Heures du soir Méditations
QUATRIÈME PARTIE
MÉDITATIONS SUR
LA PRIÈRE
LA
PRIÈRE
D'autres étaient en
mer sur des navires, ils faisaient le commerce sur
les grandes eaux. Ceux-là ont vu les oeuvres
de l'Éternel et ses merveilles dans les eaux
Profondes. Il parla et un vent de tempête se
leva qui souleva les vagues de la mer. Ils
montaient aux cieux, ils descendaient aux
abîmes, leur âme était
éperdue de détresse ; ils
tournoyaient, ils chancelaient comme un homme ivre,
et toute leur habileté était
impuissante. Mais ils crièrent à
l'Éternel dans leur détresse, Il les
délivra de leur angoisse.
PSAUME CVII, 23 à 32.
Je voudrais, jusqu'à la
Pentecôte, vous entretenir de la
prière, en entrant dans l'intimité
chrétienne à ce sujet. Nous prendrons
quelques beaux textes classiques, aujourd'hui
quelque chose de général. La
prière nous apparaît comme un
instrument humain tellement fort, qu'il a comme des
racines dans tous les coeurs; nous avons ainsi un
point de départ pour guider les gens qui
cherchent.
Nous avons ici le point de
départ: « Dans leur détresse,
ils crièrent à l'Éternel
». On pourrait dire qu'en Israël on
n'aimait pas la navigation sur mer.
Dans l'Apocalypse il est
précisé : « Et la mer ne sera
plus ». Tandis que les Grecs, lorsqu'ils
voyaient la mer, se sentaient chez eux.
Xénophon et ses troupes se sentaient perdus
au désert; dès qu'ils revoient la mer
ils se sentent sauvés, ils s'écrient
: « La mer, la mer ! ». Ils ont
retrouvé la vie. Les peuples maritimes sont
ainsi; n'empêche que l'un des leurs a dit :
« Si quelqu'un veut apprendre à prier,
qu'il aille en mer ».
Il faut excuser les juifs anciens : en
ce temps-là les navires étaient
fragiles et n'avaient ni gouvernail ni boussole; il
y avait bien les étoiles, mais souvent
voilées... « Ils ont crié
à l'Éternel. »
Il est certain que tous les peuples de
tous les temps ont prié. Auguste Sabatier
disait qu'une histoire de la prière devrait
être écrite; Herber l'a fait, dans son
« Histoire de la religion du monde
».
Il y a des prières de toutes les
catégories, de toutes les qualités;
la prière chez les sauvages touche à
la magie, à la sorcellerie; mais avec cela,
même chez les peuples primitifs, comme les
Bassoutos, par exemple, on savait avant
l'arrivée des missionnaires, que l'on prie
la puissance invisible pour avoir du
secours..
Chez les Grecs, nous trouvons dans
Platon une pensée d'une grande
élévation : il s'agit de demander aux
dieux de nous donner le bien, quand même nous
ne le demanderions pas, et de nous refuser le mal
que nous avons demandé.
Auguste Comte ne croyait pas en Dieu,
mais il croyait en la prière; il
recommandait deux moments de prière par
jour.
Carlyle dit : «La prière
c'est l'instrument lumineux par excellence »;
et William James : « La raison suprême
pour expliquer la prière, c'est que nous ne
pouvons pas faire autrement que de prier
».
Il est certain que chez nous,
Français, avant la
dernière guerre, le sens
de la prière était en grande
régression, mais prêt à se
réveiller. À Maubeuge, un soldat me
dit : « Nous étions-là, un grand
nombre de gens qui ne priaient plus; en face du
danger, tout le monde priait ». C'est
instinctif. Est-ce un instinct supérieur, ou
est-ce un instinct inférieur ?
Quand il s'agit d'une âme
inférieure, tout ce qu'elle fait est
inférieur; mais l'instinct de la
prière est un grand et haut instinct de
notre nature, il va avec le sens religieux le plus
élevé. C'est ce sens spirituel que
nous avons, ce qu'il y a de plus haut en nous, qui
nous met en communion avec la source des plus
hautes forces morales qui puissent être, avec
Dieu lui-même.
Pour ceux qui prient par accès,
la prière ne change pas grand chose à
leur vie; mais l'homme de prière est un
homme marqué au front d'un sceau divin.
