LES HEUREUX
V
AFFAMÉS
ALTÉRÉS DE JUSTICE
Heureux ceux qui ont faim et soif de
justice, car ils seront
rassasiés.
MATTHIEU V, 6.
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Le cortège de ceux que Jésus
déclare bienheureux continue, avec son
caractère de plus en plus étrange,
qu'il s'agisse de l'état de ceux qu'il
décrit ou de la promesse qui leur est faite.
Après les pauvres en esprit ou les humbles,
après les affligés ou les gens en
deuil, après les doux ou les
débonnaires, voici ceux qui ont faim et ceux
qui ont soif, c'est-à-dire qui
éprouvent un besoin impérieux
à satisfaire, tellement impérieux
que, s'il n'est pas satisfait, la vie devient
impossible: les pauvres en esprit, les
affligés, les doux peuvent être tels
et vivre, les affamés, les
altérés ne le peuvent pas, si leur
faim n'est pas apaisée, si leur soif n'est
pas étanchée; c'est
pour eux une question de vie ou
de mort et ce sont ceux-là que Jésus
proclame heureux. Pourquoi donc? Parce qu'ils
seront rassasiés. N'est-ce pas plus que
d'être membres du royaume, consolés,
héritiers de la terre ? Être
rassasiés, n'est-ce pas l'abondance ? quand
on l'est, on ne désire plus rien, on a tout
ce dont on avait besoin.
J'ajoute que cette béatitude est
aussi frappante dans l'Évangile de Luc qui
ne parle que du besoin matériel : «
Heureux ceux qui ont faim ! » que dans
Matthieu qui se place au point de vue spirituel :
« Heureux ceux qui ont faim et soif de
justice. » Je ne sais laquelle des deux
leçons nous devons choisir, probablement que
les deux sont vraies, et que Jésus en
développant sa pensée a fait allusion
aux affamés de l'une et de l'autre
espèce. La faim physique ne produit-elle pas
souvent la faim spirituelle? Les pauvres, ceux qui
n'ont pas de quoi manger, ceux qui souffrent dans
leur corps par le fait de leur misère, ne
sont-ils pas mieux préparés que
d'autres pour connaître la faim et la soif de
la justice, car leur position difficile leur fait
voir les innombrables injustices dont les hommes
souffrent aujourd'hui comme autrefois. Quand ou a
tout en abondance, quand on peut manger à sa
faim et boire à sa soif, on n'est que trop
porté à trouver que le monde va bien
et à ne rien
désirer de plus : pourquoi changer ce qui va
si bien ? Parce qu'on ne manque de rien on devient
aveugle, sourd et parfois dur en face des
injustices d'ici-bas. Jésus n'avait pas tort
de déclarer qu' « il est plus facile
à un chameau de passer par le trou d'une
aiguille qu'à un riche d'entrer dans le
royaume de Dieu»
(Marc X, 25). Il avait de bonnes
raisons de reprocher à l'église de
Laodicée sa tiédeur et de la menacer
de la vomir de sa bouche parce qu'elle disait :
« Je suis riche, je me suis enrichie et je
n'ai besoin de rien et qu'elle ne savait pas
qu'elle était malheureuse, misérable,
pauvre, aveugle et nue »
(Apocalypse III, 17).
Ah ! certes, nous ne voulons pas dire
à ceux qui souffrent de la faim que leur
souffrance est légère et que leur
position est privilégiée, mais nous
ne pouvons pas nous empêcher de leur rappeler
que leur souffrance même et les
difficultés de leur position peuvent
être et devenir de plus en plus une source de
bénédictions, quand ce ne serait
déjà que parce qu'elle éveille
en eux le besoin de la justice.
Pour se rendre compte de la
portée de la parole de Jésus, il faut
avoir rencontré des gens qui souffrent
réellement de la faim, qui sentent leurs
forces s'en aller faute de nourriture, qui
n'arrivent pas à remplir leur tâche
parce qu'ils ne sont pas assez
soutenus physiquement ou qui traversent des temps
de chômage bien involontaires,
désirant travailler et n'y
réussissant pas. Il faut avoir surtout
rencontré ceux qui, pères ou
mères, n'ont pas de quoi donner à
manger à leurs enfants et qui les entendent
leur dire la tristesse dans le regard: « Oh !
papa, oh! maman, j'ai si faim que j'en ai mal
à l'estomac ! »
Quand je rencontre de ces cas-là,
je voudrais prendre ceux qui ont tout en abondance
et les mener auprès de ces malheureux, ils
verraient ce que c'est que la détresse
humaine et combien l'injustice des positions si
différentes est parfois révoltante.
