Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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LA PALESTINE AU TEMPS DE JÉSUS-CHRIST

Sous-titre


INTRODUCTION
LES SOURCES DE CE LIVRE



La formation des traditions rabbiniques. - Quand elles furent écrites. - La Mischna. - Les Guemaras. - Celle de Jérusalem. - Celle de Babylone, - Les Midraschims.


3° LES TALMUDS

Après la restauration d'Esdras et de Néhémie, lorsque le peuple l'ut tout entier devenu fidèle et que la Loi fut lue régulièrement dans les synagogues, il se forma des collèges de docteurs plus spécialement versés dans l'étude du texte sacré et dans son interprétation. Ces docteurs de la Loi, appelés aussi scribe (1), étaient consultés dans les cas difficiles. lis prenaient la parole à la synagogue pour donner, de la lecture qui venait d'être faite, un commentaire instructif à la fois et édifiant. Ils eurent bientôt une grande influence; leurs paroles les plus remarquables étaient retenues de mémoire par leurs disciples. Ceux-ci les citaient; elles passaient de bouche en bouche; elles se conservaient. Peu à peu ces paroles prononcées par des maîtres vénérés prirent une autorité religieuse considérable. Quelques-uns de ces développements des scribes devinrent même presque indispensables à quiconque voulait observer fidèlement la Loi. Prenons, par exemple, le commandement qui interdisait tout travail le jour du Sabbat: cet ordre à la fois vague et absolu avait besoin d'être commente. Assurément, certain travail était permis : on pouvait se lever, se vêtir, manger et boire ce jour-là, on pouvait marcher, puisqu'on devait aller à la Synagogue. Il fallait donc expliquer nettement ce qui était permis et ce qui était défendu. Les scribes le firent; ils découvrirent trente-neuf espèces d'occupations interdites (2).

Ce commentaire important devait naturellement être connu de tous. Il formait, avec les commentaires semblables sur les autres parties de la Loi, une sorte de seconde Loi développant et précisant la première, « l'entourant d'une haie », c'est-à-dire de préceptes qui la protégeaient et aidaient à son observation (3).

On ne manqua pas, quand un certain nombre de générations de docteurs de la Loi eurent passé, de faire remonter les paroles des plus célèbres d'entre eux jusqu'à Moïse. Ce n'était pas eux, disait-on, qui avaient prononcé les premiers ces paroles. Elles leur avaient été transmises. C'est Moïse qui en est l'auteur. En réalité, il n'y avait pas eu de scribes avant Esdras; il n'y avait pas une seule de ces traditions orales, sur la manière d'appliquer la Loi, qui remontât même à l'exil. Toutes dataient au plus tôt de la Restauration, et la plupart y étaient très postérieures; mais il fallait, pour que la Loi orale eût autant d'autorité que la Loi écrite, l'attribuer à Moïse lui-même. Il fut donc convenu que Moïse avait donné, outre sa Loi écrite, une Loi orale aussi importante qu'elle, destinée à développer et à expliquer la première. Cette Loi orale, transmise de Moïse aux soixante-dix anciens, des soixante-dix anciens aux membres de « la grande Synagogue » (4), était parvenue, passant de génération en génération, jusqu'aux écoles des docteurs de la Loi florissant au premier siècle. Hillel, le plus remarquable d'entre eux, songea le premier à écrire ces traditions orales. Devinant peut-être des cataclysmes tels que la tradition orale pouvait se perdre,

