LA PALESTINE AU TEMPS DE
JÉSUS-CHRIST
LIVRE SECOND - LA VIE
RELIGIEUSE
CHAPITRE
XII
LE TEMPLE - LE SANCTUAIRE. - LES
PRÊTRES. - LES CÉRÉMONIES
(Suite)
LES PRÊTRES
Les prêtres ou sacrificateurs
étaient partagés en vingt-quatre
classes ou familles créées par David
(11), et,
chaque semaine, l'une d'elles desservait le Temple
à son tour
(12). La classe
d'Abia, par exemple, à laquelle appartenait
Zaccharie, père de Jean-Baptiste
(13), occupait
le huitième rang
(14). Cet Abia
descendait d'Eléazar, fils d'Aaron. Mais
tous ceux qui portaient le nom de prêtres ne
servaient pas au Temple, car toute la race d'Aaron
faisait partie du sacerdoce et quiconque descendait
du premier souverain sacrificateur ou était
censé en descendre était
prêtre. Ceux-ci étaient donc en
quantité innombrable, et la plupart
étaient pauvres, ignorants, grossiers. Leur
instruction religieuse
était le plus souvent nulle ou à peu
près. Ils formaient un immense bas
clergé fort peu intéressant, n'ayant
aucun prestige et n'exerçant plus même
l'ombre d'une autorité quelconque. Ils
étaient sortis des classes
inférieures., ils n'avaient point
fréquenté les écoles des
Scribes, ils étaient de race sacerdotale par
leur naissance et c'était ton!. N'ayant rien
à faire, la plupart du temps ils mouraient
de faim. Jamais les hauts fonctionnaires ne leur
donnaient l'argent des dîmes
(15), et ils
s'unissaient au peuple pour haïr les
souverains pontifes.
Il n'arrivait point qu'un de ces membres
du bas clergé fût appelé au
service du Temple ; le Sanhédrin qui
était chargé de choisir les
sacrificateurs dans la foule des prêtres de
toutes conditions, qui était « juge du
sacerdoce », se serait bien gardé de
nommer un de ces « prêtres du peuple
». Pour trouver grâce devant lui il
fallait être riche; alors il vous
reconnaissait « sans tache ». Une fois
reconnu tel, le nouvel officiant était
vêtu de blanc, il pouvait sacrifier avec les
prêtres ses frères, et on
célébrait un jour de joie «
parce que on n'avait pas trouvé de tache
chez un des descendants d'Aaron, le souverain
sacrificateur. »
Ce n'était pas seulement les
prêtres pauvres et d'un ordre
inférieur qui étaient ignorants.
Toute la caste sacerdotale passait pour ne plus
connaître que les formes du culte. Les
sacrificateurs récitaient quand il fallait
réciter, chantaient quand il fallait
chanter, et offraient des sacrifices quand il
fallait en offrir ; mais les discussions
religieuses, l'étude des textes, les
commentaires de la Loi, étaient au-dessus de
leur portée
(16). L'antique
autorité du sacerdoce n'existait plus et le
prêtre ne pouvait, plus en imposer qu'au
pèlerin venu de loin et qui ne le
connaissait pas. Il n'avait de place qu'à
l'autel ; le premier venu qui savait un peu parler
le supplantait à la
Synagogue. Ceux qui officiaient au Temple
devenaient vite riches, car ils vivaient de l'autel
et se posaient d'ordinaire en Saducéens
convaincus. Ennemis des nouveautés,
conservateurs par intérêt, il se
tenaient loin des Docteurs de la Loi qui, du haut
des chaires de Moïse, partout dressées,
devenaient chaque jour de plus nombreux et plus
redoutables concurrents
(17).