Jésus le savait, lui qui était
pauvre, lui qui probablement n'avait pas toujours
de quoi manger à sa faim et qui
commença son ministère en
étant affamé, à tel point que
le tentateur s'en servit pour tâcher de le
perdre. Il avait donc l'autorité voulue pour
parler de la faim et pour dire à la foule
qu'il devait nourrir plus tard et rassasier de
pains et de poissons : « Heureux ceux qui ont
faim, car ils seront rassasiés ! » et
il savait mieux que personne ce qui se cache
d'injustices derrière la faim et la soif non
satisfaites de tant de malheureux. Avec quelle
émotion profonde et joyeuse en même
temps il pouvait parler de rassasiement, lui qui
était prêt à rassasier
pleinement ceux qui l'entouraient.
Dans la crise que nous traversons
aujourd'hui, il est probable que
l'expérience de la faim physique va se
généraliser, les vivres
renchérissent tous les jours, les
dépenses effroyables et inutiles que font
les gouvernements pour soutenir la guerre, les uns
pour se défendre, les autres pour attaquer,
vont rendre la situation économique de plus
en plus difficile, il est des riches qui ne mangent
plus à leur faim et qui commencent à
comprendre les malheureux dont la faim est devenue
le pain quotidien, il est des gens parfaitement
honorables qui n'ont plus de travail et qui n'osent
avouer à quel point leur situation devient
pénible. Cela est triste,
profondément triste, mais qui sait si ce ne
sera pas le moyen dont Dieu se servira pour
révéler à notre
génération frivole et souvent folle
à quel point elle a besoin de Dieu. Ce qu'il
faut souhaiter, c'est que ce ne soit pas cette
faim-là seulement qu'elle connaisse, mais
qu'elle fasse l'expérience de l'autre, de
celle qui fait la noblesse de l'être humain,
la faim et la soif de la justice ; il faut demander
à Dieu que nos contemporains comprennent que
l'homme ne vivra pas de pain seulement et qu'il y a
en lui des besoins spirituels plus impérieux
encore que les besoins physiques.
N'est-ce pas la faim qui a ramené
l'enfant prodigue à la maison paternelle? et
n'est-ce pas le pain quotidien
que Jésus nous conseille de demander dans
l'oraison dominicale en même temps que nous
prions pour que son règne vienne et que sa
volonté soit faite sur la terre comme au
ciel ? Certains symptômes nous font
espérer que telle va être
l'expérience de beaucoup, et c'est pour cela
qu'il ne faut pas craindre la souffrance et nous
garder avec soin d'intervenir pour empêcher
la main de Dieu de couper, d'émonder, de
dépouiller autant que ce sera
nécessaire. Beaucoup protestent contre les
injustices de la guerre actuelle, ils n'ont pas
tort, mais à la condition qu'ils se rendent
bien compte de la valeur infinie de cette chose qui
parait toute simple et qui est aussi divine
qu'humaine : la justice, c'est-à-dire le
fait de rendre à chacun ce qui lui est
dû, cette justice dont le livre des Proverbes
disait déjà qu' « elle
élève une nation, tandis que le
péché est la honte des peuples »
(XIV, 34), dont le prophète
disait à son tour que le Messie «
annoncerait la justice aux nations., qu'il ne se
découragerait point et ne se
relâcherait point jusqu'à ce qu'il ait
établi la justice sur la terre »
(Ésaïe XLII, 1 et 4), et
dont l'Évangile nous dit enfin : «
Cherchez premièrement le royaume de Dieu et
sa justice, et tout le reste vous sera donné
par dessus»
(Matthieu VI, 33). Pour en arriver
là il faut, me semble-t-il, passer par les
trois phases suivantes qui sont
comme les trois jalons de la route à suivre
si l'on veut atteindre le royaume de Dieu et sa
justice :
- 1. Justice pour nous.
- 2. Justice autour de nous.
- 3. Justice en nous.