il jugea prudent de la fixer par l'écriture. Il est certain que de son temps, à Jérusalem, on rédigea un texte, recueil des principales traditions rangées sous six titres déterminés. Nous ne savons ce que devint ce texte et s'il contribua dans une mesure quelconque à la rédaction de celui qui nous a été conservé et qui fut rédigé beaucoup plus tard. Si Hillel songea à mettre un peu d'ordre dans les traditions en usage de son temps, ce fut surtout Rabbi Aquiba, au commencement du second siècle, qui se préoccupa de classer les traditions orales et les arrangea par ordre de matières. Ce code écrit prit le nom de Mischna. Il a été perdu lui aussi (5), nous ne possédons plus que la Mischna de Judas le saint, rédigée vers la fin du second siècle, mais elle relève directement de celle d'Aquiba. A cette époque, les docteurs Juifs ne faisaient plus que compiler les paroles de leurs prédécesseurs et n'avaient plus aucune originalité. Le mot Mischna a été traduit par Epiphane (6)« répétition » (de la Loi). Il répond peut-être davantage à « reproduction de paroles sues par coeur » ; ou « leçons orales ». La Mischna est divisée en six parties (Seder, sedarim); c'est la division de Hillel. pi s'était conservée. Les six parties forment ensemble soixante-trois traités; chaque traité est divisé en chapitres et chaque chapitre en versets. Cette Mischna, qui avait une autorité souveraine avant d'être écrite, en prît une plus grande encore quand elle fut rédigée. Pour la plupart des Juifs, elle remplaça la Loi. Le livre sacré était supplanté par le commentaire. Ce commentaire, cette Mischna, devenue la Loi, remplaçant la Thora qu'elle expliquait, fut expliquée à son tour, et les docteurs, après avoir lu la Mischna à leurs disciples, ne manquaient pas de leur donner un développement interminable de la lecture qu'ils venaient de faire. Ce développement, ils ne le puisaient pas dans leur propre fonds. Nous l'avons dit, à partir d'Aquiba il n'y eut plus de préceptes originaux en Israël; ils le puisaient dans la partie de la tradition restée orale, ils disaient comment tel ou tel grand docteur du passé comprenait ce passage de la Mischna et il se forma une troisième Loi. Cette troisième Loi se fit à la fois dans deux endroits différents, dans les .deux grands centres juifs des premiers siècles : Sura en Babylonie et Tibériade en Palestine. La Mischna avait, en effet, été portée à Sura par Abba Areka, surnommé Rab, disciple de Judas le saint. Ces commentaires nouveaux furent écrits à leur tour; on les appela Guemaras (compléments). Il y en eut deux: la Guemara dite de Babylone, faite à Sura, et la Guemara dite de Jérusalem, faite à Tibériade. D'ordinaire, au lieu du mot Guemara, on emploie le mot Talmud (du verbe Lamad, apprendre), c'est-à-dire science, discipline, doctrine par excellence. Il y a donc deux Talmuds : celui de Babylone et celui de Jérusalem, et tous deux sont, le développement et le commentaire de la Mischna. Celle-ci ne fait pas partie des Talmuds. Elle en a été seulement l'occasion. Elle a été le texte des discussions talmudiques, comme la Loi de Moïse avait été le texte à propos duquel la Mischna s'était formée.

On distingue dans la Mischna et dans les Talmuds deux sortes de développements. Ceux qui sont purement juridiques, qui se rapportent exclusivement à la Loi, et ceux qui sont destinés à édifier le lecteur, à nourrir son âme, à lui faire du bien. Tout ce qui se rapporte à l'étude exclusive de la Loi s'appelle halaka (règle de conduite); c'est l'élément légal de la tradition, le strict développement du texte qui précède, c'est-à-dire de la Thora pour la Mischna, de la Mischna pour les Talmuds. Les parties édifiantes, plus larges, plus populaires s'appellent Agada (récit, du verbe agid, s'exprimer). La première sorte d'exégèse, la halaka, était chère à l'école de Schammaï; la seconde, l'agada, était préférée par les disciples de Hillel. L'enseignement de Jésus dans le sermon sur la montagne, dans les paraboles, certaines parties des épîtres de saint Paul, se rattachent à l'Agada.