Il y a en ce moment dans notre peuple un
sentiment vif qui le ramène à la
prière; il y a comme une soif de revenir
à Dieu, comme un réveil du sentiment
religieux. Nous le voyons aussi chez certains
chrétiens; je le vois chez deux
médecins, l'un protestant, l'autre
catholique. Ils montrent tous deux comment la
prière leur ouvre des perspectives pour
soigner leurs malades; ils montrent comment la
prière agit sur le corps par la vaillance
qu'elle met dans l'âme : le corps se
transforme par le fait qu'on a prié,
l'âme étant en paix.
Nous sommes là en face d'une
source divine, d'une grâce qui nous est
donnée. Dieu met à notre disposition
ce moyen de le rencontrer; pour ceux qui arrivent
à une telle expérience de la
présence de Dieu, la vie est
transformée. Il y a quelque chose de si
supérieur, de si céleste, dans le
fait que l'homme est comme entouré de
l'invisible, par une force de Dieu qui vient
à son aide !
Nous sommes ébranlés, nous
avons prié, une réponse vient. Nous
devons ressaisir avec confiance ce grand secret
divin de force.
Beaucoup d'entre nous n'ont pas eu la
discipline nécessaire pour se
présenter devant Dieu sans qu'il y ait de
troubles dans l'adoration. Il faut mettre dans
l'adoration l'ordre et la discipline que l'on met
dans les choses qui ont tout notre respect, tout
notre amour.
.
II
Le
recueillement
Dieu, tu es mon Dieu, mort
âme a soif de toi, ma chair languit
après toi, comme une terre aride et sans
eau. Ah, si je pouvais te contempler dans le
sanctuaire pour voir ta Puissance et ta gloire...
car ta grâce vaut mieux que la
vie.
PSAUME LXIII.
Mais toi, quand tu
Pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et
prie ton Père qui est dans ce lieu
secret.
MATTHIEU VI, 5 et 6.
Je veux insister spécialement sur
ce passage « Toi, quand tu pries, rentre dans
ta chambre ». Le Seigneur, dans les versets
que nous avons lus, touche à deux
défauts qui existaient autour de lui : le
premier consistait à se tenir debout en
public pour prier. Ceci amène une
récompense terrestre; les hommes disant :
« Comme ils sont pieux ! » et un
châtiment céleste,
Dieu disant : « Retirez-vous de moi, vous qui
faites métier d'iniquité
».
Le deuxième défaut
consistait en l'apport d'un flux de paroles pour
contraindre la divinité à donner ce
qu'on lui demande. Le Seigneur montre que dans la
prière, nous devons avant tout rencontrer
Dieu, et le rencontrer dans un entier
recueillement. Nous nous sommes
arrêtés une première fois
à l'instinct magnifique que
représente la prière; aujourd'hui
nous nous arrêterons à la
prière qui est rencontre avec Dieu dans le
recueillement, la prière intime qui nous
commande de nous recueillir.
Naturellement nous pouvons prier
partout, toujours, nous prions sans cesse. Le
médecin, Thomas Hoove, qui avait l'habitude
de prier pour ses malades en allant les voir,
disait : « Il n'y a pas une rue de la ville
où je n'aie prié». Mais cela
n'empêche pas que dans notre recueillement
personnel de chaque jour, nous recherchions un
recueillement complet, pour que notre prière
ne soit pas dérangée.
Le recueillement doit être autant
matériel que spirituel. Pour cela il faut se
mettre à part, être seul là
où l'on prie. Ceci était nouveau au
temps de Jésus, où l'on vivait
entassés les uns sur les autres, et les
portes ouvertes. Le Seigneur, en disant ceci dit
quelque chose de magnifique et de tout neuf :
s'isoler pour prier.
« Ferme ta porte. » On ne le
peut pas toujours, dans les écoles, dans la
vie en commun, en dortoir, il faut alors
réaliser l'isolement par consentement
mutuel. Mais il n'y a dans le recueillement
matériel qu'une image et une
préparation au recueillement
spirituel.
Il faut y réfléchir, s'y
préparer. Il faut d'abord se recueillir pour
faire le silence intérieur, si nous voulons
prier fortement, et que rien ne vienne
intérieurement nous distraire. Il y a notre
imagination qui nous raconte
tant d'histoires, que, tout à coup nous
rêvons, et nous sommes honteux, en le
réalisant, de nous trouver à genoux.