A la tète du collège
sacerdotal était le grand Prêtre dont
l'avilissement dépasse toute idée. Il
était toujours Saducéen car depuis
des siècles les Tsadokites trafiquaient de
la charge suprême. Elle était devenue
une marchandise mise à l'encan qu'eux seuls
étaient assez riches pour payer. Du temps
d'Antiochus Épiphane, Jeschoua dit Jason,
frère d'Onias, avait offert au roi, pour
être nommé, trois cent soixante
talents d'argent et quatre-vingts de revenus
divers, outre cent cinquante talents pour
l'autorisation d'ouvrir un gymnase à
Jérusalem
(18); mais
Ménélaos en offrit trois cents de
plus et eut la place
(19). Une fois
nommé, il vola les vases d'or du Temple et
les vendit.
Ces vils personnages accablaient le
peuple d'impôts. Un certain Abba Saül
avait composé une chanson satirique sur
l'abaissement du pontificat. Elle devint populaire
et les Talmuds nous l'ont conservée
(20). La voici
: « Quel malheur que la famille de
Boèthos, malheur à cause de leurs
bâtons ! Quel malheur que la famille de Hanan
(21), malheur
à cause de leurs
sifflements de vipères ! Quel malheur que la
famille de Kataros (Kanthéra), malheur
à cause de leurs plumes diffamatoires! Quel
malheur que la famille d'Ismaël ben Phabi,
malheur à cause de la lourdeur de leurs
poings ! Ils sont grands prêtres
eux-mêmes ; leurs fils sont
trésoriers, leurs gendres gardiens du Temple
et leurs valets frappent le peuple de leurs
bâtons. »
Josèphe ne ménage pas non
plus les souverains pontifes
(22). Ils nous
apparaissent dans ses écrits comme de grands
seigneurs, gorgés de richesses, menant une
vie fastueuse. Dans les campagnes leurs agents
faisaient payer de force la dîme au pauvre
peuple et rouaient de coups ceux qui la refusaient.
Leur table était servie avec un luxe
insolent (23)
et au Temple ces bouchers sacrés mettaient
des gants de soie pour ne pas toucher les victimes
de leurs mains aristocratiques
(24).
Les grands prêtres étaient
désignés par le gouvernement et
étaient censés nommés à
vie; mais en réalité, ils
étaient constamment déposés et
remplacés. Josèphe en compte
vingt-huit depuis l'avènement
d'Hérode le Grand jusqu'à la
destruction de Jérusalem. Nous en retrouvons
facilement vingt-sept dont voici les noms
(25):
Nommés par Hérode le
Grand (37-4 avant Jésus-Christ) :
- I. Ananel (37-36)
(26).
- II Aristobule (35). Il était
l'héritier légitime du Pontificat,
comme membre de la famille asmonéenne,
mais il n'avait que seize ans ; Hérode
avait alors choisi Ananel. Aristobule
était le jeune frère de Mariamne
Macchabée, l'épouse
d'Hérode, et par
conséquent le beau-frère du roi.
Hérode le nomma sur les instances
d'Alexandra, sa belle-mère, puis le fit
mettre à mort
(27). Ananel
fut ensuite grand prêtre pour la seconde
fois (34 et suiv.)
(28).
- III. Jésus, fils de Phabi
(29).
Hérode lui ôta le pontificat pour
le donner à son beau-père Simon,
lors de son mariage avec Mariamne Il.
- IV. Simon, fils de Béothos,
père de la reine Mariamne Il (vers 24
à 5 avant J. - C.)
(30).
D'après d'autres données le grand
prêtre, beau-père du roi, aurait
été Boéthos lui-même.
- V. Matthias, fils de Théophile (5-4
av. J.-C.)
(31).
- VI. Joasar, fils de Boéthos (4 av.
J.-C.) (32).
Nommés par Archélaüs (4
av. J.-C. - 6 ap. J.-C.):
- VII. Eléazar, fils de Boéthos
(4 et Suiv.)
(33).
- VIII. Jésus, fils de Sié
(34).
- Joasar pour la seconde fois
(35).
Ces derniers grands prêtres étaient
insignifiants et n'avaient aucune influence. Nous
croyons (et c'est une opinion que nous avons
défendue au chapitre quatrième du
premier livre de cet ouvrage) que le
célèbre Hillel était à
ce moment président du Sanhédrin.