La Mischna est écrite en hébreu. Voici les titres des six livres qui la composent:

1° Des semences (il traite des lois sur l'agriculture, des bénédictions ou prières, des dîmes dues aux prêtres, aux lévites, aux pauvres, de l'année sabbatique, des mélanges interdits dans les plantes, les animaux, les vêtements) ;

2° Des Fêtes (il traite des cérémonies accomplies les jours de fête et des travaux qui y sont interdits) ;

3° Des Femmes (il traite du mariage, de la famille, du divorce, etc.);

4°Des Dommages (il traite de la législation civile et criminelle, de l'idolâtrie, du sanhédrin, tribunal suprême, et se termine par le fameux traité des Pères, recueil des anciennes maximes des rabbins);

5° De; Saintetés (sacrifices offerts au temple et description du temple) ;

6° Des Purifications (lois sur la pureté).

Ce simple énoncé suffit à montrer l'importance capitale de la Mischna dans l'étude que nous entreprenons. On peut dire qu'elle est une source jamais tarie des renseignements les plus étendus à la fois et les plus circonstanciés sur la vie juive au premier siècle. Elle date de l'époque de Jésus-Christ, car si elle a été rédigée longtemps après lui, elle est cependant le résumé fidèle et sûr de ce que pensaient et disaient ses contemporains. Nous croyons même que les traditions qui sont à sa base sont au moins de deux siècles antérieures à l'ère chrétienne.

Le Talmud ou Guemara de Babylone renferme, nous l'avons dit, les discussions des écoles de Babylonie et en particulier de celle de Sura. Commencé par Asché, continué par son fils Mar, et par son disciple Marimor, il ne fut achevé que vers l'an 550. C'est un énorme recueil qui, traduit et imprimé, ne renfermerait pas moins de soixante volumes in-8° ; et cependant le style en est concis jusqu'à l'obscurité. Il est écrit en araméen. Nous lui ferons quelques emprunts mais en petit nombre, car il ne reproduit que très imparfaitement la physionomie du Judaïsme de Palestine. Le Talmud de Jérusalem, au contraire, écrit aussi ,en araméen, et rédigé à Tibériade, aura pour nous une réelle importance. Il fut écrit vers 350, il est donc plus ancien que l'autre ; plus court aussi puisqu'il ne renferme que la matière de 12 vol. in-8°.

