Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LA PALESTINE AU TEMPS DE JÉSUS-CHRIST


CHAPITRE VII
LA VIE PRIVÉE



L'enfant. Sa naissance. - La circoncision. - L'éducation et l'instruction. - Les écoles. Quelle fut la première instruction de Jésus ? - Le travail manuel. - La femme juive. - Sa place d'après la loi de Moïse. - Sa place d'après les Talmuds. - Son infériorité religieuse. - La facilité du divorce. Opinions contradictoires des Rabbins, - La lettre de divorce. - L'esclavage. Citations de l'Ecclésiastique - Citations des Talmuds.


 Avant de parler de l'habitation, des vêtements, de la nourriture, en un mot des mille détails de l'existence journalière nous décrirons la vie privée, nous parlerons de l'enfant et de son éducation, de la femme et de sa condition chez les Juifs. Nous raconterons aussi les grands événements de la vie de famille le mariage, le divorce, les funérailles.

Plusieurs des détails dans lesquels nous allons entrer seront empruntés par nous aux coutumes des Israélites, telles que nous les décrit l'Ancien Testament, mais toujours confirmées par les moeurs actuelles des Arabes en Palestine. Nous sommes obligé de suivre cette voie lorsque les documents contemporains de la vie de Jésus-Christ sont muets sur la question qui se pose à nous. En agissant ainsi, en acceptant les indications de l'Ancien Testament et en constatant qu'elles sont encore exactes de nos jours, nous affirmons avec la même certitude que si les livres du premier siècle nous donnaient tous les détails que nous cherchons. En Orient, les us et coutumes de chaque jour ne varient pas, c'est là un fait certain sur lequel nous ne saurions trop revenir et insister. L'Orient est immobile. En Palestine, les moeurs ont survécu non seulement aux plus effroyables bouleversements dont jamais pays de la terre ait été le théâtre, mais encore au renouvellement total de la population. Les Arabes d'aujourd'hui ont les mêmes usages que les Juifs d'autrefois. Plusieurs de leurs coutumes sont indiquées dans la Genèse, et sont aussi vieilles que l'histoire des patriarches.

L'ENFANT

Sur la naissance nous n'avons que peu de détails à donner. On sait qu'elle était toujours considérée comme un événement heureux et que la stérilité, de la femme passait pour un opprobre. Elle pouvait même être un motif suffisant de divorce. On se réjouissait moins de la naissance d'une fille que de celle d'un garçon. Il est vrai que l'éducation d'une fille demandait beaucoup de soins (1). L'accouchement était fait par une sage-femme (2). L'enfant était baigné et frotté de sel pour affermir la peau, puis on l'enveloppait de langes (3). Le père, absent au moment de la naissance, arrivait alors et le prenait sur ses genoux. Si l'aïeul vivait encore, c'était quelquefois lui qui avait ce privilège (4). Il était expressément interdit d'exposer les enfants. Philon a écrit sur ce sujet une page admirable (5), et, bien que la loi de Moïse fût muette sur ce point, il est certain que l'exposition des enfants, telle que les Grecs et les Romains la pratiquaient, faisait horreur aux Juifs. Les mères nourrissaient elles-mêmes leurs enfants et les Talmuds leur imposent cette charge comme un devoir (6). Cependant les grands personnages leur donnaient des nourrices (7). On ne les sevrait qu'à deux ou trois ans et à cette occasion on célébrait un festin (8). Aujourd'hui encore on nourrit très lard les enfants en Orient ; c'est le meilleur moyen de les soustraire aux maladies résultant du climat, qui est très redoutable pour eux en Palestine. Ils ont beaucoup de peine à passer l'époque de la dentition et sont sujets à prendre la variole et la dysenterie.

Les garçons étaient circoncis huit jours après leur naissance (9). La tradition expliquait le choix de ce jour en rappelant que d'après la Loi, la mère cessait d'être impure le septième jour si elle avait eu un garçon et le quatorzième seulement si elle avait eu une fille. Celui qui circoncisait l'enfant prononçait les paroles suivantes : « Béni soit le Seigneur notre Dieu qui nous a sanctifiés de ses préceptes et nous a donné la circoncision. » Le père de l'enfant continuait en disant : « Qui nous a sanctifiés de ses préceptes et nous a donnés d'introduire notre enfant dans l'alliance d'Abraham notre père (10). » Ce jour-là, on donnait à l'entant son nom, « parce que, disait-on, Dieu a changé les noms d'Abraham et de Sarah lorsqu'il a institué la circoncision ». Ce nom était choisi d'ordinaire parmi ceux qui étaient déjà portés par un des parents (11). La cérémonie terminée, on se réunissait pour un repas de famille (12).