Nous commençons tous, sans exception, par
vouloir la justice pour nous, en ce sens que nous
réclamons que les autres hommes, et j'ajoute
Dieu lui-même, soient justes à notre
égard. Si nous sommes les victimes d'une
injustice, d'ordinaire cela nous révolte,
nous avons beaucoup de peine à la supporter,
nous demandons une réparation, et si nous ne
l'obtenons pas, nous gardons au coeur de la
révolte ou tout au moins de l'amertume. Que
de gens sont aigris tout simplement parce qu'on a
été injuste avec eux ! que de gens
accusent même les circonstances d'avoir
été injustes à leur
égard ! Déjà l'enfant, le
petit enfant réclame impérieusement
la justice pour lui, rien ne le fâche comme
une punition injuste, il se passera plutôt de
tendresse, de caresses, de baisers que de justice,
et s'il est puni sans l'avoir mérité,
il protestera de toutes ses forces, ou, s'il n'ose
pas le faire, il bouillonnera intérieurement
: si l'injustice se répète,
il deviendra un
révolté, ou bien un
résigné, et il y aura alors en lui
comme un ressort brisé. Au contraire, si
vous le punissez justement, il pourra bien se
révolter d'abord, mais petit à petit,
souvent même très vite, il acceptera
la punition quand sa conscience aura parlé
et qu'elle lui aura reproché ses
torts.
Ne nous étonnons pas qu'il en
soit ainsi, cette faim et cette soif de justice
pour nous est la marque de notre origine divine, la
preuve que nous avons été
créés à l'image d'un Dieu qui
est la justice même et qui nous est
représenté symboliquement dans
l'Apocalypse comme assis sur un trône, image
de la justice. « L'Éternel se
revêt de la justice comme d'une cuirasse
(Ésaïe LIX, 17).
L'Éternel aime la justice
(Psaume XXXIII, 5). En Dieu la
bonté et la fidélité se
rencontrent, la justice et la paix s'embrassent; la
fidélité germe de la terre et la
justice regarde du haut des cieux
(LXXXV, 11 et 12). La justice est la
base de ton trône »
(LXXXIX, 15).
Il faut avouer cependant que si nous
n'allons pas plus loin nous pouvons bien
connaître Christ, en faire
l'expérience, mais d'une façon
singulièrement incomplète. Nous
croirons avec l'apôtre que «
Jésus-Christ nous a été fait
de la part de Dieu sagesse et justice »
(I Corinthiens I, 30), mais d'une
façon toute extérieure, il nous
apparaîtra bien plus comme un
défenseur, j'allais dire un vengeur, que
comme un Sauveur. Nous verrons en lui un juge
plutôt qu'un ami. Nous risquons d'en rester
à l'état d'âme des fils de
Zébédée qui demandaient que le
feu du ciel tombât sur une bourgade de
Samarie, parce qu'elle n'avait pas voulu les
recevoir
(Luc IX, 54). C'est bien une faim et
une soif de justice que nous éprouvons, mais
qui manquent de profondeur et dont le rassasiement
ne pourra pas être complet.
Vient alors la seconde phase, celle de
la justice autour de nous : ceux qui sont plus
évolués, ceux qui ont commencé
à sortir de cette prison qui s'appelle le
moi, à descendre de cette tour d'ivoire qui
est l'égoïsme, découvrent autour
d'eux bien d'autres injustices que celles dont ils
ont été les victimes ; ils
s'aperçoivent que la justice n'est pas plus
autour d'eux que pour eux, et alors, se
solidarisant avec leurs semblables, ils commencent
à souffrir des injustices qui les
atteignent. N'est-ce pas la suite logique de la
première expérience ? Si vraiment ils
veulent la justice pour eux, ils doivent, en vertu
même de ce besoin de justice, la vouloir pour
les autres, et comme ils ne la trouvent pas oui que
très rarement, ils sont de plus en
plus irrités, de plus en
plus révoltés, et cette
révolte et cette irritation produisent
parfois de la haine contre autrui, et une haine
d'autant plus dangereuse qu'elle est née
à propos de leur prochain qu'ils veulent
défendre et que parfois ils défendent
avec une véritable noblesse.