D'ordinaire, on comprend la Mischna dans les Talmuds, et, dans le titre de cet ouvrage, nous avons suivi cet usage. L'expression les Talmuds implique pour nous la Mischna qui en est le texte aussi bien que les Guemaras qui en sont le développement. Cependant cette expression est impropre, nous l'avons expliqué ; les Talmuds ne sont, exactement parlant, que les Guemaras. A vrai dire, la Mischna est la principale source rabbinique du livre que nous publions. Elle est courte, facile à consulter et a l'avantage de reproduire très exactement une époque voisine du premier siècle, sinon le premier siècle lui-même. Les Guemaras sont beaucoup plus longues à lire et leur étude est des plus fastidieuses. Elles sont très mal faites, ou plutôt ne sont pas faites du tout. Elles nous offrent, jetées pêle-mêle, et dans une confusion inextricable, les discussions des rabbins. Il n'y a, dans ces pages interminables, ni style, ni ordre, ni talent ; la langue en, est aussi déplorable que la pensée, la forme que le fond. L'une est barbare, l'autre est inintelligible. C'est un fatras, un insupportable fatras dont l'ensemble forme un des ouvrages les plus repoussants qui soient au monde. Il faut le lire cependant, car on y trouve ça et là une perle précieuse. Elles sont rares, mais belles, et il vaut la peine de les chercher quand on sait qu'il s'agit de deviner un monde disparu, de reconstituer une société perdue, le monde et la société dans lesquels a vécu Jésus. Mais quel contraste entre l'Evangile et les Talmuds! Se dire que ces deux livres sont sortis de la Palestine, presque à la même époque, confond l'imagination. On nous affirme quelquefois que le christianisme est naturellement sorti du Judaïsme de son temps, que la plupart des maximes évangéliques avaient été prononcées avant l'ère chrétienne et que « le noble et doux Hillel a été le frère aîné de Jésus. » Eh bien, ces affirmations ne correspondent à aucune réalité historique. Le meilleur traité de la Mischna, le Pirké Aboth, est séparé par un abîme des préceptes de la morale évangélique. Nous avons étudié le Judaïsme du temps de Jésus avec la plus grande sympathie, désireux de le trouver plus près du Nouveau Testament que ne le pensent en général les chrétiens, et de découvrir les précurseurs du Christ. Nous croyions même d'avance à cette découverte. Nous avons parlé ailleurs de « libéraux » (7), précédant Jésus-Christ et préparant les voies à une réforme. Nous déclarons/ici qu'une étude plus attentive du Judaïsme du premier siècle a modifié nos vues sur ce point. L'Evangile a été préparé par l'Ancien Testament, par les prophètes, mais nullement par les rabbins et par les écoles (les scribes. Hillel n'a jamais été un libéral au Vrai sens de ce mot. Il est resté toute sa vie un casuiste comme les autres, et il faut en finir avec la plaisanterie du libéralisme de Hillel. Les Talmuds, que nous avons étudiés avec le désir d'y trouver quelque chose de vrai et de grand, un peu de largeur un peu d'air respirable et de vie pour l'âme, les Talmuds ne sont, répétons-le, que le fatras le plus incompréhensible, le livre le plus ennuyeux et le plus ridicule qu'on puisse imaginer. Nous ne craignons pas d'être démenti par personne, sauf par les Israélites modernes, cela va sans dire - car ils jugent cette question avec un parti pris évident. L'Evangile a été la lumière brillant tout à coup au sein des ténèbres. Il est le contraire de ce qu'on pensait et disait de son temps. Loin d'être préparé par son milieu, il a été avant tout une réaction formidable et implacable contre lui. Son apparition subite, ne peut s'expliquer autrement. Il est une réaction. Le contraste est absolu entre la parole de Jésus et la parole des scribes. Jésus a été donné aux hommes. Il venait de Dieu et Dieu le leur a « livré. » Tel est le résultat impartial, scientifique, purement désintéressé, des ,longs travaux auxquels nous nous sommes adonné et nous bénissons Dieu de nous avoir mis au coeur d'entreprendre une étude dont notre foi sort ainsi fortifiée (8).


Table des matières

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1 Nous traitons en détail de l'origine des Scribes et de leurs fonctions, Livre II, chapitre III.
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2 Voir Livre II, chapitre VII, Le Sabbat
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3 C'est la dont il est parlé Ev. de Mat., XV, 2; Ev. de Marc VII, 3
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4 Pirké Aboth, I, 1. Voir Livre II, chapitre Il, Hillel et Schammaï, et chap. III, Les Docteurs de la Loi.
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5 Epiphane, hoer., XV, 33, 9; Talm. Babyl., Horajoth, 13 b.
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6 Epiph., hoer., XV, 33, 9.
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7 Les Idées religieuses en Palestine à l'époque de Jésus-Christ chap. XII, Les libéraux.
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8 Outre les Talmuds, nous utiliserons quelques ouvrages dans lesquels se sont aussi fixées les traditions des rabbins, on les appelle chim (pluriel de Midrasch, interprétation, commentaire. Le verbe darasch signifie fouler aux pieds et par ext. scruter, étudier). Les Midraschim sont des commentaires bibliques. Les plus anciens sont contemporains de la Mischna. Ce sont le traité Mechilta sur une partie de l'Exode, le traité Sifra sur le Lévitique, le traité Sifre ou Sifri sur les Nombres et le Deutéronome.
Les citations fréquentes faites de ces ouvrages dans les Talmuds prouvent leur ancienneté. Ils datent au moins de l'époque d'Aquiba (commencement du second siècle) Enfin nous aurons occasion de citer quelques traités d'histoire, le Megillah Taanith (livre du jeûne) et le Seder olam ou Seder alam rabba, explication de l'histoire biblique depuis Adam jusqu'à Alexandre le Grand avec quelques notes sur l'époque qui a suivi la mort d'Alexandre.

 

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