Quand le temps dit « de l'impureté » (sept jours pour un garçon et quatorze pour une fille) était passé,. la mère restait encore chez elle trente-trois jours pour un garçon et soixante-six pour une fille, puis elle se rendait au Temple et, si elle était riche, elle faisait offrir un agneau en sacrifice; si elle était pauvre, la loi l'autorisait à n'offrir que deux jeunes pigeons ou une paire de tourterelles (13).

L'éducation de l'enfant chez les anciens Hébreux se faisait dans la famille. Nous ne trouvons nulle part trace d'écoles publiques avant le retour de l'exil. Après la Restauration, les scribes fondèrent des écoles mais elles n'étaient point destinées aux enfants. Le premier Juif qui semble s'être préoccupé de l'instruction de la jeunesse vivait une centaine d'années avant Jésus ; il était pharisien, président du Sanhédrin, propre frère de la reine Salomé et s'appelait Siméon ben Schetach. Ce fut lui qui institua à Jérusalem la première école pour les enfants ; il lui donna le nom de Beth hassepher (maison du livre) (14); mais qu'était-ce qu'une seule école pour la Palestine entière? Plus d'un siècle s'écoula et ce ne fut qu'en l'an 64 après Jésus-Christ que des écoles publiques furent partout fondées. Le grand prêtre Jésus ben Gamala rendit cette fondation obligatoire (15) ; chaque ville devait entretenir une école primaire. Si la cité était très grande ou coupée en deux par un fleuve difficile à traverser, on devait bâtir deux écoles (16). Si la commune était pauvre, la synagogue pouvait servir d'école pendant la semaine (17). « Périsse le sanctuaire s'écrient les rabbins, mais que les enfants aillent à l'école (18) , ou encore: «l'haleine des enfants qui fréquentent les écoles est le plus ferme soutien de la société (19) ».

Il y avait un maître par vingt-cinq élèves (20) ; Si l'école n'avait pas vingt-cinq élèves, elle n'était pas dirigée par un maître spécial, mais par le Hazzan (21), le factotum de la synagogue, dont nous parlerons ailleurs (22).
Tous ces détails, donnés par les Talmuds sur les écoles d'enfants en Palestine, et d'autres encore, très nombreux et très précis, ne se rapportent pas à l'époque de l'enfance de Jésus, puisque les écoles publiques ne furent établies pour la première fois qu'en l'an 64 (23).

Quels moyens d'instruction y avait-il à Nazareth entre l'an 4 avant l'ère chrétienne et l'an 10 après, c'est-à-dire lorsque Jésus enfant y grandissait? S'y trouvait-il déjà une école libre, une classe des enfants du bourg dirigée par le Hazzan ? Cela nous semble infiniment probable, quoique nous n'ayons aucun texte à citer à l'appui de notre opinion. Il y avait peut-être le jour du sabbat une catéchisation, ce que nous appelons aujourd'hui l'école du dimanche, car les Talmuds parlent du Hazzan, qui enseigne la lecture aux enfants le jour du sabbat (24), et ils recommandent aux mères de mener les enfants à la synagogue (25). En tout cas, l'éducation ne ressemblait nullement à la nôtre. Dès que l'enfant savait parler, sa mère lui apprenait un verset de la Loi. Elle choisissait ceux qui se rapportaient à la proclamation de l'Unité de Dieu et à l'élection d'Israël (26). Quand il le savait, il en apprenait un autre; puis on lui mettait entre les mains le texte écrit des versets qu'il pouvait réciter. Cette écriture était l'écriture assyrienne encore usitée de nos jours. Il apprenait à connaître les lettres, et à force de les répéter en cadence avec ses petits camarades, il finissait par savoir lire (27). Nous ne pensons pas que Jésus reçut d'abord d'autre instruction que celle-là. A l'âge de douze ans, la récitation du Schema (28), dont il savait sans doute depuis longtemps les paroles par coeur, fut pour lui obligatoire comme pour tous les jeunes Israélites, ses contemporains. Nous aimons alors à nous le représenter, de retour de son premier voyage à Jérusalem, commençant à « s'occuper des choses de son Père », empruntant pendant la semaine le manuscrit de la synagogue et y étudiant la Thorah et les prophètes, surtout Esaïe et Jérémie qui semblent, d'après son enseignement, avoir été ses auteurs préférés (29).