Je pense ici à Moïse quand,
à quarante ans, élevé à
la cour de Pharaon, il aperçut un
Égyptien qui maltraitait l'un de ses
compatriotes. Immédiatement, sans même
réfléchir, emporté par sa
généreuse nature, il prit la
défense de celui qu'on oppressait et il
n'hésita pas à tuer
l'Égyptien, quoique, l'Écriture le
déclare « la colère de l'homme
n'accomplisse pas la justice de Dieu »
(Jacques I, 20). Il me semble voir
dans ce jeune homme au caractère ardent et
chevaleresque l'image de cette foule qui va
grandissant aujourd'hui parmi les socialistes, les
anarchistes, les libres penseurs, même les
croyants, qui après avoir
réclamé pour eux des conditions
d'existence plus justes, s'aperçoivent
qu'ils ne sont pas seuls à souffrir des
injustices, ils font l'expérience de leur
solidarité avec une foule de gens dont
peut-être ils ne se souciaient pas jadis,
qu'ils méprisaient même parfois et
qui, pourtant, ont les mêmes droits qu'eux et
devraient jouir de la même justice. Notre
époque est à coup sûr
remarquable à cet égard, il devient
de plus en plus impossible
à notre génération de prendre
son parti des injustices d'ici-bas et la guerre
pourrait bien, sur ce point, ouvrir les yeux
à beaucoup de gens aveuglés
jusqu'ici. Je ne comprends pas qu'un vrai
chrétien ne soutienne pas les revendications
sociales lorsqu'elles correspondent à ce
besoin de justice qui tourmente l'âme
humaine; je ne comprends pas que certains d'entre
eux croient encore pouvoir remplacer la justice
parla charité et s'imaginent qu'une
aumône puisse remplacer un salaire
équitable. Dans la mesure où l'on a
compris, à la lumière de
l'Évangile, l'égalité de
principe entre tous les hommes, on ne peut plus
supporter qu'il y ait encore tant d'injustices
ici-bas.
Mais disons-le franchement, la justice
autour de nous ne peut pas nous suffire : si nous
en éprouvons le besoin, nous saluerons bien
en Christ le garant de cette justice, il pourra
nous apparaître comme le premier des
socialistes, il nous arrivera de crier à lui
pour qu'il fasse disparaître les injustices
qui existent encore, nous compterons sur lui comme
sur celui qui prépare « ces nouveaux
cieux et cette nouvelle terre où la justice
habitera »
(2 Pierre III, 13), mais nous n'irons
pas plus loin, et encore une fois si nous sommes
rassasiés, ce ne sera que partiellement, en
proportion de notre faim et de notre soif, et
nous ne comprendrons pas la
portée autrement plus grande de la
béatitude dont nous parlons aujourd'hui :
« Heureux ceux qui ont faim et soif de
justice, car ils seront rassasiés.
»
Si nous n'en restons pas là, si
nous allons jusqu'au bout, nous aurons faim et soif
de justice en nous, encore plus que pour nous et
autour de nous, car nous nous apercevrons que ce
que nous demandons aux autres, nous ne le leur
donnons pas nous-mêmes et que l'injustice est
encore plus en nous qu'autour de nous. Jamais je
n'oublierai cet anarchiste, terrible ivrogne en
même temps, qui, tandis qu'il était
esclave de sa passion, était
révolté contre le mal qu'il
découvrait tout autour de lui; il en voulait
aux riches à cause de leur
égoïsme, il haïssait les bourgeois
qui méprisaient l'ouvrier, il était
révolté contre Dieu qui, pour avoir
fait le monde si mauvais, était, le premier
des coupables si tant est qu'il existât; il
fallait, disait-il, tout transformer, tout
chambarder pour préparer une
société nouvelle, enfin bonne, parce
que « fondée sur la justice » ! Un
jour il signa la tempérance, il
renonça à sa terrible passion, il fit
mieux encore, il se convertit de tout son coeur
à Dieu, et aussitôt ses yeux
s'ouvrirent, il s'aperçut que l'injustice
était en lui encore plus qu'autour de lui et
que ce qu'il fallait changer tout
d'abord c'était son propre coeur. Il devint
un homme nouveau, un époux et un père
modèle, un citoyen dévoué, et,
à partir de ce moment-là, tout en
travaillant à la transformation de ses
frères et de leur milieu social, il fut tout
autrement patient, bienveillant à
l'égard des autres hommes parce qu'il avait
découvert l'état réel de son
coeur. Il fut dans le plein sens du mot
rassasié de justice quand il eut
trouvé Jésus-Christ.