Faisons alors comme Abraham (Genèse XV, 7
à 11), lorsque les oiseaux de proie
fondirent sur son sacrifice il prit un bâton
et les chassa. Chassons les oiseaux de notre esprit
! Faisons le silence intérieur : nous
pouvons alors parler à Dieu et entendre ce
qu'Il a à nous dire. Alors nous le
rencontrons; Dieu est là, présent; Il
est là si naturellement qu'Il est
présent à nos âmes; Il sait ce
qui se passe au dedans de nos coeurs. « Et ton
Père, qui est dans ce lieu secret, te
récompensera publiquement. »
PRIÈRE
Ô Seigneur notre Dieu, que
nous venions à toi en ayant faim et
soif de ta parole et de ta
présence, pour trouver
auprès de toi ce qu'il faut
à nos âmes, la purification
avant tout; que nous ne nous approchions
pas de toi avec des imperfections
acceptées.
Accomplis en nous
l'oeuvre nécessaire; purifie nos
âmes; aide-nous; donne-nous plus de
foi, plus d'amour, la charité
sincère qui saisit ce que tu nous
as promis, en partageant avec d'autres la
grâce que tu nous as
faite.
Nous t'en prions, au nom
de Jésus-Christ, Amen.
|
Nous sommes face à face avec Dieu,
nous devons réaliser sa sainte
présence; quand nous avons
réalisé cette rencontre, notre vie en
est transformée. Dans les groupements
d'étudiants chrétiens, il y avait le
principe du quart d'heure avec
Dieu; toute journée doit commencer avec
Dieu. Dix minutes, face à face avec Dieu; si
vous réalisez cela votre vie est
changée. « Il te voit dans ce lieu
secret... » Nous parlons à Dieu, nous
lui disons ce que nous avons à coeur de lui
dire, nous avons tant à lui dire ! Tout ce
qui trouble notre coeur, et les imperfections
cruelles qui sont en nous; nous lui parlons de tout
cela; c'est comme un courant d'eau qui passe sur
notre âme et qui emporte toutes les
souillures de la vie. Nous avons l'impression d'une
force qui vient au secours de notre faiblesse : la
force de Dieu devient notre force.
Vous appelez à votre secours
l'amour de Dieu, mais il faut qu'il passe en vous.
Vous appelez à votre secours la
volonté de Dieu, mais il faut qu'elle passe
en vous. Il y a toujours un exaucement.
.
III
Le combat
Et Dieu ne ferait pas
justice à ses élus qui crient
à Lui jour et nuit.
Luc XVIII, 1 à 8.
Nous avons vu jusqu'ici le respect,
le recueillement avec lequel il faut prier, et ce
que ce recueillement signifie : la prière,
une rencontre avec Dieu. Nous avons vu comment les
gens se recueillaient autrefois, dans la chambre
haute dont on ferme la porte. Au Zambèze,
les chrétiens qui voulaient se
recueillir se construisaient de
petites cases dans la forêt. On disait d'eux
: « Ils sont dans les arbres », cela
voulait dire : ils se recueillent.
Examinons aujourd'hui ce qu'il faut
penser de la notion que la prière est
souvent un combat. Le Seigneur nous donne bien
cette idée d'une prière
persévérante qui est une sorte de
lutte dans laquelle il ne faut pas se
lasser.
Certains pensent que c'est une lutte
contre Dieu, pour obtenir de force ce que l'on
désire. Le Seigneur ne compare pas Dieu au
juge inique, il nous dit tout le contraire : la
grâce de Dieu est prête à aider
le juste; à plaider pour nous, à
plaider avec nous. Qu'entendons-nous alors par le
combat de la prière ?
L'Ancien Testament nous en donne
bien des exemples. Jacob lutte avec l'ange
(Genèse XXXII, 24 à
32). Il s'agit d'un combat dans lequel Jacob
cherche une bénédiction. Que signifie
cette lutte avec un être céleste?
C'est un symbole bien clair de la lutte que nous
avons à soutenir contre un destin dangereux
et contraire. Ici, pour Jacob, c'est la perspective
de l'arrivée d'Ésaü. Dans
certaines vies, il y a des moments de lutte
excessivement difficiles; c'est bien alors cette
lutte de Jacob que nous avons à soutenir,
c'est un combat dans lequel Dieu nous aide. Dans la
Divine Comédie, lorsque le Dante nous montre
la nuit tragique qu'il a passée, nous avons
le sentiment d'un combat.