Se procura-t-il d'autres livres? Lut-il Daniel, Hénoch, les Psaumes de Salomon ? Nous n'en savons rien. Le livre de Daniel ne devait pas se trouver à Nazareth. Il est probable cependant qu'il put se le procurer, car il était très étudié alors et ses discours eschatologiques nous montrent qu'il le connaissait parfaitement. Quand au livre d'Hénoch, nous ne savons qu'une chose, c'est qu'il était aussi très goûté des contemporains de Jésus et que cette parole qu'il a prononcée sur Judas : « Mieux vaudrait pour cet homme n'être jamais né », s'y trouve presque textuellement; mais connut-il d'autres pseudépigraphes? Nous n'en avons aucune preuve. En tout cas, son premier livre fut la Loi, On disait autour de lui que c'était Moïse qui avait ordonné aux enfants d'apprendre les Lois les plus importantes, « qu'ils y étudieraient la meilleure science et y trouveraient la source du bonheur (30). » Josèphe parle de l'ardeur avec laquelle la jeunesse étudiait la Loi. Lui-même l'aurait connue tout entière à l'âge de quatorze ans (31). Philon fait aussi passer avant tout l'étude de la Loi (32) et saint Paul rappelle à Timothée que depuis son enfance il connaît les saintes Ecritures (33).

À douze ans, l'enfant devait observer la Thorah, et prenait le nom de Bâr Mitsvah. On le menait au Temple pour les fêtes et il commençait à jeûner régulièrement, en particulier le grand jour de la fête des expiations (34).

Le Pirké Aboth, dont certaines parties sont certainement antérieures au christianisme, fixe ainsi les divers degrés du développement de l'enfant (35) : « A cinq ans, il doit commencer les études sacrées; à dix ans, il doit se livrer à l'étude de la tradition; à treize ans, il doit connaître et accomplir les commandements de Jéhovah; à quinze ans, il doit perfectionner ses études ».
En somme tout cela était peu de chose; savoir lire, savoir peut-être écrire et pouvoir répéter par coeur les passages essentiels de la Thorah, telle était l'instruction des jeunes Israélites, du moins de ceux qui étaient élevés à la campagne.
Plus tard, si le jeune homme voulait devenir Rabbi, si les scribes de service à la synagogue lui avaient reconnu quelques aptitudes spéciales, ils l'engageaient à fréquenter leurs écoles et lui apprenaient à argumenter à la manière des Targoums et des Midraschims. Jésus n'a certainement jamais fréquenté ces écoles des Sopherim (36) : Du reste, l'absence d'éducation ne créait pas une infériorité. On se développait surtout par les relations sociales, par la fréquentation de ceux qui vous entouraient. La rareté des livres empêchait le travail isolé, l'étude individuelle. On apprenait de vive voix ce qu'on savait; on s'instruisait par le contact des hommes. Et puis, on avait. beaucoup de temps libre. Sous nos climats, l'ouvrier travaille douze à quinze heures par jour pour gagner sa vie et n'a pas le temps de s'instruire. En Orient, la pauvreté est inconnue; le labeur forcé et la lutte pour la vie le sont encore plus.