Venu à Jérusalem trente-six ans avant
Jésus-Christ, il aurait commencé sa
présidence vers l'an trente. Il mourut,
d'après les uns, en l'an cinq avant
Jésus-Christ, et d'après les autres
en l'an dix après lui
(36).
Nomme par Quirinius (6 ap. J.-C.):
- IX. Ananos (Josèphe), Hannas (Nouv.
Test.) (37),
en hébreu Hanan, fils de Seth (6-15 apr.
J.-C) (38).
Hanan fut, à notre avis, le premier grand
prêtre président du Sanhédrin.
Hillel était mort; le gouvernement venait de
passer aux Romains désireux de diriger
eux-mêmes le Sanhédrin, en ayant son
président dans la main ; Hanan était
puissant, les Pharisiens mis en minorité
comme pouvoir officiel; tout explique et justifie
cette transmission de la présidence.
Nommés par Valerius Gratus (15-26 ap.
J.-C.) :
- X. Ismaël, fils de Phabi (vers 15-16
apr. J.-C.)
(39).
- XI. Eléazar, fils de Hanan (vers
16-17 apr. J.-G.)
(40).
- XII. Simon, fils de Kamithos (vers 17-18
apr. J.-C.)
(41).
- XIII. Joseph, surnommé Kaiaphas
(42) (vers
18-36 apr.
(43). Il
était gendre de Hanan
(44).
Nommés par Vitellius (35-39 ap. J. -
C.) :
- XIV. Jonathan, fils de Hanan (36-37 apr.
(45).
- XV. Théophile, fils de Hanan (37 et
suiv.) (46).
Nommés par Agrippa I (41-44) :
- XVI. Simon Kanthéros, fils de
Boéthos (41 et suiv.)
(47).
- XVII. Mathias, fils de Hanan
(48).
- XVIII. Elionaios, fils de Kanthéros
(49).
Nommés par Hérode de Chalcis
(44-48) :
- XIX. Joseph, fils de Kamithos
(50).
- XX. Ananias, fils de Nebedaios (vers 47-59)
(51).
Nommés par Agrippa Il (50-100)
- XXI. Ismaël, fils de Phabi (vers 59-61
apr. J.-C.)
(52).
Cet Ismaël se rendit célèbre
par sa gloutonnerie. Les Talmuds racontent qu'il
fallait pour son entretien, trois cents veaux,
trois cents tonneaux de vin, quarante saa de jeunes
pigeons, etc., etc., mais ils ne disent pas pour
combien de temps.
On racontait aussi que sa mère
lui avait fait une tunique qui avait
coûté cent mines et qu'il ne porta
qu'une seule fois.
- XXII. Joseph Kabi, fils du grand
prêtre Simon (61-62)
(53).
- XXIII. Ananos ou Hanan, fils de Hanan (62
apr. J.-C.;) pendant trois mois seulement)
(54).
- XXIV. Jésus, fils de Damnaios (vers
62-63 apr. J.-C.)
(55).
- XXV. Jésus, fils de Gamala ou
Gamaliel (vers 63-65 apr. J.-C.)
(56).
D'après la tradition
rabbinique, sa femme Martha était de la
famille de Boéthos.
- XXVI. Matthias, fils de Théophile (65
et suiv.)
(57).
Nommé par le peuple pendant la guerre
(67-68) :
- XXVII. Phannias où
Phinéésos, fils de Samuel
(58).
Le lecteur aura remarqué que les grands
prêtres, dont nous venons de donner les noms,
appartiennent à deux ou trois familles,
toujours les mêmes, celle de Phabi (les IIIe,
Xe et XXIe), celle de Boéthos (les IVe, Vle,
Vlle, XVIe, XVIIIe, XXVe), celle de Hanan (les IXe,
Xle XIIIe, XIVe, XVe, XVIIe, XXIe, XXVIe) et celle
de Kamith (les XlIe, XIXe, XXIIe). Ananel, le
premier, qui était de Babylone, Aristobule,
le second, qui était le dernier des
Macchabées et Phannias, le
vingt-septième, grand prêtre du temps
de la Révolution, restent seuls en dehors,
ainsi que les Ve, VIIIe, XXII et XXIVe. Il y avait
donc des familles connues pour fournir les
souverains pontifes ; Josèphe parle des et d'après les Actes des
apôtres
(59), tous les
membres de ces familles avaient le droit de
siéger au Sanhédrin.