Oui, l'injustice, elle est en nous, et
quand, par le réveil de notre conscience
éclairée par l'Évangile, nous
avons rencontré le Saint et le Juste,
Jésus-Christ, quand nous l'avons vu «
accomplissant toute justice »
(Matthieu III, 15), vis-à-vis
de son Père comme vis-à-vis de ses
frères, à l'égard de sa patrie
comme des autres pays, envers ses ennemis tout
aussi bien qu'envers ses amis, oh ! alors, nous
avons compris à quel point nous
étions injustes nous-mêmes, et ce qui
peut-être nous a le plus ému,
humilié, bouleversé, c'est de
découvrir que lui, qui seul parmi les hommes
aurait eu le droit de les juger, ne l'a jamais
fait. « Le Fils de l'homme est venu non pas
pour juger, mais pour sauver »
(Jean III, 17). Oh ! comme alors en
nous présentant devant Dieu, nous avons
senti le besoin de ne plus nous placer sur le
terrain de la Justice pure, et
comme la grâce nous est apparue belle et
souverainement attrayante, « car là
où le péché abondait, la
grâce a surabondé »
(Romains V, 20)! Comme nous avons
compris le symbole de l'arc-en-ciel entourant le
trône où Dieu était assis
(Apocalypse IV, 2) ! Il nous faut
certes un Dieu parfaitement juste, symbolisé
par le trône solide et inébranlable,
car nous sentons que lui seul peut garantir la
solidité du monde moral, mais il nous faut
tout autant le Dieu de la grâce, entrevu
à travers l'arc-en-ciel qui entoure le
trône : sans ce Dieu-là nous sommes
perdus, car la justice divine si elle est seule, va
nous condamner, elle ne peut faire
autrement.
N'est-ce pas là ce que nous
trouvons dans la personne adorable de notre
bien-aimé Sauveur ? N'a-t-il pas su, lui,
comme Dieu même, unir dans une
synthèse profonde la justice absolue de Dieu
et son infinie miséricorde? Que dis-je ?
elles sont en lui tellement unies qu'on ne peut pas
les distinguer l'une de l'autre: en Christ tout est
justice et tout est grâce en même temps
et, chose saisissante, la grâce
elle-même ne contredit pas la justice,
puisqu'elle en est l'expression suprême, Dieu
est trop juste pour ne pas faire grâce
à sa pauvre créature déchue
mais repentante, coupable mais
humiliée, aussitôt qu'elle s'humilie
et se repent.
Voilà pourquoi
Jésus-Christ en se présentant
à la foule pouvait dire avec une joie
profonde : « Heureux ceux qui ont faim et soif
de la justice, car ils seront rassasiés
». N'est-il pas là pour apaiser cette
faim et pour désaltérer cette soif ?
N'a-t-il pas accompli toute justice divine et toute
justice humaine, celui dont l'apôtre Paul
écrit qu'il nous a été fait de
la part de Dieu justice ? Et quand nous venons
à lui altérés de justice, pour
nous, autour de nous et en nous, il est capable de
satisfaire pleinement ce besoin impérieux,
en un mot, de nous rassasier, comme il le dit
lui-même. Il n'y a que lui pour
éveiller et intensifier la conscience, mais
en même temps il est le seul qui puisse
l'apaiser autant qu'il l'éveille et
l'intensifie.
Bien plus, lorsque nous l'avons
rencontré et qu'il a commencé
à apaiser notre faim et notre soif de
justice, il nous communique la certitude de «
ces cieux nouveaux et de cette terre nouvelle
où la justice habitera ». Nous en avons
comme la vision et nous la saluons d'avance avec
une joie intense, nous ne pouvons pas douter que
celui qui nous a personnellement et à ce
point satisfaits ne puisse pas satisfaire de
même toutes les créatures spirituelles
qui sont affamées et
altérées comme nous. À travers
Jésus-Christ nous contemplons et nous
saluons d'avance la terre nouvelle sur laquelle il
aura établi la justice et ces cieux tout
pénétrés de justice où
« Dieu sera tout en tous»
(I Corinthiens XV, 28).
Qu'ils viennent donc à lui sans
crainte ceux de mes lecteurs que tourmentent la
faim et la soif de justice et qu'ils comprennent
que c'est là un premier acte de justice que
le Christ a le droit de demander d'eux, acte
élémentaire, facile à faire,
mais que beaucoup hélas ! négligent,
tout en étant peut-être très
exigeants dans ce qu'ils demandent aux autres. Si
la justice consiste à rendre à chacun
ce qui lui est dû, comment hésiter
à rendre à Jésus-Christ ce qui
lui est dû de la façon la plus
légitime : le don d'eux-mêmes à
celui qui s'est entièrement donné
à eux, par l'abdication complète de
leur volonté propre entre les mains de celui
qui les a rachetés au prix de son sang.
- Jésus-Christ est ma sagesse,
- Il éclaire mon chemin,
- Et je marche en ma faiblesse
- Conduit par sa sûre main.
-
- Jésus-Christ est ma justice.
- Son sang a coulé pour moi;
- Je trouve en son sacrifice
- Paix et pardon par la foi.
-
- Jésus-Christ me sanctifie;
- Au divin cep attaché,
- Je reçois de lui la vie
- Qui m'affranchit du péché.
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