La nourriture et le vêtement suffisent. On n'a pas de besoins extraordinaires et la facilité de l'existence crée à tous de grands loisirs. Le Juif du premier siècle, comme l'Arabe d'aujourd'hui, consacrait chaque jour de longues heures à la rêverie, et, quand il avait un peu travaillé de son métier et rempli ses devoirs envers la Loi, il pouvait à son aise se reposer et méditer. Mais chacun avait son métier; ordinairement celui de son père, car c'était le père qui devait apprendre à son fils à gagner sa vie. « Au père incombe la lâche, disent les talmuds, de circoncire son fils, de lui apprendre la Loi, et de lui enseigner un état (37) » Voilà pourquoi Jésus était charpentier (38). Rabbi Judas disait « Quiconque n'enseigne pas un état à son fils c'est comme s'il lui enseignait le brigandage (39) ». On évitait les métiers salissants et difficiles (40), les professions d'ânier, de chamelier, de batelier (41). Hillel et Aquiba, deux des plus illustres rabbins, étaient fendeurs de bois; Rabbi Johanan, cordonnier; Rabbi Isaac Nanacha, forgeron; saint Saül fut fabricant de tentes ou plutôt tisserand (42).


Table des matières

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LA VIE PRIVÉE (Suite, la femme)

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1 Eccli., XLII, 9, 10.
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2 Genèse, XXXV, 17; XXXVIII, 28.
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3 Ezéch., XVI, 4.
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4 Genèse, L, 23.
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5 Voir ce fragment de Philon traduit par E. Havet, le Judaïsme page 437.
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6 Ketouboth, 64, a.
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7 2 Rois, XI, 2.
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8 Genèse, XXI, 8.
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9 Luc, II, 21.
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10 Schabbath, fol. 137, 2.
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11 Ev. de Luc, I, 59.
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12 Jérus. Berakhoth, ch. 6.
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13 Ev. de Luc: II, 23, 24.
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14 Jérus., Ketouboth, VIII, Il.
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15 Babyl., Bava bathra. 21 a. .
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16 Babyl., Bava bathra, 21 a.
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17 Babyl., Bava bathra, 21 b.
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18 Babyl., Schabbath, 119 b.
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19 Babyl., Schabbath, 119 b.
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20 Babyl., Bava bathra, 21 a.
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21 Mischna, Schabbath, 1, 3.
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22 Voir liv. II, chap. VI. La Synagogue.
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23 Aussi croyons-nous que M. Sabatier a commis une erreur en disant qu'une école était toujours attachée à, la synagogue. Encycl. des sciences religieuses, art. Jésus-Christ, tome VII, p. 364.
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24 Schabbath, I, 8.
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25 Babyl., Berakhoth, fol. 17 a.
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26 Babyl., Taanith, 9 a; Souccah, 42 a.
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27 Test. des douze patriarches, Lévi, § 6.
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28 Voir sur le Schema, livre II, chapitre X, la Prière.
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29 Les familles juives avaient souvent des manuscrits de certaines parties de l'Ancien Testament; les plus pauvres se procuraient toujours quelques passages de la Loi et les Psaumes. Il est possible que Joseph et Marie possédassent un certain nombre de textes écrits.
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30 Jos., Ant. Jud., IV, 8, 12. Contr. App., II, 25.
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31 Jos., Vita, § 2. Contr. App., I, 12.
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32 Philon, Leg. ad. Caiunz, § 31.
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33 Il Timoth., III, 15.
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34 Joma, fol. 82, 1.
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35 Pirké Aboth, V, 21.
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36 « Comment sait-il les Ecritures ne les ayant point apprises? » Ev. de Jean, VII, 15; c'est-à-dire comment sait-il discuter avec les scribes, lui qui n'a jamais mis le pied dans leurs écoles.
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37 Tosaphot in Kidduschin, ch. I.
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38 Ev. de Marc, VI, 3.
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39 Babyl., Kidduschin, 29 a, 30 b.
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40 Babyl., Kidduschin, 30 a.
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41 Babyl., Kidduschin, 82 cc.
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42 Certains jeux des enfants juifs nous sont connus; il en est un mentionné dans les Évangiles où ils répétaient ces paroles : « Nous chantons et vous ne dansez pas, nous jouons de la flûte et vous ne vous lamentez pas. » (Ev. de Matth., XI, 17 et parall.) Il est probable, d'après ces paroles, qu'ils s'amusaient à représenter, soit les cérémonies d'un mariage, soit celles d'un enterrement. Ils aimaient aussi à jouer avec des oiseaux apprivoisés. (Job, XLI, 5; Catulle, II, 1-4 ; Plaute, Captiv., acte V, 4 et 5.)

 

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