La Mischna donne aussi aux Bené
Koanim Gedolim (fils des grands prêtres) une
autorité juridique.
Le costume des prêtres dans
l'exercice de leurs fonctions se composait de
quatre pièces :
- 1° des pantalons (Michnasaïm)
(60).
Josèphe dit qu'après y avoir fait
entrer les pieds on les tirait jusqu'aux reins
et qu'on les serrait autour de la taille. Il ne
parle pas de leur longueur;
- 2° La tunique (Chetoneth)
(61). Elle
avait des manches, dit Josèphe,
était étroite et d'une seule
pièce; d'après les Rabbins, les
manches étaient à part et cousues
à la tunique. Elle était largement
ouverte en haut, et on la fermait sur les
épaules avec des cordons. 3° La
ceinture (Abnet), en broderie de diverses
couleurs
(62). Elle
faisait deux ou trois fois le tour du corps, et
avait, dit Josèphe, quatre doigts de
largeur. Les bouts formaient un noeud sur le
devant, puis retombaient jusqu'aux pieds. Quand
le prêtre offrait un sacrifice, il
rejetait ces bouts sur l'épaule gauche;
- 4° Le turban (Migbaah ou Nisnepheth).
Moïse en distingue deux
(63), mais
Josèphe ne parle que d'un seul.
Le grand prêtre avait le même
costume, mais son turban était
entouré d'un second bandeau de couleur
violette. De plus, il avait :
1° une tunique de dessus plus large
que le Cheteneth et sans manches. Elle était
appelée Meîl, était de couleur
violette et garnie en bas de clochettes d'or, qui
résonnaient et annonçaient
l'entrée du pontife dans le Sanctuaire et sa
sortie;
2° L'Ephod, vêtement plus
court, fait de lin retors, entremêlé
de fils d'or et de fils teints en pourpre, en
violet et en cramoisi. D'après
Josèphe, l'Ephod avait des manches
(64) et se
composait de deux pièces, l'une sur le dos,
l'autre sur la poitrine, et réunies sur les
épaules par deux agrafes; sur ces agrafes
étaient deux pierres précieuses, et
sur ces deux pierres précieuses on avait
gravé les noms des douze tribus, six d'un
côté, six de l'autre. Enfin, le grand
prêtre portait le Pectoral, grande
pièce carrée de la même
étoffe que l'Ephod et suspendue sur la
poitrine. Elle était double et formait une
sorte de sac attaché à l'Ephod par
des anneaux d'or et des cordons violets. Sur ce
Pectoral étaient fixées douze pierres
précieuses, enchâssées dans
l'or, rangées trois par trois. Les noms des
douze tribus y étaient gravés. Dans
le creux du Pectoral se trouvait « l'oracle
des Ourim et des Thummim,
(65) », On
ignore le véritable sens de cette expression
(66).
Le grand jour des Expiations, le
souverain sacrificateur avait un simple costume de
lin blanc.
Il faut remarquer que les prêtres,
dans le Temple, marchaient toujours pieds nus. La
terre était sainte et elle aurait
été profanée si le
sacrificateur avait gardé ses sandales; cet
usage, qui datait de Moïse lui-même, a
été conservé par les
musulmans. L'obligation de marcher pieds nus
n'était pas sans inconvénients pour
la santé. On s'en était
préoccupé et il y avait un poste
médical instillé dans le Temple.
« Les prêtres se promènent sans
chaussures, lisons-nous dans les Talmuds
(67), et
marchent sur les carreaux; ils se servent d'eau et
ils n'ont qu'une tunique, alors leurs forces
languissent et leurs entrailles sont faibles
», aussi le médecin, qui était
établi exprès pour leur donner des
soins, était-il appelé assez
irrévérencieusement « le
médecin des entrailles ».
