois venu apporter la paix sur la terre, non, vous dis-je, mais un glaive. Car je suis venu pour diviser un homme contre son père, une fille contre sa mère et une belle-fille contre sa belle-mère. Et les ennemis d'un homme seront ceux de sa propre maison. »

« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi, et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi. »

Ce glaive fait encore aujourd'hui de profondes blessures. Dans les pays païens où le christianisme est nouvellement introduit et surtout dans les pays comme l'Inde où l'institution de la famille est particulièrement développée, la principale difficulté que rencontre la confession chrétienne est dans la rupture des relations de parenté qui ne peut se faire sans de longues et douloureuses luttes morales. Dans les pays chrétiens eux-mêmes, l'opposition de parents mondains à la vocation religieuse de leurs enfants est souvent très forte et cause de grandes souffrances à ceux qui ont à porter cette croix. C'est toujours un cas délicat, qui demande de la patience et une grande sagesse chrétienne; mais une fois les conséquences claires à l'esprit et à la conscience, il n'y a pas à hésiter quant à la volonté de Christ; nous devons obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes.

Heureux ceux dont l'entière soumission à Christ et une franche confession de leur foi sera pour leur famille une joie sans mélange.

IV

On dit que « chaque maison contient un squelette caché dans le buffet »; si grande que soit sa prospérité et si parfaite l'apparence d'harmonie qu'elle présente aux yeux du monde, il y a toujours à l'intérieur quelque frottement, quelque inquiétude ou quelque secret qui assombrit l'horizon.

Ce proverbe peut n'être pas plus vrai que tant d'autres généralités valables seulement par la quantité de leurs exceptions. Cependant, on ne peut nier que chaque famille a ses joies et ses tristesses et que l'intimité des rapports des membres d'une famille entre eux donne à chacun la chance de blesser tous les autres. Sous le manteau de la parenté, peut être appliquée avec impunité une torture que l'on n'oserait infliger à un étranger.

Jésus souffrit en cela; il eut sa croix domestique personnelle. Ses frères ne crurent pas en lui; ils ne pouvaient se résoudre à reconnaître que celui qui avait été élevé avec eux, comme l'un d'eux, fût infiniment plus grand qu'eux tous. Ils considéraient avec envie sa réputation croissante. Chaque fois que nous les voyons intervenir dans sa vie, c'est d'une façon inopportune.

La profondeur de cette épreuve sera mieux comprise de ceux qui ont souffert personnellement dans le même sens. Beaucoup d'hommes de Dieu ont dû se lever et témoigner seuls au milieu d'une famille incroyante ou mondaine; beaucoup ont été dans ces circonstances les victimes d'un mesquin martyre journalier plus dur à supporter que la persécution publique. Mais ils savent du moins qu'ils ont la sympathie de Celui qui fit allusion à sa propre expérience par ces mots pathétiques: « Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison. »

Nous ne savons comment il agit vis-à-vis de l'incrédulité de ses frères, s'il les raisonna et discuta avec eux ou s'il garda le silence et s'en tint au témoignage de sa vie. Mais nous pouvons être certains qu'il pria sans cesse pour eux et nous connaissons heureusement la réponse finale qu'obtinrent ses prières.

Ses frères, parait-il, restèrent incrédules jusqu'à sa mort. Mais aussitôt après, dans le premier chapitre du livre des Actes, nous les trouvons assemblés avec les apôtres du Christ. Ceci est extraordinaire; car à ce moment-là, sa cause était aussi bas que possible. Les événements semblaient avoir prouvé l'erreur de sa prétention d'être le Messie; cependant, ceux qui l'avaient renié à l'apogée de sa réputation se trouvent parmi les croyants à l'heure où son oeuvre est en apparence réduite à néant.

Comment expliquer cela?

Dans un passage de la première épître aux Corinthiens où saint Paul énumère les apparitions de Notre Seigneur à différentes Personnes, il nous dit qu'il apparut à Jacques. Celui-ci était probablement le frère de Jésus et, si cela est vrai, n'y a-t-il pas quelque chose de merveilleux dans le fait que l'un des premiers actes du Sauveur ressuscité fut d'apporter à son frère incrédule l'évidence qui devait le conquérir à la foi? - Jacques, nous pouvons le croire, aurait communiqué cette expérience aux autres membres de la famille de Marie et le résultat à nous connu, fut que deux d'entre eux, Jacques et Jude, vécurent pour être les auteurs de deux épîtres du Nouveau Testament.

La présence des frères de Jésus parmi sus disciples dans une pareille crise peut être considérée aujourd'hui encore comme une des preuves les plus frappantes de la réalité de la résurrection. C'est en même temps un trait de la persévérance infatigable avec laquelle Jésus travailla au salut des siens et un exemple de l'esprit de prière, d'espérance et d'activité qui doit nous animer pour ceux des nôtres qui ne sont pas encore à Christ.


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