Dans d'autres cas : ceux qui se
repentent et veulent être sauvés ont
souvent une grande lutte à soutenir contre
eux-mêmes.
Psaume LI : « Aie pitié
de moi, ô Dieu, dans ta bonté, dans ta
grande miséricorde, efface mes
infidélités; lave-moi
entièrement de mon iniquité et
purifie-moi de mon péché... Ôte
mon péché avec l'hysope... efface
toutes mes iniquités... Crée en moi
un coeur pur ». Ici le
combat intérieur est très fort :
Arrache, purifie, lave, ôte, crée,
renouvelle ! La victoire est difficile contre tout
le mal qu'il y a dans la pauvre nature humaine ?
C'est bien un combat, mais pas contre Dieu : Il
nous aide.
Dans
Ephésiens VI, 10 à 20,
«saint Paul nous montre que la prière
est un combat : « Saisissez donc l'armure de
Dieu, afin de pouvoir résister au jour
mauvais, et demeurer debout après avoir
vaincu toutes les oppositions... Adressez à
Dieu toutes sortes de voeux et de supplications...
priant pour tous les saints et pour moi aussi
». Ici c'est contre les puissances du mal que
le combat doit se livrer avec toutes les armes que
Dieu nous donne. Le mal est très fort sur la
terre; le chrétien armé de sa foi et
de sa prière engage la lutte.
Enfin, la prière
d'intercession est aussi un combat.
Colossiens II, 1 à 3. «
Car je veux que vous sachiez combien grand est le
combat que je soutiens pour vous. » Il s'agit
de combattre le mal qui est chez les autres, et la
prière est une arme; pour les aider à
être délivrés; c'est
quelquefois une longue lutte. jeune fille, ma femme
avait une amie mondaine qu'elle essayait vainement
de convaincre de se convertir; constatant
l'inutilité de ses paroles, elle se tut et
se mit à prier pour elle; cela dura deux
ans. Au bout de ce temps, son amie vint à
elle et lui fit part de sa décision de se
donner à Dieu. « Depuis quand y
penses-tu ? » Et la réponse : « Il
y a deux ans que j'ai commencé d'y songer,
à présent j'y pense tout à
fait ».
Il semble que de tels exemples
doivent nous encourager, lorsque nous songeons
à prier pour les autres : prier toujours, ne
se lasser jamais.
Il y a des prières qui
doivent être permanentes; pour l'oeuvre des
missions, par exemple : nous ne devons pas prier de
temps en temps, mais
régulièrement,
toujours. Pour notre Église, cela n'a pas de
fin. Une mère prie pour son enfant, c'est un
combat qui ne cesse jamais.
Parfois la prière
d'intercession a pour objet la guérison d'un
malade. Luther priait pour la guérison de
Mélanchton, cette si belle et si grande
âme si nécessaire à son
Église; dans ce combat, ce n'était
pas Dieu qui résistait; mais il y avait une
maladie à vaincre. Dans ce cas la
prière est une force qui vient se combiner
avec les remèdes; les remèdes aident
le corps, la prière aide l'âme. Quand
le malade est très bas, il faut une
prière très puissante. Ce n'est pas
une lutte engagée contre Dieu, mais une
lutte dans laquelle Dieu aide. Si nous-mêmes
nous sommes faibles dans la foi nous faisons
d'autant plus d'efforts pour que le malade
guérisse, pour que l'enfant soit
sauvé. Ce sont des victoires qui ne peuvent
être remportées que par une foi
profonde. Prions sans cesse, ne nous lassons
jamais.
PRIÈRE
Ô Seigneur notre Dieu, lorsque
nous sommes devant des tâches
difficiles, de rudes épreuves qui
doivent être surmontées, mets
en nous cette foi qui doit remporter la
victoire. Donne-nous le sentiment que tu
es près de nous dans la
détresse. Que la prière
devienne une ressource permanente, un don
incessant que nous puissions recevoir de
toi, recevant de toi force après
force, chaque jour de notre vie. Nous t'en
prions, au nom de Jésus-Christ.
Amen.
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