LES CÉRÉMONIES
QUOTIDIENNES
Il est facile de se représenter ce qui se
passait au Temple quand on n'était pas au
moment des grandes fêtes. Dans la cour des
païens, nous l'avons dit, c'était un va
et vient continuel. Ce parvis était une
place publique; le rendez-vous de tous les
discuteurs, et, au premier siècle, il n'en
manquait pas. On y entendait le bruit des
pièces de monnaie romaine
échangées contre les pièces
d'argent sacré, les cris des bestiaux vendus
pour les sacrifices.
Dans la cour des femmes il y avait plus
de recueillement; on y voyait les Israélites
ayant à faire dans la salle du
Naziréat ou dans celle des lépreux.
Chaque matin on rendait un culte solennel pour la
célébration duquel la foule se
réunissait dans les cours
d'Israël et des femmes. Le but principal de ce
culte était le sacrifice quotidien de
l'agneau. Les prêtres de service s'y
préparaient dès le lever du
jour.
Ils commençaient par se baigner,
puis revêtaient leur costume sacerdotal.
Quelques-uns, désignés pour cet
office, montaient sur le toit du Temple, et
épiaient le moment où les rayons du
soleil levant éclaireraient la ville
d'Hébron au Sud-Est. Aussitôt qu'elle
apparaissait, ils s'écriaient : « le
jour est à Hébron » et ils
sonnaient de la trompette pour réveiller la
cité sainte
(68). Le
service religieux commençait
immédiatement après, et l'agneau
était immolé
(69).
Après le sacrifice on
célébrait dans la salle des
séances dit Sanhédrin un culte assez
semblable à l'office du matin dans les
synagogues,
Un prêtre venait prier devant le
peuple et lui lire la Loi; il récitait le
Schema et l'Alénou. Puis venait dans le
Sanctuaire le sacrifice dit parfum sur l'autel
d'or. Le parfum dont on se servait au Temple se
composait de quatre substances aromatiques : la
gomme storax, le coquillage odorant appelé
onyx marin, le galbanum et l'encens pur auquel on
ajoutait toujours du sel
(70).
Le prêtre que le sort avait
désigné pour brûler les parfums
prenait une cassolette au milieu de laquelle
était posé un encensoir à
couvercle, plein d'encens
(71). Un autre
sacrificateur recevait une petite cruche d'or dans
laquelle il devait porter le feu sacré et,
dans ce but, il montait à l'autel, sur
lequel le bois était allumé pour
l'holocauste, remuait les charbons, prenait des
braises incandescentes et les emportait clins le
vase qu'il tenait à la main. Il avait
à ses vêtements des clochettes comme
le grand prêtre et les faisait
résonner en traversant l'espace qui
séparait l'autel du vestibule du
Sanctuaire. Les prêtres et
les lévites l'entouraient alors et tous
entraient dans l'hiéron ; celui qui portait
la cassolette et celui qui portait les braises
passaient les premiers. Le peuple réuni dans
les cours comprenait au bruit des sonnettes que les
prêtres entraient dans le Sanctuaire et que
le sacrifice allait commencer. Celui des
sacrificateurs qui avait réuni les braises
les plaçait sur l'autel des parfums, les
étendait, adorait Dieu et sortait. Celui qui
devait offrir le parfum enlevait l'encensoir du
milieu de la cassolette, le remettait à un
jeune lévite qui l'assistait, puis il
répandait l'encens sur les braises et
sortait.
Tout ce service se faisait sous les
ordres d'un prêtre supérieur qui
présidait à chacun des actes
accomplis, et rien ne se passait qu'à son
commandement. Ainsi le prêtre qui
répandait le parfum ne le faisait pas avant
d'avoir entendu le président lui dire :
« Fais l'offrande. » Quand chacun
était sorti, le président restait
seul un moment dans le Lieu saint, les
prêtres placés sous ses ordres
l'attendaient dehors entre le vestibule du
Sanctuaire et le grand autel des holocaustes. Il
est évident que Zaccharie, d'après le
récit évangélique
(72), fut un
jour ce président. Le moment pendant lequel
celui-ci restait seul devait être fort court,
et, s'il se prolongeait trop, le peuple et les
autres prêtres s'en étonnaient
(73). « Un
jour la prière de ce sacrificateur
président fut longue, raconte un des Talmuds
(74), et ses
collègues étaient prêts
à entrer pour savoir ce qui lui arrivait.
Enfin il sortit, c'était
Siméon-le-Juste, et on lui dit: Pourquoi
as-tu tardé? Il répondit : « Je
suppliais pour que le Temple de notre Dieu ne fut
pas détruit. » et on lui
répliqua : « Il ne convient pas
cependant que tu tardes si longtemps.
»
Pendant tout le temps que
brûlaient les parfums, les prêtres
musiciens jouaient de l'instrument appelé
Magrefah, et le peuple restait
en prière. L'offrande et les requêtes
terminées, on déposait sur l'autel
les parties de l'agneau qui devaient être
consumées, les lévites chantaient des
Psaumes avec accompagnement de harpes, de cithares
et de cymbales, puis un prêtre
bénissait le vin et en répandait sur
l'autel (75).
Le son de la trompette annonçait que le
service du matin était fini.
L'après-midi, à trois
heures (76), il
y avait encore une prière prononcée
sur le peuple. Elle était courte et on
n'offrait point de sacrifice. C'était un
service de vêpres, moins important que celui
du matin. Le prêtre y récitait, du
haut de l'estrade dont nous avons parlé, la
bénédiction suivante : « Que
l'Eternel te bénisse et qu'Il te garde; que
l'Eternel lasse luire sa face sur toi et qu'Il
t'accorde sa grâce Que l'Eternel. tourne sa
face vers toi, et qu'Il le donne la paix
(77).
»
M. Renan dit dans sa Vie de Jésus
que Lue prend à fort le Temple pour un
oratoire en y faisant prier le Pharisien et le
Publicain (78)
; le savant écrivain commet une erreur. Les
Israélites, allaient prier au Temple, soit
à la porte de Nicanor, soit dans la cour
d'Israël
(79). R. Josua
ben Lévi dit : « Celui qui se tient
debout en priant doit d'abord s'asseoir, car il est
écrit « Heureux ceux qui s'asseyent
dans la maison. »
Le reste de la journée on
sacrifiait pour les particuliers
(80); un des
actes les plus importants était l'offrande
faite par les femmes après leur
délivrance. Elle consistait pour les pauvres
en une paire de tourterelles ou deux jeunes
pigeons. Ces oiseaux venaient des cèdres de
Hanan sur le Mont des Oliviers, on les achetait
dans la cour des Gentils, et on venait
les livrer au prêtre
à la porte de l'oblation ou porte des
femmes. L'une des colombes était offerte en
holocauste et l'autre en sacrifice pour le
péché
(81). Outre cet
acte de purification on amenait son enfant au
Temple s'il était le premier-né ; les
parents se tenaient à la porte orientale
dite porte de Nicanor et y étaient
aspergés du sang des victimes
(82). C'est
là que se tint Marie; c'est là que
Jésus nouveau-né fut
présenté au sacrificateur.
Tel était le Temple de
Jérusalem, tels étaient ses parvis,
ses prêtres, ses cérémonies. Le
peuple croyait que tout l'ensemble de ces
constructions et de ces rites était
indestructible ; il croyait que le corps des
prêtres était éternel, et que
le sacrifice quotidien serait
célébré aux siècles des
siècles
(83). Il est
curieux de rapprocher cette croyance populaire de
cette parole de Jésus : « Il n'en sera
pas laissé pierre sur pierre », Le jour
où le Christ parla ainsi, il y avait
quatre-vingt-dix ans que Pompée était
entré dans le Lieu Très Saint et que
cet infidèle l'avait profané.
Quarante ans plus tard ce Lieu Très Saint
lui-même sera détruit et la parole de
Jésus sera réalisée!
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